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[Article précédemment paru sur Interlignage] Il arrive que les hasards des calendriers ne manquent pas d’ironie. À quelques semaines d’intervalle, voici que nous reviennent deux des plus jolies révélations de l’année 2009, Let’s Wrestle s’invitant dans nos pages peu après les Pains Of Being Pure At Heart. Les uns et les autres voient leurs seconds albums respectifs distribués en France par le même label (PIAS), tous évoluent dans un registre indie-pop résolument ancré dans les nineties, et chacun vient de se payer le luxe de s’adjoindre les services d’un des producteurs-phares de cette époque : Flood pour les premiers, Steve Albini pour les seconds. Amateurs de jeans délavés et de chemises à carreaux, le grunge revival vous passe le bonjour.
Les ressemblances s’arrêtent là où commencent les divergences profondes opposant ces deux légendes des années 90. Le premier excelle dans l’emphase, la superposition, la densité. Le second s’est fait une spécialité de l’habillage de démos, du son cradingue, enregistrant tout, pains compris (surtout les pains, en fait). Second degré mis à part, peu de choses séparent fondamentalement un "Bad Mammaries" (Let’s Wrestle) d’un "Heaven’s Happen Here" (TPOBPAH), et c’est pourtant tout un monde qui les confronte. L’époque est aux remakes. À vingt ans écart, on nous rejouerait presque le duel homérique entre le heavy rock ampoulé des Smashing Pumpkins (trois albums produits par Flood) et le punk alterno de Nirvana (dont In Utero fut produit par Albini).
Ok, on force un peu le trait. D’autant que si les Pains Of Being Pure At Heart chérissent de toute évidence Siamese Dream (qui ne fut d’ailleurs pas produit par Flood, pour sa part), Let’s Wrestle braconne plus volontiers sur les terres de Dinosaur Jr et des Pixies, voire occasionnellement du weezer brut des débuts, avec son chanteur à la grâce de poêle à frire et ses mélodies fragiles – au sens littéral du terme : assemblées de bric et de broc et menaçant très régulièrement de s’écrouler. Mais les similitudes sont troublantes et Let’s Wrestle, esthétique comics et lo-fi en bandoulière, ne sera pas sans rappeler d’excellents souvenirs aux kids des nineties. Sans en renier l’efficacité et le sens de la dérision, en levant le pied sur les chœurs troupiers (ce qui ne pouvait être une mauvaise idée), Nursing Home vient enfoncer le clou déjà solidement planté par In the Court of Wrestling Let’s, frappe fort et vite, et regorge d’hymnes incendiaires ("Dear John", "There’s a Rockstar in My Bedroom").
La véritable différence avec 1991, c’est que le public est désormais terriblement (et sans doute irrémédiablement) fragmenté, et qu’un album qui à l’époque aurait tout emporté sur son passage semble aujourd’hui condamné presque de facto à être un succès indé d’estime (pléonasme). Pour le reste, il n’est guère besoin d’en faire des pages et des pages : avec ses "In Dreams", "I Forgot" et autres "I’m So Lazy", Nursing Home est particulièrement bien fourni en scies power-pop fêlées, ce qui ne peut que faire du bien après des années à voir la scène indie/lo-fi aller vers toujours plus de bidouillages et de prétention. Let’s Wrestle a retrouvé la chanson, cachée dans un coin du grenier, entre un vieux vinyle des Meat Puppets et un poster dédicacé de Stephen Malkmus. On ne peut que s’en réjouir.
Un petit extrait par ICI.
[Article précédemment paru sur Interlignage] Il arrive que les hasards des calendriers ne manquent pas d’ironie. À quelques semaines d’intervalle, voici que nous reviennent deux des plus jolies révélations de l’année 2009, Let’s Wrestle s’invitant dans nos pages peu après les Pains Of Being Pure At Heart. Les uns et les autres voient leurs seconds albums respectifs distribués en France par le même label (PIAS), tous évoluent dans un registre indie-pop résolument ancré dans les nineties, et chacun vient de se payer le luxe de s’adjoindre les services d’un des producteurs-phares de cette époque : Flood pour les premiers, Steve Albini pour les seconds. Amateurs de jeans délavés et de chemises à carreaux, le grunge revival vous passe le bonjour.
Les ressemblances s’arrêtent là où commencent les divergences profondes opposant ces deux légendes des années 90. Le premier excelle dans l’emphase, la superposition, la densité. Le second s’est fait une spécialité de l’habillage de démos, du son cradingue, enregistrant tout, pains compris (surtout les pains, en fait). Second degré mis à part, peu de choses séparent fondamentalement un "Bad Mammaries" (Let’s Wrestle) d’un "Heaven’s Happen Here" (TPOBPAH), et c’est pourtant tout un monde qui les confronte. L’époque est aux remakes. À vingt ans écart, on nous rejouerait presque le duel homérique entre le heavy rock ampoulé des Smashing Pumpkins (trois albums produits par Flood) et le punk alterno de Nirvana (dont In Utero fut produit par Albini).
Ok, on force un peu le trait. D’autant que si les Pains Of Being Pure At Heart chérissent de toute évidence Siamese Dream (qui ne fut d’ailleurs pas produit par Flood, pour sa part), Let’s Wrestle braconne plus volontiers sur les terres de Dinosaur Jr et des Pixies, voire occasionnellement du weezer brut des débuts, avec son chanteur à la grâce de poêle à frire et ses mélodies fragiles – au sens littéral du terme : assemblées de bric et de broc et menaçant très régulièrement de s’écrouler. Mais les similitudes sont troublantes et Let’s Wrestle, esthétique comics et lo-fi en bandoulière, ne sera pas sans rappeler d’excellents souvenirs aux kids des nineties. Sans en renier l’efficacité et le sens de la dérision, en levant le pied sur les chœurs troupiers (ce qui ne pouvait être une mauvaise idée), Nursing Home vient enfoncer le clou déjà solidement planté par In the Court of Wrestling Let’s, frappe fort et vite, et regorge d’hymnes incendiaires ("Dear John", "There’s a Rockstar in My Bedroom").
La véritable différence avec 1991, c’est que le public est désormais terriblement (et sans doute irrémédiablement) fragmenté, et qu’un album qui à l’époque aurait tout emporté sur son passage semble aujourd’hui condamné presque de facto à être un succès indé d’estime (pléonasme). Pour le reste, il n’est guère besoin d’en faire des pages et des pages : avec ses "In Dreams", "I Forgot" et autres "I’m So Lazy", Nursing Home est particulièrement bien fourni en scies power-pop fêlées, ce qui ne peut que faire du bien après des années à voir la scène indie/lo-fi aller vers toujours plus de bidouillages et de prétention. Let’s Wrestle a retrouvé la chanson, cachée dans un coin du grenier, entre un vieux vinyle des Meat Puppets et un poster dédicacé de Stephen Malkmus. On ne peut que s’en réjouir.
Un petit extrait par ICI.
👍👍 Nursing Home
Let’s Wrestle | Sub Pop, 16/05/2011
Oh qu'il est bon ce Dear John! Je ne connaissais pas le groupe mais je vais attendre l'album de pied ferme;
RépondreSupprimerDifficile de se faire un avis (il n'est en écoute nulle part) mais sur la foi d'un ou deux titres attrapés ici ou là, oui, ça a l'air très très bien.
RépondreSupprimerDevrait probablement être en écoute complète d'ici quelques jours (pour le moment c'est que des extraits de 30 secondes) :
RépondreSupprimerhttp://www.we7.com/#/album/Lets-Wrestle/Nursing-Home
(faut s'inscrire sur We7, par contre : y a pas de pub audio (youpi !), et un catalogue bien fourni)
(j'arrête de faire mon VRP^^)
C'est exactement la même chose que pour le Low, en fait. Pias a décalé la sortie (initialement prévue pour le 9), et du coup mon article est sorti trop tôt pour que l'album soit en écoute.
RépondreSupprimerL'album est sur Spotify :
RépondreSupprimerhttp://open.spotify.com/track/6bHBdDuxN6gzQS2Mu9MzPN
Et il est en effet, très bon !
Merci fringant !
RépondreSupprimerOuais enfin la grosse différence avec un Dino ou un Pavement, quand même, c'est que leurs musiques sont très mélancoliques alors que Let's Wrestle est surtout fun. Enfin c'est bien quand même.
RépondreSupprimerC'est pas faux, mais de nos jours tous les groupes sont heureux :-)
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