[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°96]
Vitalogy - Pearl Jam (1994)
Assez bizarrement lorsque l'on sait que le grunge a en grande partie forgé ma culture musicale, je ne suis devenu fan de Pearl Jam qu'assez tardivement, vers la fin des années quatre-vingt-dix. Je connaissais déjà le groupe (il faisait alors parti des évidences), mais pour être totalement franc, je ne considérais jusqu'alors même pas vraiment Pearl Jam comme un groupe grunge. Je ne voyais pas trop le rapport entre Ten, album au son vieillot (même pour l'époque) et au style hard rock très classique, et les Dirt, Nevermind et autres Uncle Anesthesia qui berçaient mes journées. D'ailleurs je ne le vois toujours pas vraiment. Passe encore pour Versus (que j'avais carrément zappé à l'époque), mais Ten euh... disons que... enfin de toute façon je n'ai jamais adoré cet album, dont je trouvais - un comble - que seules ses ballades valaient le coup.
Les ballades ! Longtemps, je n'ai aimé que ça chez Pearl Jam. Ses morceaux plus couillus et rock'n'roll me semblaient lourdingues. Rétrospectivement, je m'aperçois que ce que je n'aimais pas dans ses disques, c'était leur côté très américain (très clinquant, très carré, très frat boy style) et leur étonnante maturité : même lorsqu'il chantait le mal-être adolescent, Eddie Vedder avait l'air d'un vieux. J'étais bien incapable de m'identifier à lui, c'était plutôt le grand frère que l'idole - rôle que d'ailleurs il endossait bien volontiers dans des chansons où il usait plus souvent de la troisième que de la première personne, gonflant ses biscoteux et partait à défendre la veuve et l'orphelin. Je sais, il y a de quoi sourire. Je ne répèterai pas ce que j'ai raconté dans de nombreux autres articles, mais la différence entre Eddie et un quelconque Bono, c'est qu'Eddie joignait le geste à la parole, capable d'en venir aux mains avec la sécurité maltraitant un spectateur ou de se ruiner dans une lutte sans merci contre Ticketmaster. Autant dire que ce qui me laissait assez indifférent à l'époque m'a bien plus séduit quelques années plus tard, lorsque je me suis dit qu'il n'était pas très juste que, dans le duel Cobain/Vedder, le gagnant ait été le mort plutôt que le résistant.
Ces réserves ne se sont pas vraiment envolées lorsque Vitalogy est sorti. En fait, je suis devenu inconditionnel de Pearl Jam bien plus tard, à l'époque de Yield. J'écoutais bien sûr Pearl Jam de temps à autres, je connaissais ses disques, mais c'est vraiment Yield et sa paire de chansons magnifiques ("Low Lights" et "Whishlist") qui m'a fait tomber amoureux de ce groupe. J'ai ressorti tous mes vieux disques, les ai réécoutés... et si je n'ai pas vraiment redécouvert Ten, j'ai en revanche totalement flashé sur Vitalogy, sa ballade épique bien sûr ("Immortality", en tout point superbe)... mais aussi ses rocks teigneux ("Last Exit", "Tremor Christ"), son hardcore véhément ("Spin the Black Circle") ou sa pop flamboyante ("Corduroy"). C'était comme si je n'avais jamais écouté ce groupe et le découvrais subitement - et tardivement : ce qui explique peut-être que j'ai pu être parfois plus modéré quand tout le monde cassait ses albums récents.
Honnêtement, je ne saurais pas vraiment dire pourquoi Vitalogy plutôt que Yield, No Code ou l'excellent album éponyme de 2006. Quand j'y pense, le choix me paraît aussi évident qu'inexplicable. Ce n'est pas un chef-d'œuvre, mais c'est, presque objectivement, le meilleur. Détail amusant, il y a quelques mois deux "puristes" du grunge (???) m'expliquaient par le menu pourquoi c'était l'album où Pearl Jam cessait d'être intéressant. Il n'est pourtant pas avare de classiques (au hasard : "Nothingman", "Satan's Bed"...), contient le riff le plus percutant du groupe ("Corduroy") et impose le producteur Brendan O'Brien comme le dernier membre (occulte) du groupe. Enregistré pendant la tournée Versus, il bénéficie d'un son plus cru et d'une énergie plus brut, relativement fidèle à ce que le groupe dégage sur scène et aura rarement su reproduire en studio. Si je me suis fait depuis longtemps à l'idée que les détracteurs de Pearl Jam ne lâcheraient jamais rien, et qu'à tout prendre ils avaient même de bonnes raisons de détester ce groupe... j'avoue ne pas comprendre comment un sympathisant de la bande à Vedder peut ne pas aimer ce disque puissant et racé, sans doute très adult-rock (pouah ! Ça n'existe pas, vomissent déjà certains) mais frappé du sceau de cette intégrité qui fait Pearl Jam n'est pas tout à fait un groupe de rock ordinaire. Ce qui n'est jamais que le minimum venant d'un groupe sélectionné dans cette rubrique.
Trois autres disques pour découvrir Pearl Jam :
Yield (1998)
Live on Two Legs (live/1998)
Riot Act (2002)
"Pearl Jam n'est pas tout à fait un groupe de rock ordinaire"
RépondreSupprimerj'ai écouté quasi tous les titres que tu cites dans ton post, rien trouvé qui justifie cette assertion, mis à part peut-être la version acoustique de corduroy.
disons donc, pas tout à fait mais presque^^
(néanmoins j'aime bien vedder pour ses fréquentations et la bande-son de into the wild^^)
Tient voilà le meilleur disque de tous les temps...
RépondreSupprimerÇa va je rigole mais bon quoi merde c'est PJ. C'est comme avec Fugazi, je suis capable de dire n'importe quoi dessus :)
RépondreSupprimerEn revanche, je ne me souvenais plus qu'on partageait la qualité rare d'être fan de Pearl Jam tout en restant perplexe face à Ten.
Bof...bof...bof... Pearl Jam est au rock ce que Rondo Veneziano est à la musique classique! Ecoute plutôt Mudhoney, Melvins ou les Screaming Trees, même Nirvana et Soundgarden sonnent moins "commercial"!
RépondreSupprimerHum tu m'as donné envie de réécouter ce disque mais je n'ai plus de lecteur cassette ... je me rappelle très bien de Immortality, cette magnifique ballade funeste, mais aussi le furieux Satan's Bed et l'artwork avec tous les instruments de torture. D'un univers très noir comparé à ceux de Green Day et Offspring qui triomphaient à l'époque (si on veut parler commercial...)
RépondreSupprimerMoi à l'époque j'aimais Pearl Jam. Vitalogy je l'ai trouvé tellement bien que j'ai arrêté d'acheter leurs disques juste après celui là.
RépondreSupprimer:-)
arf, j'avais écrit un très long comm pas passé :o(
RépondreSupprimerla flemme de tout réécrire, donc : pourquoi n'as tu pas cité le chef d'ouvre de cet album et de pearl Jam et du rock en entier : Not for you ?
Ah oui, j'ai oublié tiens...
RépondreSupprimerSinon j'adore le commentaire d'Anonyme. Heureusement qu'il était là, sans quoi je n'aurais jamais entendu parler de ces groupes undergrounds, expérimentaux et inconnus que sont les Melvins, les Trees ou Mudhoney. Merci Anonyme, je t'aime, tu es mon héros et tes exemples sont trop bien trouvés, trop originaux et ils ont trop changé ma vie.