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Il y a vingt ans, autant dire un siècle, Joseph O'Connor était un jeune mec qui écoutait du punkrock et racontait des histoires de losers magnifiques, très terriennes, parfois un peu brut - le plus souvent très drôles. Mais le monde lui-même n'étant pas très marrant, a fortiori en Irlande, le rigolo est devenu de plus en plus sérieux au fil des années, jusqu'à publier le roman de loin le plus bouleversant des années quatre-vingt-dix. Après quoi il a fait ce que n'importe qui aurait fait à sa place : il a continué de vieillir, s'est fait plus ambitieux, s'est découvert une passion pour l'histoire de son pays qu'il s'est appliqué à exprimer dans des livres inégaux (Star of the Sea, Redemption Falls) mais toujours attachants, sincères, inspirés. Tant et si bien que vingt ans après, son nouveau roman (le septième), Ghost Light, n'a strictement plus rien à voir avec le premier (Cowboys & Indians), ce qui fait d'O'Connor une quasi antithèse de son compatriote et copain Hugo Hamilton, qui pour sa part écrit toujours peu ou prou la même histoire (mais qui lui aussi est devenu de moins en moins rigolo avec les années).
Une chose qui n'a pas changé en revanche, c'est cette capacité unique qu'a O'Connor de bâtir des univers en trois coups de cuiller à pot. Celui de Ghost Light est écartelé entre le passé et un présent qui est déjà passé. Une faille spatio-temporelle sur laquelle vit, survit plutôt... erre, en fait, Molly Allgood, muse du dramaturge John Millington Synge, héroïne romantique parvenue au crépuscule de sa vie. Il ne faudrait jamais vieillir, lorsqu'on est une héroïne romantique. Il faudrait mourir jeune et à son zénith. Molly est bien vivante, et elle se perd dans cette ville hantée par tant de fantômes, où chaque détail lui rappelle qui elle a été et qui elle n'est plus.
Le personnage a réellement existé, mais O'Connor - Dieu nous garde ! - n'a assurément pas cherché à en faire en quoi que ce soit la biographie. Aux constructions et aux figures imposées, il a préfère narrer de manière chaotique et sensuelle une histoire d'amour sulfureuse (ils ont près de vingt ans d'écart), que la poésie et les mots ont amplifiée jusqu'à la démultiplier. Petit à petit, ce qu'on sait de la réalité historique en vient à se diluer, pour ne plus paraître au final qu'un fantasme moite, fragile comme tous les fantasmes, perdu au milieu d'un monde - le Dublin d'hier et d'avant-hier - avec lequel il contraste violemment. C'est court, passionné et passionnant. Et c'est sans doute ce que Joseph O'Connor a signé de plus enthousiasmant depuis des années.
Il y a vingt ans, autant dire un siècle, Joseph O'Connor était un jeune mec qui écoutait du punkrock et racontait des histoires de losers magnifiques, très terriennes, parfois un peu brut - le plus souvent très drôles. Mais le monde lui-même n'étant pas très marrant, a fortiori en Irlande, le rigolo est devenu de plus en plus sérieux au fil des années, jusqu'à publier le roman de loin le plus bouleversant des années quatre-vingt-dix. Après quoi il a fait ce que n'importe qui aurait fait à sa place : il a continué de vieillir, s'est fait plus ambitieux, s'est découvert une passion pour l'histoire de son pays qu'il s'est appliqué à exprimer dans des livres inégaux (Star of the Sea, Redemption Falls) mais toujours attachants, sincères, inspirés. Tant et si bien que vingt ans après, son nouveau roman (le septième), Ghost Light, n'a strictement plus rien à voir avec le premier (Cowboys & Indians), ce qui fait d'O'Connor une quasi antithèse de son compatriote et copain Hugo Hamilton, qui pour sa part écrit toujours peu ou prou la même histoire (mais qui lui aussi est devenu de moins en moins rigolo avec les années).
Une chose qui n'a pas changé en revanche, c'est cette capacité unique qu'a O'Connor de bâtir des univers en trois coups de cuiller à pot. Celui de Ghost Light est écartelé entre le passé et un présent qui est déjà passé. Une faille spatio-temporelle sur laquelle vit, survit plutôt... erre, en fait, Molly Allgood, muse du dramaturge John Millington Synge, héroïne romantique parvenue au crépuscule de sa vie. Il ne faudrait jamais vieillir, lorsqu'on est une héroïne romantique. Il faudrait mourir jeune et à son zénith. Molly est bien vivante, et elle se perd dans cette ville hantée par tant de fantômes, où chaque détail lui rappelle qui elle a été et qui elle n'est plus.
Le personnage a réellement existé, mais O'Connor - Dieu nous garde ! - n'a assurément pas cherché à en faire en quoi que ce soit la biographie. Aux constructions et aux figures imposées, il a préfère narrer de manière chaotique et sensuelle une histoire d'amour sulfureuse (ils ont près de vingt ans d'écart), que la poésie et les mots ont amplifiée jusqu'à la démultiplier. Petit à petit, ce qu'on sait de la réalité historique en vient à se diluer, pour ne plus paraître au final qu'un fantasme moite, fragile comme tous les fantasmes, perdu au milieu d'un monde - le Dublin d'hier et d'avant-hier - avec lequel il contraste violemment. C'est court, passionné et passionnant. Et c'est sans doute ce que Joseph O'Connor a signé de plus enthousiasmant depuis des années.
👍👍👍 Ghost Light [Muse]
Joseph O'Connor | Farrar, Straus & Giroux (2010)
Je n'ai pas encore commencé mais, je suis une grande admiratrice de l'auteur et je ne vais pas tarder. D'ailleurs, je ne trouve pas "Redemption Falls" inégal, mais c'est une question de point de vue. H.
RépondreSupprimerJ'attendais ton avis avec impatience, ayant lu autant d'avis positifs que négatifs sur ce dernier cru O'Connor...
RépondreSupprimer... et comment résister à ça : "C'est court, passionné et passionnant. Et c'est sans doute ce que Joseph O'Connor a signé de plus enthousiasment depuis des années." ?
H.V. >>> je trouve que Redemption Falls sent parfois un peu le procédé... ce qui n'en fait pas nécessairement un mauvais livre.
RépondreSupprimerIng >>> j'adore qu'on me cite comme ça :-D
enthousiasmant !!! yeahhhh bien bien bien celui-là pour le coup je le note (ça faisait longtemps que je n 'avais pas écrit ça tiens :-))
RépondreSupprimerAh la vache oui, ça faisait un bail.
RépondreSupprimerEt sinon, quand est-ce qu'on s'occupe d'Endymion ? :-D
Ben justement j'y pensais... je songe à le sortir de la bibliothèque, je suis en vacances vendredi soir c'est l'occase ou jamais :-)
RépondreSupprimerCool ^^
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