...
C’est un feuilleton à la lenteur menaçante, aux silences douloureux, pour lequel paraît avoir été inventée l’expression « malheureux comme les pierres ».
Diffusée l’an passé sur Arte, la première saison de la danoise The Killing a fait bruisser de toutes parts un petit monde des séries assez inculte hors du champ anglo-saxon (Le Golb le premier, du reste). Ainsi donc dans ce pays à la (riche) culture largement méconnue en France, on pouvait produire des séries télévisées d’une telle envergure, à la réalisation aussi léchée, au casting aussi remarquable et au rythme aussi envoûtant ? On pouvait, oui. Et avec The Killing, ce fut chose faite.
Comme toutes les grandes œuvres, celle-ci part pourtant d’un canevas assez simple, presque banal : le jour où elle doit partir pour la Suède, où elle rejoint son compagnon, la détective Sarah Lund est appelée sur des lieux dont tout indique qu’ils sont celui d’un meurtre. Où est le corps ? Qui est la victime ? Les réponses à ces questions liminaires sont sans doute les plus aisées. La suite l’est moins.
En vingt épisodes à la narration parfaitement maîtrisée, lente mais soutenue, The Killing accomplit la paradoxale performance de s’imposer comme l’antithèse des séries policières américaines tout en offrant une variation habile sur leurs codes. Le découpage structurel (un épisode pour vingt-quatre heures) comme l’alternance de points de vue complémentaires (qui additionne le civil et le politique au policier) font inévitablement – et très bizarrement tant les deux séries sont différentes – penser à 24. Les shoots d’adrénalines sont bien plus modestes (quoiqu’assez intenses) : de cul-de-sac en fausses pistes, l’enquête de Lund et de son comparse le bourru Meyer avance à l’envers du tambour battant – parfois même à reculons lorsqu’un simple détail met trois épisodes à être exploité. Avec une action réduite au minimum syndical, des rebondissements égrenés au compte-goutte… The Killing reconstitue avec éclat l’enquête policière dans ce qu’elle peut avoir de plus captivant et obsédant, mais aussi de fastidieux et harassant. Il n’est pas rare de penser à The Pledge, le mésestimé troisième film de Sean Penn, dans lequel un autre crime sordide venait hanter puis littéralement consumer l’enquêteur principal (en l’occurrence incarné par un Jack Nicholson magistral). Pour l’épaisse couche de mélancolie dont se berce l’ensemble. Pour cette tristesse infinie qui submerge le spectateur à chaque fois que les parents de la victime apparaissent à l’écran. Ce qui arrive assez régulièrement, puisque fidèle à une certaine tradition du roman noir scandinave (Nesbø, Indriðason ou le brillant et méconnu – car quasiment indédit chez nous – Dan Turèll), The Killing opte pour une dimension chorale, en apparence décousue mais démontrant avec un indéniable brio de quelle manière le crime se répercute sur la communauté dans son ensemble.
Tout ceci suffirait en soi à rendre The Killing indispensable à tout amateur de séries digne de ce nom. Une raison subsidiaire existe toutefois, évidente : en plus de son atmosphère pluvieuse même lorsqu’il fait beau, de son rythme lancinant et de ses innombrables qualités objectives, The Killing est encore – et peut-être avant tout – un excellent polar que l’on suit avec délectation. On ne s’y ennuie jamais, et il nous tarde d’y revenir après chaque épisode. A ne pas manquer, vraiment.
C’est un feuilleton à la lenteur menaçante, aux silences douloureux, pour lequel paraît avoir été inventée l’expression « malheureux comme les pierres ».
Diffusée l’an passé sur Arte, la première saison de la danoise The Killing a fait bruisser de toutes parts un petit monde des séries assez inculte hors du champ anglo-saxon (Le Golb le premier, du reste). Ainsi donc dans ce pays à la (riche) culture largement méconnue en France, on pouvait produire des séries télévisées d’une telle envergure, à la réalisation aussi léchée, au casting aussi remarquable et au rythme aussi envoûtant ? On pouvait, oui. Et avec The Killing, ce fut chose faite.
Comme toutes les grandes œuvres, celle-ci part pourtant d’un canevas assez simple, presque banal : le jour où elle doit partir pour la Suède, où elle rejoint son compagnon, la détective Sarah Lund est appelée sur des lieux dont tout indique qu’ils sont celui d’un meurtre. Où est le corps ? Qui est la victime ? Les réponses à ces questions liminaires sont sans doute les plus aisées. La suite l’est moins.
En vingt épisodes à la narration parfaitement maîtrisée, lente mais soutenue, The Killing accomplit la paradoxale performance de s’imposer comme l’antithèse des séries policières américaines tout en offrant une variation habile sur leurs codes. Le découpage structurel (un épisode pour vingt-quatre heures) comme l’alternance de points de vue complémentaires (qui additionne le civil et le politique au policier) font inévitablement – et très bizarrement tant les deux séries sont différentes – penser à 24. Les shoots d’adrénalines sont bien plus modestes (quoiqu’assez intenses) : de cul-de-sac en fausses pistes, l’enquête de Lund et de son comparse le bourru Meyer avance à l’envers du tambour battant – parfois même à reculons lorsqu’un simple détail met trois épisodes à être exploité. Avec une action réduite au minimum syndical, des rebondissements égrenés au compte-goutte… The Killing reconstitue avec éclat l’enquête policière dans ce qu’elle peut avoir de plus captivant et obsédant, mais aussi de fastidieux et harassant. Il n’est pas rare de penser à The Pledge, le mésestimé troisième film de Sean Penn, dans lequel un autre crime sordide venait hanter puis littéralement consumer l’enquêteur principal (en l’occurrence incarné par un Jack Nicholson magistral). Pour l’épaisse couche de mélancolie dont se berce l’ensemble. Pour cette tristesse infinie qui submerge le spectateur à chaque fois que les parents de la victime apparaissent à l’écran. Ce qui arrive assez régulièrement, puisque fidèle à une certaine tradition du roman noir scandinave (Nesbø, Indriðason ou le brillant et méconnu – car quasiment indédit chez nous – Dan Turèll), The Killing opte pour une dimension chorale, en apparence décousue mais démontrant avec un indéniable brio de quelle manière le crime se répercute sur la communauté dans son ensemble.
👑 The Killing [Forbrydelsen] (saison 1)
créée par Søren Sveistrup
DR1, 2007
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).