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Un putain de bordel de foutu chef-d’œuvre.
On aurait certes pu commencer l'article autrement, mais il est certaines choses qui ne se discutent pas, et certaines précisions qu'on ne peut manquer d'énoncer. Parce qu'elles devraient être des évidences, et qu'elles ne le sont pas nécessairement selon le contexte dans lequel on se situe.
Disons les choses franchement : si l'on ne manque pas de lui rendre occasionnellement hommage, notamment chez les fans de prog et de metal, Jethro Tull est sans aucun doute l'un des groupes les plus sous-estimés et même déconsidérés de la fin sixties/début seventies. L'archétype du groupe que tout le monde connaît sans rien en savoir (franchement, mis à part la flûte, quelques pochettes et éventuellement sa participation au Rock'n'roll Circus, autant de clichés en somme, Jethro Tull n'évoque en réalité pas grand-chose au commun des rockeux), dont des millions de gens ont sans le moindre doute des albums (souvent celui-ci ou l'un des deux suivants, qui furent de très grands succès en leur temps), mais que très peu écoutent régulièrement. Il n'est pas sûr qu'en étant aujourd'hui remixé en 5.1 par Steven Wilson, autre artiste largement méprisé en dehors de la sphère prog', ce soit parti pour changer (ce malgré un travail particulièrement soigné, loin de l'insupportable compression systématique faisant depuis quelques années foi en la matière). Il n'empêche : Aqualung est un putain de bordel de foutu chef-d’œuvre, qui tient la dragée haute à une concurrence pourtant particulièrement relevée à l'époque (1971 étant assurément l'une des années les plus obèses de classiques de toute l'histoire du rock'n'roll).
Pétri de variations rythmiques surprenantes, de riffs sidérants et de textes souvent remarquables, Aqualung est à peu près l'exact inverse du cliché de "Jethro Tull, le groupe de prog' avec un flûtiste". Ovni revendiqué, aux influences parfois difficiles à saisir, il s'ouvre sur un titre éponyme renversant, qui commence comme du Black Sabbath et finit comme du Love après être passé, en six minutes et des poussières, par tous les états. La couleur est ainsi annoncée : ne pas attendre de Ian Anderson et de ses ouailles (au nombre desquels, bien sûr, le génial guitariste Martin Barre, qui signe au moins trois des plus grands soli de tous les temps sur cet unique album) qu'ils se conforment à des schémas, qu'ils marchent dans les clous. Pop ici ('Cross Eyed Mary'), médiévalisant là ('Cheap Day Return'), heavy ou psyché-folk encore ailleurs ('Mother Goose')... Jethro Tull n'aime rien tant qu'à varier les plaisirs, le plus souvent deux ou trois fois par morceau (ah ! 'My God' !). A une époque où le rock progressif pouvait encore être appelé "art rock" sans que quiconque ne rigole, le quintette de Blackpool donnait ses lettres de noblesses à un courant qui finirait fort mal – et lui aussi. Impossible cependant de prédire de telles dérives en 1971, encore moins d'imaginer, à l'écoute d'un 'Locomotive Breath' ou d'un 'Wond'ring Aloud', que le même groupe publierait quelques trucs assez proches de ignominie absolue moins d'une décennie plus tard. Pour l'heure, il peut sérieusement prétendre au titre de plus grand groupe du monde, dans une époque où les prétendants ne manquent pourtant pas dans le rock anglais (Sticky Fingers sortira le mois suivant, Master of Reality durant l'été et le quatrième Led Zeppelin à l'automne !). Quelque part, tout est dit.
Un putain de bordel de foutu chef-d’œuvre.
On aurait certes pu commencer l'article autrement, mais il est certaines choses qui ne se discutent pas, et certaines précisions qu'on ne peut manquer d'énoncer. Parce qu'elles devraient être des évidences, et qu'elles ne le sont pas nécessairement selon le contexte dans lequel on se situe.
Disons les choses franchement : si l'on ne manque pas de lui rendre occasionnellement hommage, notamment chez les fans de prog et de metal, Jethro Tull est sans aucun doute l'un des groupes les plus sous-estimés et même déconsidérés de la fin sixties/début seventies. L'archétype du groupe que tout le monde connaît sans rien en savoir (franchement, mis à part la flûte, quelques pochettes et éventuellement sa participation au Rock'n'roll Circus, autant de clichés en somme, Jethro Tull n'évoque en réalité pas grand-chose au commun des rockeux), dont des millions de gens ont sans le moindre doute des albums (souvent celui-ci ou l'un des deux suivants, qui furent de très grands succès en leur temps), mais que très peu écoutent régulièrement. Il n'est pas sûr qu'en étant aujourd'hui remixé en 5.1 par Steven Wilson, autre artiste largement méprisé en dehors de la sphère prog', ce soit parti pour changer (ce malgré un travail particulièrement soigné, loin de l'insupportable compression systématique faisant depuis quelques années foi en la matière). Il n'empêche : Aqualung est un putain de bordel de foutu chef-d’œuvre, qui tient la dragée haute à une concurrence pourtant particulièrement relevée à l'époque (1971 étant assurément l'une des années les plus obèses de classiques de toute l'histoire du rock'n'roll).
Pétri de variations rythmiques surprenantes, de riffs sidérants et de textes souvent remarquables, Aqualung est à peu près l'exact inverse du cliché de "Jethro Tull, le groupe de prog' avec un flûtiste". Ovni revendiqué, aux influences parfois difficiles à saisir, il s'ouvre sur un titre éponyme renversant, qui commence comme du Black Sabbath et finit comme du Love après être passé, en six minutes et des poussières, par tous les états. La couleur est ainsi annoncée : ne pas attendre de Ian Anderson et de ses ouailles (au nombre desquels, bien sûr, le génial guitariste Martin Barre, qui signe au moins trois des plus grands soli de tous les temps sur cet unique album) qu'ils se conforment à des schémas, qu'ils marchent dans les clous. Pop ici ('Cross Eyed Mary'), médiévalisant là ('Cheap Day Return'), heavy ou psyché-folk encore ailleurs ('Mother Goose')... Jethro Tull n'aime rien tant qu'à varier les plaisirs, le plus souvent deux ou trois fois par morceau (ah ! 'My God' !). A une époque où le rock progressif pouvait encore être appelé "art rock" sans que quiconque ne rigole, le quintette de Blackpool donnait ses lettres de noblesses à un courant qui finirait fort mal – et lui aussi. Impossible cependant de prédire de telles dérives en 1971, encore moins d'imaginer, à l'écoute d'un 'Locomotive Breath' ou d'un 'Wond'ring Aloud', que le même groupe publierait quelques trucs assez proches de ignominie absolue moins d'une décennie plus tard. Pour l'heure, il peut sérieusement prétendre au titre de plus grand groupe du monde, dans une époque où les prétendants ne manquent pourtant pas dans le rock anglais (Sticky Fingers sortira le mois suivant, Master of Reality durant l'été et le quatrième Led Zeppelin à l'automne !). Quelque part, tout est dit.
👑 Aqualung [40th Anniversary Special Edition]
Jethro Tull | Island, 2011 [1971 pour l'édition originale]