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Les icônes ont ceci de merveilleux et de fascinant que l'on peut se projeter en elles comme l'on se projette dans des mythes antiques, à cette nuance près qu'elles sont des êtres de chair et de sang - du moins quelque part sous le strass et les paillettes. Fasciné depuis l'enfance (il est né en 1960) par le personnage de Jayne Mansfield, Simon Liberati le démontre par l'absurde : dans son Jayne Manfield 1967, il empile les faits et les anecdotes à la façon d'un Truman Capote décadent, mais il ne peut rien contre cette vérité qui transparaît au fil des pages : Jayne Mansfield n'était personne. Son être est désespérément vide ; sa carrière - coup marketing qui en fera une star quasiment ex-nihilo - est presque inexistante. Poupée gonflable vivante durant la première moitié de sa vie, monstre de foire menant "une existence comparable à celle d'une femme à barbe ou d'un Elephant Man qui aurait plusieurs dizaines de millions de fans"... Jayne Manfield réussit la prouesse d'être deux décennies durant l'un des visages (et des corps) les plus connus de la planète en n'était quasiment rien d'autre qu'une image. On imagine sans mal l'intérêt qu'une telle figure peut exercer sur l'imaginaire d'un auteur contemporain, tant ainsi résumée elle semble actuelle.
On ne saurait dire si le fait de n'être ni une biographie ni un roman est le principal atout ou la principale faiblesse de ce Jayne Manfield 1967. Œuvre littéraire puissante (les premières pages, consacrées à l'accident, composent un merveilleux poème morbide), il se lit à toute vitesse (sans mauvais jeu de mots) mais n'a pas le souffle des précédents ouvrages de Liberati. Non du fait de son absence de fiction (et pour cause : Jayne Mansfield est un personnage de fiction presque absolu), mais parce que l'on sent bien que son imaginaire baroque est tout de même un peu bridé par un sujet qui a tendance à dévorer tout le reste. Mansfield, son obsessions maniaque pour les perruques et les peluches, sa métamorphose en freak, sa romance torturée avec Sam Brody et sa lubie très opportuniste pour l’Église de Satan... il raconte tout cela avec une indéniable virtuosité, mieux que n'importe qui auparavant sans doute, parce qu'il n'est pas un journaliste, pas un biographe, mais un écrivain de premier ordre - idéalement placé pour conférer une dimension mythique au détail le plus anodin (telle babiole, telle robe de tel couturier estimée à tel prix). Mais malgré un regard souvent chirurgical sur cette époque folle et cet univers décadent, on sent bien que Jayne Manfield 1967 est avant tout le livre, parfois un brin superficiel, d'un jeune garçon fasciné par son sujet, admiratif et dégoûté tout à la fois. A sa décharge, il vrai qu'on voit mal comment il aurait pu en être autrement dans un roman articulé autour d'un être aussi étrange et insaisissable.
Les icônes ont ceci de merveilleux et de fascinant que l'on peut se projeter en elles comme l'on se projette dans des mythes antiques, à cette nuance près qu'elles sont des êtres de chair et de sang - du moins quelque part sous le strass et les paillettes. Fasciné depuis l'enfance (il est né en 1960) par le personnage de Jayne Mansfield, Simon Liberati le démontre par l'absurde : dans son Jayne Manfield 1967, il empile les faits et les anecdotes à la façon d'un Truman Capote décadent, mais il ne peut rien contre cette vérité qui transparaît au fil des pages : Jayne Mansfield n'était personne. Son être est désespérément vide ; sa carrière - coup marketing qui en fera une star quasiment ex-nihilo - est presque inexistante. Poupée gonflable vivante durant la première moitié de sa vie, monstre de foire menant "une existence comparable à celle d'une femme à barbe ou d'un Elephant Man qui aurait plusieurs dizaines de millions de fans"... Jayne Manfield réussit la prouesse d'être deux décennies durant l'un des visages (et des corps) les plus connus de la planète en n'était quasiment rien d'autre qu'une image. On imagine sans mal l'intérêt qu'une telle figure peut exercer sur l'imaginaire d'un auteur contemporain, tant ainsi résumée elle semble actuelle.
On ne saurait dire si le fait de n'être ni une biographie ni un roman est le principal atout ou la principale faiblesse de ce Jayne Manfield 1967. Œuvre littéraire puissante (les premières pages, consacrées à l'accident, composent un merveilleux poème morbide), il se lit à toute vitesse (sans mauvais jeu de mots) mais n'a pas le souffle des précédents ouvrages de Liberati. Non du fait de son absence de fiction (et pour cause : Jayne Mansfield est un personnage de fiction presque absolu), mais parce que l'on sent bien que son imaginaire baroque est tout de même un peu bridé par un sujet qui a tendance à dévorer tout le reste. Mansfield, son obsessions maniaque pour les perruques et les peluches, sa métamorphose en freak, sa romance torturée avec Sam Brody et sa lubie très opportuniste pour l’Église de Satan... il raconte tout cela avec une indéniable virtuosité, mieux que n'importe qui auparavant sans doute, parce qu'il n'est pas un journaliste, pas un biographe, mais un écrivain de premier ordre - idéalement placé pour conférer une dimension mythique au détail le plus anodin (telle babiole, telle robe de tel couturier estimée à tel prix). Mais malgré un regard souvent chirurgical sur cette époque folle et cet univers décadent, on sent bien que Jayne Manfield 1967 est avant tout le livre, parfois un brin superficiel, d'un jeune garçon fasciné par son sujet, admiratif et dégoûté tout à la fois. A sa décharge, il vrai qu'on voit mal comment il aurait pu en être autrement dans un roman articulé autour d'un être aussi étrange et insaisissable.
👍 Jayne Manfield 1967
Simon Liberati | Grasset, 2011
Content de voir une critique un peu plus nuancée, que ce que l'on peut lire ici ou là.
RépondreSupprimerJ'ai été étonné par l'aspect vraiment très "linéaire", du texte, cette manière d'empiler et d'empiler encore, notamment, dans la première moitié. La seconde est plus dense, et personnelle, cependant, je reste assez surpris que l'on puisse se féliciter de voir un type raconter ce que d'autres ont raconté avant lui, à peine plus, et trouver cela "extraordinaire", comme j'ai pu le lire ailleurs.
BBB.
C'est un peu dommage, je trouve que les livres de Liberati sont de moins en moins bons. Celui-là est moins bien que celui d'avant qui était moins bien que celui d'avant. Les promesses des premiers livres ne sont pour moi pas du tout tenues. Là, comme dit BBB., le rendu est très superficiel.
RépondreSupprimerAh et, quand tu dis "On ne saurait dire si le fait de n'être ni une biographie ni un roman est le principal atout ou la principale faiblesse", ben pour moi c'est surtout une faiblesse. En tout cas l'appellation "roman" sur la couv frôle le foutage de gueule en règle :D
RépondreSupprimerBBB. >>> j'avoue que j'ai été assez surpris également par l'unanimité entourant ce roman, surtout si l'on considère que les précédents, bien plus aboutis, n'avaient recueillis qu'un écho assez modeste. L'effet "pipole/fait-divers", sans doute.
RépondreSupprimerLil' >>> je te trouve bien excessive quand même. Foutage de gueule, non, je ne vois pas vraiment, ce n'est pas un hasard si je citais Truman Capote - il ne bossait pas très différemment.
Ouais enfin excuse-moi mais Truman Capote il enquêtait vraiment !
RépondreSupprimerD'une part, je ne sais pas du tout comment Liberati a articulé son enquête, et d'autre part je ne vois pas vraiment ce que ça change. Tu gueules, tu gueules, mais tu lui reproches quoi, au juste ?
RépondreSupprimerDe s'être contenté de faire une note de synthèse des bios qu'il a lues plutôt qu'un vrai livre.
RépondreSupprimerJe ne peux te laisser dire ça... il pose son propre regard sur le bout de la lorgnette, applique ses obsessions... c'est très personnel, pour une note de synthèse...
RépondreSupprimerEn même temps tu as lu le Limonov ? Parce qu'avec un procédé relativement similairement finalement (littérature du réel ou je ne sais comment appeler ça) le résultat est mille, dix mille fois supérieur à JM67.
RépondreSupprimerJ'ai pas encore lu le Limonov, non. Ça va venir, t'inquiète.
RépondreSupprimercela n'a pas grand chose à voir avec ton billet (fort intrigant d'ailleurs) mais le liùmonov me tente assez :-)
RépondreSupprimerAh bah d'accord ^^
RépondreSupprimerQuand Audrey Pulvar a comparé Jane Mansfield 1967 à Nécropolis et au Dahlia Noir Simon Liberati a fait la même tête qu'arthur quand Vandel lui a dit "j'aime beaucoup ce que vous faites".
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