lundi 29 août 2011

Male Bonding - Seattle Is My Lady

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Il suffit d'un riff. Un de ces petits-riffs-de-rien-du-tout-qui-pourtant-veulent-dire-beaucoup (et même plus). Celui de "Tame the Sun", premier morceau du second album de Male Bonding. Dieu sait qu'on l'utilise souvent à tort et à travers, l'expression "dès la première note de". "Tame the Sun" est le genre de titre qui lui redonne tout son sens. Parce que cette entrée en matière cinglante ouvre sur une vraie, une grande chanson. Rageuse et sensuelle. Accrocheuse comme devrait l'être tout morceau de rock'n'roll. Tubesque en diable - enfin tubesque dans le monde parallèle où s'ébrouent les amateurs de musique. Alors oui : il suffit d'un riff, peut-être d'un couplet, pour comprendre que Male Bonding vient d'enclencher la vitesse supérieure.

Il y a un an et demi à peine (même pas), ces jeunes gens enfourchaient le destrier du revival grunge, pour un premier album, Nothing Hurts, dont on s'aperçut avec un mélange de plaisir et d'étonnement qu'il tenait foutrement bien la longueur. "Year's Not Long" ou "Weird Feelings" s'étaient particulièrement bien installés dans le temps, revenant régulièrement hanter la platine du Golb dans une époque où cent nouveaux disques déferlent dessus chaque semaine. Sans doute parce qu'il est un poil plus pop, peut-être aussi parce qu'on l'attendait avec une certaine fébrilité, Endless Now procure une jouissance plus immédiate. Une écoute suffit à sentir que le groupe londonien (car le meilleur grunge, c'est une chose établie, se joue désormais en Angleterre) tient le bon bout. Sans bouleverser en quoi que ce soit ses fondamentaux, soit donc un goût prononcé pour le punk scabreux des Buzzcocks et le rock alternatif made in Seattle, Nirvana en tête, Mudhoney et la march to fuzz pas loin derrière... sans rien renier, donc, de ces (bonnes) influences, Male Bonding semble mûrir tranquillement. Les compos se sont considérablement affinées (voir "Bones" ou "Before It's Gone", en tout point remarquables), la voix a nettement progressé, toujours un peu en retrait mais désormais plus profonde, assurée. Les mélodies, autrefois désossées, sont ici d'une simplicité et d'une efficacité rares. Quant au son, il impressionne, et rend hommage à une section rythmique imparable ("What's that Scene?").

Amusant de se dire qu'à l'heure où Grohl et Novoselic célèbrent de piètres retrouvailles sur un album aussi sympathique qu'ultra-calibré (un album des Foos, donc), trois anglais certes pas tout à fait sortis de nulle part (deux tiers de Male Bonding sont issus de Pre) tiennent, eux, le vrai truc. Dans les rythmiques bien sûr, Endless Now étant comme son prédecesseur une belle leçon de ralenti/explosion à la Black/Cobain (ah ! ce "Channelling Your Fear"), mais aussi et surtout dans une forme de feeling, un groove qui fait cruellement défaut à la concurrence malgré toutes les bonnes choses qu'on peut y entendre parfois. D'autant que le trio fait tout de même un peu plus que réinventer le passé avec talent (ce qui serait on ne peut plus suffisant - ça fait tout de même plus de quinze ans qu'on ne demande plus au grunge d'être original, si tant est qu'on le lui ait jamais demandé un jour). Il la réécrit et offre de l'indie-rock du début nineties une vision délicieuse et fantasmée (délicieuse parce que fantasmée). Avec lui, on oublie instantanément tout ce qui puait dans la scène de l'époque. Que les groupes de Seattle, même les plus intègres (Mudhoney, Screaming Trees...) ont eu tôt fait de se vendre aux majors et à MTV. Que le courant le plus marquant des années quatre-vingt-dix avait déjà atteint un stade de décomposition avancé au moment de pénétrer dans ladite décennie. Que la plupart de ces albums ont très mal vieilli. Non, tout cela n'a jamais existé. Le "rock alternatif" (comme préférait dire Cobain) est toujours un pole de résistance à l'envahisseur. Sub Pop est toujours le plus grand label du monde. Le grunge est toujours cette musique de punks mal lavés (pléonasme) noyant leur mal être sous des couches de disto et de reverb'. Une définition qui colle à merveille à Male Bonding. Et qui, on ne le croirait pas comme ça, est bien synonyme de classe absolue.


👍👍👍 Endless Now 
Male Bonding | Sub Pop, 2011

10 commentaires:

  1. Terrible morceau en effet. Hâte d'entendre l'album (qui sort quand? aujourd'hui c'est ça?)

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  2. A la première écoute je me suis dit, "waouh ! album de l'année". Je vais sûrement modérer ce jugement dans les semaines qui viennent, mais ça m'étonnerait que je me lasse facilement de ce disque.

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  3. Sûr que c'est la bonne facette du grunge, alterno et plutôt sympa. Maintenant bon, ce que j'en entends ne me paraît pas exceptionnel, quand même.

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  4. Ah, j'avais loupé ton article l'an dernier mais là je risque pas d'oublier ce groupe. Très bon!

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  5. J'espère bien qu'il sera chez mon disquaire cet aprèm'...

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  6. Emily >>> ah, carrément ? ^^ Tu n'y vas pas de main morte.

    Lil' >>> depuis quand tu t'y connais en grunge, petite ;-)

    Clemente >>> ;-)

    Lyle >>> si c'est ton disquaire préféré, ça semble évident qu'il y sera.

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  7. L'album de l'an dernier m'avait qu'à moitié convaincu donc je n'attendais pas celui-cci avec impatience. J'essaierais d'y jeter une oreille quand même parmi toutes les choses qu'y m'attendent en cette fin de vacances...

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  8. Après écoute je confirme que c'est putain de bien. What's that scene, Tame the sun, très très bons morceaux.

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