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[Article précédemment paru sur Interlignage] S’il fallait résumer le krautrock à un seul nom, ce serait peut-être celui-ci. Faust. Faust plutôt que Can, Guru Guru ou Neu!, le choix n’a rien d’évident et tout de subjectif. Les quatre premiers Faust ne sont pas plus ou moins indispensables que les trois Neu! ou que Tago Mago, le classique de Can. Ce n’est que la sensibilité toute personnelle de quelqu'un n'étant d'ailleurs pas le plus grand fan de kraut qui soit : il m’a toujours semblé qu’il y avait chez Faust quelque chose de plus humain, de plus viscéral, quelque chose faisant qu’au-delà de l’expérimentation sonique ou du message, cette musique bouleverse quand celle des autres impressionne, capable de chaleur, de sensualité même, parfois.
Hormis le fait de faire entrer le groupe dans sa cinquième décennie et la schizophrénie discographique invraisemblable qui préside à sa destinée (il y a désormais, littéralement, deux Faust, l’un avec Hans-Joachim Irmler, qui publiait l’an passé Faust Is Last, et donc celui-ci, avec Werner « Zappi » Diermaier et Jean-Hervé Péron… ça c’est du split !), hormis tout cela, donc, rien ne destinait particulièrement Something Dirty a être l’un des évènements de 2011. Le groupe n’a jamais vraiment disparu depuis sa reformation au milieu des années 90, il n’a jamais décliné même malgré la rupture (c’est toute la beauté de ce split que d’offrir deux entités différentes dont aucune n’est ni illégitime, ni indigente), il n’a jamais cessé d’être créatif ou imprévisible. La seule véritable nouveauté de Something Dirty, c’est que c’est sans le moindre doute – et toutes formations confondues – son meilleur album depuis un paquet de temps, nouvel opus bruissant et sans concessions, éclectique et bien plus réussi que ce que la plupart des pairs de Faust ont pu produire ces dernières années.
Disponible depuis janvier en import, l’objet du délit s’ouvre en trompe-l’œil sur un brûlot, "Tell the Bitch to Go". Avalanche de décibels, agression industrielle qui ne dit en réalité pas grand-chose d’un album extrêmement éclaté, écartelé, même, entre rock planant ("Herbststimmung") et brutalité ("Je bouffe"), comme une manière presque inconsciente de réconcilier toutes les facettes kraut, des mélopées de Tangerine Dream jusqu’à la mécanique de Kraftwerk. Dans les deux cas, l’intensité est de mise et la volonté de rappeler qui sont les patrons, évidente. Après quarante années de carrière (le mythique premier opus est paru en 71), Diermaier et Péron n’ont certes plus grand-chose à prouver, mais beaucoup plus à dire que pas mal de groupes de la jeune génération. Bruitistes ("Whet"), bluesy ("Invisible Mending"), sexy et/ou poisseux ("Lost the Signal"), post-punk ("Dampfauslass 1") ou juste bizarres ("Thoughts of the Dead")… les deux compères ont su s’entourer (avec mention évidemment très spéciale pour la toujours fabuleuse Geraldine Swayne) et osent treize morceaux éparpillés, parfois inconciliables – pourtant admirablement cousus les uns aux autres. Si le dernier quart est peut-être un poil moins bluffant, parce que plus convenu dans son approche (convenu pour du Faust… car ce sont les morceaux les plus abruptes pour l’auditeur non-averti), l’ensemble demeure de haute tenue et ne lasse pas facilement. Faust fera-t-il des dizaines de couvertures pour autant ? Non. Pendant ce temps-là, le monde préfère feindre de croire que PJ Harvey et Radiohead sont des révolutionnaires et que leurs derniers albums sont originaux et aventureux. Si ça peut lui faire plaisir, au monde.
Something Dirty, de Faust (2011)
[Article précédemment paru sur Interlignage] S’il fallait résumer le krautrock à un seul nom, ce serait peut-être celui-ci. Faust. Faust plutôt que Can, Guru Guru ou Neu!, le choix n’a rien d’évident et tout de subjectif. Les quatre premiers Faust ne sont pas plus ou moins indispensables que les trois Neu! ou que Tago Mago, le classique de Can. Ce n’est que la sensibilité toute personnelle de quelqu'un n'étant d'ailleurs pas le plus grand fan de kraut qui soit : il m’a toujours semblé qu’il y avait chez Faust quelque chose de plus humain, de plus viscéral, quelque chose faisant qu’au-delà de l’expérimentation sonique ou du message, cette musique bouleverse quand celle des autres impressionne, capable de chaleur, de sensualité même, parfois.
Hormis le fait de faire entrer le groupe dans sa cinquième décennie et la schizophrénie discographique invraisemblable qui préside à sa destinée (il y a désormais, littéralement, deux Faust, l’un avec Hans-Joachim Irmler, qui publiait l’an passé Faust Is Last, et donc celui-ci, avec Werner « Zappi » Diermaier et Jean-Hervé Péron… ça c’est du split !), hormis tout cela, donc, rien ne destinait particulièrement Something Dirty a être l’un des évènements de 2011. Le groupe n’a jamais vraiment disparu depuis sa reformation au milieu des années 90, il n’a jamais décliné même malgré la rupture (c’est toute la beauté de ce split que d’offrir deux entités différentes dont aucune n’est ni illégitime, ni indigente), il n’a jamais cessé d’être créatif ou imprévisible. La seule véritable nouveauté de Something Dirty, c’est que c’est sans le moindre doute – et toutes formations confondues – son meilleur album depuis un paquet de temps, nouvel opus bruissant et sans concessions, éclectique et bien plus réussi que ce que la plupart des pairs de Faust ont pu produire ces dernières années.
Disponible depuis janvier en import, l’objet du délit s’ouvre en trompe-l’œil sur un brûlot, "Tell the Bitch to Go". Avalanche de décibels, agression industrielle qui ne dit en réalité pas grand-chose d’un album extrêmement éclaté, écartelé, même, entre rock planant ("Herbststimmung") et brutalité ("Je bouffe"), comme une manière presque inconsciente de réconcilier toutes les facettes kraut, des mélopées de Tangerine Dream jusqu’à la mécanique de Kraftwerk. Dans les deux cas, l’intensité est de mise et la volonté de rappeler qui sont les patrons, évidente. Après quarante années de carrière (le mythique premier opus est paru en 71), Diermaier et Péron n’ont certes plus grand-chose à prouver, mais beaucoup plus à dire que pas mal de groupes de la jeune génération. Bruitistes ("Whet"), bluesy ("Invisible Mending"), sexy et/ou poisseux ("Lost the Signal"), post-punk ("Dampfauslass 1") ou juste bizarres ("Thoughts of the Dead")… les deux compères ont su s’entourer (avec mention évidemment très spéciale pour la toujours fabuleuse Geraldine Swayne) et osent treize morceaux éparpillés, parfois inconciliables – pourtant admirablement cousus les uns aux autres. Si le dernier quart est peut-être un poil moins bluffant, parce que plus convenu dans son approche (convenu pour du Faust… car ce sont les morceaux les plus abruptes pour l’auditeur non-averti), l’ensemble demeure de haute tenue et ne lasse pas facilement. Faust fera-t-il des dizaines de couvertures pour autant ? Non. Pendant ce temps-là, le monde préfère feindre de croire que PJ Harvey et Radiohead sont des révolutionnaires et que leurs derniers albums sont originaux et aventureux. Si ça peut lui faire plaisir, au monde.
Something Dirty, de Faust (2011)
Semaine "spéciale vieux" sur Le Golb, donc :-)
RépondreSupprimerComme tu t'en doutes, Faust, c'est plus mon truc que les NYD reformés. Et ce Something Dirty est bien, cela dit Faust Is Last était très bon également, pourquoi parler de l'un plutôt que de l'autre ? (ma question est innocente, n'y vois pas d'arrière-pensée)
J'ai écouté Faust Is Last assez longtemps après sa sortie, tout simplement. Tu vois, ma réponse est aussi innocente que ta question :-)
RépondreSupprimerTerrible extrait. Si ça ça ne donne pas envie de se jeter sur le disque !
RépondreSupprimerOui, je cherche une expression pour désigner ce que cela m'évoque mais j'ai du mal. "Coller au plafond comme une vulgaire araignée" ?...
RépondreSupprimerJe ne suis pas tout à fait convaincu.
RépondreSupprimerD'accord pour dire que cet album est très bon, en comparaison de certains de leurs "contemporains". Cependant, le Faust que j'aimais, je le retrouve plus chez Hans-Joachim Irmler, je ne saurais exactement dire pourquoi. L'âme, peut-être.
BBB.
Mais on ne peut pas dire que ce Faust-ci manque d'âme, si ?...
RépondreSupprimerNon.
RépondreSupprimerd'ailleurs, il commence à beaucoup tourner sur mes trajets en bagnole sur l'autostrade.
mais j'attends toujours un je ne sais quoi que Mugstar (des jeûnots, certes) m'avait apporté l'an dernier.
Moi Mugster ça m'avait bien fait chié (même si j'aimais bien quand même ^^)
RépondreSupprimer(c'est bieeeen, Mugstar)
RépondreSupprimer(mais on sait que t'as des goûts tout pourris, Thomas :D)
(sauf quand il s'agit de Faust, bien sûr)
Ouais mais Mugstar entre exactement dans ce que dit du kraut au début de cet article, et qui fait que je préfère Faust entre tous les autres.
RépondreSupprimerDans ce que "je dis", ouh là...
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