mercredi 25 janvier 2012

Patrick Rambaud - Service public

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"Le Prince changeait souvent d'opinion car il n'en possédait point en propre ; par cela, qu'il appelait pragmatisme pour se dédouaner d'une pareille absence, il désarçonnait le peuple comme ses courtisans. Notre Verbeux Leader tonnait le lundi contre une finance qu'il dépensait le mardi à des futilités, et il oscillait sans souci entre les extrémités de la gauche et de la droite. Les faits divers de gazettes, sur quoi il aimait à se modeler, lui apportaient sa moisson quotidienne de mesures à prendre sans réfléchir, des larmoiements faciles, des discours sans suite. Il naviguait dans le courant des circonstances, par nature changeantes, ce qui le rendait moderne puisque l'époque avait perdu toute mémoire, tout horizon, toute vérité, et qu'on n'y vivait plus qu'une rapide succession d'instants qui se détruisaient."

La dernière ligne droite est proche. Quand la prochaine Chronique du règne de Nicolas 1er sortira en librairie, nous saurons si elle est la dernière ou bien le début d'un nouveau et sinistre chapitre *.

En attendant, pas de raison d'oublier de se marrer. D'autant qu'après une troisième chronique finalement assez plombante, les deux suivantes marquent le retour du burlesque, de l'absurde, de la démesure qui faisaient le piment des deux premiers volets. La quatrième, surtout, s'y prête tout particulièrement, recoupant une saison de polémiques en série (on en avait nous-même ri - jaune - dans ces pages). Une séquence particulièrement éprouvante à vivre mais délicieuse à (re)lire, s'étendant en gros de l'épisode de Junior à l'EPAD au Mondial 2010, en passant par l'arrivée au gouvernement de Monsieur Fredo ( ce "grand héron mélancolique") ou l'affaire - déjà culte - des Auvergnats. Sans doute le tome le plus bouffon, le plus improbable, celui que les générations futures trouveront à coup sûr le plus exagéré (il ne l'est pas tant que ça. Hélas).


La cinquième chronique, qui vient de paraître, marque pour sa part une rupture. L'Indécrottable Souverain s'y occupe beaucoup d'international et tend à délaisser sa cour, sur laquelle le satiriste a donc décidé de se défouler histoire de passer le temps. C'est aussi le début d'une période d'instabilité gouvernementale qui donne à Rambaud l'occasion de quelques portraits assassins, de nouvelles têtes (Ciotti, Baroin et "sa voix lente, basse et soporifique de fakir"), comme de plus anciennes, à l'image de la Duchesse de Saint-de-Luz, qui finira "grillée comme un bouquet de gambas" :

"... elle restait de marbre, un sourire éternellement fixé aux lèvres. Sévère sous son casque de cheveux blonds laqués, dont chaque mèche semblait au garde-à-vous, la duchesse ne bronchait pas. Elle ne bronchait jamais. [...] La duchesse ne répondait aux questions que par des phrases convenues à l'avance et qui ne signifiaient rien. Elle ne livrait jamais son opinion, jamais un avis, jamais une initiative et encore moins une idée ; elle n'avait point de téléphone portable afin qu'on ne la prît pas de court et qu'elle pût dire une ânerie."

L'air de ne pas y toucher, Rambaud s'avère sans doute encore plus féroce avec la cour de médriocres, de beaufs et de fripouilles entourant l'Impétueux Souverain. Difficile de ne pas rire et difficile de ne pas se sentir un peu vengé. Il faudra songer en mai prochain à écrire une lettre-hommage à l'auteur, histoire de le remercier d'avoir ainsi fait œuvre de salubrité publique.


👍👍 Quatrième et Cinquième chronique(s) du règne de Nicolas 1er 
Patrick Rambaud | Grasset/Livre de porche, 2011-12


(*) Patrick Rambaud a d'ores été déjà annoncé dans une récente interview qu'il poursuivrait la série - à un rythme toutefois moins soutenu - si "par malheur" Nicolas Sarkozy était réélu.

4 commentaires:

  1. C'est peut-être moi, mais j'avoue que je n'ai pas trouvé ces dernières chroniques, à ce point plus drôles que les précédentes. Il y a quelque chose de pathétique, dans tout cela. Vraiment.

    BBB.

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  2. J'ai un peu arrêté de suivre, pas facile de garder le rythme.

    Je pense que je me ferai les dernière en poche quand elles seront toutes sorties.

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  3. Ah si BBB., c'est plus drôle. La cour y incarne la bouffonnerie à l'état pur !

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  4. J'ai éclaté de rire plusieurs fois dans le TGV. Les autres passagers m'ont regardé d'un drôle d'air.

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