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Ah ! La fougue de la jeunesse ! Toute cette vitalité ! Cette capacité à rire de tout et de rien, à se dire influencé par « le pop-corn et la crème glacée », à promettre un second album très sombre « uniquement à base de percussions » pour compenser leur absence sur le premier… ils sont charmants, ces petits Big Deal, y a pas à dire. Charmants et « paresseux », selon leurs propres mots, tellement paresseux qu’ils n’ont même pas été fichus de se trouver un nom un peu plus fort, un peu plus vendeur, un peu plus funky. « On a cherché autre chose, en fait. Mais on n’a rien trouvé qui corresponde, ce qui est assez pathétique quand on y pense ». Bon, c’est vrai aussi qu’ils n’ont pas grand-chose de funky – ceci explique peut-être cela. Physiques assez banals, elle (Alice) ressemblant à l’Anglaise quasi archétypale dans l’imaginaire d’un Français moyen ; lui (Kacey) californien et cool (on n’a pas dit « donc », mais on l’a pensé). Looks aussi peu travaillés que ceux de leurs idoles, qu’on devine plutôt américaines, plutôt West Coast et plutôt mal lavées.
À eux deux, ils forment un duo en apparence plutôt anodin, voire gentillet, chantant à deux voix et grattouillant chacun une guitare (électrique pour Kacey, acoustique pour Alice). En apparence seulement, car si Lights out s’avère dans un premier temps une surprise plaisante venant d’un groupe à peu près sorti de nulle part, ses comptines volontiers dépressives trouvent un écho quelque part dans l’inconscient de l’auditeur, pour revenir finalement le hanter régulièrement (exemple typique avec "With the World at My Feet"). Ça parle de rupture et de solitude, d’abandon, de la difficulté à se faire des amis quand on débarque quelque part ou de l’incapacité bien connue à finir ses devoirs lorsque l’on est amoureux. Bien évidemment, ça sonne 1993, puisque c’est le nouveau mantra des groupes d’aujourd’hui. Mais à la grande différence d’un Pains Of Being Pure At Heart (au hasard), Big Deal préfère emprunter aux Pumpkins les berceuses neurasthéniques de James Iha ("Homework", "Summer Cold") plutôt que les murs de guitares de Flood. Il est vrai aussi que la formule veut cela, les guitares chez Big Deal servant déjà pour le plancher, le plafond et les fondations.
Un peu raides sur leur canapé, presque collés à picorer dans un paquet de Baff 1, les deux jeunes gens racontent sur un mode drolatique leur invraisemblable rencontre, comment Kacey s’est d’abord lié avec la mère d’Alice (qui fréquentait l’école pour filles dans laquelle il donnait des cours de guitare) avant de commencer, sur suggestion de cette dernière, à en donner à sa fille. « Elle me parlait tout de le temps d’elle, sa fille ceci, sa fille cela, le groupe de sa fille… et moi ça m’énervait pas mal en fait, parce que son groupe était beaucoup plus avancé que le mien. »
Finalement les groupes respectifs se dissolvent, et les deux indie kids restent comme deux ronds de flanc. On devine aisément la suite, mais nulle trace chez Kacey du syndrome du mentor – bien au contraire. Entre deux plaisanteries sur la mère d’Alice et trois bouchée de pop-corn, on saisit à tel regard, telle attitude, que le lien unissant ces deux-là est nettement plus fusionnel que dans d’autres duos. L’un(e) finit souvent les phrases de l’autre, et le rire sera général lorsqu’Alice reprendra Kacey sur la date précise de leurs débuts (au cours d’un échange viril poignant, le chroniqueur n’hésitera pas à conseiller à un Kacey reconnaissant de faire attention à ne pas déconner avec les anniversaires en présence d’une Demoiselle). Si cela ne suffisait pas, le fait qu’ils avouent ne jamais avoir sérieusement considéré l’hypothèse de recruter d’autres musiciens suffit à expliciter le côté effectivement très « toi et moi et le reste du monde on s’en fout » qui se dégage des meilleurs titres de l’album ("Cool Like Kurt", "Chair", "Talk"…). On retrouve chez eux ce même mélange de béatitude un peu candide et de tristesse viscérale que l’on a tous ressenti un jour, le plus souvent au lycée ou à la fac, le plus souvent au début d’une histoire d’amour 2. Un peu à la manière du "Dumb" du mec cool que Big Deal cite dans une de ses chansons. « Mais la vie est comme ça, non ? » fait semblant de s’interroger Alice lorsqu’on lui pose la question. Et peut-être l’est-elle en effet, la vie. Parfois. Le temps d’instants fugaces ou de secondes à part. C’est ce qui fait le charme de Lights out. Parvenir à fixer des émotions instantanées et des moments éphémères. Et produire une musique qui dure à partir de cela.
1. Bien entendu, comme tout rocker qui se respecte, Kacey est épais comme un carrelet mais ne bouffe que des merdes. Un jour il faudra que je comprenne.
2. Précisons-le, on n’a pas pensé trois secondes à leur demander s’ils étaient ensemble, considérant que la réponse à la question ne changeait de toute façon rien de fondamental à ce sentiment.
Ah ! La fougue de la jeunesse ! Toute cette vitalité ! Cette capacité à rire de tout et de rien, à se dire influencé par « le pop-corn et la crème glacée », à promettre un second album très sombre « uniquement à base de percussions » pour compenser leur absence sur le premier… ils sont charmants, ces petits Big Deal, y a pas à dire. Charmants et « paresseux », selon leurs propres mots, tellement paresseux qu’ils n’ont même pas été fichus de se trouver un nom un peu plus fort, un peu plus vendeur, un peu plus funky. « On a cherché autre chose, en fait. Mais on n’a rien trouvé qui corresponde, ce qui est assez pathétique quand on y pense ». Bon, c’est vrai aussi qu’ils n’ont pas grand-chose de funky – ceci explique peut-être cela. Physiques assez banals, elle (Alice) ressemblant à l’Anglaise quasi archétypale dans l’imaginaire d’un Français moyen ; lui (Kacey) californien et cool (on n’a pas dit « donc », mais on l’a pensé). Looks aussi peu travaillés que ceux de leurs idoles, qu’on devine plutôt américaines, plutôt West Coast et plutôt mal lavées.
À eux deux, ils forment un duo en apparence plutôt anodin, voire gentillet, chantant à deux voix et grattouillant chacun une guitare (électrique pour Kacey, acoustique pour Alice). En apparence seulement, car si Lights out s’avère dans un premier temps une surprise plaisante venant d’un groupe à peu près sorti de nulle part, ses comptines volontiers dépressives trouvent un écho quelque part dans l’inconscient de l’auditeur, pour revenir finalement le hanter régulièrement (exemple typique avec "With the World at My Feet"). Ça parle de rupture et de solitude, d’abandon, de la difficulté à se faire des amis quand on débarque quelque part ou de l’incapacité bien connue à finir ses devoirs lorsque l’on est amoureux. Bien évidemment, ça sonne 1993, puisque c’est le nouveau mantra des groupes d’aujourd’hui. Mais à la grande différence d’un Pains Of Being Pure At Heart (au hasard), Big Deal préfère emprunter aux Pumpkins les berceuses neurasthéniques de James Iha ("Homework", "Summer Cold") plutôt que les murs de guitares de Flood. Il est vrai aussi que la formule veut cela, les guitares chez Big Deal servant déjà pour le plancher, le plafond et les fondations.
Un peu raides sur leur canapé, presque collés à picorer dans un paquet de Baff 1, les deux jeunes gens racontent sur un mode drolatique leur invraisemblable rencontre, comment Kacey s’est d’abord lié avec la mère d’Alice (qui fréquentait l’école pour filles dans laquelle il donnait des cours de guitare) avant de commencer, sur suggestion de cette dernière, à en donner à sa fille. « Elle me parlait tout de le temps d’elle, sa fille ceci, sa fille cela, le groupe de sa fille… et moi ça m’énervait pas mal en fait, parce que son groupe était beaucoup plus avancé que le mien. »
Finalement les groupes respectifs se dissolvent, et les deux indie kids restent comme deux ronds de flanc. On devine aisément la suite, mais nulle trace chez Kacey du syndrome du mentor – bien au contraire. Entre deux plaisanteries sur la mère d’Alice et trois bouchée de pop-corn, on saisit à tel regard, telle attitude, que le lien unissant ces deux-là est nettement plus fusionnel que dans d’autres duos. L’un(e) finit souvent les phrases de l’autre, et le rire sera général lorsqu’Alice reprendra Kacey sur la date précise de leurs débuts (au cours d’un échange viril poignant, le chroniqueur n’hésitera pas à conseiller à un Kacey reconnaissant de faire attention à ne pas déconner avec les anniversaires en présence d’une Demoiselle). Si cela ne suffisait pas, le fait qu’ils avouent ne jamais avoir sérieusement considéré l’hypothèse de recruter d’autres musiciens suffit à expliciter le côté effectivement très « toi et moi et le reste du monde on s’en fout » qui se dégage des meilleurs titres de l’album ("Cool Like Kurt", "Chair", "Talk"…). On retrouve chez eux ce même mélange de béatitude un peu candide et de tristesse viscérale que l’on a tous ressenti un jour, le plus souvent au lycée ou à la fac, le plus souvent au début d’une histoire d’amour 2. Un peu à la manière du "Dumb" du mec cool que Big Deal cite dans une de ses chansons. « Mais la vie est comme ça, non ? » fait semblant de s’interroger Alice lorsqu’on lui pose la question. Et peut-être l’est-elle en effet, la vie. Parfois. Le temps d’instants fugaces ou de secondes à part. C’est ce qui fait le charme de Lights out. Parvenir à fixer des émotions instantanées et des moments éphémères. Et produire une musique qui dure à partir de cela.
👍 Lights out
Big Deal | Mute, 2012
1. Bien entendu, comme tout rocker qui se respecte, Kacey est épais comme un carrelet mais ne bouffe que des merdes. Un jour il faudra que je comprenne.
2. Précisons-le, on n’a pas pensé trois secondes à leur demander s’ils étaient ensemble, considérant que la réponse à la question ne changeait de toute façon rien de fondamental à ce sentiment.