C'est une des plus agréables surprises de l'année : Ryan Murphy n'a pas encore vu son cerveau englouti par le sucre à force de bosser sur Glee. Le créateur du sulfureux Nip/Tuck griffe encore, plutôt pas mal et plutôt fort, et son retour sur FX avec une série autrement plus ambitieuse que la machine à vendre de la musique sur i-tunes vient en attester.
Si elle n'est pas exempte de défauts, il ne faut que quelques minutes pour adhérer à American Horror Story, dont le pilote, comme celui de Nip/Tuck autrefois, est remarquable de maîtrise et pourrait quasiment se suffire à lui-même. Montage ultra-serré, gimmicks visuels à coups d'images subliminales, atmosphère oppressante mélangeant suggestion et frustration sexuelle... American Horror Story a beaucoup d'atouts dans sa manche sur la ligne de départ, qu'elle ne parvient pas tous à exploiter, principalement par flemme, mais qui suffisent à rendre parfois sévèrement accro.
Il s'agit bien sûr d'une variation sur le mythe de la maison hantée, avec tout ce que le genre peut impliquer, en 2011, de clichés ou d'hommage - selon que l'on sera bien ou mal disposé vis-à-vis du tonitruant Murphy. En quelques épisodes, les références s'amoncellent et tentent, sans doute un brin vainement, de recouper tout ce que le genre a offert de - en gros - La Maison du Diable à The Grudge et The Others, avec de longs arrêts sur les cases Rosemary's Baby (on y pense dès les premières secondes, et le sentiment ne fait évidemment que se renforcer lorsque l'héroïne tombe enceinte) et Shining (outre deux scènes y faisant explicitement allusion, l'influence berce l'ensemble de la série, notamment dans le côté volontairement insaisissable entourant la géographie de la maison). On oscille entre le clin d’œil très appuyé (Murphy n'est pas connu pour sa grande subtilité) et le pastiche entendu (certaines scènes sont à la limite du décalque), le tout étant noyé sous une esthétique joliment poisseuse et des effets visuels et sonores qui, pour irritants qu'ils soient par instants, confèrent immédiatement à la série une marque tout à fait personnelle et même un certain cachet (cf. le générique, remarquable). C'est à la fois rigoureusement classique et joyeusement post-moderne, et cela abat avec une jubilation évidente les frontières entre fantasme délirant et réalité sordide.
Mais si American Horror Story est une réussite, malgré une chute relativement décevante, c'est bien évidemment parce que Murphy est parvenu à y injecter des obsessions toutes personnelles, en faisant la digne sœur de Nip/Tuck ou de Running with Scissors. American Horror Story, parfois franchement dérangeante et occasionnellement très flippante, raconte avant tout l'histoire d'un couple en pleine dissolution. Le fait que son foyer se métamorphose en musée des horreurs n'est que la projection allégorique de son absence d'intimité, et les fantômes sont autant de fantasmes venus hanter la famille Harmon (la véritable horror story ne serait-elle pas, dans le fond, la famille middle class traditionnelle, et tout ce qu'elle charrie de formatage et d'hypocrisie ?) Le personnage de Ben Harmon, psychiatre incroyablement médiocre (c'est peu de le dire), est, en ce sens, un typique héros "murphyien", si aveuglé par son propre narcissisme que c'est à peine s'il s'aperçoit de la bizarrerie de l'endroit où il vit et travaille. Le carambolage entre sa culpabilité et son orgueil l'ont, certes, placé aux portes de la démence. Ce n'est pas une excuse : dans American Horror Story comme autrefois dans Nip/Tuck, tous les personnages en sont à peu près au même point.
La série, bien sûr, en fait des tonnes. Fidèle à la vision esthétique de son auteur, elle est violemment hyperbolique et sépare rarement le vraiment malsain du bêtement grand-guignol, l'absurde du grotesque. Son scénario, tortueux et parfois difficilement compréhensible, repose sur une surenchère permanente et des ellipses épileptiques, qui sont autant de prétextes à tripatouiller l'âme humaine. Ici peut-être le titre prend-il tout son sens : American Horror Story fonctionne comme une compilation des angoisses de l'Amérique puritaine (la bonne vieille Némésis de Murphy), et comme le Menu Maxi Best of de sa littérature horrifique. On en ressort repus, mais ravi.
Si elle n'est pas exempte de défauts, il ne faut que quelques minutes pour adhérer à American Horror Story, dont le pilote, comme celui de Nip/Tuck autrefois, est remarquable de maîtrise et pourrait quasiment se suffire à lui-même. Montage ultra-serré, gimmicks visuels à coups d'images subliminales, atmosphère oppressante mélangeant suggestion et frustration sexuelle... American Horror Story a beaucoup d'atouts dans sa manche sur la ligne de départ, qu'elle ne parvient pas tous à exploiter, principalement par flemme, mais qui suffisent à rendre parfois sévèrement accro.
Il s'agit bien sûr d'une variation sur le mythe de la maison hantée, avec tout ce que le genre peut impliquer, en 2011, de clichés ou d'hommage - selon que l'on sera bien ou mal disposé vis-à-vis du tonitruant Murphy. En quelques épisodes, les références s'amoncellent et tentent, sans doute un brin vainement, de recouper tout ce que le genre a offert de - en gros - La Maison du Diable à The Grudge et The Others, avec de longs arrêts sur les cases Rosemary's Baby (on y pense dès les premières secondes, et le sentiment ne fait évidemment que se renforcer lorsque l'héroïne tombe enceinte) et Shining (outre deux scènes y faisant explicitement allusion, l'influence berce l'ensemble de la série, notamment dans le côté volontairement insaisissable entourant la géographie de la maison). On oscille entre le clin d’œil très appuyé (Murphy n'est pas connu pour sa grande subtilité) et le pastiche entendu (certaines scènes sont à la limite du décalque), le tout étant noyé sous une esthétique joliment poisseuse et des effets visuels et sonores qui, pour irritants qu'ils soient par instants, confèrent immédiatement à la série une marque tout à fait personnelle et même un certain cachet (cf. le générique, remarquable). C'est à la fois rigoureusement classique et joyeusement post-moderne, et cela abat avec une jubilation évidente les frontières entre fantasme délirant et réalité sordide.
Mais si American Horror Story est une réussite, malgré une chute relativement décevante, c'est bien évidemment parce que Murphy est parvenu à y injecter des obsessions toutes personnelles, en faisant la digne sœur de Nip/Tuck ou de Running with Scissors. American Horror Story, parfois franchement dérangeante et occasionnellement très flippante, raconte avant tout l'histoire d'un couple en pleine dissolution. Le fait que son foyer se métamorphose en musée des horreurs n'est que la projection allégorique de son absence d'intimité, et les fantômes sont autant de fantasmes venus hanter la famille Harmon (la véritable horror story ne serait-elle pas, dans le fond, la famille middle class traditionnelle, et tout ce qu'elle charrie de formatage et d'hypocrisie ?) Le personnage de Ben Harmon, psychiatre incroyablement médiocre (c'est peu de le dire), est, en ce sens, un typique héros "murphyien", si aveuglé par son propre narcissisme que c'est à peine s'il s'aperçoit de la bizarrerie de l'endroit où il vit et travaille. Le carambolage entre sa culpabilité et son orgueil l'ont, certes, placé aux portes de la démence. Ce n'est pas une excuse : dans American Horror Story comme autrefois dans Nip/Tuck, tous les personnages en sont à peu près au même point.
La série, bien sûr, en fait des tonnes. Fidèle à la vision esthétique de son auteur, elle est violemment hyperbolique et sépare rarement le vraiment malsain du bêtement grand-guignol, l'absurde du grotesque. Son scénario, tortueux et parfois difficilement compréhensible, repose sur une surenchère permanente et des ellipses épileptiques, qui sont autant de prétextes à tripatouiller l'âme humaine. Ici peut-être le titre prend-il tout son sens : American Horror Story fonctionne comme une compilation des angoisses de l'Amérique puritaine (la bonne vieille Némésis de Murphy), et comme le Menu Maxi Best of de sa littérature horrifique. On en ressort repus, mais ravi.
👍👍 American Horror Story (saison 1)
créée par Ryan Murphy & Brad Falchuk
FX, 2011
Ouais ouais ouais, bien fun cette petite série !
RépondreSupprimerPresque aussi bien que NipTuck...donc presque nul :-)
RépondreSupprimerC'est dommage que la série s'effondre dans la deuxième moitié car les cinq ou six premiers épisodes sont vraiment géniaux...
RépondreSupprimerComme je te disais.. Moi les films d'horreur c'est insoutenable. Je me suis forcée à regarder le premier épisode, pour Connie Britton... c'était déjà trop...
RépondreSupprimerTon article ne fait que me conforter, quand tu parles du grandguignol et de surenchère... je crois que c'est un coup à m'empêcher de dormir la nuit tout ça! hihh!
C'est marrant de voir une série typique de Murphy...moi je l'ai trouvée très whedonienne plutot (certes, ils sont potes)
RépondreSupprimer@JC : c'est probablement parce que Tim Minear co-produit.
RépondreSupprimerPas suffisant pour m'avoir intéressée, ceci dit.
Excellent selon moi. Horreur, mystère, tt était bon pour en faire un super divertissement. Juste déçue que la série soit rebootée, on s'attachait bien à ces persos.
RépondreSupprimerMoi je trouve cette daube complètement ridicule, ça n'a aucun sens, ça ne me fait ni peur, ni ne me choque. Et si grand guignol il y a, j'y trouve pas le second degré/recul qu'il peut y avoir avec dans un True Blood par exemple, ou dans les bons films d'horreur funs. Alors on est peut-être pas censé se marrer, mais comme ça ne me fait pas peur, que je n'ai RIEN à battre de ces personnages qui naviguent entre antipathie et platitude, et que l'intrigue est tellement tirée par le cheveux et mal construite qu'on y perd aussi tout intérêt, pour moi c'est un putain d'échec.
RépondreSupprimerLe problème de la série, c'est surtout cette p***** de révélation de qui est le rubber man!
RépondreSupprimerJe ne vais pas spoiler, mais c'est un peu comme si, dans Lost, on avait révélé au bout de six épisodes que le monstre de fumée n'était autre qu'Hugo. C'est ridicule, et cela témoigne, une fois de plus, de l'immense supériorité de Lost sur toutes les séries fantastique/SF/à-mystères contemporaines.
Marion & Bloom >>> je suis relativement d'accord sur le fait que la seconde moitié soit moins convaincante. Cela dit j'avais beaucoup aimé le second épisode, Birth, malgré - ou peut-être à cause de - ses multiples plagiats de Rosemary's Baby.
RépondreSupprimerKath >>> oui enfin on ne se planque pas sous le lit non plus, hein... enfin cela dit c'est vrai que tu as l'air très sensible à ce genre de sujet ;-)
Pierre B. >>> quoi ? tu n'as même pas un peu frémit devant les premiers épisodes ? Allons allons...
Retrouver Tammy Taylor suffit à mon bonheur, le reste...
RépondreSupprimermais en plus, la série est super (Tammy Taylor ne ferait pas de mauvais choix de toutes façons!)
RépondreSupprimerJ'ai été très séduite par cette série psychanalytico-foutraque qui, non content de rendre hommage à moult films d'horreur cultes, emprunte énormément de ses références visuelles à la grande photographe Diane Arbus.
RépondreSupprimerPour la saison, deux, changement de maison et de casting, j’ai vraiment hâte de voir ça!
Oui, c'est délicieusement foutraque en effet. Et puis Ryan Murphy le voulait avant tout comme un hommage à Dark Shadows, qui était tellement foutraque et grotesque elle-même, par instants.
RépondreSupprimerRien d'inoubliable, loin s'en faut, mais pas mal du tout !
RépondreSupprimerAprès m'être endormi deux fois devant le 101, j'ai failli laisser tomber, pensant que ce n'était pas pour moi. Heureusement, ton article est arrivé à point nommé ;-)
Ah c'est marrant, les deux premiers épisodes sont vraiment ceux qui m'ont le plus captivé, avec l'avant-dernier (pour des raisons très différentes).
RépondreSupprimerPlop,
RépondreSupprimerEt beh deuxième série que je découvre grâce à ce blog, et jl'ai bien aimé (maté en 2 jours).
Alors elle ne fout à aucun moment la trouille mais je la trouve cohérente (je viens de lire foutraque dans les commentaires, perso elle m'a paru assez cohérente, ou alors j'ai l'esprit vrillé :D).
Et belle barraque btw.
Je reste sceptique devant l'arrivée d'une saison 2 en revanche.
Oooooh, si, il y a quand même beaucoup de questions auxquelles il vaut mieux éviter de chercher des réponses sous peine de faire ressortir toutes les ficelles.
RépondreSupprimerAchtung Spoilers
Exemples : pourquoi Moira est-elle le seul fantôme à avoir vieilli ? Pourquoi certains fantômes gardent une cicatrice de leur mort quand d'autres, non ? Pourquoi les trois "home invaders" hantent-ils la maison alors qu'il a été explicitement dit par la police que l'une d'entre eux (celle qui avait avalé le laxatif et a été "fendue" par Tate) était morte au bout de la rue en tentant de s'échapper... etc, la liste des incohérences est interminable ^^
J'avoue ne pas m'être penché sur les incohérences plus que ça, j'ai été très bon public pour la peine, m'enchaînant rapidement les épisodes.
RépondreSupprimerMaintenant quand je lisais foutraque, je pensais plus aux intrigues en tant que telles, ça s'emmêle pas trop mal, avec comme intrigue principale l'arrivée du divin enfant. Je viens de lire une critique parlant des personnages nouveaux qui arrivent sans cesse par exemple, disant qu'il y en avait trop... pas l'impression que j'ai eu.
Pour Moïra, je me disais juste que c'était dans son rôle de "les apparences peuvent trompeuses, en parlant de tromperie toi et ta femme..." ^^.
Après je crois que je préférai quand même Fear itself (mais pas le même principe, que du one shot) !
Les personnages ne m'ont pas dérangé plus que ça, même s'il faut bien reconnaître que certains ne servent strictement à rien. Si je devais reprocher quelque chose à ce sujet, c'est plutôt le fait d'avoir voulu que quasiment tous soient des fantômes, ce qui gâche considérablement le suspens...
RépondreSupprimer