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[Article précédemment paru sur Interlignage] Après un mois de janvier un peu morne, légèrement sinistre même compte tenu de la conjoncture actuelle, rien de mieux que se réfugier dans les bras de quelque valeur sûre. De toute façon, à cette période de l’année et à quelques – trop rares – exceptions près, il n’y a qu’elles, les valeurs sûres, qui déboulent dans les rayons disques des (derniers) magasins. Entres les rééditions et les soldes, c’est plus que jamais le moment d’oublier la fatigante course à la nouveauté et se vautrer paresseusement (mais si lascivement) dans une vague d’endorphine à la c’était mieux avant.
Et c’est vrai qu’indiscutablement, en matière de pop, c’était vachement mieux avant. Presque deux ans après la mort d’Alex Chilton, on voit mal quel artiste contemporain pourrait prétendre lui succéder dans la catégorie poids-lourd-de-la-pop-indé-avant-l’heure, qui donc pourrait nourrir un tel talent pour les mélodies ciselées ou bien injecter autant de fêlures dans les refrains les plus insouciants.
Déjà parue il y a quelques années sous le titre 1970, rapidement épuisée pour cause de culterie absolue pour tous les fans du Sherlock Holmes rock (la ressemblance est troublante sur certaines photos), Free Again est un parfait exercice de repackaging – exercice consistant en gros à faire passer pour une nouveauté un disque que beaucoup connaissait déjà, en changeant le titre et la pochette. Réflexion qui ne devra pas être prise comme un reproche tant le contenu de ces sessions rapidement torchées avec le producteur John Fry (son mentor, qui produira par la suite tous les albums de Big Star1), et jamais parues officiellement2, recèlent de pépites.
Une phrase facile serait de dire que Free Again est le chaînon manquant entre les Box Tops et Big Star, les deux groupes de Chilton. Facile, puisque les sessions ont été enregistrées pile dans l’interstice entre son départ des premiers (février 1970) et la formation des secondes (début 71), mais vrai : ces enregistrements plus produits que ce que l’appellation démo laissera supposer sonnent bel et bien comme un compromis entre les deux combos mythiques, même s’il faudrait plutôt parler d’une alternance entre l’un et l’autre de ces deux sons (assez différents dans l’absolu). Sans surprise, c’est lorsqu’il se rapproche de la pop incandescente de la grosse étoile ("Free Again", "All We Ever Got From Them Was Pain") que Chilton impressionne le plus, quand les passages R&B (au hasard : "Come on, Honey") sont plus appliqués et parfois un brin maladroits (à sa décharge, Chilton n’avait pas encore vingt ans). Ironiquement, ce sont les reprises véhémentes et habitées de "Jumpin’ Jack Flash" et "Sugar Sugar" qui laissent le meilleur souvenir, comme souvent chez les jeunes artistes, qui se lâchent parfois plus facilement sur le répertoire des autres que sur les leurs.
1. Tous les « vrais » albums de Big Star, s’entend. Il va sans dire que celui de la reformation des années 2000, pour sympathique qu’il soit, ne compte pas.
2. La version éditée par Ardent – le label de Fry – en 1996 était plutôt considérée comme un official bootleg.
[Article précédemment paru sur Interlignage] Après un mois de janvier un peu morne, légèrement sinistre même compte tenu de la conjoncture actuelle, rien de mieux que se réfugier dans les bras de quelque valeur sûre. De toute façon, à cette période de l’année et à quelques – trop rares – exceptions près, il n’y a qu’elles, les valeurs sûres, qui déboulent dans les rayons disques des (derniers) magasins. Entres les rééditions et les soldes, c’est plus que jamais le moment d’oublier la fatigante course à la nouveauté et se vautrer paresseusement (mais si lascivement) dans une vague d’endorphine à la c’était mieux avant.
Et c’est vrai qu’indiscutablement, en matière de pop, c’était vachement mieux avant. Presque deux ans après la mort d’Alex Chilton, on voit mal quel artiste contemporain pourrait prétendre lui succéder dans la catégorie poids-lourd-de-la-pop-indé-avant-l’heure, qui donc pourrait nourrir un tel talent pour les mélodies ciselées ou bien injecter autant de fêlures dans les refrains les plus insouciants.
Déjà parue il y a quelques années sous le titre 1970, rapidement épuisée pour cause de culterie absolue pour tous les fans du Sherlock Holmes rock (la ressemblance est troublante sur certaines photos), Free Again est un parfait exercice de repackaging – exercice consistant en gros à faire passer pour une nouveauté un disque que beaucoup connaissait déjà, en changeant le titre et la pochette. Réflexion qui ne devra pas être prise comme un reproche tant le contenu de ces sessions rapidement torchées avec le producteur John Fry (son mentor, qui produira par la suite tous les albums de Big Star1), et jamais parues officiellement2, recèlent de pépites.
Une phrase facile serait de dire que Free Again est le chaînon manquant entre les Box Tops et Big Star, les deux groupes de Chilton. Facile, puisque les sessions ont été enregistrées pile dans l’interstice entre son départ des premiers (février 1970) et la formation des secondes (début 71), mais vrai : ces enregistrements plus produits que ce que l’appellation démo laissera supposer sonnent bel et bien comme un compromis entre les deux combos mythiques, même s’il faudrait plutôt parler d’une alternance entre l’un et l’autre de ces deux sons (assez différents dans l’absolu). Sans surprise, c’est lorsqu’il se rapproche de la pop incandescente de la grosse étoile ("Free Again", "All We Ever Got From Them Was Pain") que Chilton impressionne le plus, quand les passages R&B (au hasard : "Come on, Honey") sont plus appliqués et parfois un brin maladroits (à sa décharge, Chilton n’avait pas encore vingt ans). Ironiquement, ce sont les reprises véhémentes et habitées de "Jumpin’ Jack Flash" et "Sugar Sugar" qui laissent le meilleur souvenir, comme souvent chez les jeunes artistes, qui se lâchent parfois plus facilement sur le répertoire des autres que sur les leurs.
Inutile de le préciser après cette ultime réflexion : l’objet s’adresse principalement aux fans, dont on regrettera toujours qu’ils ne soient pas plus nombreux. Ceux-là en revanche n’en reviendront pas de l’efficacité de certaines mélodies (citons encore l’étincelante "If You Would Marry Me Babe" ou "The EMI Song") et, pour un peu qu’il ne possèdent pas déjà 1970, se jetteront sur ce disque comme la faim sur le pauvre monde. Pour tous les autres, découvrir Chilton en 2012 ne coûte quasiment rien : il suffit de se procurer la compilation des deux premiers Big Star, disponible à peu près partout à un prix dérisoire.
👍👍 Free Again : The "1970″ Sessions
Alex Chilton | Omnivore Records, 2012
1. Tous les « vrais » albums de Big Star, s’entend. Il va sans dire que celui de la reformation des années 2000, pour sympathique qu’il soit, ne compte pas.
2. La version éditée par Ardent – le label de Fry – en 1996 était plutôt considérée comme un official bootleg.
A lire , ce très bon billet consacré à Alex Chilton : http://next.musicblog.fr/1310197/Alex-Chilton/
RépondreSupprimerEt non, ce ne sera jamais mieux avant . Plutôt mourir ( je précise que ce cri est lancé par quelqu'un qui n'écoute presque plus que Gene Vincent depusi deux mois).
Un disque fort intéressant effectivement. Après, passé le plaisir de retrouver cette voix dans de nouvelles aventures, il reste de bons trucs, voire de très bons, et d'autre un peu dispensables (genre la reprise des Stones...)
RépondreSupprimerUn disque agréable, mais sans morceau du charisme de "Life is White" ou "Thirteen"... Mais pourtant, toujours ce sens mélodique délicat. Impossible de s'en lasser.
Et pas sur qu'il ait été indispensable d'avoir les prises mono ET stereo mais bon, c'est une question de gout... Et de matos hi-fi à la maison.
Daniel >>> c'est toujours un peu mieux avant mais on s'arrange pour ne pas y penser, de peur que s'arrêter une seule fois sur cette question n'ouvre une boite de Pandore qui nous avalera totalement ;-)
RépondreSupprimerGuic' >>> ah c'est marrant, moi j'aime beaucoup sa reprise des Stones, et pourtant Dieu sait que j'en ai entendu des reprises de ce morceaux. Je trouve la sienne assez, euh... couillu, en fait.
J'ai pas dit qu'elle était pas agréable! Au contraire, pour une reprise de JJF c'est plutôt une bonne...
RépondreSupprimerElle est juste dispensable...