...
12 octobre. Je ne sais pas ce qui est le plus navrant entre Hollande et Aubry qui font semblant d'avoir des rapports cordiaux (ils se détestent et tout le monde le sait), ou Pujadas qui leur pose une question à ce sujet. Le pire, c'est que ça dure : dix minutes montre en main, juste pour savoir si les deux challengers s'entendent bien. Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre, sérieusement ? On note en tout cas que le ton du débat est donné : piquant et légèrement crispé, surtout du côté de Martine Aubry, qui a pris ses petits dossiers pour bien montrer qu'elle est sérieuse (en opposition à son adversaire, réputé être un rigolo - pour ne pas dire un branleur). Martine, ce soir, est d'humeur taquine. Elle a décidé d'asticoter le petit François sur tous les sujets possible, de le prendre en faute même s'il a raison - l'important est qu'il soit déstabilisé. La stratégie est joliment offensive, mais le revers de la médaille c'est qu'on voit surtout Aubry critiquer, critiquer, dire "ça n'est pas cohérent" et "ça ne marche pas"... au risque de ne pas vraiment entendre ce qu'elle, elle a à proposer. Pas sûr qu'elle soit partie pour marquer beaucoup de points.
14 octobre. Montebourg rejoint Hollande (vous savez : le plus gros défaut de son ex). La danse du ventre aura duré presque jusqu'à la dernière minute, et la danseuse y a visiblement pris un plaisir intense. Si j'avais été électeur de Montebourg, j'aurais été atterré par ce numéro stupéfiant de vanité, avec en point culminant une longue interview dans Libé où le candidat préféré des nostalgiques de 81 s'est montré tout simplement imbuvable (Aubry et Hollande ont vraiment dû avoir envie de le claquer en lisant ça). Pour un peu, on aurait presque été tenté d'emprunter quelques arguments à l'UMP : du calme, coco, t'as fédéré 17 % de 4 % de la population, pas de quoi choper la grosse tête. On imagine s'il avait remporté la primaire. So much pour la présidence humble et normale qu'on nous avait promise - on a eu chaud.
15 octobre. "Si je gagne dimanche, lundi je rassemble. Si je perds, je me rassemble." Merci François, tes traits d'esprits nous manquaient depuis que tu étais devenu un leader d'opinion.
17 octobre. Et voilà, c'est fini. Déjà ! J'en aurais bien repris un petit coup, moi, de primaire. Je ne sais pas vous, mais moi j'avoue avoir suivi ça avec un immense plaisir, à regarder les débats, à décortiquer les programmes... un enthousiasme presque enfantin, pour tout dire. Cela va faire six ans que je moque régulièrement les socialistes dans ces pages (ou les ignore, la plupart du temps), je suis donc tout prêt à reconnaître lorsqu'ils font un truc bien. Tout simplement bien. La primaire, c'était bien. Bien organisé, la campagne a bien tourné, les débats étaient agréables à suivre, les querelles d'égo ont été remisées au vestiaire, il y a même eu quelques débats d'idées... oui, c'était bien. Et les gens ne s'y sont pas trompés. Si la politique était toujours comme ça, nul doute qu'ils en auraient une image autrement plus positive, noble. Heureusement, pas d'inquiétude : dès aujourd'hui, et même sans doute dès cette seconde, on va entrer dans "la vraie campagne" (comme dirait Jean-François). Avec des coups, des noms d'oiseaux, de la mauvaise foi et bien sûr les indispensables petites phrases. On va pouvoir recommencer à rire. Faute d'espérer.
19 octobre. J'avoue, j'avoue. J'avoue tout : oui, l'idée du petit compteur de millions piqué au Téléthon, pour illustrer le coût du projet présidentiel socialiste, m'a fait rire. C'était une bonne idée, amusante et visuellement forte. Bon, pas de panique, c'était la seule bonne idée d'une convention qui s'est limitée à critiquer le PS et son candidat avec l'attirail habituel (coups, noms d'oiseaux, mauvaise foi, petites phrases, donc). Pas qu'on ne s'y soit pas attendu, mais comme Jean-François (qui est désormais, vous l'aurez compris, le correspondant officiel du Golb à l'UMP) nous avait vendu une étude du projet PS "à la loupe"... moi, bêtement, je me disais que peut-être, dans un instant d'égarement... on entendrait dire des choses intelligentes, ou à tout le moins sérieuses, ou au minimum sincère. Que nenni. Entre une revisitation assez magique dudit projet (la suppression des CRS ???) et des sorties dont seules les assonances avaient un vague lien avec la poésie ("Avec un programme aussi flou et mou où il y a des tas de loups et des tas de trous, la France va dans les choux." Marc-Philippe Daubresse, chansonnier et député du Nord à ses heures perdues, anticipant avec un étonnant sens de l'à-propos les hommages à Jean Amadou), le chroniqueur en aura eu pour son argent et le parti présidentiel n'a fait que souligner - si quelqu'un en doutait encore - que c'est bel et bien lui, qui n'a pas d'autre programme que ses petites phrases.
Quelque part entre le 19 et le 20 octobre. [non parce que je ne sais jamais si quand il est une heure du matin on dit qu'il est une heure la veille, ou une heure le lendemain] Il est une heure du matin (un peu plus, en fait), et le chauffeur de taxi qui me ramène (légèrement éméché) après ma (très bonne) soirée m'annonce la bonne nouvelle : Carla Bruni a accouché. Ce qui ne l'émeut pas plus que cela puisque, même pas le temps de se lancer dans les félicitations de rigueur, il embraie déjà sur un démontage en règle de la politique gouvernementale. C'est la quatrième fois que cela m'arrive en quelques semaines, et j'avoue que c'est toujours un peu jouissif : comme ils passent leur temps branchés sur France Info, les chauffeurs de taxi sont toujours au taquet sur l'actu, incollables sur l'affaire Karachi ou les innombrables casseroles clinquant derrière Notre Bien Aimé Souverain. Laissez-moi vous dire que s'il n'y avait que les chauffeurs de taxi et moi, Sarkozy n'aurait aucune chance en 2012. Mais vraiment aucune.
20 octobre. Tandis que Kadhafi n'en finit plus d'êtrearrêté blessé de mourir, en France, les chaînes infos se font taper sur les doigts. Motif : les temps de parole n'auraient franchement pas été respectés depuis quelques mois. Il est vrai que toute intervention d'un socialiste sur l'affaire DSK a été décomptée sur le temps de parole du PS, tandis que celles de Sarkozy comptent pour du beurre deux fois sur trois. Mais la vérité que cache cette petite affaire médiatique, et de manière plus générale les récriminations de la majorité sur les temps de paroles, est somme toute assez simple : depuis trois mois, pour le pire (DSK) et le meilleur (les sénatoriales, les primaires), ce sont les socialistes et eux seuls qui font l'actualité. Pour la première fois depuis des années, l'UMP n'impose plus son rythme ni ses sujets. Pire, elle se les fait imposer lorsqu'il s'agit de parler de son actualité à elle - c'est-à-dire qu'elle n'a fait que naviguer d'affaire en affaire depuis des semaines. Forcément, ça énerve. Forcément, toutes ces émissions sur les socialistes, ça fait envie. Bon courage à l'émission spéciale avec interview de Jean-François Copé pour scotcher à leurs écrans des millions de spectateurs.
21 octobre. Je suis un vrai salaud. Je laissais entendre que l'UMP n'avait pas de programme, alors que depuis quarante-huit heures, on le connaît. Il tient en trois lettres : "A", "A", et "A". Conserver le triple "A", voilà LE programme, voilà ce qui NOUS attend dans les mois à venir. J'ai dans l'idée que quelque part, la mauvaise conscience sarkozyste doit remercier les agences de notation pour ce coup de pouce inespéré, cette eau subitement apportée au moulin de la rigueur et de l'effort. Non que François Hollande ne promette pas la rigueur (d'aucuns diraient, taquins, qu'il promet la rigueur molle, jolie formule lue je ne sais plus où). Mais entre nous, quoi de mieux que cette menace pour achever d'anésthésier le débat dans notre pays ? Le principe même de l'annonce/ultimatum va en ce sens. Dans les semaines, les mois qui viennent... on ne pourra parler de rien d'autre, on ne pourra rien proposer qui n'aille dans le sens de ce Graal : la préservation du triple "A". La semaine a commencé sur un sourire, elle s'achève sur une grimace. Foutu timing. Dieu sait quelles mesures ineptes (et inéquitables, on le sent déjà venir) le gouvernement en profitera pour faire passer, quelle catégorie il entreprendra de sacrifier sur l'autel du sacro-saint intérêt national.
23 octobre. Et voilà, c'est parti. "Lorsqu'un programme propose de sortir totalement du nucléaire et donc de renchérir le prix de l'énergie en France, ça pèse sur le triple "A". Quand un programme propose d'augmenter le déficit public, ça pèse sur le triple "A". Comme souvent, il est difficile de résister à une analyse percutante de Gérard Longuet (oui Mémé, il est toujours vivant, et encore pire, il est toujours au pouvoir) Pour son grand oral de ce matin, il a décidé de démontrer par triple A plus B que les agences de notations écoutent ce que disent les hommes politiques, de tous les bords, afin d'établir leurs projections. Je ne suis pas sûr qu'il se rende compte de ce qu'il dit, le garçon : les agences de notation écoutent les dirigeants politiques. Elles ne regardent pas ce qu'ils font, non non, elles écoutent ce qu'ils disent, elles suivent "leurs déclarations". On comprend mieux, subitement, pourquoi la situation est grave. Quand l'avenir du pays est entre les mains de gens qui écoutent ce que peut raconter Gérard Longuet en interview, on ne peut qu'être inquiet. Surtout que comme Gérard Longuet, à l'instar de ses camarades, ne parle que du désormais fameux triple "A" et des agences notations, on se mord un peu la queue. On imagine les conférences de rédaction chez Moody's. "Hey, John, t'as vu, Gérard Longuet a parlé de nous ?" "Quoi, encore ?" "Ouais, encore. Il a dit qu'on l'écoutait." "Ah c'est sûr, on l'écoute. La preuve. Après je ne sais pas quelle conclusion il faut en tirer." "Attends bouge pas, je nous refais un kawa et après on se penche sur l'Italie."
24 octobre. Sarkozy révolté, Sarkozy indigné, Sarkozy héros hugolien. Fuck ya! I won't do what you tell me David Cameron, 'spèce de pique-assiettes des réunions qui vient bouffer les petits fours pendant qu'on essaie de sauver une monnaie dont t'as rien à branler. Le pire, c'est que même si, comme souvent avec Notre Seigneurie, la forme laisse à désirer, on aurait du mal à ne pas lui donner un peu raison sur le fond. Eh oui, eh oui. N'allez pas croire que je méprise automatiquement tout ce que dit ou fait le gouvernement (il n'est pas exclu que d'ici la présidentielle je me lance dans une liste des bonnes réformes des cinq dernières années... bon, ça ne remplira pas un article entier, c'est sûr). J'ai même une certaine empathie pour Sarkozy et surtout Baroin, le pauvre, dont depuis qu'il est devenu ministre de l'économie, on assiste à la décomposition en direct live sur toutes les télés du monde. Livide, les traits tirés, les yeux cernés... il fait peine à voir, Baroin, on sent qu'il ne dort pas des masses et travaille trop. Quelque part, c'est peut-être encore pire : ces gens travaillent vraiment à la résolution de la crise, ils sont un peu comme un élève pas doué qui, courageux et responsable, travaille comme un malade pour le Bac mais n'arrive pas à l'avoir malgré tout. Il est vrai qu'avec un tel manque de créativité, un manque d'ouverture d'esprit, même, on voit mal comment ils pourraient réussir leur examen final. Téter le seins des agences de notation et prêter l'oreille à leurs berceuses auto-réalisatrices n'est pas, ne peut pas, ne pourra jamais constituer en quoi que ce soit une solution. Ce n'est qu'une interminable queue leu leu où tout le monde se la mord, l'angoisse des uns fragilise les autres qui s'angoissent et fragilisent les certitudes des premiers. Et tout cela pourquoi ? On ne le sait même pas, puisque la dette publique par définition et même par essence est l'actif le plus sûr qui soit (rappelons que les agences de notations ont pour raison d'être de surveiller et prévenir une situation - le défaut de paiement d'un état - qui ne s'est jamais produite dans l'économie moderne, et qu'elles sont elles-mêmes très exactement en train de provoquer ce qu'elles craignent... comment peut-on vivre dans un monde aussi absurde ?!) (ça y est, j'ai envie de me flinguer, ça faisait longtemps)
26 octobre. Dites, il est long et pas très rigolant, ce Journal de Drob, pas vrai ? L'actu des deux dernières semaines a été particulièrement chargée (notez que c'est justement pour cela que j'ai opté pour cette forme, quel petit malin je fais), et encore en ai-je oublié (élections en Tunisie, tremblement de terre... non vous avez raison, on s'en fout des tremblements de terre, les médias adorent ce genre de truc mais dans la vraie vie des vrais gens, nous sommes bien d'accord, ça n'intéresse personne de regarder/parler d'un tremblement de terre pendant des heures et des heures). Quant à être rigolant... comment vous dire ? Ces derniers temps, j'ai un peu l'impression d'avoir une énorme boule d'ironie coincée en travers en gorge. Ce qui fait que, obstrué pour le moins, je passe mon temps à ricaner. C'est marrant, l'autre jour, par curiosité autant que par ennui, j'ai relu le second édito (sur quatre-vingt-huit, tout de même, le temps passe vite) de ce blog. Ce serait donc ça. La France., qui reste un des mes préférés à ce jour, et j'ai subitement été frappé par l'évolution de cette rubrique. J'ai souvent dit qu'elle avait été contaminée par une forme de noirceur, mais je dois aussi reconnaître qu'au fil du temps, elle a surtout été rongée par l'amertume. Ce qui est amusant c'est que déjà, à l'époque (février 2008) j'écrivais "Vous vous attendiez sûrement à ce que je gueule, à ce que je m’insurge, à ce que… mais très honnêtement : j’ai plus la force. Sarkozy est usant, et c’est à l’usure qu’il nous aura tous." Je ne soupçonnais pas à quel point j'avais raison. A quel point, quatre ans plus tard, Sarkozy m'aurait effectivement usé. Comme il paraît loin, le temps où j'utilisais cette rubrique pour argumenter et manier la rhétorique. Il m'a fait régurgiter tout cela très rapidement, et c'est comme si aujourd'hui ne restait plus que de la bile. Les cinq dernières années m'ont vraiment laissé un goût dégueulasse dans la bouche. Hollande a raison de vouloir "réenchanter le rêve français". La formule est lourdingue et on ne peut pas dire que son auteur me fasse beaucoup rêver, mais il a au moins le mérite de poser le problème - et il y a vraiment du pain sur la planche. Un édito, par définition, n'est pas fait pour s'inscrire dans le temps. Si on le relit, même un an après, il ne peut ressembler qu'au vestige d'une époque enfouie, à un instantané. En relisant Ce serait donc ça. La France., j'ai été frappé par cet aspect. Je me suis rendu compte que malgré ses innombrables défauts, malgré les ratés (il y en a pas mal), malgré tout ça... dans trente ans si le monde n'explose pas avant, quand je relirai cette rubrique, je pourrai me dire C'est ça. C'était comme ça, à l'époque. Je pourrai avoir mon témoignage personnel, visuel, évident de comment en une poignée d'années, ce gouvernement a ruiné le moral et les espoirs de tout un pays. Qui sait ? Peut-être que mes gosses liront ça et se diront "C'était donc ça. La France de Sarkozy."
12 octobre. Je ne sais pas ce qui est le plus navrant entre Hollande et Aubry qui font semblant d'avoir des rapports cordiaux (ils se détestent et tout le monde le sait), ou Pujadas qui leur pose une question à ce sujet. Le pire, c'est que ça dure : dix minutes montre en main, juste pour savoir si les deux challengers s'entendent bien. Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre, sérieusement ? On note en tout cas que le ton du débat est donné : piquant et légèrement crispé, surtout du côté de Martine Aubry, qui a pris ses petits dossiers pour bien montrer qu'elle est sérieuse (en opposition à son adversaire, réputé être un rigolo - pour ne pas dire un branleur). Martine, ce soir, est d'humeur taquine. Elle a décidé d'asticoter le petit François sur tous les sujets possible, de le prendre en faute même s'il a raison - l'important est qu'il soit déstabilisé. La stratégie est joliment offensive, mais le revers de la médaille c'est qu'on voit surtout Aubry critiquer, critiquer, dire "ça n'est pas cohérent" et "ça ne marche pas"... au risque de ne pas vraiment entendre ce qu'elle, elle a à proposer. Pas sûr qu'elle soit partie pour marquer beaucoup de points.
14 octobre. Montebourg rejoint Hollande (vous savez : le plus gros défaut de son ex). La danse du ventre aura duré presque jusqu'à la dernière minute, et la danseuse y a visiblement pris un plaisir intense. Si j'avais été électeur de Montebourg, j'aurais été atterré par ce numéro stupéfiant de vanité, avec en point culminant une longue interview dans Libé où le candidat préféré des nostalgiques de 81 s'est montré tout simplement imbuvable (Aubry et Hollande ont vraiment dû avoir envie de le claquer en lisant ça). Pour un peu, on aurait presque été tenté d'emprunter quelques arguments à l'UMP : du calme, coco, t'as fédéré 17 % de 4 % de la population, pas de quoi choper la grosse tête. On imagine s'il avait remporté la primaire. So much pour la présidence humble et normale qu'on nous avait promise - on a eu chaud.
15 octobre. "Si je gagne dimanche, lundi je rassemble. Si je perds, je me rassemble." Merci François, tes traits d'esprits nous manquaient depuis que tu étais devenu un leader d'opinion.
17 octobre. Et voilà, c'est fini. Déjà ! J'en aurais bien repris un petit coup, moi, de primaire. Je ne sais pas vous, mais moi j'avoue avoir suivi ça avec un immense plaisir, à regarder les débats, à décortiquer les programmes... un enthousiasme presque enfantin, pour tout dire. Cela va faire six ans que je moque régulièrement les socialistes dans ces pages (ou les ignore, la plupart du temps), je suis donc tout prêt à reconnaître lorsqu'ils font un truc bien. Tout simplement bien. La primaire, c'était bien. Bien organisé, la campagne a bien tourné, les débats étaient agréables à suivre, les querelles d'égo ont été remisées au vestiaire, il y a même eu quelques débats d'idées... oui, c'était bien. Et les gens ne s'y sont pas trompés. Si la politique était toujours comme ça, nul doute qu'ils en auraient une image autrement plus positive, noble. Heureusement, pas d'inquiétude : dès aujourd'hui, et même sans doute dès cette seconde, on va entrer dans "la vraie campagne" (comme dirait Jean-François). Avec des coups, des noms d'oiseaux, de la mauvaise foi et bien sûr les indispensables petites phrases. On va pouvoir recommencer à rire. Faute d'espérer.
19 octobre. J'avoue, j'avoue. J'avoue tout : oui, l'idée du petit compteur de millions piqué au Téléthon, pour illustrer le coût du projet présidentiel socialiste, m'a fait rire. C'était une bonne idée, amusante et visuellement forte. Bon, pas de panique, c'était la seule bonne idée d'une convention qui s'est limitée à critiquer le PS et son candidat avec l'attirail habituel (coups, noms d'oiseaux, mauvaise foi, petites phrases, donc). Pas qu'on ne s'y soit pas attendu, mais comme Jean-François (qui est désormais, vous l'aurez compris, le correspondant officiel du Golb à l'UMP) nous avait vendu une étude du projet PS "à la loupe"... moi, bêtement, je me disais que peut-être, dans un instant d'égarement... on entendrait dire des choses intelligentes, ou à tout le moins sérieuses, ou au minimum sincère. Que nenni. Entre une revisitation assez magique dudit projet (la suppression des CRS ???) et des sorties dont seules les assonances avaient un vague lien avec la poésie ("Avec un programme aussi flou et mou où il y a des tas de loups et des tas de trous, la France va dans les choux." Marc-Philippe Daubresse, chansonnier et député du Nord à ses heures perdues, anticipant avec un étonnant sens de l'à-propos les hommages à Jean Amadou), le chroniqueur en aura eu pour son argent et le parti présidentiel n'a fait que souligner - si quelqu'un en doutait encore - que c'est bel et bien lui, qui n'a pas d'autre programme que ses petites phrases.
Quelque part entre le 19 et le 20 octobre. [non parce que je ne sais jamais si quand il est une heure du matin on dit qu'il est une heure la veille, ou une heure le lendemain] Il est une heure du matin (un peu plus, en fait), et le chauffeur de taxi qui me ramène (légèrement éméché) après ma (très bonne) soirée m'annonce la bonne nouvelle : Carla Bruni a accouché. Ce qui ne l'émeut pas plus que cela puisque, même pas le temps de se lancer dans les félicitations de rigueur, il embraie déjà sur un démontage en règle de la politique gouvernementale. C'est la quatrième fois que cela m'arrive en quelques semaines, et j'avoue que c'est toujours un peu jouissif : comme ils passent leur temps branchés sur France Info, les chauffeurs de taxi sont toujours au taquet sur l'actu, incollables sur l'affaire Karachi ou les innombrables casseroles clinquant derrière Notre Bien Aimé Souverain. Laissez-moi vous dire que s'il n'y avait que les chauffeurs de taxi et moi, Sarkozy n'aurait aucune chance en 2012. Mais vraiment aucune.
20 octobre. Tandis que Kadhafi n'en finit plus d'être
21 octobre. Je suis un vrai salaud. Je laissais entendre que l'UMP n'avait pas de programme, alors que depuis quarante-huit heures, on le connaît. Il tient en trois lettres : "A", "A", et "A". Conserver le triple "A", voilà LE programme, voilà ce qui NOUS attend dans les mois à venir. J'ai dans l'idée que quelque part, la mauvaise conscience sarkozyste doit remercier les agences de notation pour ce coup de pouce inespéré, cette eau subitement apportée au moulin de la rigueur et de l'effort. Non que François Hollande ne promette pas la rigueur (d'aucuns diraient, taquins, qu'il promet la rigueur molle, jolie formule lue je ne sais plus où). Mais entre nous, quoi de mieux que cette menace pour achever d'anésthésier le débat dans notre pays ? Le principe même de l'annonce/ultimatum va en ce sens. Dans les semaines, les mois qui viennent... on ne pourra parler de rien d'autre, on ne pourra rien proposer qui n'aille dans le sens de ce Graal : la préservation du triple "A". La semaine a commencé sur un sourire, elle s'achève sur une grimace. Foutu timing. Dieu sait quelles mesures ineptes (et inéquitables, on le sent déjà venir) le gouvernement en profitera pour faire passer, quelle catégorie il entreprendra de sacrifier sur l'autel du sacro-saint intérêt national.
23 octobre. Et voilà, c'est parti. "Lorsqu'un programme propose de sortir totalement du nucléaire et donc de renchérir le prix de l'énergie en France, ça pèse sur le triple "A". Quand un programme propose d'augmenter le déficit public, ça pèse sur le triple "A". Comme souvent, il est difficile de résister à une analyse percutante de Gérard Longuet (oui Mémé, il est toujours vivant, et encore pire, il est toujours au pouvoir) Pour son grand oral de ce matin, il a décidé de démontrer par triple A plus B que les agences de notations écoutent ce que disent les hommes politiques, de tous les bords, afin d'établir leurs projections. Je ne suis pas sûr qu'il se rende compte de ce qu'il dit, le garçon : les agences de notation écoutent les dirigeants politiques. Elles ne regardent pas ce qu'ils font, non non, elles écoutent ce qu'ils disent, elles suivent "leurs déclarations". On comprend mieux, subitement, pourquoi la situation est grave. Quand l'avenir du pays est entre les mains de gens qui écoutent ce que peut raconter Gérard Longuet en interview, on ne peut qu'être inquiet. Surtout que comme Gérard Longuet, à l'instar de ses camarades, ne parle que du désormais fameux triple "A" et des agences notations, on se mord un peu la queue. On imagine les conférences de rédaction chez Moody's. "Hey, John, t'as vu, Gérard Longuet a parlé de nous ?" "Quoi, encore ?" "Ouais, encore. Il a dit qu'on l'écoutait." "Ah c'est sûr, on l'écoute. La preuve. Après je ne sais pas quelle conclusion il faut en tirer." "Attends bouge pas, je nous refais un kawa et après on se penche sur l'Italie."
24 octobre. Sarkozy révolté, Sarkozy indigné, Sarkozy héros hugolien. Fuck ya! I won't do what you tell me David Cameron, 'spèce de pique-assiettes des réunions qui vient bouffer les petits fours pendant qu'on essaie de sauver une monnaie dont t'as rien à branler. Le pire, c'est que même si, comme souvent avec Notre Seigneurie, la forme laisse à désirer, on aurait du mal à ne pas lui donner un peu raison sur le fond. Eh oui, eh oui. N'allez pas croire que je méprise automatiquement tout ce que dit ou fait le gouvernement (il n'est pas exclu que d'ici la présidentielle je me lance dans une liste des bonnes réformes des cinq dernières années... bon, ça ne remplira pas un article entier, c'est sûr). J'ai même une certaine empathie pour Sarkozy et surtout Baroin, le pauvre, dont depuis qu'il est devenu ministre de l'économie, on assiste à la décomposition en direct live sur toutes les télés du monde. Livide, les traits tirés, les yeux cernés... il fait peine à voir, Baroin, on sent qu'il ne dort pas des masses et travaille trop. Quelque part, c'est peut-être encore pire : ces gens travaillent vraiment à la résolution de la crise, ils sont un peu comme un élève pas doué qui, courageux et responsable, travaille comme un malade pour le Bac mais n'arrive pas à l'avoir malgré tout. Il est vrai qu'avec un tel manque de créativité, un manque d'ouverture d'esprit, même, on voit mal comment ils pourraient réussir leur examen final. Téter le seins des agences de notation et prêter l'oreille à leurs berceuses auto-réalisatrices n'est pas, ne peut pas, ne pourra jamais constituer en quoi que ce soit une solution. Ce n'est qu'une interminable queue leu leu où tout le monde se la mord, l'angoisse des uns fragilise les autres qui s'angoissent et fragilisent les certitudes des premiers. Et tout cela pourquoi ? On ne le sait même pas, puisque la dette publique par définition et même par essence est l'actif le plus sûr qui soit (rappelons que les agences de notations ont pour raison d'être de surveiller et prévenir une situation - le défaut de paiement d'un état - qui ne s'est jamais produite dans l'économie moderne, et qu'elles sont elles-mêmes très exactement en train de provoquer ce qu'elles craignent... comment peut-on vivre dans un monde aussi absurde ?!) (ça y est, j'ai envie de me flinguer, ça faisait longtemps)
26 octobre. Dites, il est long et pas très rigolant, ce Journal de Drob, pas vrai ? L'actu des deux dernières semaines a été particulièrement chargée (notez que c'est justement pour cela que j'ai opté pour cette forme, quel petit malin je fais), et encore en ai-je oublié (élections en Tunisie, tremblement de terre... non vous avez raison, on s'en fout des tremblements de terre, les médias adorent ce genre de truc mais dans la vraie vie des vrais gens, nous sommes bien d'accord, ça n'intéresse personne de regarder/parler d'un tremblement de terre pendant des heures et des heures). Quant à être rigolant... comment vous dire ? Ces derniers temps, j'ai un peu l'impression d'avoir une énorme boule d'ironie coincée en travers en gorge. Ce qui fait que, obstrué pour le moins, je passe mon temps à ricaner. C'est marrant, l'autre jour, par curiosité autant que par ennui, j'ai relu le second édito (sur quatre-vingt-huit, tout de même, le temps passe vite) de ce blog. Ce serait donc ça. La France., qui reste un des mes préférés à ce jour, et j'ai subitement été frappé par l'évolution de cette rubrique. J'ai souvent dit qu'elle avait été contaminée par une forme de noirceur, mais je dois aussi reconnaître qu'au fil du temps, elle a surtout été rongée par l'amertume. Ce qui est amusant c'est que déjà, à l'époque (février 2008) j'écrivais "Vous vous attendiez sûrement à ce que je gueule, à ce que je m’insurge, à ce que… mais très honnêtement : j’ai plus la force. Sarkozy est usant, et c’est à l’usure qu’il nous aura tous." Je ne soupçonnais pas à quel point j'avais raison. A quel point, quatre ans plus tard, Sarkozy m'aurait effectivement usé. Comme il paraît loin, le temps où j'utilisais cette rubrique pour argumenter et manier la rhétorique. Il m'a fait régurgiter tout cela très rapidement, et c'est comme si aujourd'hui ne restait plus que de la bile. Les cinq dernières années m'ont vraiment laissé un goût dégueulasse dans la bouche. Hollande a raison de vouloir "réenchanter le rêve français". La formule est lourdingue et on ne peut pas dire que son auteur me fasse beaucoup rêver, mais il a au moins le mérite de poser le problème - et il y a vraiment du pain sur la planche. Un édito, par définition, n'est pas fait pour s'inscrire dans le temps. Si on le relit, même un an après, il ne peut ressembler qu'au vestige d'une époque enfouie, à un instantané. En relisant Ce serait donc ça. La France., j'ai été frappé par cet aspect. Je me suis rendu compte que malgré ses innombrables défauts, malgré les ratés (il y en a pas mal), malgré tout ça... dans trente ans si le monde n'explose pas avant, quand je relirai cette rubrique, je pourrai me dire C'est ça. C'était comme ça, à l'époque. Je pourrai avoir mon témoignage personnel, visuel, évident de comment en une poignée d'années, ce gouvernement a ruiné le moral et les espoirs de tout un pays. Qui sait ? Peut-être que mes gosses liront ça et se diront "C'était donc ça. La France de Sarkozy."
Vas-y mec! On est avec toi!
RépondreSupprimerAh, les agences de notation! j'avais déjà bien aimé la définition que tu en donnais dans ton précédent lexique, là ton analyse sur leur absurdité m'a bien plu.
RépondreSupprimerenfin, facon de parler, leur pouvoir sur nos gouvernants et donc sur notre vie est évidemment plutot désespérante...
Tu fais bien de nous rappeler que les vieux éditos étaient beaucoup mieux ;)
RépondreSupprimerAmertume, vous êtes dur avec vous-même, là. Enfin, c'est votre sentiment, après tout, mais ce n'est pas ce qui ressort le plus, à vous lire.
RépondreSupprimerBBB.
Tu as décidément beaucoup d'humour, pour avoir trouvé de quoi rire devant le cirque de la convention UMP...
RépondreSupprimerNon mais il a raison, Culp, c'était quand même très drôle à voir, on aurait dit une campagne américaine des eighthies ^^
RépondreSupprimerJe suis désespéré de voir à quel point je suis systématiquement d'accord avec toi. C'est même pas que je lis en me disant "Ah oui c'est vrai ça", c'est que tu écris quasiment tout ce que j'ai pensé depuis 2 semaines... Bref, c'est bizarre à lire. Et sinon je le trouve très bien cet édito (comme tous ceux depuis la rentrée d'ailleurs).
RépondreSupprimerLes Taxis Bleus >>> :-D
RépondreSupprimerXavier >>> allons ne désespère pas, regarde ce matin tout va bien, le monde est sauvé et il n'y a plus de problème (ah ah ah ah ah ah ah ah)
Lil' >>> salope :-)
BBB. >>> alors que diriez-vous ?
C-U-L-P >>> oui, c'était drôle, je le maintiens. On peut ensuite considérer que c'était triste, aussi, puisqu'être drôle n'était pas le but. Mais on a suffisamment d'occasions de pleurer/s'arracher les cheveux/déprimer pour se priver d'un si petit plaisir sadique.
Joris >>> oh là, oh là... tu t'es emmêlé dans ton clavier, tu as écrit "comme tous ceux depuis la rentrée" au lieu "comme toujours depuis cinq ans" :-)
Oui c'était vraiment hallucinant d'entendre en ce début de semaine que si mercredi soir aucun accord n'était trouvé, c'était la catastrophe planétaire.
RépondreSupprimerOn aurait dit que les dirigeants avaient fixé eux meme arbitrairement la date de la fin du monde. Alors que le bordel, ca fait des mois, voire des années que ca dure.
Je trouve que les médias ont vraiment été complice de cette supercherie, ca leur à fait du sensationnalisme à peu de frais. Genre écoutez bien l'actualité jeudi matin, c'est primordial etc etc....
Dites oh, ne critiquez pas les campagnes US des 80s, c'est toute ma jeunesse, du vrai grand spectacle et franchement à part Terminator y a jamais eu mieux dans le genre que Reagan :)
RépondreSupprimerXavier >>> je ne te le fais pas dire. D'autant que ce triomphalisme est des plus déplacés quand on sait tous les sacrifices qu'il induit...
RépondreSupprimerSerious >>> tu oublies Kiss ;-)
Oh là là oui! COmment j'ai pu oublier Kiss! Tu sais que je les ai même vus sur scène à l'époque!
RépondreSupprimerdéplacé, l'adjectif est faible! on pourrait dire honteux, scandaleux, écoeurant! Car ces brillantissimes leaders ont aboutis à des solutions simplistes (augmenter les impots et réduire les dépenses publiques, telles que salaires/retraites/nombre de "petits" fonctionnaires , Waouh, quels génies!) là où il en eu fallu de courageuses (traquer les fraudes fiscales, surtout des entreprises, combattre les paradis fiscaux, réduire les avantages/retraites/salaires des hauts fonctionnaires et le cumul des mandats...). Solutions simplistes qui pénalisent le plus grand nombre, avec plus de conséquences sur les citoyens les moins aisés, et qui rapportent le moins d'argent. D'ailleurs il a été prouvé par la Grèce, qui les a appliqué à bien plus grande échelle, que cela ne servait pas à grand chose...
RépondreSupprimerLe pire, c'est que (démonstration calquée sur la tienne), Nicolas Sarkozy se gargarisme d'avoir triomphé d'un danger quil a lui meme, non pas créé, mais au moins amplifié de manière drastique (dette francaise explosée sous son mandat). Magnifique!
Serious >>> merde mais t'a quel âge ? 100 ans ??? :-))
RépondreSupprimerXavier >>> ah là là, comme tu dis. Same, same old song...
"déplacé, l'adjectif est faible! on pourrait dire honteux, scandaleux, écoeurant! "
RépondreSupprimerMonsieur Xavier, ça fera 500 francs.
un commentaire incompréhensible, et qui parle en francs... serait ce le retour de Lou?
RépondreSupprimerCyrano il répond jamais à mes demandes d'interviews mais par contre pour réclamer du pognon, là, y a du monde. C'est bien les artistes, ça !
RépondreSupprimer