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Promis, je ne critiquerai plus jamais les salles de concert parisiennes parce que les concerts y commencent trop tard, et donc, par extension, finissent trop tard pour les banlieusards dans mon genre. Ce soir, j'ai bien vu le problème qui se pose quand les concerts commencent à l'heure : les groupes ne jouent devant personne. Et moi, je loupe la moitié de la soirée.
Naaaaaaaaaaaaaaaaaaaan, j'déconne. Enfin, à moitié puisqu'effectivement, à l'ouverture des portes de la Flèche d'Or, il n'y a que six peupleus dans le coin (et encore, je nous compte), et que ce désert va s'étendre une trèèèèèèèèèèèèèèèès longue partie d'une soirée qui, de toute manière, est loin d'afficher complet (mais c'est normal, Male Bonding n'est QUE l'un des meilleurs groupes de rock du moment, les gens n'allaient quand même pas se déplacer pour ça - ils étaient sûrement tous partis voir Cascadeur). Lien de cause à effet ou non, tous les records vont être battus puisque pour une ouverture des portes à 20h00 on n'entendra pas le moindre artiste jouer avant 21h19 très exactement. Parce qu'en fait à la Flèche d'Or, on ne leur a jamais dit que Paris ne se limitait pas aux arrondissements voisins, qu'il y avait des gens qui vivaient un peu loin et que, par conséquent, c'était un peu chiant pour eux de devoir attendre 23h15 pour enfin voir le groupe qu'ils ont payé (certes pas cher) pour voir.
Passons rapidement sur Alessi's Ark, dont la folk douce et bien peignée constitue une espèce d'archétype de la première partie totalement décalée par rapport à son sujet. Elle est toute mimi et fait un effort appréciable pour parler français entre les morceaux, ce qui rend toujours l'artiste immédiatement sympathique, mais cela n'enlève rien au fait qu'on n'a aucune envie d'entendre cette musique un peu déprimante et assez banale - surtout pas ce soir où l'on est venu assister à démonstration de puissance et de vitesse. Fort heureusement, la seconde première partie (oui parce que non seulement ça commence super tard mais en plus, il y a trois groupes), dont on suppute à son style autrement plus viscéral qu'elle est LA première partie officielle de la tournée de Male Bonding, est autrement plus robuste et même délicieusement piquante. Duo bondissant et grungy en diable, DZ Deathrays fait beaucoup de bruit et hisse la soirée à un très haut niveau de qualité (et de décibels). Peu de temps mort, un son bien cradingue (nettement plus que sur disque) et un chant hésitant entre l'aboiement et la remontée acide... c'est ce qu'on appelle une belle découverte, d'autant que bien que très jeunes les deux garçons affichent déjà une vraie cohérence dans le style et dans le ton. A suivre.
23h15, donc, et enfin, Male Bonding foule la scène de la Flèche d'Or devant un parterre nettement plus remplis que jusqu'alors, et visiblement conquis. Nous les premiers du reste, d'autant qu'on avait loupé le même groupe l'an passé au Point Ephémère (enfin... "loupé"... c'était lui qui avait annulé).
On est frappé d'entrée par le son surpuissant, tellement puissant en fait que la section rythmique (qui c'est vrai porte beaucoup les morceaux) a tendance à tout bouffer. Pour ne pas dire qu'on n'entend absolument pas la voix sur les premiers titres, le formidable 'Tame the Sun' en sortant inévitablement gâché. Pour cela au moins Male Bonding, dont on a souvent loué - à juste titre - la manière de ressusciter le vrai beau grunge alternatif, se démarque clairement de ses modèles : on n'imagine pas une seconde Nirvana ou Mudhoney avec la voix autant en retrait, et c'est sans doute le vrai défaut du groupe sur scène, tant il est dommage de perdre parfois un peu le fil de refrains pourtant difficilement parables.
Pour le reste, pas grand-chose à reprocher au nouveau quatuor, qui donne au public exactement ce qu'il attend : de la vitesse, du chaos, du rock'n'roll tellement pied au plancher que c'est à peine si les mecs prennent le temps de respirer entre les morceaux. Les 'Channeling Your Fear', 'Can't Dream', 'Pumpkin'... s'enchaînent à un rythme quasiment insoutenable (ce batteur, ciel !...) et le tout finit sur une exécution en règle de 'Year's Not Long', sanglant comme peu de morceaux entendus sur scène cette année. C'est pas qu'on en doutait vraiment, mais ces cinquante minutes en lévitation passées, les choses sont claires : ce groupe-là est parti pour continuer de flotter très longtemps et très haut au-dessus de la concurrence indie-rock.