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C'est la première série de Hervé Hadmar et Marc Herpoux, fournisseurs officiels d'OVNI télévisuels français, à qui l'on doit Pigalle la nuit et plus récemment Signature. Un feuilleton en six épisodes, d'abord sans doute un poil conventionnel, mais qui partage avec ses petits frères d'exercer sur le spectateur un étonnant pouvoir de fascination. Un feuilleton, un de plus à leur CV, où l'atmosphère et les décors comptent autant que l'intrigue. Où les personnages ne sont jamais tout à fait ce qu'ils ont l'air d'être de prime abord. Où les psychés sont irrémédiablement abimées.
Christian Janvier enquête sur une série de disparitions survenues dans la région de Boulogne-sur-Mer. Depuis quinze ans, à intervalles plus ou moins réguliers, des adolescentes blondes et vierges disparaissent mystérieusement. Pas de corps, pas de traces, juste leurs vêtements pliés et repassés qui réapparaissent quelques jour plus tard sur des bancs publics. Jamais classées mais jamais poursuivies, les enquêtes s'entassent plus rapidement que les indices. Janvier connaît les vies de "ses" filles par cœur, leurs familles, leurs habitudes, il connaît tout... sauf l'essentiel : l'identité du tueur, si tant est qu'il y en ait un, et le sens de ces disparitions. Et quand enfin, en 2006, une nouvelle victime permet de débloquer ses investigations, il est déjà presque trop tard : Janvier a fini par être consumé de l'intérieur, hanté jusqu'à la folie par ces "oubliées" et par "celui [qu'il] cherche", et qu'il est bien le seul à chercher.
Avec son parti-pris réaliste et sa volonté de suivre une enquête dans ce qu'elle a de plus usant et de fastidieux (on pense immanquablement à Zodiac ou au 1980 de David Peace, voire à The Wire), Les Oubliées se place d'emblée aux antipodes du thriller-de-serial-killer conventionnel. A l'instar de Pigalle la nuit, cette histoire-ci est celle d'une quête éperdue, d'une course au bord de vide, où la raison se heurte à l'absurdité de la nature humaine. Souffrant de pertes de mémoire, sombrant de plus en plus dans la paranoïa au fur et à mesure que sa propre fille grandit et devient une potentielle victime, Janvier, magnifiquement incarné par Jacques Gamblin, est de ces héros tragiques que l'on suit pas à pas et que l'on prend un plaisir malsain à voir s'effriter scène après scène. Plus il se rapproche du but et plus celui-ci semble lui échapper, et plus son bon sens fini par être éclipsé par son obsession, schéma parfaitement rendu dans la construction narrative (d'abord méthodique et implacable, l'enquête se fait instinctive, parfois même incohérente au fil des épisodes, perdant peu à peu toute ligne directrice... et pour cause, puisque Janvier ne sait absolument pas où il va, tout en ayant la conviction absurde qu'il s'agit de la bonne direction - ce qui n'est d'ailleurs pas toujours vrai).
Sans surprise, on distingue bien des ponts invisibles entre cette série énigmatique et les deux qui lui succédèrent ; l'obsession twinpeaksienne est patente, dans cette manière qu'a la victime de s'avérer être, à la manière d'une Laura Palmer, l'exact inverse de ce que tout le monde pensait qu'elle était. Une obsession lynchienne généralisée, même, au fur et à mesure que la réalité de Christian Janvier se distend, le poussant vers toujours plus de paranoïa, d'insomnies et de violence. C'est évidemment l'une des grandes réussites des Oubliées : démarrant sur des bases hyper-réalistes, elle donne l'impression de se détraquer, pour être progressivement happée par un onirisme dont la part grandit un peu plus à chaque épisode.
L'ensemble est fascinant à regarder, parfois extrêmement oppressant, et souffre de très peu de faiblesses, mis à part un dénouement un brin expédié (mais doit-on encore le préciser alors que c'est le lot de tant de séries françaises). Le savoir faire formel de Hadmar et Herpoux n'est sans doute pas tout à fait le même que sur leurs projets suivants : l'environnement n'est pas aussi bien recréé que par la suite (il est assez troublant de voir une série entière se dérouler dans le Nord-Pas-de-Calais et d'entendre si peu le parler local, là où Signature, par exemple, joue énormément sur les accents), la mise en scène moins maîtrisée. Mais Les Oubliées a d'autres atouts, notamment un personnage principal vraiment marquant, et une atmosphère bien à elle dont on ne se lasse pas six épisodes durant. Il est d'autant plus étrange qu'elle soit si méconnue : c'est bel et bien l'un des meilleurs shows français des dernières années.
C'est la première série de Hervé Hadmar et Marc Herpoux, fournisseurs officiels d'OVNI télévisuels français, à qui l'on doit Pigalle la nuit et plus récemment Signature. Un feuilleton en six épisodes, d'abord sans doute un poil conventionnel, mais qui partage avec ses petits frères d'exercer sur le spectateur un étonnant pouvoir de fascination. Un feuilleton, un de plus à leur CV, où l'atmosphère et les décors comptent autant que l'intrigue. Où les personnages ne sont jamais tout à fait ce qu'ils ont l'air d'être de prime abord. Où les psychés sont irrémédiablement abimées.
Christian Janvier enquête sur une série de disparitions survenues dans la région de Boulogne-sur-Mer. Depuis quinze ans, à intervalles plus ou moins réguliers, des adolescentes blondes et vierges disparaissent mystérieusement. Pas de corps, pas de traces, juste leurs vêtements pliés et repassés qui réapparaissent quelques jour plus tard sur des bancs publics. Jamais classées mais jamais poursuivies, les enquêtes s'entassent plus rapidement que les indices. Janvier connaît les vies de "ses" filles par cœur, leurs familles, leurs habitudes, il connaît tout... sauf l'essentiel : l'identité du tueur, si tant est qu'il y en ait un, et le sens de ces disparitions. Et quand enfin, en 2006, une nouvelle victime permet de débloquer ses investigations, il est déjà presque trop tard : Janvier a fini par être consumé de l'intérieur, hanté jusqu'à la folie par ces "oubliées" et par "celui [qu'il] cherche", et qu'il est bien le seul à chercher.
Avec son parti-pris réaliste et sa volonté de suivre une enquête dans ce qu'elle a de plus usant et de fastidieux (on pense immanquablement à Zodiac ou au 1980 de David Peace, voire à The Wire), Les Oubliées se place d'emblée aux antipodes du thriller-de-serial-killer conventionnel. A l'instar de Pigalle la nuit, cette histoire-ci est celle d'une quête éperdue, d'une course au bord de vide, où la raison se heurte à l'absurdité de la nature humaine. Souffrant de pertes de mémoire, sombrant de plus en plus dans la paranoïa au fur et à mesure que sa propre fille grandit et devient une potentielle victime, Janvier, magnifiquement incarné par Jacques Gamblin, est de ces héros tragiques que l'on suit pas à pas et que l'on prend un plaisir malsain à voir s'effriter scène après scène. Plus il se rapproche du but et plus celui-ci semble lui échapper, et plus son bon sens fini par être éclipsé par son obsession, schéma parfaitement rendu dans la construction narrative (d'abord méthodique et implacable, l'enquête se fait instinctive, parfois même incohérente au fil des épisodes, perdant peu à peu toute ligne directrice... et pour cause, puisque Janvier ne sait absolument pas où il va, tout en ayant la conviction absurde qu'il s'agit de la bonne direction - ce qui n'est d'ailleurs pas toujours vrai).
Sans surprise, on distingue bien des ponts invisibles entre cette série énigmatique et les deux qui lui succédèrent ; l'obsession twinpeaksienne est patente, dans cette manière qu'a la victime de s'avérer être, à la manière d'une Laura Palmer, l'exact inverse de ce que tout le monde pensait qu'elle était. Une obsession lynchienne généralisée, même, au fur et à mesure que la réalité de Christian Janvier se distend, le poussant vers toujours plus de paranoïa, d'insomnies et de violence. C'est évidemment l'une des grandes réussites des Oubliées : démarrant sur des bases hyper-réalistes, elle donne l'impression de se détraquer, pour être progressivement happée par un onirisme dont la part grandit un peu plus à chaque épisode.
L'ensemble est fascinant à regarder, parfois extrêmement oppressant, et souffre de très peu de faiblesses, mis à part un dénouement un brin expédié (mais doit-on encore le préciser alors que c'est le lot de tant de séries françaises). Le savoir faire formel de Hadmar et Herpoux n'est sans doute pas tout à fait le même que sur leurs projets suivants : l'environnement n'est pas aussi bien recréé que par la suite (il est assez troublant de voir une série entière se dérouler dans le Nord-Pas-de-Calais et d'entendre si peu le parler local, là où Signature, par exemple, joue énormément sur les accents), la mise en scène moins maîtrisée. Mais Les Oubliées a d'autres atouts, notamment un personnage principal vraiment marquant, et une atmosphère bien à elle dont on ne se lasse pas six épisodes durant. Il est d'autant plus étrange qu'elle soit si méconnue : c'est bel et bien l'un des meilleurs shows français des dernières années.
👍👍👍 Les Oubliées
créée par Hervé Hadmar
France 3, 2007
Ha Ha Ha Ha Ha Ha, tu pensais nous avoir avec ta série qu'existe pas ?:D
RépondreSupprimerJe voulais te faire croire qu'elle n'existait pas. Donc c'est plutôt réussi ;-)
RépondreSupprimerAh putain, t'es trop fort pour moi :)
RépondreSupprimerMoi je suis moyennement convaincu par le duo Hervé Hadmar et Marc Herpoux. Autant j'ai aimé "Pigalle la nuit" autant "Les Oubliées" et "signature" j'ai trouvé ça assez lourd. Je trouve déjà que leurs les influences se voient comme le nez sur la figure. Même s'il se dégage une ambiance très particulière de leurs séries, avec toujours ce mélange de réalisme, d'onirisme, comme tu le précises, je trouve "Les Oubliées" bien faible comparé à Pigalle. Mais j'avoue que Gamblin dans le rôle principal, ça n'aide pas non plus... selon moi ;-)
RépondreSupprimerJe ne suis pas tout à fait d'accord. Je trouve Pigalle plus originale, plus ambitieuse, mais pas forcément plus aboutie (et même sans doute un peu moins).
RépondreSupprimerTu n'aimes pas Gamblin ? C'est quand même marrant de lire ça dans ce contexte, quand on sait à quel point le jeu de Lespert dans Pigalle était... disons... controversé ^^
"la raison se heurte à l'absurdité de la nature humaine"......la raison? ou l'hallucination mécanique qualifiée de raison?
RépondreSupprimertout est fluide, aucune raison de se heurter à quoi que ce soit..
Disons que l'hallucination mécanique se grippe, ce qui revient au même.
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