👍👍👍 The Spinoza of Market Street & Other Stories, d'Isaac Bashevis Singer (1961)
"Je suis Satan, le Serpent, le Mauvais. La Kabale me nomme Samaël, et les juifs m'appellent parfois juste "Celui-là"."
Chaque nouvelle lecture d'Isaac Bashevis Singer fait le même effet : durant les premières pages on peine un peu, on se défausse... puis on se laisse rapidement happer par l'intensité du récit et la pertinence rieuse du propos. Certes, contrairement à ce qui se raconte parfois Singer est bien meilleur romancier que nouvéliste ; il n'empêche ! Porté par une fable socio-fantastique absolument captivante (The Destruction of Kreshev), ce second recueil est une véritable merveille qu'on sera bien incapable de lâcher avant la fin. A découvrir d'urgence, cet auteur fabuleux étant encore trop peu connu par chez nous...
👍 Kenavo, de Serge Joncour (2000)
Chaque fois que je m'attaque à un livre de Serge Joncour c'est la même histoire : je ne sais pas trop où je vais, je m'interroge... et je ressors conquis en me disant que décidément, cet auteur n'est pas comme les autres, que son éclectisme et sa capacité d'adaptation à tous les genres littéraires semble quasiment sans limites (à quand un roman de cape et d'épée ?). Kenavo c'est tendre, c'est burlesque, c'est parfois bizarre. Ce n'est pas le meilleur Joncour que j'aie lu, mais c'est un bonheur quand même. Un de ces romans tirés par les cheveux mais qu'on aime justement pour ça, une espèce rare (surtout en littérature française, les Anglais en publient plus souvent) que l'on ne rencontre souvent que par accident - mais que l'on quitte toujours à regrets.
👍 Soul Circus, de George Pelecanos (2003)
On y vient parce que l'on cherche comme un camé en manque à retrouver l'extase de The Wire, à laquelle l'auteur a participé ; on y reste pour la finesse d'analyse et la plume puissante de Pelecanos. Faisant subir à Washington D.C. le même traitement global que David Simon à Baltimore, il peine un peu à retrouver la classe de son très culte D.C. Quartet, principalement à cause d'un duo de héros assez clichesques et pas foncièrement intéressants, qui confèrent un peu trop de didactisme au récit. En arrière-plan en revanche, Soul Circus développe une gamme de caractères fascinants, jeunes livrés à eux-mêmes, caïds au grand cœur et humanité à chaque coin de rue. Inégal, mais attachant.
👍 Tu penses à quoi, Papy ? - Plaisirs et tracas d'un grand-père d'aujourd'hui, d'Alain Malissard (2010)
Le livre d'Alain Malissard mérite mieux. Mieux que son titre, mieux que son résumé. Mieux que sa couverture et bien mieux que d'en toucher un mot à la va-vite faute de temps. Vivante, mélancolique, cette suite de chroniques que l'on aurait pu titrer Le Monde de Papy s'avale d'une traite, en dépit d'un style parfois un peu trop maniéré. L'ensemble est souvent drôle, occasionnellement touchant, et l'on s'y sent bizarrement proche, quelque soit l'âge, de ce papy au regard distancié et à l'esprit des plus vifs. Inégal sans doute, mais original et plutôt plaisant.
✋ Fuck America!, d'Edgar Hilsenrath (1980)
C'est l'histoire d'un type qui a la haine. Grave. Obligé de rester bloqué dans une Allemagne persécutant les Juifs comme lui, Jacob Bronsky finit par obtenir son visa avec plus d'une décennie de retard, et nourrit dès lors une certaine rancœur vis-à-vis de son nouveau pays : les USA, qu'il emmerde donc - et bien profond. Fuck America! n'est pas un roman, c'est une B.D. avec juste des mots. Un implacable règlement de comptes qui, à coup de chroniques décalées et d'une rare violence, distribue une impressionnante série de mauvais points au pays de la Statue de la Liberté. C'est souvent plus lourdingue que drôle, mais la caricature ne manque pas de verve.
✋ Les Contes de Murboligen, de Frode Grytten (1999)
"J'ai quarante ans maintenant, le même âge que Morrissey."
C'est ce qui s'appelle donner le ton, en l'occurrence celui d'un roman noir, un peu poétique et un peu social, radiographiant avec une certaine tendresse une petite communauté norvégienne entre ennui et chômage. Je précise bien norvégienne, car cela ne saute pas nécessairement aux yeux. En fait, Frode Grytten aurait voulu écrire un roman social britannique qu'il ne s'y serait pas pris autrement. On peut considérer cela comme une qualité ou comme un défaut selon l'humeur du jour ; peu importe, dans le fond. L'important est de noter que ce livre, en dépit de qualités d'écriture indéniables, est malheureusement trop inégal d'une chronique à l'autre pour convaincre vraiment. Ce qui ne l'empêche cependant pas d'être une lecture plaisante (principalement grâce à la présence au générique des Smiths, soit).
✋ Exercices de deuil, d'Arnaud Cathrine (2004)
Deux nouvelles parallèles, deux deuils en exercice (plus que des exercices de deuil) reposant sur le même constat : le deuil impose l'abandon, la noyade dans la déchirure, la destruction de soi pour mieux se reconstruire plus loin à l'identique. La plume est belle (pléonasme - nous sommes chez Arnaud Cathrine), elle parvient à dépasser un propos dans le fond assez banal... sans toutefois le sublimer. Dans le genre, le même Arnaud Cathrine était allé bien plus loin et avait frappé bien plus fort quelques années plus tôt, avec sa superbe Route de Midland.
✋ Prime [La Belle Rouge], de Poppy Z. Brite (2005)
Il paraît que ce roman de Poppy Z. Brite est assez différent, et plutôt ambitieux. N'en ayant jamais lu d'autres, je serais bien en peine d'en juger. Une chose est sûre, j'ai surtout eu l'impression de lire un Westlake de niveau moyen, dans lequel l'obsession pour la bouffe aurait remplacé les bimbos écervelées. Ca tient la route et se lit assez facilement. Mais si l'on ne doute pas qu'une telle esthète du steak ait une définition toute personnelle de l'expression "partir à point", difficile de ne pas être un peu perplexe face à un livre de toute évidence trop long, auquel il faut presque deux cents pages pour vraiment démarrer. N'est pas Westlake, roi de la concision burlesque, qui veut.
👎 Cat's Cradle [Le Berceau du Chat], de Kurt Vonnnegut Jr (1963)
Dans une époque antédiluvienne (au moins), j'aimais beaucoup Kurt Vonnegut Jr, auteur pop avant d'être SF. J'aimais son goût du décalage, son sens de la formule, son imagination débridée. Cat's Cradle n'est sans doute pas un mauvais roman, mais au bout de trente pages je voyais bien que l'étincelle entre nous avait disparu. Comme tous les auteurs à gimmicks, celui-ci enthousiasme violemment au moment du premier contact pour finir par lasser, lecture après lecture. On commence à voir de plus en plus souvent les ficelles, et qu'y-a-t-il de pire pour un auteur se faisant fort d'être imprévisible que de s'avérer sans surprise ? Décevant, donc. Mais probablement plus à cause de moi qu'à cause de Kurt lui-même.
👎👎 Le Passager, de Jean-Christophe Grangé (2011)
Je pourrais utiliser un subterfuge pour essayer de vous expliquer que le dernier Grangé m'est tombé entre les mains de manière tout à fait accidentelle. Mais soyons honnêtes, ses deux premiers romans (Le Vol des cigognes et Les Rivières pourpres), lus à l'époque de leur sortie, m'avaient scotché à mon lit des heures durant. Quinze ans après, j'ignore lequel de nous deux a mal vieilli (je pencherais plutôt pour lui - faut dire qu'il a un peu d'avance), toujours est-il que j'ai eu un mal de chien à aller au bout de ce récit pataud, au suspens occasionnellement prenant mais si affreusement mal écrit que le bouquin faillit me tomber des mains à un nombre incalculable de reprises. Jean-Christophe, si jamais tu lisais accidentellement ces lignes : arrête, par pitié, ce langage pseudo parlé et ces fausses grossièretés. C'est grotesque, certains y arrivent mais quand c'est toi, on n'y croit pas deux secondes. Ni une.
"Je suis Satan, le Serpent, le Mauvais. La Kabale me nomme Samaël, et les juifs m'appellent parfois juste "Celui-là"."
Chaque nouvelle lecture d'Isaac Bashevis Singer fait le même effet : durant les premières pages on peine un peu, on se défausse... puis on se laisse rapidement happer par l'intensité du récit et la pertinence rieuse du propos. Certes, contrairement à ce qui se raconte parfois Singer est bien meilleur romancier que nouvéliste ; il n'empêche ! Porté par une fable socio-fantastique absolument captivante (The Destruction of Kreshev), ce second recueil est une véritable merveille qu'on sera bien incapable de lâcher avant la fin. A découvrir d'urgence, cet auteur fabuleux étant encore trop peu connu par chez nous...
👍 Kenavo, de Serge Joncour (2000)
Chaque fois que je m'attaque à un livre de Serge Joncour c'est la même histoire : je ne sais pas trop où je vais, je m'interroge... et je ressors conquis en me disant que décidément, cet auteur n'est pas comme les autres, que son éclectisme et sa capacité d'adaptation à tous les genres littéraires semble quasiment sans limites (à quand un roman de cape et d'épée ?). Kenavo c'est tendre, c'est burlesque, c'est parfois bizarre. Ce n'est pas le meilleur Joncour que j'aie lu, mais c'est un bonheur quand même. Un de ces romans tirés par les cheveux mais qu'on aime justement pour ça, une espèce rare (surtout en littérature française, les Anglais en publient plus souvent) que l'on ne rencontre souvent que par accident - mais que l'on quitte toujours à regrets.
👍 Soul Circus, de George Pelecanos (2003)
On y vient parce que l'on cherche comme un camé en manque à retrouver l'extase de The Wire, à laquelle l'auteur a participé ; on y reste pour la finesse d'analyse et la plume puissante de Pelecanos. Faisant subir à Washington D.C. le même traitement global que David Simon à Baltimore, il peine un peu à retrouver la classe de son très culte D.C. Quartet, principalement à cause d'un duo de héros assez clichesques et pas foncièrement intéressants, qui confèrent un peu trop de didactisme au récit. En arrière-plan en revanche, Soul Circus développe une gamme de caractères fascinants, jeunes livrés à eux-mêmes, caïds au grand cœur et humanité à chaque coin de rue. Inégal, mais attachant.
👍 Tu penses à quoi, Papy ? - Plaisirs et tracas d'un grand-père d'aujourd'hui, d'Alain Malissard (2010)
Le livre d'Alain Malissard mérite mieux. Mieux que son titre, mieux que son résumé. Mieux que sa couverture et bien mieux que d'en toucher un mot à la va-vite faute de temps. Vivante, mélancolique, cette suite de chroniques que l'on aurait pu titrer Le Monde de Papy s'avale d'une traite, en dépit d'un style parfois un peu trop maniéré. L'ensemble est souvent drôle, occasionnellement touchant, et l'on s'y sent bizarrement proche, quelque soit l'âge, de ce papy au regard distancié et à l'esprit des plus vifs. Inégal sans doute, mais original et plutôt plaisant.
✋ Fuck America!, d'Edgar Hilsenrath (1980)
C'est l'histoire d'un type qui a la haine. Grave. Obligé de rester bloqué dans une Allemagne persécutant les Juifs comme lui, Jacob Bronsky finit par obtenir son visa avec plus d'une décennie de retard, et nourrit dès lors une certaine rancœur vis-à-vis de son nouveau pays : les USA, qu'il emmerde donc - et bien profond. Fuck America! n'est pas un roman, c'est une B.D. avec juste des mots. Un implacable règlement de comptes qui, à coup de chroniques décalées et d'une rare violence, distribue une impressionnante série de mauvais points au pays de la Statue de la Liberté. C'est souvent plus lourdingue que drôle, mais la caricature ne manque pas de verve.
✋ Les Contes de Murboligen, de Frode Grytten (1999)
C'est ce qui s'appelle donner le ton, en l'occurrence celui d'un roman noir, un peu poétique et un peu social, radiographiant avec une certaine tendresse une petite communauté norvégienne entre ennui et chômage. Je précise bien norvégienne, car cela ne saute pas nécessairement aux yeux. En fait, Frode Grytten aurait voulu écrire un roman social britannique qu'il ne s'y serait pas pris autrement. On peut considérer cela comme une qualité ou comme un défaut selon l'humeur du jour ; peu importe, dans le fond. L'important est de noter que ce livre, en dépit de qualités d'écriture indéniables, est malheureusement trop inégal d'une chronique à l'autre pour convaincre vraiment. Ce qui ne l'empêche cependant pas d'être une lecture plaisante (principalement grâce à la présence au générique des Smiths, soit).
Deux nouvelles parallèles, deux deuils en exercice (plus que des exercices de deuil) reposant sur le même constat : le deuil impose l'abandon, la noyade dans la déchirure, la destruction de soi pour mieux se reconstruire plus loin à l'identique. La plume est belle (pléonasme - nous sommes chez Arnaud Cathrine), elle parvient à dépasser un propos dans le fond assez banal... sans toutefois le sublimer. Dans le genre, le même Arnaud Cathrine était allé bien plus loin et avait frappé bien plus fort quelques années plus tôt, avec sa superbe Route de Midland.
✋ Prime [La Belle Rouge], de Poppy Z. Brite (2005)
Il paraît que ce roman de Poppy Z. Brite est assez différent, et plutôt ambitieux. N'en ayant jamais lu d'autres, je serais bien en peine d'en juger. Une chose est sûre, j'ai surtout eu l'impression de lire un Westlake de niveau moyen, dans lequel l'obsession pour la bouffe aurait remplacé les bimbos écervelées. Ca tient la route et se lit assez facilement. Mais si l'on ne doute pas qu'une telle esthète du steak ait une définition toute personnelle de l'expression "partir à point", difficile de ne pas être un peu perplexe face à un livre de toute évidence trop long, auquel il faut presque deux cents pages pour vraiment démarrer. N'est pas Westlake, roi de la concision burlesque, qui veut.
👎 Cat's Cradle [Le Berceau du Chat], de Kurt Vonnnegut Jr (1963)
Dans une époque antédiluvienne (au moins), j'aimais beaucoup Kurt Vonnegut Jr, auteur pop avant d'être SF. J'aimais son goût du décalage, son sens de la formule, son imagination débridée. Cat's Cradle n'est sans doute pas un mauvais roman, mais au bout de trente pages je voyais bien que l'étincelle entre nous avait disparu. Comme tous les auteurs à gimmicks, celui-ci enthousiasme violemment au moment du premier contact pour finir par lasser, lecture après lecture. On commence à voir de plus en plus souvent les ficelles, et qu'y-a-t-il de pire pour un auteur se faisant fort d'être imprévisible que de s'avérer sans surprise ? Décevant, donc. Mais probablement plus à cause de moi qu'à cause de Kurt lui-même.
👎👎 Le Passager, de Jean-Christophe Grangé (2011)
Je pourrais utiliser un subterfuge pour essayer de vous expliquer que le dernier Grangé m'est tombé entre les mains de manière tout à fait accidentelle. Mais soyons honnêtes, ses deux premiers romans (Le Vol des cigognes et Les Rivières pourpres), lus à l'époque de leur sortie, m'avaient scotché à mon lit des heures durant. Quinze ans après, j'ignore lequel de nous deux a mal vieilli (je pencherais plutôt pour lui - faut dire qu'il a un peu d'avance), toujours est-il que j'ai eu un mal de chien à aller au bout de ce récit pataud, au suspens occasionnellement prenant mais si affreusement mal écrit que le bouquin faillit me tomber des mains à un nombre incalculable de reprises. Jean-Christophe, si jamais tu lisais accidentellement ces lignes : arrête, par pitié, ce langage pseudo parlé et ces fausses grossièretés. C'est grotesque, certains y arrivent mais quand c'est toi, on n'y croit pas deux secondes. Ni une.
Thomas, je t'aime!
RépondreSupprimerGrangé c'est une grosse daube dont j'ai lu tous les bouquins sur une plage en été... Mais là pour celui ci, j'ai dit stop à la décérébration!
^^
jgarde le lien vers l'article, j'ai décidé de me remettre à lire.. héhé!
Ayant lu pas mal de Poppy Z. Brite, j'ai complètement déconnecté quand elle (enfin "il" maintenant, mais c'est une autre histoire) a abandonné les histoires de vampires pour écrire des romans dans le monde culinaire. J'en ai lu un et je me suis ennuyée. Essaie "Lost souls" - "Ames perdues", qui fait très roman d'ado quelque part, avec une bonne dose de violence, mais qui m'avait passionné et donné envie de visiter La Nouvelle-Orléans.
RépondreSupprimerCoucou Thomas,
RépondreSupprimerGrangé !!!? Toi ?!!
Remarque, je viens bien de me taper Barbery... et moi aussi j'avais bien aimé Les Rivières Pourpres (en revanche, j'ai abandonnée en cours de route Le concile de pierre).
Le Hilsenrath m'avait bien fait rire, même si l'humour n'y est effectivement pas très subtil...
Merde, je tombe des nues, j'ai toujours cru que Poppy Z Brite était une nana! :-/
RépondreSupprimerben oui, elle est devenue il.
RépondreSupprimerhttp://docbrite.livejournal.com/
http://en.wikipedia.org/wiki/Poppy_Z._Brite
Kath >>> c'est bien première fois qu'on m'aime parce que je lis de la daube ^^
RépondreSupprimerMiss >>> je ne sais pas si je vais me jeter dessus tout de suite (en même temps en réalité ce ST a été commencé il y a pas moins de deux ans, donc ça fait déjà un moment que j'ai lu Prime ^^
Thierry >>> on dit "I'd love to fuck America", voyons ;-)
EL-JAMI >>> si ça peut te remonter le moral, je n'étais pas au courant non plus.
Ing >>> j'avais lu Le Concile de Pierre également. Fini ? Je ne sais plus mais je n'ai effectivement jamais relu Grangé par la suite.
Bon eh bien vous m'avez appris un truc, les amis !
RépondreSupprimerQuoi! Seulement 2 boules pour "Cat's cradle"? Tu veux me faire sortir de ma retraite, ou quoi? ;-)
RépondreSupprimerSache que je n'hésiterai pas à insulter Kurt tous les jours si tu ne reviens pas d'urgence :-)
RépondreSupprimer