...
C’est l’histoire d’un type qui aimait beaucoup le premier disque d’un groupe, beaucoup moins le second, et essayait en vain non de s’expliquer pourquoi (il le voyait très bien), mais de ne pas tomber dans l’excès inverse. Il n’aimait pas brûler le soir ce qu’il avait aimé le matin. Il détestait le syndrome du snob ne supportant pas les petits groupes au-delà d’un ou deux EPs. Sauf que voilà : il avait beau faire, il n’aimait pas du tout la dernière sortie de ces jeunes gens. Il faisait des efforts surréalistes, depuis des mois le réécoutait à intervalles réguliers, en digital puis sur ses grosses enceintes… mais jamais sa position ne variait : ce petit groupe qu’un an seulement auparavant il voyait déjà grand… ce petit groupe s’aventurait dans une direction qu’il n’avait aucune envie de suivre. Comme le groupe accordait une large place au concept, au-delà de la seule musique, il tenta dans un premier temps de passer par le support vidéo. Cela ne le faisait toujours pas. En désespoir de cause, il finit par accepter (c’est le mot juste, il y allait un peu à reculons) d’assister à une prestation live du duo. Le concert de la dernière chance, parce que tout de même, il n’avait pas que cela à faire de s’acharner à écouter un ouvrage qu’il n’aimait pas. Sans surprise, son avis fut plus nuancé, mais ne se convertit jamais complètement en positif. La seule différence, ce fut qu’après cela, il avait réellement un avis arrêté – plus seulement l’impression diffuse de ne pas « entrer dans le trip ».
Quoique. On pouvait effectivement considérer qu’As The Stars Fall (c’était le nom du groupe) était embarqué dans un trip que notre noble chroniqueur ne goûtait que très modérément. Un trip puissant, emphatique, grandiloquent à l’extrême, soit donc à peu près tout l’inverse de ce qui faisait le charme du premier disque. Celui-ci avait une âpreté, une sécheresse qui en relativisait l’emphase. Il ne se composait pas de beats agressifs donnant l’impression d’avoir pénétré dans une discothèque SM célébrant la fin des temps, mais de mélodies graciles et entêtantes, de celles qui vous trottaient dans la tête même si vous n’écoutiez quasiment jamais le disque lui-même. En comparaison le second disque, Redux, ressemblait à une chaîne de volcans en éruption, puissant mais très fatigant sur la longueur, et surtout d’un goût parfois un peu douteux.
Le concert fut à l’image de cela : une alternance de moments de grâce déchirés par des gimmicks vulgaires, des instants de recueillement gâchés par des résurgences de beats bourrins et gratuits (encore plus que sur le disque), et l’impression générale que le versant post-rock du groupe, le plus délicat et le plus convaincant, était en train de fondre comme neige au soleil, englouti par les synthés soviétiques et un goût manifeste pour le boucan. Voir les auteurs de choses aussi bouleversantes que "no… good… deed goes unpunished" (probablement l’un des plus beaux morceaux de l’année écoulée) se lancer dans d’interminables décrochages discoïdes avait quelque chose d’à la fois admirable (ces gens étaient donc capables de faire beaucoup de choses) et triste (ce n’était parfois pas très joli) ; le chroniqueur songea même une seconde à partir. Il n’en eut pas le temps, puisque le set, très court, s’arrêta moins de trois minutes plus tard.
Il rentra de la Loge un peu frustré, se disant qu’il tenait certes là un groupe polymorphe capable de se mettre entièrement au service d’un projet, mais plus trop sûr de l’aimer vraiment. Il guetterait sans doute le prochain changement de peau, histoire de voir.
C’est l’histoire d’un type qui aimait beaucoup le premier disque d’un groupe, beaucoup moins le second, et essayait en vain non de s’expliquer pourquoi (il le voyait très bien), mais de ne pas tomber dans l’excès inverse. Il n’aimait pas brûler le soir ce qu’il avait aimé le matin. Il détestait le syndrome du snob ne supportant pas les petits groupes au-delà d’un ou deux EPs. Sauf que voilà : il avait beau faire, il n’aimait pas du tout la dernière sortie de ces jeunes gens. Il faisait des efforts surréalistes, depuis des mois le réécoutait à intervalles réguliers, en digital puis sur ses grosses enceintes… mais jamais sa position ne variait : ce petit groupe qu’un an seulement auparavant il voyait déjà grand… ce petit groupe s’aventurait dans une direction qu’il n’avait aucune envie de suivre. Comme le groupe accordait une large place au concept, au-delà de la seule musique, il tenta dans un premier temps de passer par le support vidéo. Cela ne le faisait toujours pas. En désespoir de cause, il finit par accepter (c’est le mot juste, il y allait un peu à reculons) d’assister à une prestation live du duo. Le concert de la dernière chance, parce que tout de même, il n’avait pas que cela à faire de s’acharner à écouter un ouvrage qu’il n’aimait pas. Sans surprise, son avis fut plus nuancé, mais ne se convertit jamais complètement en positif. La seule différence, ce fut qu’après cela, il avait réellement un avis arrêté – plus seulement l’impression diffuse de ne pas « entrer dans le trip ».
Quoique. On pouvait effectivement considérer qu’As The Stars Fall (c’était le nom du groupe) était embarqué dans un trip que notre noble chroniqueur ne goûtait que très modérément. Un trip puissant, emphatique, grandiloquent à l’extrême, soit donc à peu près tout l’inverse de ce qui faisait le charme du premier disque. Celui-ci avait une âpreté, une sécheresse qui en relativisait l’emphase. Il ne se composait pas de beats agressifs donnant l’impression d’avoir pénétré dans une discothèque SM célébrant la fin des temps, mais de mélodies graciles et entêtantes, de celles qui vous trottaient dans la tête même si vous n’écoutiez quasiment jamais le disque lui-même. En comparaison le second disque, Redux, ressemblait à une chaîne de volcans en éruption, puissant mais très fatigant sur la longueur, et surtout d’un goût parfois un peu douteux.
Le concert fut à l’image de cela : une alternance de moments de grâce déchirés par des gimmicks vulgaires, des instants de recueillement gâchés par des résurgences de beats bourrins et gratuits (encore plus que sur le disque), et l’impression générale que le versant post-rock du groupe, le plus délicat et le plus convaincant, était en train de fondre comme neige au soleil, englouti par les synthés soviétiques et un goût manifeste pour le boucan. Voir les auteurs de choses aussi bouleversantes que "no… good… deed goes unpunished" (probablement l’un des plus beaux morceaux de l’année écoulée) se lancer dans d’interminables décrochages discoïdes avait quelque chose d’à la fois admirable (ces gens étaient donc capables de faire beaucoup de choses) et triste (ce n’était parfois pas très joli) ; le chroniqueur songea même une seconde à partir. Il n’en eut pas le temps, puisque le set, très court, s’arrêta moins de trois minutes plus tard.
Il rentra de la Loge un peu frustré, se disant qu’il tenait certes là un groupe polymorphe capable de se mettre entièrement au service d’un projet, mais plus trop sûr de l’aimer vraiment. Il guetterait sans doute le prochain changement de peau, histoire de voir.