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Marcel Kanche invite ceux qui le chantent, et c'est ma foi une fort bonne idée, d'autant qu'il les invite aux Trois Baudets, probablement l'une des salles les plus agréables de la capitale (si seulement elle avait une fosse...)
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent, donc, parce que beaucoup de gens l'ont chanté, et que ce nombre est presque inversement proportionnel au nombre d'albums qu'il a publiés.
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent, disais-je, mais il chante aussi, tout de même, principalement son récent et magnifique Vigiles de l'Aube, parce qu'on ne va pas payer 15 euros juste pour le voir jouer les Monsieur Loyal. Il est donc là avec son groupe (dont Junior à la batterie) et son « interprète préférée » (Isabelle Lemaître, qui n'est autre que sa moitié et brille dans un registre délicat et éthéré).
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent, je ne sais pas si je vous l'ai dit, et s'il y a bien une constante chez ces gens, c'est que tous, sans exception, ont des univers musicaux aux antipodes du sien ; c'est donc Kanche lui-même qui assurera le versant contemplatif et mélancolique de la soirée, entre deux blagues introductives, car l'homme est aussi souriant et amusant que sa musique est hantée et austère.
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent, en voilà une bonne idée, et le résultat, vingt-cinq morceaux et deux bonnes heures tout de même, ne pouvait être qu'inévitablement éclaté, parfois inégal, moins dans la qualité que dans la succession d'atmosphères parfois contradictoires. Comme si chaque fois que l'on se laissait imprégner par l'une d'entre elles, il fallait immanquablement que l'intervenant suivant vînt nous casser l'ambiance (c'est particulièrement frappant lorsque la langueur de Kanche cède la scène au rock francophone un brin scolaire de MA).
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent et la tentation est forte de tomber dans le name-dropping - après tout cette assemblée de talents plus ou moins étincelants n'est pas là pour faire de la figuration. Il y aura un peu à manger et beaucoup à boire, des moments forts (avec Arnaud Méthivier), des découvertes (Antoine Chance, et surtout Fred Nevchehirlian), des promesses (Suzanne Combo) et quelques applaudissements polis (avec ou sans Kanche, Axel Bauer reste Axel Bauer, soit donc un type franchement sympathique mais à la musique un brin lourdingue, ici en pleine mue bashunguienne. Mouais.)
Marcel Kanche invite ceux qui le chantent et après tout, on aurait tort de se perdre en conjectures et de s'avancer trop avant dans la critique ; la soirée est avant tout affaire de camaraderie, peut-être même de famille (les complicités sont évidentes), à l'image de ce passage éclair de M, où l'amitié l'emporte très nettement sur la musique. C'est de cela que l'on aura envie de se rappeler – le reste après tout n'est que littérature. Le reste après tout n'est rien.