...
Depuis le temps que ça traînait, il fallait bien que cela arrive un jour. Tu enchaînes les entretiens à un rythme de plus en plus effréné. Tu orientes de moins en moins tes choix par rapport à la musique et de plus en plus par rapport au potentiel de la rencontre. Comme toute activité dont on prend l’habitude, tu prépares les entretiens de manière de plus en plus mécanique, presque sans y penser. Tu te reposes sur tes acquis. Et tu finis par te faire rembarrer de belle manière. Pas méchamment ni rien. Pas de manière antipathique. Juste : tu te sens subitement un peu con, tu rougis et baisses les yeux. Tous les journalistes ont déjà vécu ça au moins une fois, et comme les autres tu ne te hâteras pas d’aller le raconter.
En l’occurrence, le rembarrement (quoi ? On dit rembarrage ?) te prend d’autant plus à revers que tu ne te méfiais pas. Ces Hoquets avaient quand même l’air de sacrés rigolos, tu le savais pour les avoir vus sur scène dans un de leurs shows foufous furieux, gigotant en chœur dans la plus pure tradition du N’importe-quoi-magique. Comme il s’est avéré rapidement que les mecs étaient super sympas, tu t’es retrouvé à baisser ta garde sans t’en rendre compte, moins rigoureux dans le choix des mots, et lançant sur le mode du badinage une énième remarque sur l’effervescence de la scène belge que tu n’avais même prévu d’évoquer dans l’interview… et là, schplock ! Maxime te reprend de volée. Poliment, calmement. Presque gentiment. Mais un beau smash tout de même : « Le secret de la scène belge c’est qu’il n’y en a pas. Pour moi par définition le propre d’une scène c’est que c’est un truc compact. Ce que vous vous appelez scène belge, en France, c’est des groupes qui sont exportés chez vous, qui forment une espèce de conglomérat plus ou moins cohérent… mais ce sont des gens qui ne se connaissent pas entre eux. Je sais pas, qu’est-ce qu’il y a comme truc belge qui marche en France ? Selah Sue ? Stromae ? » Un peu déstabilisé et ne te rendant pas compte qu’en effet, l’expression scène belge était extrêmement mal choisie, tu baragouines un truc. Puis un autre. Tu tentes de t’appuyer sur ce que t’ont dit les belges précédemment invités de cette rubrique (« mais par exemple, Auryn m’a dit qu’à Bruxelles tous les groupes se connaissaient… » ; « Bah tu vois j’y suis depuis des années et je la connais pas. A Bruxelles il y a tellement de couches différentes que personne se connaît. Marc Huyghens je l’ai croisé deux fois, pas plus, et il habite à cinquante mètres de mon boulot. ») Mais bon, dans le fond tu as tort et t’es rendu coupable de ce que tu méprises le plus chez tes confrères : la formule à l’emporte-pièce, préfabriquée et vide de sens.
Heureusement, ta maladresse liminaire ne suffit pas à casser l’ambiance. D’une part, il est plutôt agréable de se sentir idiot, si c’est le prix à payer pour rencontrer des gens qui ne confondent pas politesse et hypocrisie. Et d’autre part, les Hoquets sont si charmants que tu parviens assez aisément à reprendre tes esprits sans éprouver le besoin de te cacher dans un trou. Il faut dire qu’il y en a, des choses à se raconter, quand on croise un groupe si singulier, avec ses trois membres de nationalités différentes (Maxime est donc belge ; McCloud est américain et François est… français) et son étrange formule musicale construite (c’est le cas de le dire) sur des matériaux de récup’. De la pop artisanale au sens littéral du terme, industrielle par essence, lo/fi à un degré tel qu’il faudrait presque inventer un nouveau mot. Maxime te narre la petite histoire : « McCloud m’avait invité à jouer chez lui, par un dimanche ensoleillé. L’après-midi s’écoulait lentement, et il avait ces petites guitares monocordes, qu’il avait construites lui-même avec des boites de conserve – des ien-ien. On a commencé avec ça, puis on ramassé des bouts de bois qui traînaient sur la terrasse, on s’est mis à taper dans des rythmes un peu dansants, et puis on a chanté pro-régions, pro-communautés »… et puis ils ont cuvé et se sont aperçus qu’ils avaient créé un monstre. « Justement le pire c’est qu’on n’était même pas bourré (rires). On pourrait croire que c’est un délire de mecs bourrés, mais non. » Bien entendu, comme tout bon conte de fée, le danger ne tarde pas à pointer le bout de son nez. McCloud : « Maxime m’a demandé si François pouvait jouer avec nous et j’ai dit non. Ça s’est fini par un duel au bras de fer, et François a gagné, j’ai donc dû l’accepter. »
La suite semble presque s’écrire toute seule : un nom « qui était déjà là » et qui – c’est le moins qu’on puisse dire – claque, un an et demi d’existence et un slogan génial : « On joue du R’n'Belge ». Un genre révolutionnaire, définit par un McCloud goguenard comme « de la musique rythmique inspirée par la vie en Belgique ». Une vie que l’on imagine donc dansante, voire tribale (Cf. le morceau… "La Belgique", justement, qui inaugure l’album). « Dans un sens, oui (rires). Comme on habite dans une ville-état, on a décidé d’aller encore plus loin et de revenir aux tribus culturelles et musicales ». On image sans mal le R’n'Belge destiné à faire des émules – sinon à déferler sur l’Europe et bouter Rihanna hors du continent. « On le saura dans un temps » , répond Maxime du tac au tac. « Mais quand on joue devant des gosses ils sont toujours subjugués » Ça tombe bien qu’il en parle : tu avais justement prévu de leur demander s’ils préféraient jouer devant une assemblée uniquement composée d’enfants, ou bien uniquement composée de vieux. Les deux publics, pas nécessairement rock’n'roll par définition, semblant également susceptibles d’adorer leurs shows délirants et tribaux, quoique pour des raisons radicalement opposées. François : « Ah, les deux. L’idéal c’est sûrement d’avoir les deux dans la salle. L’autre jour à Lyon c’était vraiment incroyable, il y avait plein de vieux, plein de conseillers municipaux, et tout le monde était en train de swinger ensemble. C’était super. » Et McCloud d’ajouter qu’« une mémé rock », c’est quand même « hyper-chouette ».
Car le secret du groupe, et donc celui de ce R’n'Belge qui s’apprête sans en avoir l’air à changer la face de l’Humanité, c’est évidemment la scène. Des concerts, encore des concerts, toujours des concerts… depuis le début de l’année, les Hoquets tournent sans relâche et sont en train de se tailler une belle réputation de bêtes de scène. Ce que tu confirmeras dans ton papier, même si tu les a vus dans des conditions particulières, au Café de la Danse, face un public sans doute un peu moins déchaîné qu’à l’accoutumée et surtout séparés de lui par une large fosse, eux pour qui jouer au plus près des gens revêt une importance particulière, « ne serait-ce que pour que les gens puissent voir les instruments et constater que ce ne sont pas des boites à rythmes », note François. « Pour l’instant, à chaque concert c’est un peu comme si on recommençait : on est allé à Laval où bien sûr personne ne nous connaissait, hier soir [le 23 mai] on était à Nantes, où on n’avait jamais mis les pieds… » ; « D’une certaine manière on peut encore profiter de l’effet de surprise », complète Maxime. « Ce ne sera plus trop le cas l’année prochaine, il y a déjà des gens qui reviennent. À Bruxelles il y a des « fans hardcore » qui nous ont déjà vus sept ou dix fois, et ils prennent encore du plaisir parce que c’est toujours un peu différent. » Pour autant, ce qui frappe et séduit à la première écoute de Belgotronics, c’est que les Hoquets sont assez loin d’être frappés par le syndrome du groupe se consommant avant tout sur scène, et dont l’album ne serait qu’un simple support aux morceaux. Le leur est même par instants franchement différent de leurs performances lives, plus funky peut-être, plus riche soniquement et harmoniquement, sans aucun doute. François : « Il y a pas mal d’instruments qui n’ont été fabriqués que pour le studio, qu’on ne pourrait pas réutiliser en live… par exemple des caisses de vin légèrement déclouées qui sonnaient exactement comme des synthés analogiques. Avec un micro bien placé tu rentres vraiment dans un travail de design sonore, qu’on peut faire aussi sur scène bien sûr, mais dans une moindre mesure. Là, il s’agit quand même d’aller chercher à chaque fois LE son qui pourrait bien coller, bien rendre… » Maxime opine du chef : « Pour moi ça n’a aucun intérêt d’essayer de refaire en studio ce que tu fais sur scène, je trouve même l’idée assez étrange. »
Un travail de design sonore aux contours pour le moins ovniesques, même si l’on peut déceler ici ou là quelques choses d’Outkast, voire d’Akron/Family dans son versant le plus branché jam. Deux groupes avec lesquels Hoquets partagent d’ailleurs un goût prononcé pour les chansons, jamais sacrifiées sur l’autel de l’expérimentation. McCloud : « C’est hyper-évident depuis la première fois qu’on a frotté les bouts de bois ensemble. C’est l’évidence de… pas d’une recherche, mais plutôt d’une curiosité. C’est cette curiosité qui est la force derrière tous nos morceaux. On l’a pas joué à la Ok, on est des Musiciens, on va faire de la Recherche Sonore. C’est complètement décomplexé. Plutôt, hop ! [il joint le geste à la parole en tapant sur la table en même temps] Ça fait un bruit, quelle sorte de bruit, est-ce qu’on l’utilise dans un morceau, et si oui tant mieux. La manière dont on a créée les chansons est elle-même très organique ». Maxime renchérit : « J’écoute beaucoup de musique expérimentale, mais c’est vrai que ça repose sur des projets sonores très pointus, qui manquent parfois un peu de dimension humaine. Et comme j’écoute aussi beaucoup de musique pop depuis que je suis gamin… je dirais que l’intérêt c’est justement de concilier ces deux mondes, l’entertainment et l’Art, de jeter des ponts entre eux. » Le résultat est en la matière plus que convaincant, avec quelques titres ("Gentse Speciaal", "Chaud boulet" et surtout "Couque de Dinant") réussissant miraculeusement ce crossover. Comme souvent, c’est McCloud qui conclut le chapitre : « Moi je suis super à l’aise avec le R’n'B, avec le hip hop, avec la musique de merde des stations radios… parce que c’est des trucs qui arrivent à ma tête direct, les mélodies faciles, les paroles… Quand j’étais à Bordeaux, j’ai eu une crise d’insomnie et j’ai marché partout dans la ville, sans les chercher j’ai croisé tous les lieux où il y avait les prostituées et j’ai commencé comme ça : Girl, what are you doin’ tonight? / I wanna see you… Vraiment débile, dans le fond, mais ça vient de manière assez naturelle. » Évidemment ça passe moins bien par écrit, mais le lecteur aura compris de lui-même que le décidément lunaire McCloud s’est bel et bien mis à chanter au milieu du bar. C’est d’ailleurs lui également qui tient à conclure l’entretien, en adressant un message personnel aux lecteurs : « Le but de notre projet c’est de partager des idées et des expériences, et donc quand on fait des tournées, de la même manière qu’on chante "Couque de Dinant" ou "Maitrank", on aimerait bien savoir ce qui se passe dans les endroits où on est, ce qui est vraiment local et qui n’est pas le McDo… quoi boire, quoi faire, comment vivre, tu vois ? Souvent quand on fait des concerts les gens nous filent une bouteille de quelque chose qui vient des États-Unis… c’est pas très drôle, nous on aime bien faire des découvertes, c’est avec cet esprit que le projet a commencé et on aimerait vraiment faire cet échange avec les gens. »
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Depuis le temps que ça traînait, il fallait bien que cela arrive un jour. Tu enchaînes les entretiens à un rythme de plus en plus effréné. Tu orientes de moins en moins tes choix par rapport à la musique et de plus en plus par rapport au potentiel de la rencontre. Comme toute activité dont on prend l’habitude, tu prépares les entretiens de manière de plus en plus mécanique, presque sans y penser. Tu te reposes sur tes acquis. Et tu finis par te faire rembarrer de belle manière. Pas méchamment ni rien. Pas de manière antipathique. Juste : tu te sens subitement un peu con, tu rougis et baisses les yeux. Tous les journalistes ont déjà vécu ça au moins une fois, et comme les autres tu ne te hâteras pas d’aller le raconter.
En l’occurrence, le rembarrement (quoi ? On dit rembarrage ?) te prend d’autant plus à revers que tu ne te méfiais pas. Ces Hoquets avaient quand même l’air de sacrés rigolos, tu le savais pour les avoir vus sur scène dans un de leurs shows foufous furieux, gigotant en chœur dans la plus pure tradition du N’importe-quoi-magique. Comme il s’est avéré rapidement que les mecs étaient super sympas, tu t’es retrouvé à baisser ta garde sans t’en rendre compte, moins rigoureux dans le choix des mots, et lançant sur le mode du badinage une énième remarque sur l’effervescence de la scène belge que tu n’avais même prévu d’évoquer dans l’interview… et là, schplock ! Maxime te reprend de volée. Poliment, calmement. Presque gentiment. Mais un beau smash tout de même : « Le secret de la scène belge c’est qu’il n’y en a pas. Pour moi par définition le propre d’une scène c’est que c’est un truc compact. Ce que vous vous appelez scène belge, en France, c’est des groupes qui sont exportés chez vous, qui forment une espèce de conglomérat plus ou moins cohérent… mais ce sont des gens qui ne se connaissent pas entre eux. Je sais pas, qu’est-ce qu’il y a comme truc belge qui marche en France ? Selah Sue ? Stromae ? » Un peu déstabilisé et ne te rendant pas compte qu’en effet, l’expression scène belge était extrêmement mal choisie, tu baragouines un truc. Puis un autre. Tu tentes de t’appuyer sur ce que t’ont dit les belges précédemment invités de cette rubrique (« mais par exemple, Auryn m’a dit qu’à Bruxelles tous les groupes se connaissaient… » ; « Bah tu vois j’y suis depuis des années et je la connais pas. A Bruxelles il y a tellement de couches différentes que personne se connaît. Marc Huyghens je l’ai croisé deux fois, pas plus, et il habite à cinquante mètres de mon boulot. ») Mais bon, dans le fond tu as tort et t’es rendu coupable de ce que tu méprises le plus chez tes confrères : la formule à l’emporte-pièce, préfabriquée et vide de sens.
Heureusement, ta maladresse liminaire ne suffit pas à casser l’ambiance. D’une part, il est plutôt agréable de se sentir idiot, si c’est le prix à payer pour rencontrer des gens qui ne confondent pas politesse et hypocrisie. Et d’autre part, les Hoquets sont si charmants que tu parviens assez aisément à reprendre tes esprits sans éprouver le besoin de te cacher dans un trou. Il faut dire qu’il y en a, des choses à se raconter, quand on croise un groupe si singulier, avec ses trois membres de nationalités différentes (Maxime est donc belge ; McCloud est américain et François est… français) et son étrange formule musicale construite (c’est le cas de le dire) sur des matériaux de récup’. De la pop artisanale au sens littéral du terme, industrielle par essence, lo/fi à un degré tel qu’il faudrait presque inventer un nouveau mot. Maxime te narre la petite histoire : « McCloud m’avait invité à jouer chez lui, par un dimanche ensoleillé. L’après-midi s’écoulait lentement, et il avait ces petites guitares monocordes, qu’il avait construites lui-même avec des boites de conserve – des ien-ien. On a commencé avec ça, puis on ramassé des bouts de bois qui traînaient sur la terrasse, on s’est mis à taper dans des rythmes un peu dansants, et puis on a chanté pro-régions, pro-communautés »… et puis ils ont cuvé et se sont aperçus qu’ils avaient créé un monstre. « Justement le pire c’est qu’on n’était même pas bourré (rires). On pourrait croire que c’est un délire de mecs bourrés, mais non. » Bien entendu, comme tout bon conte de fée, le danger ne tarde pas à pointer le bout de son nez. McCloud : « Maxime m’a demandé si François pouvait jouer avec nous et j’ai dit non. Ça s’est fini par un duel au bras de fer, et François a gagné, j’ai donc dû l’accepter. »
La suite semble presque s’écrire toute seule : un nom « qui était déjà là » et qui – c’est le moins qu’on puisse dire – claque, un an et demi d’existence et un slogan génial : « On joue du R’n'Belge ». Un genre révolutionnaire, définit par un McCloud goguenard comme « de la musique rythmique inspirée par la vie en Belgique ». Une vie que l’on imagine donc dansante, voire tribale (Cf. le morceau… "La Belgique", justement, qui inaugure l’album). « Dans un sens, oui (rires). Comme on habite dans une ville-état, on a décidé d’aller encore plus loin et de revenir aux tribus culturelles et musicales ». On image sans mal le R’n'Belge destiné à faire des émules – sinon à déferler sur l’Europe et bouter Rihanna hors du continent. « On le saura dans un temps » , répond Maxime du tac au tac. « Mais quand on joue devant des gosses ils sont toujours subjugués » Ça tombe bien qu’il en parle : tu avais justement prévu de leur demander s’ils préféraient jouer devant une assemblée uniquement composée d’enfants, ou bien uniquement composée de vieux. Les deux publics, pas nécessairement rock’n'roll par définition, semblant également susceptibles d’adorer leurs shows délirants et tribaux, quoique pour des raisons radicalement opposées. François : « Ah, les deux. L’idéal c’est sûrement d’avoir les deux dans la salle. L’autre jour à Lyon c’était vraiment incroyable, il y avait plein de vieux, plein de conseillers municipaux, et tout le monde était en train de swinger ensemble. C’était super. » Et McCloud d’ajouter qu’« une mémé rock », c’est quand même « hyper-chouette ».
Car le secret du groupe, et donc celui de ce R’n'Belge qui s’apprête sans en avoir l’air à changer la face de l’Humanité, c’est évidemment la scène. Des concerts, encore des concerts, toujours des concerts… depuis le début de l’année, les Hoquets tournent sans relâche et sont en train de se tailler une belle réputation de bêtes de scène. Ce que tu confirmeras dans ton papier, même si tu les a vus dans des conditions particulières, au Café de la Danse, face un public sans doute un peu moins déchaîné qu’à l’accoutumée et surtout séparés de lui par une large fosse, eux pour qui jouer au plus près des gens revêt une importance particulière, « ne serait-ce que pour que les gens puissent voir les instruments et constater que ce ne sont pas des boites à rythmes », note François. « Pour l’instant, à chaque concert c’est un peu comme si on recommençait : on est allé à Laval où bien sûr personne ne nous connaissait, hier soir [le 23 mai] on était à Nantes, où on n’avait jamais mis les pieds… » ; « D’une certaine manière on peut encore profiter de l’effet de surprise », complète Maxime. « Ce ne sera plus trop le cas l’année prochaine, il y a déjà des gens qui reviennent. À Bruxelles il y a des « fans hardcore » qui nous ont déjà vus sept ou dix fois, et ils prennent encore du plaisir parce que c’est toujours un peu différent. » Pour autant, ce qui frappe et séduit à la première écoute de Belgotronics, c’est que les Hoquets sont assez loin d’être frappés par le syndrome du groupe se consommant avant tout sur scène, et dont l’album ne serait qu’un simple support aux morceaux. Le leur est même par instants franchement différent de leurs performances lives, plus funky peut-être, plus riche soniquement et harmoniquement, sans aucun doute. François : « Il y a pas mal d’instruments qui n’ont été fabriqués que pour le studio, qu’on ne pourrait pas réutiliser en live… par exemple des caisses de vin légèrement déclouées qui sonnaient exactement comme des synthés analogiques. Avec un micro bien placé tu rentres vraiment dans un travail de design sonore, qu’on peut faire aussi sur scène bien sûr, mais dans une moindre mesure. Là, il s’agit quand même d’aller chercher à chaque fois LE son qui pourrait bien coller, bien rendre… » Maxime opine du chef : « Pour moi ça n’a aucun intérêt d’essayer de refaire en studio ce que tu fais sur scène, je trouve même l’idée assez étrange. »
Un travail de design sonore aux contours pour le moins ovniesques, même si l’on peut déceler ici ou là quelques choses d’Outkast, voire d’Akron/Family dans son versant le plus branché jam. Deux groupes avec lesquels Hoquets partagent d’ailleurs un goût prononcé pour les chansons, jamais sacrifiées sur l’autel de l’expérimentation. McCloud : « C’est hyper-évident depuis la première fois qu’on a frotté les bouts de bois ensemble. C’est l’évidence de… pas d’une recherche, mais plutôt d’une curiosité. C’est cette curiosité qui est la force derrière tous nos morceaux. On l’a pas joué à la Ok, on est des Musiciens, on va faire de la Recherche Sonore. C’est complètement décomplexé. Plutôt, hop ! [il joint le geste à la parole en tapant sur la table en même temps] Ça fait un bruit, quelle sorte de bruit, est-ce qu’on l’utilise dans un morceau, et si oui tant mieux. La manière dont on a créée les chansons est elle-même très organique ». Maxime renchérit : « J’écoute beaucoup de musique expérimentale, mais c’est vrai que ça repose sur des projets sonores très pointus, qui manquent parfois un peu de dimension humaine. Et comme j’écoute aussi beaucoup de musique pop depuis que je suis gamin… je dirais que l’intérêt c’est justement de concilier ces deux mondes, l’entertainment et l’Art, de jeter des ponts entre eux. » Le résultat est en la matière plus que convaincant, avec quelques titres ("Gentse Speciaal", "Chaud boulet" et surtout "Couque de Dinant") réussissant miraculeusement ce crossover. Comme souvent, c’est McCloud qui conclut le chapitre : « Moi je suis super à l’aise avec le R’n'B, avec le hip hop, avec la musique de merde des stations radios… parce que c’est des trucs qui arrivent à ma tête direct, les mélodies faciles, les paroles… Quand j’étais à Bordeaux, j’ai eu une crise d’insomnie et j’ai marché partout dans la ville, sans les chercher j’ai croisé tous les lieux où il y avait les prostituées et j’ai commencé comme ça : Girl, what are you doin’ tonight? / I wanna see you… Vraiment débile, dans le fond, mais ça vient de manière assez naturelle. » Évidemment ça passe moins bien par écrit, mais le lecteur aura compris de lui-même que le décidément lunaire McCloud s’est bel et bien mis à chanter au milieu du bar. C’est d’ailleurs lui également qui tient à conclure l’entretien, en adressant un message personnel aux lecteurs : « Le but de notre projet c’est de partager des idées et des expériences, et donc quand on fait des tournées, de la même manière qu’on chante "Couque de Dinant" ou "Maitrank", on aimerait bien savoir ce qui se passe dans les endroits où on est, ce qui est vraiment local et qui n’est pas le McDo… quoi boire, quoi faire, comment vivre, tu vois ? Souvent quand on fait des concerts les gens nous filent une bouteille de quelque chose qui vient des États-Unis… c’est pas très drôle, nous on aime bien faire des découvertes, c’est avec cet esprit que le projet a commencé et on aimerait vraiment faire cet échange avec les gens. »
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👍 Belgotronics
Hoquets | Crammed Disc, 2011