...
Certains noms peuvent être trompeurs. Monogrenade, ainsi, n’a pas grand-chose d’explosif – ni grand-chose à voir avec le préfixe mono. Le quatuor québécois pourrait même être vu comme l’exact inverse de l’un et de l’autre, avec sa musique douce et romantique et son luxe d’orchestrations. « En fait on a trouvé le nom très rapidement, au moment du premier EP, qui s’appelait La Saveur des fruits. » D’où la grenade, qui n’a pas grand-chose d’une arme. « Et puis il avait quelque chose d’assez lo/fi alors mono collait assez bien. Mais il n’y a pas vraiment de sens, c’était surtout une question de phonétique. »
Au moment de la rencontre avec Jean-Michel (chant/clavier/guitare) et Mathieu (chant/batterie), fin octobre, le groupe est en pleine « opération de séduction » dans nos contrées, tout heureux d’être en France depuis quelques jours, ce qui était évidemment totalement inespéré il y a encore un an. On les capte à quelques minutes de leur concert au Divan du Monde, pas plus stressés que cela, mais bien conscients de l’enjeu que constitue pour un groupe de leur envergure un premier « vrai » concert en France… de surcroît en ouverture d’une tête d’affiche aussi populaire que Moriarty. Mais non. Si trac il y a, on n’en saura rien. Ces gens ne sont clairement pas du genre à te faire chier en interview avec leurs états d’âme (comportement qui ne fait de toute façon pas trop partie du tempérament local). Plutôt du genre lucide, sans illusions mais pas sans espoir. Il auraient tort du reste de ne pas en avoir, tant certains morceaux de Tantale (au hasard : la délicieuse bluette "Ce soir") ont un potentiel tubesque réel. On ne peut que se féliciter de les croiser là, maintenant, à la croisée des chemins. Ce groupe-là a tout ce qu’il faut pour faire un carton, des chansons au son en passant par le bon univers (poétique et doucereux – jamais cucul) et la bonne attitude (humble et simple comme adorent les Français).
« Pop-rock fragile me convient », déclare Jean-Michel lorsqu’on lui fait remarquer que les premiers mots qui viennent à l’esprit lorsque l’on découvre Tantale sont, dans l’ordre : joli, délicat, fragile. Pas de chance pour lui, l’expression convient beaucoup moins au chroniqueur, tant elle manque l’essentiel de la musique du groupe : ce sentiment de richesse, de luxuriance qui n’est pas uniquement le fait de la présence d’un violoncelle ou de clavier en plus de l’inévitable guitare/basse/batterie, mais bien celui d’une production habile, dosant savamment les mélanges d’atmosphère. Pour Mathieu, cela provient directement des « background très différents » au sein d’un même groupe qui, assez paradoxalement, joue de la pop francophone en ne se référant quasiment jamais à des artistes pop, ni à des artistes francophones. Une curiosité, pour le moins, même si l’on comprend à demi-mot que l’intégration de Marianne et de son violoncelle ont pas mal changé la donne par rapport à ce que jouait Monogrenade à ses débuts. « On ne cherchait pas vraiment, pas spécialement un violoncelle, mais c’est vrai que j’ai toujours été attiré par les cordes et en fait un jour sur myspace, on a reçu un message de Marianne : Bonjour, je suis violoncelliste, je cherche un projet… et donc on a essayé avec elle et, ç’a marché : on est devenu un quatuor. » En somme c’est la violoncelliste qui a amené le violoncelle, et la mue n’est peut-être pas finie puisque le groupe tourne actuellement à six, accompagné de deux violonistes qui, si elles ne sont pas présentes sur tous les morceaux, apportent incontestablement une profondeur supplémentaire à ceux auxquels elles contribuent. « Ça nous manquait un peu en spectacle, d’avoir des violons. »
Les qualités de Tantale sont nombreuses, mais c’est sa singulière fluidité qui frappe en premier lieu, donnant le sentiment d’un groupe ne ressemblant à personne – pas même à ses compatriotes de Karkwa auquel certains seront sans doute tentés de les comparer hâtivement. Les morceaux de Monogrenade, "La Marge" ou "L’Araignée", ont quelque chose de presque impalpable, de liquide, sentiment qui semble partagé en dehors de ces pages puisqu’au moment de concevoir les – magnifiques – visuels de l’album le frère de Mathieu, Christophe Colette, a eu l’idée – excellente – d’utiliser les illustrations d’Ernst Haeckel… biologiste marin de son état. Si certains noms peuvent être trompeurs, certaines pochettes en disent parfois plus qu’une longue chronique. Et le constat s’étend d’ailleurs jusqu’aux textes, eux aussi étonnamment fluides, dont les sonorités glissent mélodieusement sur les harmonies. Comme s’il ne s’agissait pas uniquement de mettre un texte sur une musique, mais d’ajouter des sons à d’autres sons. Une spécificité québécoise, peut-être. Ou peut-être pas. Jean-Michel utilise en tout cas les mêmes mots que vous et moi, mais différemment. « Je ne suis pas un poète ni un écrivain », dit-il, visiblement un peu étonné « Chez moi les textes viennent toujours après la musique, je sais que beaucoup font l’inverse. » Mathieu, volant à son secours : « Je crois qu’au Québec, parce que l’anglais est omniprésent (Montreal est à moitié anglophone), on a une façon d’envisager le texte plus anglo-saxonne que chez vous, comme un élément de la musique à part entière. »
La discussion dévie naturellement du côté de la langue. Car dans une ville à demi-anglophone et dans un pays majoritairement non-francophone, le choix du chant en français semble tout sauf une évidence. Le sujet est d’autant plus intéressant à évoquer avec les intéressés qu’à l’inverse, depuis quelques années, la France déborde de jeunes groupes chantant en anglais, pour des raisons pas toujours évidentes à assimiler si l’on se souvient qu’il y a quinze ans encore, jouer de la pop ou du rock dans la langue de Shakespeare était l’assurance de ne jamais avoir le moindre début de commencement de succès. Marrant de se dire que pour entendre de bons albums pop chantés en français aujourd’hui, il faut écouter des Québécois. « C’est vrai que j’ai l’impression qu’ici il y a plus de groupes anglophones », sourit Mathieu, « mais je pense juste qu’il y a une certaine difficulté à écrire en français. Il y a des choses qu’on peut dire en anglais qui vont tout de suite sembler cliché dans notre langue… I love you, I need you… (rires) » Pour autant, on n’a pas vraiment le sentiment que la pop francophone soit une des spécialités régionales. Jean-Michel : « Des artistes qui chantent en français au Québec il y en a, mais ça reste encore beaucoup des trucs québécois traditionnels, un peu comme votre pop variété francophone à vous. » Mille images d’horreur et de dévastation passent sous nos yeux en l’espace d’une phrase. Mais on ne dit rien, on ne va pas vexer nos invités en leur expliquant qu’une partie du public français a développé une allergie au Québec à cause de ce qu’ils appellent pudiquement des « trucs québécois traditionnels » (argh, j’en tremble rien que de l’écrire encore). « La scène indie montréalaise se chante surtout en anglais. Les groupes qui chantent en français et qui le font bien ça reste assez récent, et ça vient vraiment de l’influence anglophone. Mais je pense qu’ajourd’hui ce qui compte c’est surtout le style de la musique. La barrière de la langue n’existe plus vraiment, moi tu sais j’écoute Sigur Rós et je comprends absolument rien de ce qui disent. » Et de préciser que la réaction du public anglophone a toujours été bonne jusqu’à présent.
Il n’empêche que l’on imagine une difficulté géographique pour un groupe qui veut faire de la french pop dans une telle région, où le public demeure par définition assez réduit. Un fou rire général vient d’ailleurs égayer l’ambiance lorsqu’à la question « avez-vous déjà tourné à l’étranger avant aujourd’hui », les deux compères répondent comme un seul homme « juste au Canada». Ah oui. Quand même. « On a joué un peu en Ontario, on a été au Yukon… tu vois où c’est ? Le Yukon ce sont les territoires les plus à l’ouest, juste avant l’Alaska. Alors oui, là-bas on est quasiment à l’étranger. Mais il y a beaucoup de québécois qui y travaillent dans l’industrie forestière, donc on avait quand même une bonne moitié du public qui était composée de francophones. » Si Jean-Michel se fait discret depuis quelques minutes, on sent bien en revanche que la question de la langue et plus précisément de la cohabitation des langues travaille pas mal Mathieu. « C’est vrai que les deux univers francophones et anglophones sont assez séparés mais de toute façon même en Ontario on retrouve surtout à chaque fois un public d’amateurs de musique, des gens qui sont plutôt ouverts d’esprit, qui sont intéressés par les autres cultures. » Pas vraiment le profil du parfait redneck, en somme, qui de toute façon, en anglais ou dans n’importe quelle langue, trouverait certainement que les mélodies graciles de Tantale sont de la musique de gonzesses. La remarque rappelle à Mathieu une anecodte édifiante vécue un jour dans un bar, « dans un endroit un peu reclus au Yukon. On s’est fait apostropher par quelqu’un : We speak english here, no french, alors qu’on se parlait juste en français entre nous. » C’est raconté sans amertume particulière, et même plutôt en rigolant, mais cela n’en dit pas moins long sur les préjugés innombrables qui entourent les francophone en Amérique du Nord. « Au Québec la majorité des gens parlent très bien anglais parce qu’on a pas vraiment le choix, c’est vrai qu’on peut facilement se retrouver à se faire servir en anglais dans un restaurant à Montreal, à devoir demander pour être servi en français. On a heureusement beaucoup de lois là-bas qui protègent la langue française, mais… » Un silence. « Tu vois, tu nous demandais pourquoi on avait choisi de chanter français, eh bien je crois qu’on a aussi une certaine fierté de la langue. C’est important pour nous de la préserver, et ça doit passer par la culture. Si tous les groupes se mettaient à chanter en anglais ça laisserait plus beaucoup d’espoir. »
L’espoir de Monogrenade, pour l’instant, c’est évidemment et surtout de voir leur album paraître physiquement en France, ce qui on l’espère devrait être fait l’an prochain. Les possibilités y sont évidemment bien plus vastes pour un groupe comme le leur, et ils auraient assurément leur place dans notre paysage musical sinistré en matière de vraie, de belle pop. En attendant, ils font des aller-retour, et s’apprêtent à sillonner le pays cette semaine et la suivante. Sur scène, le groupe sort un peu de son cocon doucereux et s’autorise montées en puissances et envolées lyriques. Certains titres comme Tantale y gagnent incontestablement. Les autres sont égaux à eux-mêmes : romantiques et délicieux.
Premier album, Tantale, disponible chez Bonsound (2010) 👍👍
Certains noms peuvent être trompeurs. Monogrenade, ainsi, n’a pas grand-chose d’explosif – ni grand-chose à voir avec le préfixe mono. Le quatuor québécois pourrait même être vu comme l’exact inverse de l’un et de l’autre, avec sa musique douce et romantique et son luxe d’orchestrations. « En fait on a trouvé le nom très rapidement, au moment du premier EP, qui s’appelait La Saveur des fruits. » D’où la grenade, qui n’a pas grand-chose d’une arme. « Et puis il avait quelque chose d’assez lo/fi alors mono collait assez bien. Mais il n’y a pas vraiment de sens, c’était surtout une question de phonétique. »
Au moment de la rencontre avec Jean-Michel (chant/clavier/guitare) et Mathieu (chant/batterie), fin octobre, le groupe est en pleine « opération de séduction » dans nos contrées, tout heureux d’être en France depuis quelques jours, ce qui était évidemment totalement inespéré il y a encore un an. On les capte à quelques minutes de leur concert au Divan du Monde, pas plus stressés que cela, mais bien conscients de l’enjeu que constitue pour un groupe de leur envergure un premier « vrai » concert en France… de surcroît en ouverture d’une tête d’affiche aussi populaire que Moriarty. Mais non. Si trac il y a, on n’en saura rien. Ces gens ne sont clairement pas du genre à te faire chier en interview avec leurs états d’âme (comportement qui ne fait de toute façon pas trop partie du tempérament local). Plutôt du genre lucide, sans illusions mais pas sans espoir. Il auraient tort du reste de ne pas en avoir, tant certains morceaux de Tantale (au hasard : la délicieuse bluette "Ce soir") ont un potentiel tubesque réel. On ne peut que se féliciter de les croiser là, maintenant, à la croisée des chemins. Ce groupe-là a tout ce qu’il faut pour faire un carton, des chansons au son en passant par le bon univers (poétique et doucereux – jamais cucul) et la bonne attitude (humble et simple comme adorent les Français).
« Pop-rock fragile me convient », déclare Jean-Michel lorsqu’on lui fait remarquer que les premiers mots qui viennent à l’esprit lorsque l’on découvre Tantale sont, dans l’ordre : joli, délicat, fragile. Pas de chance pour lui, l’expression convient beaucoup moins au chroniqueur, tant elle manque l’essentiel de la musique du groupe : ce sentiment de richesse, de luxuriance qui n’est pas uniquement le fait de la présence d’un violoncelle ou de clavier en plus de l’inévitable guitare/basse/batterie, mais bien celui d’une production habile, dosant savamment les mélanges d’atmosphère. Pour Mathieu, cela provient directement des « background très différents » au sein d’un même groupe qui, assez paradoxalement, joue de la pop francophone en ne se référant quasiment jamais à des artistes pop, ni à des artistes francophones. Une curiosité, pour le moins, même si l’on comprend à demi-mot que l’intégration de Marianne et de son violoncelle ont pas mal changé la donne par rapport à ce que jouait Monogrenade à ses débuts. « On ne cherchait pas vraiment, pas spécialement un violoncelle, mais c’est vrai que j’ai toujours été attiré par les cordes et en fait un jour sur myspace, on a reçu un message de Marianne : Bonjour, je suis violoncelliste, je cherche un projet… et donc on a essayé avec elle et, ç’a marché : on est devenu un quatuor. » En somme c’est la violoncelliste qui a amené le violoncelle, et la mue n’est peut-être pas finie puisque le groupe tourne actuellement à six, accompagné de deux violonistes qui, si elles ne sont pas présentes sur tous les morceaux, apportent incontestablement une profondeur supplémentaire à ceux auxquels elles contribuent. « Ça nous manquait un peu en spectacle, d’avoir des violons. »
Les qualités de Tantale sont nombreuses, mais c’est sa singulière fluidité qui frappe en premier lieu, donnant le sentiment d’un groupe ne ressemblant à personne – pas même à ses compatriotes de Karkwa auquel certains seront sans doute tentés de les comparer hâtivement. Les morceaux de Monogrenade, "La Marge" ou "L’Araignée", ont quelque chose de presque impalpable, de liquide, sentiment qui semble partagé en dehors de ces pages puisqu’au moment de concevoir les – magnifiques – visuels de l’album le frère de Mathieu, Christophe Colette, a eu l’idée – excellente – d’utiliser les illustrations d’Ernst Haeckel… biologiste marin de son état. Si certains noms peuvent être trompeurs, certaines pochettes en disent parfois plus qu’une longue chronique. Et le constat s’étend d’ailleurs jusqu’aux textes, eux aussi étonnamment fluides, dont les sonorités glissent mélodieusement sur les harmonies. Comme s’il ne s’agissait pas uniquement de mettre un texte sur une musique, mais d’ajouter des sons à d’autres sons. Une spécificité québécoise, peut-être. Ou peut-être pas. Jean-Michel utilise en tout cas les mêmes mots que vous et moi, mais différemment. « Je ne suis pas un poète ni un écrivain », dit-il, visiblement un peu étonné « Chez moi les textes viennent toujours après la musique, je sais que beaucoup font l’inverse. » Mathieu, volant à son secours : « Je crois qu’au Québec, parce que l’anglais est omniprésent (Montreal est à moitié anglophone), on a une façon d’envisager le texte plus anglo-saxonne que chez vous, comme un élément de la musique à part entière. »
La discussion dévie naturellement du côté de la langue. Car dans une ville à demi-anglophone et dans un pays majoritairement non-francophone, le choix du chant en français semble tout sauf une évidence. Le sujet est d’autant plus intéressant à évoquer avec les intéressés qu’à l’inverse, depuis quelques années, la France déborde de jeunes groupes chantant en anglais, pour des raisons pas toujours évidentes à assimiler si l’on se souvient qu’il y a quinze ans encore, jouer de la pop ou du rock dans la langue de Shakespeare était l’assurance de ne jamais avoir le moindre début de commencement de succès. Marrant de se dire que pour entendre de bons albums pop chantés en français aujourd’hui, il faut écouter des Québécois. « C’est vrai que j’ai l’impression qu’ici il y a plus de groupes anglophones », sourit Mathieu, « mais je pense juste qu’il y a une certaine difficulté à écrire en français. Il y a des choses qu’on peut dire en anglais qui vont tout de suite sembler cliché dans notre langue… I love you, I need you… (rires) » Pour autant, on n’a pas vraiment le sentiment que la pop francophone soit une des spécialités régionales. Jean-Michel : « Des artistes qui chantent en français au Québec il y en a, mais ça reste encore beaucoup des trucs québécois traditionnels, un peu comme votre pop variété francophone à vous. » Mille images d’horreur et de dévastation passent sous nos yeux en l’espace d’une phrase. Mais on ne dit rien, on ne va pas vexer nos invités en leur expliquant qu’une partie du public français a développé une allergie au Québec à cause de ce qu’ils appellent pudiquement des « trucs québécois traditionnels » (argh, j’en tremble rien que de l’écrire encore). « La scène indie montréalaise se chante surtout en anglais. Les groupes qui chantent en français et qui le font bien ça reste assez récent, et ça vient vraiment de l’influence anglophone. Mais je pense qu’ajourd’hui ce qui compte c’est surtout le style de la musique. La barrière de la langue n’existe plus vraiment, moi tu sais j’écoute Sigur Rós et je comprends absolument rien de ce qui disent. » Et de préciser que la réaction du public anglophone a toujours été bonne jusqu’à présent.
Il n’empêche que l’on imagine une difficulté géographique pour un groupe qui veut faire de la french pop dans une telle région, où le public demeure par définition assez réduit. Un fou rire général vient d’ailleurs égayer l’ambiance lorsqu’à la question « avez-vous déjà tourné à l’étranger avant aujourd’hui », les deux compères répondent comme un seul homme « juste au Canada». Ah oui. Quand même. « On a joué un peu en Ontario, on a été au Yukon… tu vois où c’est ? Le Yukon ce sont les territoires les plus à l’ouest, juste avant l’Alaska. Alors oui, là-bas on est quasiment à l’étranger. Mais il y a beaucoup de québécois qui y travaillent dans l’industrie forestière, donc on avait quand même une bonne moitié du public qui était composée de francophones. » Si Jean-Michel se fait discret depuis quelques minutes, on sent bien en revanche que la question de la langue et plus précisément de la cohabitation des langues travaille pas mal Mathieu. « C’est vrai que les deux univers francophones et anglophones sont assez séparés mais de toute façon même en Ontario on retrouve surtout à chaque fois un public d’amateurs de musique, des gens qui sont plutôt ouverts d’esprit, qui sont intéressés par les autres cultures. » Pas vraiment le profil du parfait redneck, en somme, qui de toute façon, en anglais ou dans n’importe quelle langue, trouverait certainement que les mélodies graciles de Tantale sont de la musique de gonzesses. La remarque rappelle à Mathieu une anecodte édifiante vécue un jour dans un bar, « dans un endroit un peu reclus au Yukon. On s’est fait apostropher par quelqu’un : We speak english here, no french, alors qu’on se parlait juste en français entre nous. » C’est raconté sans amertume particulière, et même plutôt en rigolant, mais cela n’en dit pas moins long sur les préjugés innombrables qui entourent les francophone en Amérique du Nord. « Au Québec la majorité des gens parlent très bien anglais parce qu’on a pas vraiment le choix, c’est vrai qu’on peut facilement se retrouver à se faire servir en anglais dans un restaurant à Montreal, à devoir demander pour être servi en français. On a heureusement beaucoup de lois là-bas qui protègent la langue française, mais… » Un silence. « Tu vois, tu nous demandais pourquoi on avait choisi de chanter français, eh bien je crois qu’on a aussi une certaine fierté de la langue. C’est important pour nous de la préserver, et ça doit passer par la culture. Si tous les groupes se mettaient à chanter en anglais ça laisserait plus beaucoup d’espoir. »
L’espoir de Monogrenade, pour l’instant, c’est évidemment et surtout de voir leur album paraître physiquement en France, ce qui on l’espère devrait être fait l’an prochain. Les possibilités y sont évidemment bien plus vastes pour un groupe comme le leur, et ils auraient assurément leur place dans notre paysage musical sinistré en matière de vraie, de belle pop. En attendant, ils font des aller-retour, et s’apprêtent à sillonner le pays cette semaine et la suivante. Sur scène, le groupe sort un peu de son cocon doucereux et s’autorise montées en puissances et envolées lyriques. Certains titres comme Tantale y gagnent incontestablement. Les autres sont égaux à eux-mêmes : romantiques et délicieux.
Premier album, Tantale, disponible chez Bonsound (2010) 👍👍