jeudi 18 août 2011

Under the Dome - Prometteur mais décevant

...
Depuis qu'il a arrêté d'arrêter d'écrire, Stephen King a fait prendre un son oeuvre un tour différent. Sa production s'est considérablement raréfiée. Ses romans paraissent de prime abord plus ambitieux, en tout cas plus soignés que jamais. Après quelques livres un peu paresseux (Cell, Colorado Kid...), il semble avoir lentement mais sûrement retrouvé le chemin de son univers, de cette éternelle petite ville de l'Amérique ordinaire qui vit en lui depuis toujours, et qu'il prend encore et encore le même plaisir un peu cruel à démollir, pour en faire rejaillir tant le côté obscur que l'indécrottable humanité. En fait on finirait presque par pouvoir découper son opulente bibliographie en trois portions quasi égales : les affres de la création, la chronique sociale saupoudrée de terreur, et les séries B souvent efficaces dans lesquelles il rend hommage à ses maîtres.

Le paradoxe de tout cela, c'est que l'auteur de Shining et de tant d'autres grands romans s'avère au fil des années de moins en moins surprenant. Under the Dome, c'est un peu cela : un roman franchement ambitieux, son plus ambitieux depuis un paquet d'années, même, et en même temps un ouvrage assez banal venant de lui, dans lequel tout s'avère plus ou moins attendu - peut-être aussi parce qu'à force on commence à connaître le moindre recoin de sa boite à malices. L'idée de départ est bête comme chou, donc géniale : un beau jour, subitement, un dôme translucide recouvre une petite du Maine, provoquant une série d'accidents graves et coupant immédiatement toute communication avec l'extérieur. Un huîs-clos en plein air en quelque sorte, qui lorgne ouvertement du côté de Lost ou de The Walking Dead (le comics, pas la série), ce qui ne manque pas de piquant puisqu'à la base, King lui-même a déjà largement influencé ces deux oeuvres.


Ce qu'il fait de tout cela n'est pas mauvais à proprement parler, mais comment dire ? C'est assez convenu. En fait, il en fait du bon gros King à l'ancienne, jamais bien loin dans l'idée d'un Needfull Things ou d'un Tommyknockers (ce dernier étant souvent cité parmi ses plus mauvais, d'ailleurs). Prenez les personnages : ils ne sont pas, en soi, archétypaux. Mais comme tout cassage de règle fini à la longue par devenir une règle à part entière, ces personnages sont tout de même très archétypaux rapportés à l'oeuvre de King lui-même. Un seul exemple : prenez Junior, remplacez-le par Percy Wetmore (The Green Mile). Ca ne changera pas grand-chose au déroulement du bouquin. Sinon rien.

Alors du coup, pour palier à un cruel déficit de grands personnages, l'auteur délaie. Ok, il délaie tout le temps plus ou moins. Mais là, on est carrément dans la dillution. Il lui faut tout de même près de cent- cinquante pages pour entrer dans le vif du sujet. Et c'est là que le bât blesse : il ne raconte pas grand-chose de palpitant. Il bavarde. Beaucoup. De quoi parle Under the Dome, son idée de base passée ? De tout et rien. Des gens. C'est une étude de caractères bien fichue, pertinente, parfois touchante, tout ce que vous voudrez... sauf un tant soit peu singulière. Dans ce (très) gros roman, King ne dit rien qu'il n'ait déjà (très bien) dit ailleurs. Il le dit avec des mots qui cognent et qui claquent, dans un style si impeccable et imparable qu'on adorerait adorer le livre. Sauf qu'on a un peu envie de sauteur des pages par moments, tant on ne peut s'empêcher d'avoir le sentiment de l'avoir déjà lu. Longtemps, King fut l'exemple même de l'écrivain qui avait des dizaines d'histoires et de personnages vivant en lui, qu'il devait absolument coucher sur le papier pour qu'elles/ils existent. Dans Under the Dome, il donne exactement l'impression du contraire : qu'il écrit cette histoire comme il pourrait ne pas l'écrire, que la mécanique du récit est parfaitement huilée (notamment dans l'exposition, qui pour longue qu'elle soit n'en est pas moins brillante d'ingéniosité) mais que finalement il n'y a pas beaucoup de vie à l'intérieur. Et la manière dont la chute est expédiée ne fait pas grand-chose pour infirmer ce sentiment.


Under the Dome [Dôme]
Stephen King | Scribner, 2009

14 commentaires:

  1. J'ai bien aimé mais je comprends un peu ce que tu veux dire. C'est vrai que des fois l'impression de "déjà lu" est assez forte. Enfin c'est bien qunad même.

    RépondreSupprimer
  2. J'hésitais un peu à m'y risquer surtout que ça fait longtemps qu'il n'en a pas fait un si volumineux. Or, j'ai un peu mal avec Stephen King "le mastodonte qui fait des livres de 1000 pages". Plein des gens le préfèrent comme ça mais moi, je l'ai toujours trouvé plus efficace dans ses romans "courts" (tout est relatif : un roman de King, c'est 500 pages quand même lol)

    RépondreSupprimer
  3. Marrant, les Simpson avaient je crois fais un épisode où Springfield est coincée dans un dome de verre géant....
    Ton article est instructif, on voit bien ce qu'on va trouver dans ce livre, mais du coup j'hésite à y aller; Je crois que je vais renoncer pour cause de longueur(s). je trouve comme Lil' que king est meilleur dans des formats plus courts (ses nouvelles Minuit sont des chefs d'oeuvre par exemple).
    est ce qu'il s'étale en références culturelles dans ce livre?

    RépondreSupprimer
  4. C'était dans le film les Simpson en fait :)

    RépondreSupprimer
  5. la voluspa (et toute l'edda d'ailleurs) relègue tout ce genre dans les catacombes ou les maternelles, au choix^^
    à noter que le "En savez-vous davantage?" se retrouve traduit par "vous en voulez encore?" dans de nombreuses traductions, on peut considérer ces deux phrases comme synonymes d'un certain point de vue.
    (bon, d'accord, l'illiade et l'odyssée sont plus "abordables" pour l'homo occidentalus actuel, encore que les bateaux qui quittent le port se comptent assez facilement^^)

    http://songerune.eklablog.com/la-voluspa-a2714528

    http://youtu.be/G0ZKuqy1Pro

    RépondreSupprimer
  6. Pas aimé. j'ai arrêté à la 100ème page. On voit tout venir à 15km. Les personnages sont caricaturaux à souhait.
    J'ai essayé d'attendre qu'enfin l'intrigue devienne originale (parce que le concept de départ l'était).. mais je me suis découragée avant. Trop bavard, trop prévisible.
    :-(

    RépondreSupprimer
  7. Alors ça c'est de la coïncidence, j'ai commencé à le lire hier. Il trainait dans ma bibliothèque depuis quelques mois. C'est vrai que la bête pèse son poids et rien que ça, ça fout les boules (je vais me péter un tendon à continuer à lire allongée sur le dos!)En tout cas, pour ma part, je ne suis pas encore dégoûtée. Je tiens le bon bout (bon, en fait juste les 100 premières pages!)

    RépondreSupprimer
  8. Serious Moon >>> oui oui, je n'ai pas dit que ce n'était pas bien...

    Lil' >>> il y en a quand même d'excellents qui dépassent le quintal ^^

    Xavier >>> je ne connais pas de livre où King ne s'étale pas en référence culturelles, c'est une de ses marques de fabrique, tout de même.

    gmc >>> sans aucun doute, oui.

    Kath >>> on voit tout venir à 15km... mais ça peut rentrer, puisque la ville est sous le dôme (ok ok, elle était facile)

    Marie >>> ah ça, ne m'étonne pas. Moi je l'ai lu debout et assis la plupart du temps :-)

    (bon ok, je lis debout et assis la plupart du temps. Mais quand même.)

    RépondreSupprimer
  9. A des degrés divers tout de meme. En fait, c'est plus ou moins visible selon que ces références passent de manière naturelle ou artificielle au travers de ses personnages. J'ai par exemple trouvé désaréable sur la Tour Sombre (surtout les derniers tomes) que King se serve d'Eddie pour balancer des références peu crédibles dans l'histoire de ce personnage.

    RépondreSupprimer
  10. Tu trouves ? Eddie est le fan de culture pop, celui qui a vu plein de films, de séries... ça ne m'a jamais paru anormal, même si c'était un peu lourd parfois...

    RépondreSupprimer
  11. Plutôt bien aimé pour ma part. Mais c'est vrai que de temps en temps la tentation de sauteur 1 ou 2 pages se fait grande.

    RépondreSupprimer
  12. Fallait pas te retenir, c'est mauvais pour la santé ^^

    RépondreSupprimer
  13. Tout à fait d'accord. Je trouve même gentil.

    Je viens de le finir (au bout de cinq mois !) et j'ai vraiment trouvé toute la deuxième moitié assez pénible, avec beaucoup de répétition et de digressions qui ne sont plus aussi charmantes que dans d'autres livres de l'auteur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça reste entre nous, mais presque deux ans après j'avais totalement oublié l'existence de ce bouquin ^^

      Supprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).