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Si la grandeur d'un artiste se mesurait à la manière dont on peut ou non découper son œuvre en tranches, en périodes définies, évidentes... peu d'auteurs français vivants atteindraient les hauteurs dans lesquelles Philippe Djian promène sa plume. Car si certains mauvais coucheurs prennent un malin plaisir, par raccourci (normal, c'est long d'atteindre un sommet), à dire qu'il écrit toujours le même bouquin, la vérité est plutôt qu'il raconte toujours la même histoire, mais uniquement par tranches de deux, trois, quatre livres... avant de changer de période et de commencer à découper une nouvelle tranche de son imaginaire.
Ainsi après l'époque "je suis un écrivain loser alcoolique qui fuck ta bonne morale" (en gros, ses années quatre-vingts), après la période "Hemingway mon amour" (Lent dehors et Sotos), après le chapitre "soyons sérieux deux minutes" (la trilogie entamée avec Assassins) et l'inévitable phase dite "expérimentale" (romans en forme d'exercices de styles, tentative de série télé littéraire)... ainsi après tout cela, donc, Philippe Djian est-il depuis quelques années entré dans sa période "je suis un vieux con, je ne comprends plus les jeunes mais je les aime très fort". Particulièrement convaincant dans le formidable Impuretés (2005), le procédé a eu tendance à n'être progressivement plus que cela - un procédé - au fil des romans suivants. Avec Vengeances, dans lequel l'auteur abat un jeune avant même la première page pour la quatrième fois consécutive, on finit par avoir du mal à être surpris et, plus ennuyeux, à comprendre vraiment où il veut en venir.
On entend bien que Djian, dont les qualités stylistiques ne sont pas en cause, ait quelques difficultés à comprendre la "génération actuelle" (si je puis dire), et qu'il éprouve un mélange de fascination et de malaise vis-à-vis de l'attirance irrépressible des gosses d'aujourd'hui pour le vide et la destruction de soi. Le problème, c'est que comme dans le très bon Impardonnables ou le moyennement réussi Incidences, mais ici en plus voyant, tout cela n'est qu'un prétexte à enchaîner sur une histoire relativement convenue, avec un narrateur djianesque typique et dont a le désagréable de sentiment de connaître chaque page avant même de la lire. Il y a bien un début chaotique assez intéressant, un dernier quart incroyable, aussi splendide que décousu. Mais entre les deux, hélas, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le narrateur est taraudé par son propre vieillissement (bien plus, d'ailleurs, que par le suicide de son fils, dont le deuil est quasiment et problématiquement impalpable), les autres "vieux" sont tous des cons, les jeunes sont incontrôlables. Bon. D'accord. Cela ne fait que quatre romans que Djian nous dit la même chose.
On arguera - à raison - que ce sentiment de répétition n'était pas spécialement dérangeant il y a vingt ans, alors qu'il existait déjà dans ses romans les plus populaires. C'est vrai, et en même temps, pas vraiment. Il y avait dans ces romans-là une vigueur, une vitalité, même, que l'on ne retrouve absolument jamais dans Vengeances. On n'avait pas le sentiment, alors, de lire quelque chose de globalement plan plan, de suivre un itinéraire fléché. En deux livres et demi, c'est comme si l'auteur était passé de l'aventure sac au dos au voyage organisé, avec parfois quelques surprises mais surtout une absolue absence de risques. Vous me direz qu'il nous procure ce faisant une jolie métaphore du vieillissement. Certes, mais ce n'était de toute évidence pas celle qu'il ambitionnait de livrer.
Si la grandeur d'un artiste se mesurait à la manière dont on peut ou non découper son œuvre en tranches, en périodes définies, évidentes... peu d'auteurs français vivants atteindraient les hauteurs dans lesquelles Philippe Djian promène sa plume. Car si certains mauvais coucheurs prennent un malin plaisir, par raccourci (normal, c'est long d'atteindre un sommet), à dire qu'il écrit toujours le même bouquin, la vérité est plutôt qu'il raconte toujours la même histoire, mais uniquement par tranches de deux, trois, quatre livres... avant de changer de période et de commencer à découper une nouvelle tranche de son imaginaire.
Ainsi après l'époque "je suis un écrivain loser alcoolique qui fuck ta bonne morale" (en gros, ses années quatre-vingts), après la période "Hemingway mon amour" (Lent dehors et Sotos), après le chapitre "soyons sérieux deux minutes" (la trilogie entamée avec Assassins) et l'inévitable phase dite "expérimentale" (romans en forme d'exercices de styles, tentative de série télé littéraire)... ainsi après tout cela, donc, Philippe Djian est-il depuis quelques années entré dans sa période "je suis un vieux con, je ne comprends plus les jeunes mais je les aime très fort". Particulièrement convaincant dans le formidable Impuretés (2005), le procédé a eu tendance à n'être progressivement plus que cela - un procédé - au fil des romans suivants. Avec Vengeances, dans lequel l'auteur abat un jeune avant même la première page pour la quatrième fois consécutive, on finit par avoir du mal à être surpris et, plus ennuyeux, à comprendre vraiment où il veut en venir.
On entend bien que Djian, dont les qualités stylistiques ne sont pas en cause, ait quelques difficultés à comprendre la "génération actuelle" (si je puis dire), et qu'il éprouve un mélange de fascination et de malaise vis-à-vis de l'attirance irrépressible des gosses d'aujourd'hui pour le vide et la destruction de soi. Le problème, c'est que comme dans le très bon Impardonnables ou le moyennement réussi Incidences, mais ici en plus voyant, tout cela n'est qu'un prétexte à enchaîner sur une histoire relativement convenue, avec un narrateur djianesque typique et dont a le désagréable de sentiment de connaître chaque page avant même de la lire. Il y a bien un début chaotique assez intéressant, un dernier quart incroyable, aussi splendide que décousu. Mais entre les deux, hélas, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le narrateur est taraudé par son propre vieillissement (bien plus, d'ailleurs, que par le suicide de son fils, dont le deuil est quasiment et problématiquement impalpable), les autres "vieux" sont tous des cons, les jeunes sont incontrôlables. Bon. D'accord. Cela ne fait que quatre romans que Djian nous dit la même chose.
On arguera - à raison - que ce sentiment de répétition n'était pas spécialement dérangeant il y a vingt ans, alors qu'il existait déjà dans ses romans les plus populaires. C'est vrai, et en même temps, pas vraiment. Il y avait dans ces romans-là une vigueur, une vitalité, même, que l'on ne retrouve absolument jamais dans Vengeances. On n'avait pas le sentiment, alors, de lire quelque chose de globalement plan plan, de suivre un itinéraire fléché. En deux livres et demi, c'est comme si l'auteur était passé de l'aventure sac au dos au voyage organisé, avec parfois quelques surprises mais surtout une absolue absence de risques. Vous me direz qu'il nous procure ce faisant une jolie métaphore du vieillissement. Certes, mais ce n'était de toute évidence pas celle qu'il ambitionnait de livrer.
👎 Vengeances
Philippe Djian | Gallimard, 2011
Si je me rappelle, dans Incidence la fille avait le temps de vivre un peu quand même :)
RépondreSupprimerMais sinon c'est vrai, les livres de Philippe Djian sont moins bien depuis quelques temps.
Tu as raison, je crois que le narrateur a le temps de coucher avec elle avant qu'elle meurt...
RépondreSupprimerAprès j'ai trouvé que c'était quand même bien à lire hein:)
RépondreSupprimer"...une vigueur, une vitalité, même, que l'on ne retrouve absolument jamais dans Vengeances"
RépondreSupprimerc'est normal, c'est écrit par un vieux qui n'a pas découvert la fontaine de jouvence^^
Certes, mais il y a quand même quelques vieux qui arrivent à conserver un bon direct... du moins un temps.
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