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Percival Everett serait-il le satiriste ultime, celui que rien n'arrête, qui n'envoie que des volées de bois vert et ne jouit que lorsqu'il crève les furoncles de la société ? Lui qui vomit au moins autant le communautarisme que le racisme lui-même ne pouvait en tout cas, en s'attaquant à ces sujets, que signer une œuvre brutale, tachante et sans concession aucune. Le contraire eût d'ailleurs profondément déçu : à sa manière, plus verbale et stylistique que physique, sa littérature est violente. Radicale, aussi. Sans cesse ravivée par un nouveau courroux qui finit généralement par se déchaîner trois cents pages durant.
Le postulat d'I Am Not Sidney Poitier est simple et fulgurant parce que les livres d'Everett eux-mêmes sont ainsi : sans fioritures et parfois aux antipodes, formellement parlant, de sa rhétorique (écrivain pamphlétaire et furibard, l'auteur de Wounded n'en est pas moins un immense intellectuel à la pensée incisive et sophistiquée... ce qui ne se retrouve pas toujours dans ses ouvrages romanesques). Commençant comme une fable burlesque mais morale, avec la naissance miraculeuse (après vingt-quatre mois) d'un prodigieux enfant Poitier que sa folledingue de mère affuble du prénom de Not Sidney, le récit se dérègle progressivement, comme s'il dégénérait sous le regard éberlué du lecteur : anti-roman iniatique, puis aventures picaresques déjantées, puis délire total et jouissif au pays du politiquement correct. Et plus l'on avance, plus I Am Not Sidney Poitier apparaît comme furieux, violent et sans issue, sous le vernis d'un comique qu'Everett maîtrise, on le sait, comme nul autre. Not Sidney n'est pas Sidney Poitier, au sens propre comme au sens figuré. Il n'est pas Sidney Poitier mais plus il vieillit et plus il lui ressemble, à cet immense acteur qui fut le premier Noir à remporter un Acamedy Award... à cet immense acteur qui incarne, pour le public, l'archétype du bon Noir gendre idéal, propre sur lui, à peine dérangeant. Sauf que précisément : Not Sidney Poitier n'est pas Sidney Poitier, et plus il est confronté à des situations typiques de films de Poitier, et plus le lecteur mesure ce constraste : il ne vogue que de galères en humiliations, se fait arrêter pour un oui ou pour un non, est battu quasiment toutes les vingt pages, métamorphosé en sex toy pour femmes blanches lubriques... on en passe et des pas mûres. N'étant pas du genre à faire de jaloux, et encore moins de quartier, Everett n'épargne bien sûr ni les Blancs ni les Noirs ; au final, c'est toujours le brave Not Sidney qui prend, jeune Törless post-moderne coupable d'être différent, de n'entrer dans aucune case et d'être d'une naïveté crasse.
On en sort un brin abruti, secoué et inquiet. Pervical Everett aurait voulu produire sa réponse au concept d'Amérique post-raciale, lui qui était si réservé sur Obama au moment des primaires, qu'il ne s'y serait pas pris autrement. En filligranes, son récit dessine le portrait d'une société malade de son communautarisme, de son intolérance et de son orgueil. La démonstration est crue, pas toujours très subtile, mais son efficacité est indéniable. Encore une fois, l'Amérique ne sort pas grandie d'un livre d'Everett. Le contraire serait étonnant - il serait surtout absolument décevant.
Percival Everett serait-il le satiriste ultime, celui que rien n'arrête, qui n'envoie que des volées de bois vert et ne jouit que lorsqu'il crève les furoncles de la société ? Lui qui vomit au moins autant le communautarisme que le racisme lui-même ne pouvait en tout cas, en s'attaquant à ces sujets, que signer une œuvre brutale, tachante et sans concession aucune. Le contraire eût d'ailleurs profondément déçu : à sa manière, plus verbale et stylistique que physique, sa littérature est violente. Radicale, aussi. Sans cesse ravivée par un nouveau courroux qui finit généralement par se déchaîner trois cents pages durant.
Le postulat d'I Am Not Sidney Poitier est simple et fulgurant parce que les livres d'Everett eux-mêmes sont ainsi : sans fioritures et parfois aux antipodes, formellement parlant, de sa rhétorique (écrivain pamphlétaire et furibard, l'auteur de Wounded n'en est pas moins un immense intellectuel à la pensée incisive et sophistiquée... ce qui ne se retrouve pas toujours dans ses ouvrages romanesques). Commençant comme une fable burlesque mais morale, avec la naissance miraculeuse (après vingt-quatre mois) d'un prodigieux enfant Poitier que sa folledingue de mère affuble du prénom de Not Sidney, le récit se dérègle progressivement, comme s'il dégénérait sous le regard éberlué du lecteur : anti-roman iniatique, puis aventures picaresques déjantées, puis délire total et jouissif au pays du politiquement correct. Et plus l'on avance, plus I Am Not Sidney Poitier apparaît comme furieux, violent et sans issue, sous le vernis d'un comique qu'Everett maîtrise, on le sait, comme nul autre. Not Sidney n'est pas Sidney Poitier, au sens propre comme au sens figuré. Il n'est pas Sidney Poitier mais plus il vieillit et plus il lui ressemble, à cet immense acteur qui fut le premier Noir à remporter un Acamedy Award... à cet immense acteur qui incarne, pour le public, l'archétype du bon Noir gendre idéal, propre sur lui, à peine dérangeant. Sauf que précisément : Not Sidney Poitier n'est pas Sidney Poitier, et plus il est confronté à des situations typiques de films de Poitier, et plus le lecteur mesure ce constraste : il ne vogue que de galères en humiliations, se fait arrêter pour un oui ou pour un non, est battu quasiment toutes les vingt pages, métamorphosé en sex toy pour femmes blanches lubriques... on en passe et des pas mûres. N'étant pas du genre à faire de jaloux, et encore moins de quartier, Everett n'épargne bien sûr ni les Blancs ni les Noirs ; au final, c'est toujours le brave Not Sidney qui prend, jeune Törless post-moderne coupable d'être différent, de n'entrer dans aucune case et d'être d'une naïveté crasse.
On en sort un brin abruti, secoué et inquiet. Pervical Everett aurait voulu produire sa réponse au concept d'Amérique post-raciale, lui qui était si réservé sur Obama au moment des primaires, qu'il ne s'y serait pas pris autrement. En filligranes, son récit dessine le portrait d'une société malade de son communautarisme, de son intolérance et de son orgueil. La démonstration est crue, pas toujours très subtile, mais son efficacité est indéniable. Encore une fois, l'Amérique ne sort pas grandie d'un livre d'Everett. Le contraire serait étonnant - il serait surtout absolument décevant.
👍👍 I Am Not Sidney Poitier
Percival Everett | Graywolf Press, 2009
Il traine dans la pile quelque part. J'avoue que le sujet m'intéresse moins que d'habitude avec Everett, malgré ton très bon billet.
RépondreSupprimerPas encore lu non plus. J'avais quand même été assez refroidie pour Le Supplice de l'eau, pas facile, même assez brutal. Du coup, je traine, même si celui-là à l'air beaucoup plus drôle.
RépondreSupprimerBloom >>> si ça peut te convaincre, on retrouve parfaitement Everett (notamment si tu as aimé American Desert).
RépondreSupprimerLaiezza >>> vas-y tranquille, les deux n'ont rien à voir.
Je le note celui-ci, Percival Everett c'est bien le genre d'auteur dont certains bouquins peuvent m'intéresser sans que je sache précisément lesquels (le mot important dans la phrase est "certains"... le pendant de "pas tous", quoi ^^)
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûr d'avoir saisi toute l'essence de ce commentaire ^^
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