...
[Article paru fin mars sur Interlignage] C’est toujours la même rengaine. Vous êtes tranquillement chez vous à vous reposer après une dure journée de labeur, non sans nourrir une petite culpabilité vis-à-vis des disques qui s’amoncèlent et qu’il faudrait bien chroniquer un de ces quatre. Vous feuilletez un bouquin (en vous disant qu’il faudra bien un jour se décider à le chroniquer, lui aussi). Vous vous sentez fatigué, las, prêt à vous endormir à peine la lumière éteinte. Dans un élan de conscience professionnelle, vous vous tournez sur le côté et commencez à réfléchir à la manière dont vous pourriez aborder le dernier (très beau) Marcel Kanche. Ou peut-être le (pas mauvais du tout) disque du Moon Duo. A moins que ne vous fassiez passer prioritairement vos chouchous les Rebels Of Tijuana. Les choix ne manquent pas et Morphée commence à faire toc, et toc, et toc. Là, c’est le drame.
Car subitement une jolie petite intro gainsbourienne vient vous cueillir, qui monte en puissance et s’échoue sur un refrain doucereux, pop, étincelant… Intrigué, car on peut être débordé et néanmoins curieux, vous ne résistez évidemment pas à l’envie de vous lever voir de quoi il retourne. « Yellowbirds ? C’est qui, ceux-là ? »… avez-vous à peine le temps de vous dire que déjà, une seconde complainte pop, tout aussi élégante mais plus feutrée, vient chatouiller vos tympans. Vos sourcils se froncent imperceptiblement. Vous reprenez la direction du lit, mais vous savez très bien comment tout cela va se finir : encore un groupe sorti de nulle part qui va vous foutre en l’air votre planning, parce que ces messieurs sont trop bons pour rester dans l’ombre, parce que vous vous sentirez investi de la mission de les faire découvrir au monde. Vous vous recouchez mais vous savez très bien que demain, le boulot attendra. Vous commencerez par réécouter ces Yellowbirds, et vous en ferez une chronique. Ce sera bien plus fort que vous.
Et effectivement, le matin venu vous vous empressez de lancer The Color, dont quelques écoutes vous ont d’ores déjà convaincu qu’il s’agira d’un des sommets de la pop-psyché en 2011. Honnêtement, vous aimeriez bien vous tromper. Ça vous économiserait une chronique, et vous ne manqueriez pas d’idées pour utiliser ce temps précieusement gagné. Las : à chaque écoute, The Color s’avère meilleur que la fois précédente – ne pas le mentionner noir sur blanc vous semblerait une faute professionnelle. C’est ce qui s’appelle s’incliner devant le talent. Et autant dire que lorsque vos lecteurs, qui bien sûr vous suivent comme un seul homme, se seront passé le sensationnel single "The Honest Ocean", vous ne serez plus le seul à avoir un genou à terre. Sur The Color, de toute façon, presque tout est très, très bon. Qu’il s’agisse de délices intimistes ("The Color"), de coups de griffes garage ("Our Good Days Are Gone") ou d’échappées baroque ("Pulaski Bridge" rivalise avec le meilleur du dernier MGMT), les natifs de Brooklyn épatent par la fluidité de leurs mélodies comme par la finesse de leur approche. Vous ignorez évidemment s’ils sont deux ou douze dans le groupe, vous ne savez pas s’ils ont quarante ans ou vingt (ils ont l’incandescence de vingtenaires, toutefois), vous n’avez même pas le moindre début de commencement d’idée de s’ils existent vraiment où ne sont que le fruit (coloré) d’un de vos fantasmes (il y a de quoi se poser la question lorsqu’on sait que leur label porte le curieux nom de Royal Potato Family). La seule chose dont vous êtes certains, c’est que ce disque est une vraie belle révélation et qu’il faut en parler de toute urgence.
Et c’est ainsi que vous vous installez à votre clavier, non sans maudire ces salopiauds de Yellowbirds qui vous ont tout salopé votre planning.
[Article paru fin mars sur Interlignage] C’est toujours la même rengaine. Vous êtes tranquillement chez vous à vous reposer après une dure journée de labeur, non sans nourrir une petite culpabilité vis-à-vis des disques qui s’amoncèlent et qu’il faudrait bien chroniquer un de ces quatre. Vous feuilletez un bouquin (en vous disant qu’il faudra bien un jour se décider à le chroniquer, lui aussi). Vous vous sentez fatigué, las, prêt à vous endormir à peine la lumière éteinte. Dans un élan de conscience professionnelle, vous vous tournez sur le côté et commencez à réfléchir à la manière dont vous pourriez aborder le dernier (très beau) Marcel Kanche. Ou peut-être le (pas mauvais du tout) disque du Moon Duo. A moins que ne vous fassiez passer prioritairement vos chouchous les Rebels Of Tijuana. Les choix ne manquent pas et Morphée commence à faire toc, et toc, et toc. Là, c’est le drame.
Car subitement une jolie petite intro gainsbourienne vient vous cueillir, qui monte en puissance et s’échoue sur un refrain doucereux, pop, étincelant… Intrigué, car on peut être débordé et néanmoins curieux, vous ne résistez évidemment pas à l’envie de vous lever voir de quoi il retourne. « Yellowbirds ? C’est qui, ceux-là ? »… avez-vous à peine le temps de vous dire que déjà, une seconde complainte pop, tout aussi élégante mais plus feutrée, vient chatouiller vos tympans. Vos sourcils se froncent imperceptiblement. Vous reprenez la direction du lit, mais vous savez très bien comment tout cela va se finir : encore un groupe sorti de nulle part qui va vous foutre en l’air votre planning, parce que ces messieurs sont trop bons pour rester dans l’ombre, parce que vous vous sentirez investi de la mission de les faire découvrir au monde. Vous vous recouchez mais vous savez très bien que demain, le boulot attendra. Vous commencerez par réécouter ces Yellowbirds, et vous en ferez une chronique. Ce sera bien plus fort que vous.
Et effectivement, le matin venu vous vous empressez de lancer The Color, dont quelques écoutes vous ont d’ores déjà convaincu qu’il s’agira d’un des sommets de la pop-psyché en 2011. Honnêtement, vous aimeriez bien vous tromper. Ça vous économiserait une chronique, et vous ne manqueriez pas d’idées pour utiliser ce temps précieusement gagné. Las : à chaque écoute, The Color s’avère meilleur que la fois précédente – ne pas le mentionner noir sur blanc vous semblerait une faute professionnelle. C’est ce qui s’appelle s’incliner devant le talent. Et autant dire que lorsque vos lecteurs, qui bien sûr vous suivent comme un seul homme, se seront passé le sensationnel single "The Honest Ocean", vous ne serez plus le seul à avoir un genou à terre. Sur The Color, de toute façon, presque tout est très, très bon. Qu’il s’agisse de délices intimistes ("The Color"), de coups de griffes garage ("Our Good Days Are Gone") ou d’échappées baroque ("Pulaski Bridge" rivalise avec le meilleur du dernier MGMT), les natifs de Brooklyn épatent par la fluidité de leurs mélodies comme par la finesse de leur approche. Vous ignorez évidemment s’ils sont deux ou douze dans le groupe, vous ne savez pas s’ils ont quarante ans ou vingt (ils ont l’incandescence de vingtenaires, toutefois), vous n’avez même pas le moindre début de commencement d’idée de s’ils existent vraiment où ne sont que le fruit (coloré) d’un de vos fantasmes (il y a de quoi se poser la question lorsqu’on sait que leur label porte le curieux nom de Royal Potato Family). La seule chose dont vous êtes certains, c’est que ce disque est une vraie belle révélation et qu’il faut en parler de toute urgence.
Et c’est ainsi que vous vous installez à votre clavier, non sans maudire ces salopiauds de Yellowbirds qui vous ont tout salopé votre planning.
👍👍 The Color
Yellowbirds | Royal Potato Family Records, 2011
Oh, ça me donne envie, pile poil ce qui remplit à merveille mes oreilles !
RépondreSupprimerExcellent morceau !
RépondreSupprimerMon album préféré de l'année pour le moment.
RépondreSupprimerJe ne peux pas dire que ces commentaires enthousiastes me surprennent, mais ils font quand même très plaisir.
RépondreSupprimerLa BO d'un we au soleil. Merci pour l'idée.
RépondreSupprimerDe rien !
RépondreSupprimerOh la oui, un vrai bonheur, thanx!!
RépondreSupprimerQuelle unanimité, ça change...
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