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Voilà quelques temps que ce site n'avait plus épinglé de réédition à son menu. Dites-vous bien pour vous remonter le moral que ce n'était pas grand-chose en regard du ras-le-bol qui a pu saisir l'être humain normalement constitué (c'est-à-dire qui n'écoute que peu de musique) à la vue du harcèlement médiatique que lui firent subir les ressorties simultanées de Nevermind (oh !) et de TOUS les albums du Pink Floyd (aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !). Lesquelles prirent tellement de place dans les médias « officiels » ces derniers temps que certains ont pu se demander, taquins, si l'on avait suspendu par décret toutes les autres sorties de septembre. Réglons ces cas rapidement : la réédition de Nevermind n'a aucun intérêt (sinon celui de battre tous les records en matière de faux bonus) ; celles du Floyd n'en ont que si vraiment vous insistez pour enrichir encore un peu Roger Waters et l'autre bande de glandeurs qui, à quelques opus au mieux anecdotiques près, vivent de leurs rentes depuis déjà plus de vingt ans.
Bien entendu (mais c'était une évidence), la meilleure réédition des derniers mois n'a pas déclenché le moindre frémissement dans la presse. Pensez donc. Les Kinks. Pas le groupe qui va sauver le grand cadavre à la renverse de l'industrie du disque, du moins pas ailleurs qu'en Angleterre. Les Kinks avec Arthur, en plus. Leur album mal aimé des sixties. Celui auquel il fallut bien trente ans pour être enfin communément – et légitimement – admis comme un chef-d’œuvre. Et auquel il faudra probablement encore trente années pour acquérir enfin le statut qu'il devrait tenir dans n'importe quelle discothèque idéalement idéale – celui de meilleur album de Ray Davies. Et pas seulement parce que "Victoria", et pas seulement parce que "Shangri-la" – même s'il est indéniable que deux mille groupes anglais se sont faits un nom en pompant ces deux morceaux. Mais tout simplement parce que c'est le meilleur.
Arthur, c'est l'album baroque absolu. Le Sgt Pepper's des Kinks si cela vous sied, en moins novateur fatalement (il est sorti deux ans après), mais en si attachant, finalement. L'art de Ray Davies y atteint une forme d'apogée troublante... d'autant plus troublante que la suite sera un déclin progressif, presque organisé, jusqu'à la déliquescence TOTALE. Apogée textuelle ('Yes Sir, No Sir', 'She Bought a Hat Like Princess Marina'), apogée sonique ('Shangri-La'), apogée harmonique (les cuivres, les chœurs, ici, là, partout...), apogée mélodique ('Drivin''), apogée dynamique ('Brainwashed', ou comment prouver que ce n'est pas parce qu'on a développé un certain penchant pour la pop choucroutée qu'on a perdu sa force de frappe garage). Moins usé par les best of, qui l'ont bien moins dépouillé qu'un Something Else, Arthur se redécouvre avec un inlassable bonheur aujourd'hui, sans que l'on parvienne à lui trouver de défaut majeur. La même année, les Who sombraient en publiant le théoriquement inavouable Tommy, le Velvet se découvrait un amour coupable pour le doo-wop, les Stones se lançaient dans un revival country. Quel que soit le degré d'attachement que l'on peut avoir pour ces albums logiquement considérés comme "importants", aucun ne rivalise sérieusement avec Arthur, son ironie délicieuse, ses arrangements fruités et ses cartes postales d'une Angleterre de fantasme. Tout autre commentaire serait superfétatoire.
👑 Arthur (or the Decline and Fall of the British Empire)
The Kinks | Reprise/Warner, 1969