jeudi 20 octobre 2011

Viva Brother - Definitely Why?

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A quel moment glisse-t-on de la pompe au revival ? Quelle invisible frontière faut-il franchir pour passer du revival au pastiche ? En la matière, la règle pourrait être résumée simplement : plus les groupes qu’on pompe sont vieux, mieux ça passe auprès d’une critique qui a parfois la mémoire courte (et qui aussi, tout simplement, renouvelle parfois ses cadres).

La critique britannique, peu encline à la demi-mesure comme on le sait, a massacré – c’est peu de le dire ! – le premier album de Viva Brother durant une bonne partie de l'été, l’a écharpé, l'a malaxé, l'a broyé en petits morceaux sans trop qu’on sache, à la lecture puis à l’écoute, ce qui peut bien justifier qu’il soit qualifié d’« album le plus horrible de l’année ». Car avec lui, c’est tout simplement ce qu’elle a érigé en modèle artistique et même culturel durant des années qu’elle s’attèle aujourd’hui à clouer au pilori, trouvant ceci on ne peut plus normal – alors que précisément ce qui est normal est que vingt ans pile poil après Leisure un tel album voie le jour.


La cruelle vérité est sans doute que si Viva Brother jouait du garage (ou de la folk psyché ou du shoegaze), personne ne trouverait rien à y redire ni n’irait lui chercher des poux dans la tête. Le quatuor originaire de Slough, Berkshire ne ferait rien d’autre que ce que tout le monde fait de nos jours, à savoir chouraver dans les compiles Nuggets, emprunter aux Pretty Things ou régurgiter les premiers Cramps à la sauce post-moderne (variantes possibles en remplaçant simplement les noms de groupes par celui des Jesus & Mary Chain, de loin le groupe le plus pompé de notre époque). Pas de bol, Viva Brother joue de la britpop. De la vraie, de la pure et dure molle, de la bonne vieille britpop era ‘91-95. On pourrait trouver cela on ne peut plus logique : compte-tenu du succès considérable de ce vrai-faux courant durant les nineties anglaises, il n’est en rien étonnant que débarquent aujourd’hui des jeunes gens ayant été abreuvés de Parklife, de Definitely Maybe, de Coming up… comme autant de classic-albums dont ils s’inspireraient largement une fois devenus adultes et musiciens. Oui, mais non : en 2011, on peut revivaliser à peu près n’importe quoi entre l’invention de l’enregistrement audio et le shoegaze de la fin des eighthies – mais pas touche en revanche à nos années 90. Et les mêmes journaux qui expliquèrent à deux générations de jeunes anglais que Parklife était l’album brit par excellence de s’insurger aujourd’hui lorsque quelques gamins les prennent au pied de la lettre.

Famous First Words, pourtant, est un album aimable. Pas génial. Pas extraordinaire. Mais agréable, et des plus honnêtes dans sa manière de fuir la mode comme la peste. Quand tout le monde essaie aujourd’hui péniblement de sonner cradingue, Viva Brother préfère se faire produire par le maître du genre, Stephen Street (cinq blur et un Suede au C.V. – on pourrait presque le considérer comme l’inventeur de la vague britpop), connu pour son travail clinique et ses ouvrages à la propreté raffinée. Les guitares sonnent délicieusement grit, comme du bon vieux Coxon d’avant le traumatisme lo-fi. La pochette elle-même semble être d’époque.

Alors oui, on a parfois l’impression d’entendre un pastiche. Dans ses meilleurs passages ("Still Here", "High Street, Low Lives"), Famous First Words ressemble à un compromis assez improbable entre la pop faussement sage du blur de la période The Great Escape et le lad-rock crâneur d’Oasis (plutôt époque Be Here Now). On appréciera au passage l’ironie de voir un jeune groupe piquer aujourd’hui des plans au plus gros piqueur de plans des années 90, Cf. l’impeccable "Electric Daydream", qui réussit la prouesse de compiler quasiment tous les tics de songwriting de Noël Gallagher en seulement trois minutes quarante-six. S’il arrive que l’exercice vire parfois au mauvais collage d’influences ("Darling Buds of May" n’est pas très convaincant), l’ensemble, lorsqu’il fonctionne, a des allures de réjouissant best of d’une époque pas si lointaine où il s’agissait encore et avant tout d’écrire de bons singles pop. On connaît l’adage : mieux vaut écouter l’original que la copie, nous dit le bon sens populaire (que l’on emmerde bien évidemment). Seulement si en 2011, écouter l’original signifie aller voir sur scène des Suede gras-du-bide, entendre Noël Gallagher tenter laborieusement de chanter juste sur son nouveau simple ou assister à la métamorphose de ce qui reste d’Oasis en sous-Dr Feelgood… pas sûr que la nouvelle génération, pour peu innovante qu’elle soit, ne s’avère pas plus intéressante malgré tout.



👍 Famous First Words 
Viva Brother | Geffen, 2011

11 commentaires:

  1. Je sens qui va pas y avoir grand monde avec toi sur ce coup :)

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  2. Personne n'a oé leur dire que le revival britpop c'était il y a plus de 5 ans avec les Kaiser Chiefs et les Ordinary Boys... Sinon, ça s'écoute, à toute petite dose...

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  3. Dans l'absolu l'idée de revival britpop est de toute façon assez absurde... il y a toujours de la britpop...

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  4. C'est dommage de pas avoir le titre du morceau ené coute.

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  5. Ah oui, désolé, je ne maîtrise pas bien soundcloud.

    Le morceau est "High Street, Low Lives".

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  6. Oui, c'est le nom même de Britpop pour définir un courant musical qui était ridicule en soi...
    Enfin pas plus que shoeagaze mais...

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  7. Lyle >>> on est d'accord.

    Anonyme >>> de rien.

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  8. Tu as tout mon soutien.
    Album pas dément mais vachement sympa quand même.

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  9. Ah, merci ! J'en attendais pas moins de toi :)

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