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Henri VIII d'Angleterre est une star. Ce n'est pas une nouveauté : il l'est depuis son accession au trône en 1509. Mais son rayonnement, sa complexité, les affres de son interminable règne (quarante-deux ans !), les légendes qui lui sont attribués comme les faits avérés parfois encore plus stupéfiants... tout cela concorda rapidement au fil des siècles à en faire une véritable icône (le plus souvent maléfique) de la Renaissance, et probablement le roi le plus célèbre de la vieille Europe (disons à égalité avec Louis XIV).
S'il n'est sans doute pas utile de rappeler à quel point la Renaissance fut une période essentielle de l'histoire de l'humanité (le simple fait d'écrire cette expression a de quoi faire sourire), il faut en revanche souligner que la dynastie des Tudor occupe une place à part dans l'imaginaire collectif anglo-saxon, au point, dans ces pays, de régulièrement donner son nom à l'époque toute entière. Rien d'étonnant donc à ce qu'une série lui ait été consacrée, parmi foultitude d'autres œuvres allant de (évidemment) Richard III à The Prince & The Pauper, sans oublier bien sûr A Song of Ice & Fire, qui s'en inspire ouvertement, en passant par une collection impressionnante de films et de livres de troisième zone unis dans la même fascination pour Henri VIII et ses six épouses.
Ce thème est évidemment l'axe centrale des Tudors, la série. Un brin racoleur et supposément éculé, mais finalement on ne s'en plaindra pas, car le traitement des coucheries du roi (et des autres) s'inscrit dans une démarche plus vaste et plus ambitieuse, que l'on pourrait difficilement ne pas rapprocher de celle que développait Sarah Waters dans sa trilogie victorienne : aller traquer l'envers du décor, poser la caméra dans les lieux où les plumes des conteurs de l'époque n'avaient pas loisir de s'exercer. Donc dans les chambres à coucher, mais aussi dans les bas-fonds, boudoirs, caveaux de comploteurs. Le tout dopé par une mise en scène nerveuse, des dialogues extrêmement ciselés, toutes choses aspirant clairement à trancher avec la fiction historique traditionnelle pour proposer une véritable série moderne, donc rythmée et addictive.
Cela fonctionne étonnamment bien, pour un peu qu'on ne soit pas trop à cheval sur la réalité historique et qu'on n'ait pas développé une allergie aux productions Showtime, dont The Tudors porte tout de même de nombreux stigmates, notamment ce côté branché et un peu toc qui rend beaucoup de séries de la concurrente de HBO assez in-regardables à mes yeux. Cependant il est à noter que celle-ci ne souffre pas du cruel déficit de profondeur qui gâchent ses petites sœurs de network ; les comédiens, sans aucun doute, n'y sont pas pour rien. J'avais déjà dit tout le bien que je pensais de Jonathan Rhys-Meyers dans Gormenghast, alors même que le feuilleton en lui-même adoptait des parti-pris très discutables. En Henri VIII, il fait tout simplement des merveilles, habitant le personnage comme nul autre avant - et sûrement après - lui. Jouant avec tout son corps, modulant sa voix à loisir, Rhys-Meyers est Henri VIII sans que le moindre doute soit permis à ce sujet, restituant à la perfection toutes les ambiguïtés d'un personnage pieux et transgressif, passionné mais habité par une violence terrifiante, pourvu d'un esprit aussi brillant que puéril, obsédé par la nécessité politique d'avoir un héritier au point de chambouler tout l'équilibre du monde occidental. Un visionnaire paralysé par son égo... que l'on voit glisser progressivement aussi bien vers la Réforme que vers les explosions de cruauté qui marqueront son règne. Le budget étant - pour une fois dans une fiction historique - réellement conséquent, le feuilleton ne commet pas la même erreur que Gormenghast et oppose à ce formidable comédien des partenaires suffisamment charismatiques pour ne pas se faire bouffer par lui : Sam Neil est un Wolsey intrigant (dans tous les sens du terme) et fascinant ; Jeremy Northam un Thomas More convaincant à défaut d'être réellement fidèle à l'original. Natalie Dormer, quasiment inconnue à l'époque, compose quant à elle une formidable Ann Boleyn, peste catapultée héroïne tragique, projetée vers une mort d'autant plus terrifiante qu'elle est sans cesse repoussée.
Il y a bien quelques défauts et quelques lourdeurs (je vous ai dit qu'on était sur Showtime ?...), et il est par exemple au minimum amusant de voir que les scénaristes ont éprouvé le besoin de rappeler deux fois par épisode de la saison un que More est un idéaliste, alors que contrairement à ce que croient tous ceux qui ne l'ont jamais lu, Utopia est plus proche de la satire corrosive que du gentil rêve hippie (noter que le tir commence à se rectifier - un peu brutalement - en fin de saison). Certains personnages secondaires n'apportent pas grand-chose, d'autres semblent trop en retrait. Mais la série a l'intelligence de ne pas s'étendre sur vingt épisodes par saisons, donc se diluer dans des sous-intrigues inutiles. Portée à chaque chapitre par un acteur renversant et une poignée de guests de prestige (cet article ne saurait être complet sans évoquer le toujours excellent James Frain, qui pour l'un de ses rares premiers rôles se glisse dans le costume de Thomas Cromwell avec une aisance déconcertante), toutes de tensions, The Tudors, pourtant réputée pour être une daube, va à l'essentiel. Et l'on se surprend à avoir très souvent hâte d'y revenir.
Henri VIII d'Angleterre est une star. Ce n'est pas une nouveauté : il l'est depuis son accession au trône en 1509. Mais son rayonnement, sa complexité, les affres de son interminable règne (quarante-deux ans !), les légendes qui lui sont attribués comme les faits avérés parfois encore plus stupéfiants... tout cela concorda rapidement au fil des siècles à en faire une véritable icône (le plus souvent maléfique) de la Renaissance, et probablement le roi le plus célèbre de la vieille Europe (disons à égalité avec Louis XIV).
S'il n'est sans doute pas utile de rappeler à quel point la Renaissance fut une période essentielle de l'histoire de l'humanité (le simple fait d'écrire cette expression a de quoi faire sourire), il faut en revanche souligner que la dynastie des Tudor occupe une place à part dans l'imaginaire collectif anglo-saxon, au point, dans ces pays, de régulièrement donner son nom à l'époque toute entière. Rien d'étonnant donc à ce qu'une série lui ait été consacrée, parmi foultitude d'autres œuvres allant de (évidemment) Richard III à The Prince & The Pauper, sans oublier bien sûr A Song of Ice & Fire, qui s'en inspire ouvertement, en passant par une collection impressionnante de films et de livres de troisième zone unis dans la même fascination pour Henri VIII et ses six épouses.
Ce thème est évidemment l'axe centrale des Tudors, la série. Un brin racoleur et supposément éculé, mais finalement on ne s'en plaindra pas, car le traitement des coucheries du roi (et des autres) s'inscrit dans une démarche plus vaste et plus ambitieuse, que l'on pourrait difficilement ne pas rapprocher de celle que développait Sarah Waters dans sa trilogie victorienne : aller traquer l'envers du décor, poser la caméra dans les lieux où les plumes des conteurs de l'époque n'avaient pas loisir de s'exercer. Donc dans les chambres à coucher, mais aussi dans les bas-fonds, boudoirs, caveaux de comploteurs. Le tout dopé par une mise en scène nerveuse, des dialogues extrêmement ciselés, toutes choses aspirant clairement à trancher avec la fiction historique traditionnelle pour proposer une véritable série moderne, donc rythmée et addictive.
Cela fonctionne étonnamment bien, pour un peu qu'on ne soit pas trop à cheval sur la réalité historique et qu'on n'ait pas développé une allergie aux productions Showtime, dont The Tudors porte tout de même de nombreux stigmates, notamment ce côté branché et un peu toc qui rend beaucoup de séries de la concurrente de HBO assez in-regardables à mes yeux. Cependant il est à noter que celle-ci ne souffre pas du cruel déficit de profondeur qui gâchent ses petites sœurs de network ; les comédiens, sans aucun doute, n'y sont pas pour rien. J'avais déjà dit tout le bien que je pensais de Jonathan Rhys-Meyers dans Gormenghast, alors même que le feuilleton en lui-même adoptait des parti-pris très discutables. En Henri VIII, il fait tout simplement des merveilles, habitant le personnage comme nul autre avant - et sûrement après - lui. Jouant avec tout son corps, modulant sa voix à loisir, Rhys-Meyers est Henri VIII sans que le moindre doute soit permis à ce sujet, restituant à la perfection toutes les ambiguïtés d'un personnage pieux et transgressif, passionné mais habité par une violence terrifiante, pourvu d'un esprit aussi brillant que puéril, obsédé par la nécessité politique d'avoir un héritier au point de chambouler tout l'équilibre du monde occidental. Un visionnaire paralysé par son égo... que l'on voit glisser progressivement aussi bien vers la Réforme que vers les explosions de cruauté qui marqueront son règne. Le budget étant - pour une fois dans une fiction historique - réellement conséquent, le feuilleton ne commet pas la même erreur que Gormenghast et oppose à ce formidable comédien des partenaires suffisamment charismatiques pour ne pas se faire bouffer par lui : Sam Neil est un Wolsey intrigant (dans tous les sens du terme) et fascinant ; Jeremy Northam un Thomas More convaincant à défaut d'être réellement fidèle à l'original. Natalie Dormer, quasiment inconnue à l'époque, compose quant à elle une formidable Ann Boleyn, peste catapultée héroïne tragique, projetée vers une mort d'autant plus terrifiante qu'elle est sans cesse repoussée.
Il y a bien quelques défauts et quelques lourdeurs (je vous ai dit qu'on était sur Showtime ?...), et il est par exemple au minimum amusant de voir que les scénaristes ont éprouvé le besoin de rappeler deux fois par épisode de la saison un que More est un idéaliste, alors que contrairement à ce que croient tous ceux qui ne l'ont jamais lu, Utopia est plus proche de la satire corrosive que du gentil rêve hippie (noter que le tir commence à se rectifier - un peu brutalement - en fin de saison). Certains personnages secondaires n'apportent pas grand-chose, d'autres semblent trop en retrait. Mais la série a l'intelligence de ne pas s'étendre sur vingt épisodes par saisons, donc se diluer dans des sous-intrigues inutiles. Portée à chaque chapitre par un acteur renversant et une poignée de guests de prestige (cet article ne saurait être complet sans évoquer le toujours excellent James Frain, qui pour l'un de ses rares premiers rôles se glisse dans le costume de Thomas Cromwell avec une aisance déconcertante), toutes de tensions, The Tudors, pourtant réputée pour être une daube, va à l'essentiel. Et l'on se surprend à avoir très souvent hâte d'y revenir.
The Tudors, créée par Michael Hirst (Showtime)
👍 Saison 1 (2007) :
👍👍 Saison 2 & 3 (2008-09)
👎 Saison 4 (2010)
Un joli billet qui remontera surement le moral de JOhn, le pauvre a de gros problèmes de "santé".
RépondreSupprimerSinon les Tudors c'est cool meme si la dernière saison est à chier (je vois que tu as l'air de le penser aussi)
Moi, j'aime pas les séries historiques ...
RépondreSupprimerPlus précisèment, je n'ai jamais été attiré par l'Histoire. C'est grave, Docteur ?
Je ne sais pourquoi je fais attendre la saison 3 depuis des mois, c'est un crime de lèse majesté ! D'accord avec toi, les acteurs sont très bons, j'aime aussi les décors, les costumes, la lumière, bref, tout me va.
RépondreSupprimerVraiment, c'est réputé pour être une daube ? J'en entends surtout du bien, même si tout le monde est d'accord pour dire que c'est quand même racoleur.
RépondreSupprimerNataka >>> la série a eu pas mal de succès (et même beaucoup à ses débuts), mais les critiques étaient très loin dithyrambiques, et ça ne s'est pas arrangé au fil des saisons. Non, elle n'a pas une très bonne réputation, notamment à cause des innombrables libertés prises avec l'histoire, certains allant même jusqu'à dire que "série historique" est une appellation usurpée.
RépondreSupprimerYs >>> bah, oui... pourquoi ?...
Thierry >>> très grave, car le passé est la clé de la paix dans le monde du future :-D
Serious >>> j'ai vu ça, même si je ne t'ai pas tout suivi. Il a essayé de se suicider, c'est ça ?
Ouais plus ou moins (l'histoire n'est pas claire). Enfin il est quand meme en desintox depuis des mois (et il ressemble à Elvis en fin de carriere...)
RépondreSupprimerAh oui ? Je ne savais même pas mais en même temps, l'an dernier dans la dernière saison des Tudor, il avait déjà bien bien enflé...
RépondreSupprimer(P.S. : ma femme vient de me dire : "waouh ! Serious Moon est encore plus calé en pipole que moi" ;-))
RépondreSupprimerC'est un compliment? ;)
RépondreSupprimerJoker ;-)
RépondreSupprimerArf, j'avais oublié de laisser un commentaire ici... en même temps, je suis tellement d'accord avec toi que je vois pas trop quoi rajouter... alors, à propos de séries historiques, autant dire un mot de Rome, que je découvre à peine depuis sa diffusion sur Arte (déjà la fin cette semaine), et qui est vraiment une excellente surprise pour moi. Bon, il y a quelques libertés prises avec l'histoire, quelques interprétations un peu discutables, quelques facilités (les deux héros se retrouvent toujours présents aux moments clés), mais peu importe, j'adore cette série...
RépondreSupprimerVivement la série sur les Borgia, j'ai hâte de voir ce que ça va donner...
En fait "les", y en a deux : celle avec Jeremy Irons sur la même Showtime, et celle produite par Tom Fontana pour Canal. La première est pas mal. La seconde passe en octobre et - je suis voyant ^^ - va déchirer.
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