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Alors que la rentrée peine à surprendre pour le moment, l'excellente Homeland mise à part, l'été a déjà semé une petite perle indolente planquée sous le titre clinquant et claquant de Suits. De quoi annoncer la couleur : la nouvelle série d'USA Network (Monk, Burn Notice) colle de très près aux costumes à 12 000 $ des avocats new-yorkais de la firme Pearsons-Hardman, et à ce qui se cache en dessous.
Sur le papier, on serait tenté de craindre un énième show judiciaire, tape-à-l'œil de surcroît, d'autant qu'il y eut un précédent sur la même chaîne (le très médiocre White Collar). C'est tout l'inverse : piquant et souvent très drôle, le feuilleton créé par Aaron Korsh (ex-scénariste sur la très culte Everybody Loves Raymond) prend un plaisir évident à tourner en dérision cet univers, son goût des apparences, son esprit corporatiste et son goût du secret. L'idée est simple et radicalement efficace : les rennes de l'intrigue ont été confiées à Mike Ross, jeune surdoué à la mémoire supra-photographique, qui se retrouve engagé sur un malentendu et reste dans l'entreprise sur un mensonge - il n'a jamais été diplômé de droit à Harvard, comme il le prétend et comme l'exige la direction. Or, le monde dans lequel il évolue à présent étant obsédé par les castes et par un sentiment - très factice - d'appartenance, Mike passe le plus gros de son temps à slalomer entre les pièges et à craindre pour son avenir.
Si cela ne suffisait pas à enterrer l'aspect très conventionnel du legal drama, les auteurs en remettent une couche en plaçant au centre de leur édifice sa relation ambiguë avec le mystérieux Harvey Specter, avocat génial et nonchalant, rare personne à connaître son secret qui, brillamment promu avocat principal, admet explicitement vouloir façonner Mike pour en faire "un autre [lui]". Or plus les deux hommes s'attachent l'un à l'autre, plus il est évident qu'ils n'ont rien en commun. Plutôt que d'organiser une variation sur la traditionnelle relation maître/élève, Korsh joue donc dans les interstices, annihilant d'entrée toute velléité d'analyse d'un sentiment filial (ils ont quasiment le même âge) et gommant rapidement les rapports d'autorité et de force entre ses deux héros. Ils ne sont pas un patron et son employé ; ils ne sont pas des amis intimes. Ils sont juste des complices dont l'association fonctionne merveilleusement, dans le travail quotidien comme dans la dissimulation du mensonge. Les décors sont presque tous vitrés, et la série avance comme un jeu de miroirs inversés : Mike est sincère dans son mensonge, tandis que Harvey joue en permanence la comédie sans jamais écorner une éthique haut placée. Savoureux, idéalement rythmés, les dialogues font le reste, accordant beaucoup de place aux joutes verbales et très peu au déballage de sentiments. Il est vrai que ce dernier n'est pas vraiment dans les habitudes de ce monde feutré ou chacun se barricade derrière les apparences et se bâtit un personnage (évidemment impitoyable). Par peur de l'autre, au moins autant que pour faire comme lui.
Alors que la rentrée peine à surprendre pour le moment, l'excellente Homeland mise à part, l'été a déjà semé une petite perle indolente planquée sous le titre clinquant et claquant de Suits. De quoi annoncer la couleur : la nouvelle série d'USA Network (Monk, Burn Notice) colle de très près aux costumes à 12 000 $ des avocats new-yorkais de la firme Pearsons-Hardman, et à ce qui se cache en dessous.
Sur le papier, on serait tenté de craindre un énième show judiciaire, tape-à-l'œil de surcroît, d'autant qu'il y eut un précédent sur la même chaîne (le très médiocre White Collar). C'est tout l'inverse : piquant et souvent très drôle, le feuilleton créé par Aaron Korsh (ex-scénariste sur la très culte Everybody Loves Raymond) prend un plaisir évident à tourner en dérision cet univers, son goût des apparences, son esprit corporatiste et son goût du secret. L'idée est simple et radicalement efficace : les rennes de l'intrigue ont été confiées à Mike Ross, jeune surdoué à la mémoire supra-photographique, qui se retrouve engagé sur un malentendu et reste dans l'entreprise sur un mensonge - il n'a jamais été diplômé de droit à Harvard, comme il le prétend et comme l'exige la direction. Or, le monde dans lequel il évolue à présent étant obsédé par les castes et par un sentiment - très factice - d'appartenance, Mike passe le plus gros de son temps à slalomer entre les pièges et à craindre pour son avenir.
Si cela ne suffisait pas à enterrer l'aspect très conventionnel du legal drama, les auteurs en remettent une couche en plaçant au centre de leur édifice sa relation ambiguë avec le mystérieux Harvey Specter, avocat génial et nonchalant, rare personne à connaître son secret qui, brillamment promu avocat principal, admet explicitement vouloir façonner Mike pour en faire "un autre [lui]". Or plus les deux hommes s'attachent l'un à l'autre, plus il est évident qu'ils n'ont rien en commun. Plutôt que d'organiser une variation sur la traditionnelle relation maître/élève, Korsh joue donc dans les interstices, annihilant d'entrée toute velléité d'analyse d'un sentiment filial (ils ont quasiment le même âge) et gommant rapidement les rapports d'autorité et de force entre ses deux héros. Ils ne sont pas un patron et son employé ; ils ne sont pas des amis intimes. Ils sont juste des complices dont l'association fonctionne merveilleusement, dans le travail quotidien comme dans la dissimulation du mensonge. Les décors sont presque tous vitrés, et la série avance comme un jeu de miroirs inversés : Mike est sincère dans son mensonge, tandis que Harvey joue en permanence la comédie sans jamais écorner une éthique haut placée. Savoureux, idéalement rythmés, les dialogues font le reste, accordant beaucoup de place aux joutes verbales et très peu au déballage de sentiments. Il est vrai que ce dernier n'est pas vraiment dans les habitudes de ce monde feutré ou chacun se barricade derrière les apparences et se bâtit un personnage (évidemment impitoyable). Par peur de l'autre, au moins autant que pour faire comme lui.
👍👍 Suits (saison 1)
créée par Aaron Korsh
USA Network, 2011
Oui ! Suits, c'est cool, que ce soit dit ^^
RépondreSupprimerExcellent, merci pour l'info je vais me regarder ca >>
RépondreSupprimerA priori pas tentée, mais ça ne coûte pas grand chose d'essayer !
RépondreSupprimerHonnêtement sur le papier ça me tentait pas plus que ça (comme souvent en fait les séries judiciaires), et finalement je me suis vite pris au jeu.
RépondreSupprimerUne digression par rapport à ça:
RépondreSupprimerdans le genre policier Grimm, dont je viens de voir le pilote, est une excellente surprise!!
A voir ce que ça donnera sur la longueur...
Ça ne m'étonne pas plus que ça, je la surveillais du coin de l’œil car c'est le nouveau projet de David Greenwalt (Angel et surtout Profit). Je ne devrais pas tarder à aller voir ça.
RépondreSupprimerOh ben je viens de voir le retard que j'ai vis à vis de ce billet.
RépondreSupprimerC'était grâce à ce site que j'ai entendu parler de cette série et je m'étais dis "allez jetons y un oeil quand même".
Pour le moment pas désagréable à regarder, voire sympathique.
Seul regret que j'ai: ça devient un chouï systématique le gars à la mémoire/ perspicacité de ouf malade je trouve (Psych, House, la série que j'ai arrêté de mater sur un joueur d'échec qui résous des enquêtes criminelles... j'ai bien du en oublier une quelque part).
Mais bon catchy quand même :).
Au plaisir!
Je ne peut qu'être d'accord avec ta remarque, c'est vrai que c'est assez pénible. Cela dit Suits s'en sort pas mal car ce n'est heureusement pas le ressort principal de l'intrigue (c'est le mensonge), tout comme Mike n'est pas réellement le héros.
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