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On a beau être naturellement bienveillant face à un groupe archi-culte qui a fait beaucoup de bon et a, de son vivant, fait preuve d’une belle intégrité, difficile de ne pas se montrer un brin circonspect face à la sortie de l’objet laconiquement intitulé Last Words. Comment faut-il au juste l’accueillir ? Comme une nouveauté ? Comme une réédition ? Comme une compile ?…
Le fait est qu’un peu à la manière du Dark Night of the Soul lorsqu’il nous est enfin parvenu en édition physique, Last Words peut être considéré comme la réédition d’un album jamais vraiment édité (et qui d’ailleurs, aux dernières nouvelles, ne le sera probablement jamais - tout court - en version physique). Comme l’indique le sous-titre The Final Recordings (ces gens ont un sens aigu de l’à propos…), il s’agit, ni plus ni moins, de l’ultime album des Screaming Trees, chronologiquement l’un des tous premiers groupes grunge (formation en 1985), enregistré en 1998-99 et disponible depuis des années sur les réseaux p2p sous le titre, lui aussi fort à propos, d’Unreleased Album (à croire que le groupe lui-même l’avait choisi). Désormais dûment mixé par Jack Endino, producteur et ingé son incontournable de la scène de Seattle (Soundgarden, Green River, TAD, Nirvana, Mudhoney, Babes In Toyland, Lanegan en solo… la liste est sans fin), qui n’avait donc plus bossé depuis des années (on exagère à peine), Last Words se paie ainsi aujourd’hui un nouveau petit tour de piste. Pourquoi maintenant ? On ne sait pas. De toute évidence, le groupe n’a jamais eu l’intention de se reformer, ce qui ne surprendra que ceux n’ayant qu’une très vague idée des caractères pour le moins, hum, « difficiles » de Mark Lanegan et des frères Conner. Mais il est vrai que la question exacte concernant cet ouvrage serait plutôt « pourquoi pas à l’époque ? »
Car l’autre point commun caché entre Last Words et Dark Night of the Soul, c’est que c’est principalement du fait de l’incompétence des labels qu’il lanterna dans les cartons au point de devenir largement surestimé par le fantasme des fans. Saqués par Epic peu de temps avant, les Screaming Trees passèrent des mois à essayer de trouver quelqu’un pour distribuer leur huitième opus. En vain. Ce qui n’empêchera certes pas les mêmes labels qui les jetèrent aux chiens de publier une compile du groupe lorsque Mark Lanegan aura eu effectué un retour médiatique fracassant au sein des Queens Of The Stone Age ; une double ironie, en somme, puisque c’est justement la superstar en devenir Josh Homme qui tient les guitares rythmique sur une grosse partie de cet album. Grand fan du groupe depuis sa tendre adolescence, il assura en effet, on le sait finalement peu, un intérim’ à ce poste ingrat durant les deux années qui séparèrent le split de Kyuss de la formation des QOTSA.
Voilà pour l’histoire. Et sinon, l’album ? Si le contenu est globalement le même que sur la version pirate (à quelques titres près), il faut bien reconnaître que Jack Endino a fait un sacré bon boulot, ce qui n’est pas loin de relever du miracle tant la quasi totalité de ses productions sonne aujourd’hui datée. Plus que de l’habillage de démos, il s’est livré à un authentique travail de production qui confère à l’objet la cohérence d’un véritable album (même si les guitares pourraient trancher un peu plus, soit), et est parvenu à restituer de manière étonnante le son du groupe, d’autant qu’il n’y a contribué que lointainement (il n’a produit des Trees que Buzz Factory, quatrième album assez mineur, en 89). Bien mixé, Last Words devient un crossover presque logique entre Dust (le dernier disque du groupe, en 96… enfin du moins jusqu’à maintenant) et Scraps at Midnight (l’album solo que Lanegan enregistre peu après, en 98). Moins psyché que le premier et plus heavy que le second (quoique beaucoup moins que n’importe quel autre disque des Screaming Trees), il est aussi involontairement le témoignage d’une époque lointaine où Mark Lanegan n’était pas devenu un espèce d’invité permanent sur les projets des uns et des autres, le plus souvent en pilotage automatique et service minimum, mais un songwriter surdoué dont la voix, ici plus en avant que jamais, happait d’autant plus violemment l’auditeur que sa profondeur n’était pas le seul argument de vente des morceaux.
Le reste relève dans le fond de l’évidence : oui, Last Words est amplement à la hauteur d’un groupe à la carrière trop éclatée et anonyme pour avoir connu les bas qui frappèrent tous ses camarades de Seattle ; ce n’est pas une surprise parce qu’on connaissait l’album dans sa version pirate, mais ça n’en sera de toute façon une pour personne tant les Trees étaient encore au sommet lorsqu’ils ont mis la clé sur la porte, à la surprise générale de leurs rares fans. Dès les premières notes d’"Ash Gray Sunday", single évident s’il était sorti alors, on retrouve avec un bonheur non-feint cet équilibre fascinant entre voix semblant sortir de terre et guitares aériennes, ces ambiances hantées ("Black Rose Way") et cette puissance mélodique qui déjà, à l’époque, faisait toute la différence entre les Screaming Trees et la plupart de leurs collègues à jean troués ("Door into Summer", "Crawlspace"). Certes, le niveau général ne rivalise pas avec les classiques du groupe, qu’il s’agisse d’Uncle Anesthesia (1991), de Sweet Oblivion (1992) ou de Dust (1996). Last Words reste un album inachevé, enregistré de manière quasi amateure, par un groupe au bout du rouleau et au line-up instable. Mais des morceaux comme "Reflection" ou "Anita Grey" préservent le même éclat, la même aura sombre, les mêmes atmosphères crépusculaires qui nous bercèrent alors. L’occasion ou jamais, sans doute, de redécouvrir un groupe exceptionnel qui en dépit de la suite de carrière de son leader demeure, encore aujourd’hui, étrangement méconnu.
On a beau être naturellement bienveillant face à un groupe archi-culte qui a fait beaucoup de bon et a, de son vivant, fait preuve d’une belle intégrité, difficile de ne pas se montrer un brin circonspect face à la sortie de l’objet laconiquement intitulé Last Words. Comment faut-il au juste l’accueillir ? Comme une nouveauté ? Comme une réédition ? Comme une compile ?…
Le fait est qu’un peu à la manière du Dark Night of the Soul lorsqu’il nous est enfin parvenu en édition physique, Last Words peut être considéré comme la réédition d’un album jamais vraiment édité (et qui d’ailleurs, aux dernières nouvelles, ne le sera probablement jamais - tout court - en version physique). Comme l’indique le sous-titre The Final Recordings (ces gens ont un sens aigu de l’à propos…), il s’agit, ni plus ni moins, de l’ultime album des Screaming Trees, chronologiquement l’un des tous premiers groupes grunge (formation en 1985), enregistré en 1998-99 et disponible depuis des années sur les réseaux p2p sous le titre, lui aussi fort à propos, d’Unreleased Album (à croire que le groupe lui-même l’avait choisi). Désormais dûment mixé par Jack Endino, producteur et ingé son incontournable de la scène de Seattle (Soundgarden, Green River, TAD, Nirvana, Mudhoney, Babes In Toyland, Lanegan en solo… la liste est sans fin), qui n’avait donc plus bossé depuis des années (on exagère à peine), Last Words se paie ainsi aujourd’hui un nouveau petit tour de piste. Pourquoi maintenant ? On ne sait pas. De toute évidence, le groupe n’a jamais eu l’intention de se reformer, ce qui ne surprendra que ceux n’ayant qu’une très vague idée des caractères pour le moins, hum, « difficiles » de Mark Lanegan et des frères Conner. Mais il est vrai que la question exacte concernant cet ouvrage serait plutôt « pourquoi pas à l’époque ? »
Car l’autre point commun caché entre Last Words et Dark Night of the Soul, c’est que c’est principalement du fait de l’incompétence des labels qu’il lanterna dans les cartons au point de devenir largement surestimé par le fantasme des fans. Saqués par Epic peu de temps avant, les Screaming Trees passèrent des mois à essayer de trouver quelqu’un pour distribuer leur huitième opus. En vain. Ce qui n’empêchera certes pas les mêmes labels qui les jetèrent aux chiens de publier une compile du groupe lorsque Mark Lanegan aura eu effectué un retour médiatique fracassant au sein des Queens Of The Stone Age ; une double ironie, en somme, puisque c’est justement la superstar en devenir Josh Homme qui tient les guitares rythmique sur une grosse partie de cet album. Grand fan du groupe depuis sa tendre adolescence, il assura en effet, on le sait finalement peu, un intérim’ à ce poste ingrat durant les deux années qui séparèrent le split de Kyuss de la formation des QOTSA.
Voilà pour l’histoire. Et sinon, l’album ? Si le contenu est globalement le même que sur la version pirate (à quelques titres près), il faut bien reconnaître que Jack Endino a fait un sacré bon boulot, ce qui n’est pas loin de relever du miracle tant la quasi totalité de ses productions sonne aujourd’hui datée. Plus que de l’habillage de démos, il s’est livré à un authentique travail de production qui confère à l’objet la cohérence d’un véritable album (même si les guitares pourraient trancher un peu plus, soit), et est parvenu à restituer de manière étonnante le son du groupe, d’autant qu’il n’y a contribué que lointainement (il n’a produit des Trees que Buzz Factory, quatrième album assez mineur, en 89). Bien mixé, Last Words devient un crossover presque logique entre Dust (le dernier disque du groupe, en 96… enfin du moins jusqu’à maintenant) et Scraps at Midnight (l’album solo que Lanegan enregistre peu après, en 98). Moins psyché que le premier et plus heavy que le second (quoique beaucoup moins que n’importe quel autre disque des Screaming Trees), il est aussi involontairement le témoignage d’une époque lointaine où Mark Lanegan n’était pas devenu un espèce d’invité permanent sur les projets des uns et des autres, le plus souvent en pilotage automatique et service minimum, mais un songwriter surdoué dont la voix, ici plus en avant que jamais, happait d’autant plus violemment l’auditeur que sa profondeur n’était pas le seul argument de vente des morceaux.
Le reste relève dans le fond de l’évidence : oui, Last Words est amplement à la hauteur d’un groupe à la carrière trop éclatée et anonyme pour avoir connu les bas qui frappèrent tous ses camarades de Seattle ; ce n’est pas une surprise parce qu’on connaissait l’album dans sa version pirate, mais ça n’en sera de toute façon une pour personne tant les Trees étaient encore au sommet lorsqu’ils ont mis la clé sur la porte, à la surprise générale de leurs rares fans. Dès les premières notes d’"Ash Gray Sunday", single évident s’il était sorti alors, on retrouve avec un bonheur non-feint cet équilibre fascinant entre voix semblant sortir de terre et guitares aériennes, ces ambiances hantées ("Black Rose Way") et cette puissance mélodique qui déjà, à l’époque, faisait toute la différence entre les Screaming Trees et la plupart de leurs collègues à jean troués ("Door into Summer", "Crawlspace"). Certes, le niveau général ne rivalise pas avec les classiques du groupe, qu’il s’agisse d’Uncle Anesthesia (1991), de Sweet Oblivion (1992) ou de Dust (1996). Last Words reste un album inachevé, enregistré de manière quasi amateure, par un groupe au bout du rouleau et au line-up instable. Mais des morceaux comme "Reflection" ou "Anita Grey" préservent le même éclat, la même aura sombre, les mêmes atmosphères crépusculaires qui nous bercèrent alors. L’occasion ou jamais, sans doute, de redécouvrir un groupe exceptionnel qui en dépit de la suite de carrière de son leader demeure, encore aujourd’hui, étrangement méconnu.
👍👍 Last Words : The Final Recordings
Screaming Trees | Sunyata Productions, 2011
Je me rappelle, effectivement, avoir écouté l'album "inédit", il y a quelques années. Pas mal, dans mon souvenir, mais je ne l'ai pas beaucoup réécouté. Je vais jeter une oreille sur cette version "liftée".
RépondreSupprimerBBB.
Ah! Les Trees, meilleur de tous les groupes grunge. Pas moins!
RépondreSupprimertout juste et très bonne surprise que ce dernier tour de piste, çà vaut pas Dust mais largement mieux que le peu que propose Lanegan depuis quelques années :(
RépondreSupprimerOui, c'était assez inattendu pour moi aussi, d'autant que je connaissais déjà le contenu et ne m'attendais donc pas du tout à être aussi enthousiaste.
RépondreSupprimerLanegan il a fait des trucs ces dernières années ? ^^
Je suis quand même un peu sceptique. Il y a quelques bons morceaux, mais à part Ash Grey Sunday, rien à mon avis qui soit à la hauteur des classiques du groupe. Ce qui est ironique, c'est que pourtant, écouter ce disque en 2011 rend enthousiaste. C'est dire si le niveau du rock américain a baissé depuis. En fait, c'est sûrement le meilleur disque de heavy rock de 2011, et je trouve assez angoissant de se dire ça.
RépondreSupprimerAprès écoute, je trouve cela quand même pas mal. Tout n'est pas bon, loin de là, mais il y a de très bons passages.
RépondreSupprimerEt c'est très vrai, ce que dit Miss PLAY.
Pas vraiment d'avis sur ce point - je ne vis pas dans la nostalgie. Donc ne me sent pas concerné.
RépondreSupprimeroups, je croyais qu'il avait sorti 3 disques très chiants avec Isobel Campbel mais c'est surement un homonyme (qui se débrouille un poil mieux chez Gutter Twins ou Soulsavers)
RépondreSupprimerpas nostalgique non plus, je trouve même çà plutot frais
Oh non ! Les deux premiers avec Campbell sont très bons. C'est le dernier qui est affreux.
RépondreSupprimerL'ensemble dе ces аrticles sont claіrement passionnants
RépondreSupprimermy weƄsite: porno en streaming