vendredi 20 janvier 2012

Zebda - Second tour, cinquième reprise


Ce n’est pas la reformation de l’année. Ce n’est ni la plus étonnante, ni la plus attendue. Ce n’est certainement pas la plus fantasmatique. Et c’est sans doute pour cela qu’elle est réussie, cette réunion de Zebda. Parce qu’elle se fait dans la plus parfaite simplicité. À dimension humaine. Connaissant le groupe, on en attendait pas moins. Foin de buzz, d’annonce fracassante et de matraquage médiatique. Alors que paraîtra ce lundi le premier album du groupe depuis dix ans, son retour apparaît pour ce qu’il est : les retrouvailles de trois amis qui ne s’étaient de toute façon jamais perdus de vue, et qui n’avaient jamais cessé de l’être. La rupture s’est consommée en douceur, au point d’être évidente. Le retour aux affaires aura suivi la même logique, très à l’image du groupe lui-même. Qu’importe que du line-up originel, seuls Magyd, Mouss et Hakim participent à cette nouvelle mouture. À vrai dire, et sans vouloir manquer de respect aux autres, c’est à peine si l’on s’aperçoit de leur absence.

Rien que très normal, là aussi : Zebda, ce sont avant tout leur trois voix reprenant les textes gouailleurs et imagés de Magyd Cherfi. Le reste n’a qu’une importance très relative, d’autant que le fidèle Nick Sansano (producteur des deux précédents opus du trio – et de tant d’autres1) est là pour faire s’agglomérer le tout.


Ce tout, c’est Second tour, album au titre et à la pochette peu inspirants mais au contenu fort heureusement (on aurait envie de dire évidemment) à la hauteur des attentes que l’on n’avait pas vraiment, pour s’être plus ou moins satisfait jusqu’alors des albums plus ou moins solos (puisque Mouss & Hakim procédaient en duo) des ex-membres de Zebda. C’est qu’aucun d’entre eux ne s’est jamais réellement éloigné du giron sonique familial, une preuve sans doute de la cohérence de leur univers, ce qui fait que quand débute "Les Deux écoles", premier morceau inédit du groupe Toulousain depuis 2002, on a l’impression qu’Utopie d’occase a paru la semaine dernière. Bon, d’accord : reconnaissons que ce nouvel album intègre des éléments développés par les trois zigues sur leurs projets respectifs, et que l’on trouvera ainsi et par exemple ici ou là quelques musettes chaloupés rappelant les albums de Magyd Cherfi. Mais ceux-ci n’étant pas foncièrement très éloignés des titres les plus « chanson » de Zebda, le serpent se mord un peu la queue. Si le groupe reste toujours solidement ancré à gauche, la révolution musicale ne semble pour sa part pas prête d’avoir lieu du côté de Toulouse. Ce qui n’est pas un reproche : la vraie rupture a déjà eu lieu il y a près de quinze avec Essence ordinaire, dont on n’a pas assez dit qu’au-delà des ses tubes claquants (aaaaah ! "Oualalaradime" !) et de ses lyrics subtils il était – et est encore – un très grand disque. Depuis, le groupe n’a fait qu’affiner son style et l’auteur son jeu de jambes, laissant derrière lui son image d’Asian Dub franchouillard pour boxer dans une catégorie où les concurrents ne se bousculent pas au portillon.

Ils ne risquent pas de se bousculer beaucoup plus aujourd’hui. Si Zebda, contrairement à d’autres groupes français incontournables, n’a jamais vraiment laissé d’héritage, c’est avant tout parce que personne ne peut réussir à envoyer des morceaux aussi délicieux que "Le Dimanche autour de l’église", "Le Théorème du Châle" ou le brillant "Tu peux toujours courir" (un classique en devenir). Il n’est assurément pas donné à tout le monde – et c’est regrettable – de savoir faire rimer Mourad et La Pléiade, ni de réussir à convaincre, par les seules forces conjuguées de la poésie et de l’humanité2, y compris dans ses moments de faiblesses. S’il est fréquent que l’on déplore la séparation d’un groupe, il est finalement assez rare que l’un d’eux soit assez unique pour que la nécessité de son retour soit une telle évidence. Par les temps qui courent, c’est peu dire que des gens aussi précieux que ceux-là entrent dans cette catégorie.


👍 Second tour
Zebda | Barclay, 23 janvier 2012


1. Public Enemy, Noir Désir, JSBX, Le Tigre, Ice Cube… il faudrait un demi botin pour énoncer sa déjà longue carrière…
2. Des forces non négligeables, soit.