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Grosses larmichettes, femmes de noir vêtues hurlant à la mort... que se passe-t-il, tavernier ? "Quoi, vous ne savez pas ? Mais d'où sortez vous ? Un journal est mort, pardi !" C'est vrai... un journal est mort il y a quelques jours, j'oubliais. L'heure est à la veillée funèbre, car un journal qui meurt, c'est mal, c'est affreux, c'est pire qu'un enfant. C'est la démocratie qui agonise. Oui, même quand c'est un journal devenu un torchon depuis quinze... peut-être vingt ans. Au lendemain de la mort de France Soir, la corporation était unanime et tant pis si le véritable mal, plus que la mort d'un quotidien, est la quasi impossibilité d'en voir naître de nouveaux. La terre quotidienne ne semble pas très féconde, mais cela n'ennuie personne le plus gros de l'année, et l'on préfèrera pleurer sur l'extinction des dinosaures. On n'oserait rêver plus parfaite allégorie de notre époque.
Alors la corporation a pleuré, beaucoup et bruyamment, avec plus ou moins de conviction et une honnêteté intellectuelle parfois relative quant aux causes du mal. Deux coupables se sont dégagés progressivement au fil des nécrologies complaisamment étalées par des confrères dont on sentait bien qu'ils avaient envie de se proclamer survivants toute les deux lignes (et qui n'en font pas tant quand ferment une école, un bureau de poste, un médecin en zone rurale... etc.). Les suspects sont bien connus de nos services, pour avoir décimé tant de secteurs d'activités ces dernières années : l'Internet et le Gratuit (parfois confusément associés). Peu importe que les problèmes de France Soir aient remonté à l'époque du Minitel : il ne s'agit pas d'être rationnel, mais d'inscrire son propos dans cette litanie inconsciente que l'on finit à force par bien connaître. La même que celle des majors du disque, la même que celle des majors du cinéma, la même que celle des éditeurs de littérature d'ici à cinq ans. Le vieux monde est malade de la peste, mais allons : il a trouvé un baudet sur lequel crier haro. On m'opposera bien que les sommes brassées sont légèrement différentes d'une catégorie à l'autre ; je me contenterai de répondre que la presse française n'a jamais eu autant de pouvoir et de rayonnement qu'ailleurs et qu'après tout, on peut aussi bien s'étonner qu'elle puisse s'étonner de ne plus être ce qu'elle n'a jamais été.
Qu'on ne se méprenne pas : j'aime la presse. J'allais même écrire j'aime ma presse, c'est vous dire. C'est bien parce que je l'aime, parce que je l'estime nécessaire, essentielle.... qu'il me peine à ce point de la voir ainsi s'enliser dans une rancœur qui ne dit pas son nom. Qui peut sincèrement croire que les gratuits ou le Web sont responsable de la décrédibilisation de l'ensemble d'une profession, au demeurant ni plus ni moins respectable qu'une autre ? Ne peut-on supposer qu'elle serait avant tout victime d'elle-même, de son formalisme, de sa prévisibilité et de divers péchés passés ? Quand je lis mon Libé de A à Z, soit donc chaque jour que Dieu fait - et vous noterez que ce n'est pas par hasard que j'écris mon Libé comme j'écrirais mon quartier... quand je lis mon Libé, donc, j'ai suffisamment de griefs qui me viennent et qui me font me dire parfois que je devrais me désabonner. Je n'ai pas besoin d'aller chercher le Net pour justifier ce sentiment, encore moins les gratuits - cela reviendrait à comparer une orange et une paire de chaussettes. Je passe encore sur les rubriques de pure information, même s'il m'arrive trop souvent d'avoir le sentiment qu'il n'y a que deux journalistes qui rédigent les articles tant l'écriture - quand ce n'est pas la pensée - y est compassée à l'extrême 1 Systématiquement, lorsqu'arrivent les pages que l'on qualifiera d'opinions, je suis taraudé par cette question : mais pourquoi, bon Dieu de bordel de merde... POURQUOI est-ce que je lis ça ? Hormis Daniel Schneidermann et Pierre Marcelle qui, à chaque bout de la semaine et chacun à sa manière, offrent des voix un peu discordantes et développent un ton propre, le reste n'est qu'un enchainement pénible de plumes préfabriquées et de pensée Ikea. Songez donc que la chronique politique hebdomadaire est signée par rien moins qu'Alain Duhamel. Faut-il vraiment faire un commentaire tant il est l'archétype du journaliste embed, le père spirituel de tous les Christophe Barbier de l'univers, celui qui depuis... combien ? trente ? quarante ? mille ans ?... incarne la presse politique tiède et bienséante qui a pignon sur rue dans ce pays (le commentaire vaut autant pour Bernard Guetta, lui aussi chroniqueur hebdomadaire dans le journal, et qui est un peu la version politique internationale d'Alain Duhamel).
Mais il y a mieux. Car figurez-vous que depuis quelques mois, tentative courageuse d'attirer un nouveau public (j'imagine), le journal s'est adjoint les services de Stéphane Guillon qui, l'air de rien, lui refile ses invendus chaque semaine. Quelque part, cela symbolise tout ce qui cloche dans la presse française aujourd'hui : déjà, ce n'est que rarement drôle et désarmant de facilité, mais à la limite ce n'est qu'un moindre mal. On s'affligera surtout qu'avec tous les gens de talent qui cherchent du travail dans ce pays il ait fallu que le journal aille débaucher un énième rat de télévision, incapable de tenir un stylo et dont les vannes sur Sarkozy ne pourraient même pas servir de bouche à un article de ce blog.
Bien sûr, je prends ici l'exemple que je connais le mieux, qui n'est pas nécessairement le plus pertinent. On peut considérer qu'il y a beaucoup de qui aime bie châtie bien dans tous cela, et ce n'est certainement pas au lendemain du rachat de Rue89 par le groupe Nouvel Obs qu'on me surprendra à monter la presse traditionnelle contre la presse web - ce n'est pas le propos. Mais la disproportion entre l'importance de l'information et son traitement d'une part, et le côté décalé - voire à côté de la plaque - dudit traitement d'autre part... laissent quelque peu songeur. A plus forte raison lorsque l'on constate que dans ces longues élégies, la place des salariés désormais au chômage a été réduite à la portion congrue. Certes, on en parle, au moins, et tout le monde n'a pas cette chance. En étudiant d'un peu plus près les presses régionales, j'ai été étonné du nombre d'usines/entreprises menacées de fermeture qui n'avaient même pas droit à une ligne dans la presse nationale. J'imagine que comme pour toute info, il doit y avoir un casting, des conditions à remplir. Certains dépôts de bilan doivent être plus glamour que d'autres. Non mais on s'en fout de tout ça, l'actualité la plus essentielle c'est évidemment Noël, le repas de réveillon (il est encore temps de prendre de bons conseils) et les pauvres riches pris en otages dans des aéroports où les avions décolent quand même. Hein dites ?
Beau Noël à tous.
(1)Vous me direz... si trouver des plumes dans mon journal préféré m'impose de lire une chronique ampoulée et faussement pénétrée de Bayon sur un disque que j'ai déjà chroniqué il y a six mois... mieux vaut lire un bon bouquin.
Beau Noël à tous.
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tu sais que ton billet est tout barré ? oui ? joyeux noel petit frère !
RépondreSupprimerTrès marrante, comme idée :)
RépondreSupprimerQu'il est taquin ;-)
RépondreSupprimerC'est con parce que cet édito avait l'air excellent...
En tout cas le crob est très bien (heureusement il n'est pas barré !)
RépondreSupprimerJoyeux Noël Thomas !
yueyin >>> ah non non, j'avais pas remarqué...
RépondreSupprimerSerious >>> tant mieux si ça t'amuse, j'étais quand même pas trop sûr de mon coup...
Lil' >>> je te confirme, il était pas dégueu ^^
Leïa >>> oh non, j'allais pas barrer le crob', Alf ne m'a rien fait :-))
Ah et joyeux Noël à vous tous, bien sûr.
RépondreSupprimerAh je confirme, c'est juste génialement culotté et drôle le coup de barrer tout l'article. Presque de l'art contemporain :D
RépondreSupprimerBon bon, pas la peine d'en faire trop non plus ;-)
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai lu l'édito en entier, et l'ai trouvé fort pertinent.
RépondreSupprimerMais surtout, j'ai apprécié le coup du "crayonnage", qui met en abîme l'article, d'une manière fort intelligente. Voilà une idée totalement saugrenue, imprévisible, et, donc, bien plus pertinente que cela pourrait en avoir l'air, sur le coup.
Belles fêtes, je m'en vais pour quelques jours.
BBB.
En effet, super bien vu le coup de rayer l'article même si je suis pas certain de savoir pour quoi. Bon Noël (c'est l'expression de rigueur je crois!)
RépondreSupprimerC'est dommage, quand même, enfin un article où Guillon, Duhamel et Barbier étaient réunis, comme pour un grand dîner de cons du Golb ! (il ne manquait que Bégaudeau ;)
RépondreSupprimerDerrière les rayures, l'article en question est extrêmement violent, et donne à réfléchir...
RépondreSupprimerJe vous détends tout de suite, il est possible que - frappé par l'esprit de Noël - j'enlève les ratures d'ici peu ^^
RépondreSupprimerAh, je surkiffe cet article :-)
RépondreSupprimerBon Noel ThomThom !
Sur-kiffe pas trop fort quand meme, c'est mauvais pour le coeur :-)
RépondreSupprimerBon, il suffit de copier / coller et d'enlever soi-même les ratures pour le lire avec plus de confort et le tout sans enlever l'effet visuel provoqué par cet excellent billet...
RépondreSupprimerBon, noyeujoëlatouss touçatouçatouça
Chuuuuuuuuuuuuuut, donne pas les tuyaux à tout le monde voyons !
RépondreSupprimerben ouais mais les commentaires ils sont après l'article. Du coup moi je me suis niqué les yeux et ENSUITE j'ai lu le truc de Lyle.... :(
RépondreSupprimerJoyeux Noel quand meme... ah merde, c'est passé... euh, joyeux réveillon à tous !