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C'est le sitcom absolu. Ou allez : disons archétypal. Celui qu'il faudrait projeter dans les écoles de scénaristes pour que chacun puisse prendre la mesure du fascinant savoir-faire américain en la matière. Un peu ringard sans doute, aux yeux de certains, et il est vrai que la diffusion (et surtout le doublage !) en France l'ont considérablement abîmé par chez nous. On devrait tous revisionner les séries "merdiques" que diffusait la Six dans les années quatre-vingts. Il y aurait beaucoup à apprendre.
Married... with Children est donc une incarnation presque parfaite du genre sitcom, dont il sanctuarise les canons, pas très éloignés de ceux d'une bonne vieille pièce de boulevard (filmée). Lieu quasi unique (ici la maison des Bundy) pour caméras multiples, enregistrements publics avec rires remontés, personnages archétypaux parfaitement identifiables pour le spectateur moyen et, surtout, découpage narratif en forme de mouvement verbal perpétuel. Il y a biens des manières d'aborder Married... with Children, qui goba des parts de marchés monstrueuses durant ses meilleures années (dix millions de spectateurs chaque semaine entre, en gros, 1988 et 94) ; on peut la voir comme une satire souvent cruelle de la working class américaine et des white trashes. On peut la présenter comme un ancêtre putatif des Simpson, dont il est de notoriété publique que le Homer fut préfiguré par ce beauf fainéant et soupe-au-lait d'Al Bundy. Elle est surtout un implacable enchaînement de vannes qui, mises bout à bout, brossent une critique acerbe quoique mesurée de l'American Way of Life de la fin Reagan/début Bush Sr 1
Les héros sont délibérément - désespérément - médiocres mais ce qui frappe sur le long terme, c'est l'absence totale de morale régissant leurs comportements - et concluant leurs aventures (souvent désarmantes de banalité). A l'exact opposé la plupart des sitcoms américains de l'époque (Arnold & Willy, pour citer que lui, puisque Michael G. Moye en fut l'un des scénaristes), qui ne lésinaient que rarement sur les rappels conclusifs aux valeurs familiales et se noyaient souvent dans un politiquement correct paradoxalement presque rance (c'est également la pleine époque de Tipper Gore et du PMRC). Married... with Children présente des héros certes très conformistes dans leurs interactions sociales, mais extrêmement décalés et allergiques aux bienséances. Al Bundy restera toujours peu ou prou le même abruti machiste, de même que son épouse Peggy sera perpétuellement une housewife grande gueule et paresseuse, défendant l'idée que la place d'une femme est à la maison... avant tout car elle y voit un excellent prétexte pour glander toute la journée devant la télé. Même leurs enfants sont comme figés dans une épaisse couche de médiocrité. Bud, portrait craché de son père, est brillant mais si roué qu'il provoque sa malchance avec une belle régularité. Quant à Kelly, elle est plus salope que vraiment sexy et a le QI d'une moule, tout en étant paradoxalement le personnage le plus transgressif, puisque hyperactive sexuellement bien avant l'âge légal (une rareté dans ce genre de série). S'il fallait trouver un point commun au quatre membre de cette étrange famille, sans amour, plus gang que foyer, on voterait assurément pour l'absence de remords. Entre deux solutions, on peut toujours compter sur un Bundy pour choisir la plus égoïste, infâme et malhonnête qui soit, quitte à trahir son frère, extorquer de l'argent à son père ou voler ses propres enfants.
Le parti pris tranche d'autant plus avec l'approche contemporaine, très compassionnelle, parfaitement symbolisée par exemple par les productions Greg Garcia (My Name Is Earl, Raising Hope...) On ne saurait dire laquelle des deux options est la plus recommandable, ou démago ou amusante. Tout est question de curseur et dans le fond, l'une et l'autre se complètement plutôt pas mal, la première plus humanistes, la seconde plus piquante, quoique ne se répartissant jamais d'un côté bon-enfant.
Car si Married... with Children écorche (ou célèbre ? Le fil est parfois ténu...) une Amérique sûre d'elle-même, fière de son ignorance et auto-complaisante jusqu'à la nausée, elle n'en demeure pas moins un divertissement familial ne cherchant pas particulièrement à provoquer le spectateur. C'est de toute façon l'effet pervers de toute satire mainstream, et Seinfeld en fit quelques années plus tard les frais : même étant une charge violente, elle finissait par conforter le spectateur dans sa position, vis-à-vis de lui-même. Le mécanisme est encore plus fort dans le cas de Married... with Children , symbole de toute une époque... et pas nécessairement celle dont on sera plus nostalgique. Elle en porte d'ailleurs de nombreux stigmates formels : scenarii parfois répétitifs, gimmicks en tout genre (le nombre de vannes sur le peu d'attrait d'Al pour le devoir conjugal doit avoisiner le million), mémoire collective de personnages assez vacillante (il faudra attendre la toute fin de la saison un pour que Steve, voisin éternellement sadisé durant les quatre premières années de la série, semble subitement se rappeler de ce qu'Al lui a fait subir précédemment et commence à développer une relative rancune)... si d'autres programmes ont pu avoir une portée visionnaire Married... with Children possède à peu près tous les défauts que l'on peut instinctivement prêter à une série des années quatre-vingts. Ceux-ci sont heureusement largement compensés par une efficacité redoutable, un rythme millimétré et un sacré abattage de la part des comédiens. On citera bien sûr Ed O'Neil, qui porte la série sur ses épaules dans les moments les plus faibles et dont naturel (récompensé à l'époque par un Golden Globe mérité) fait beaucoup pour le charme de la série. Mais Katey Sagal, qui incarne son épouse, est tout aussi impeccable. Donc joyeusement insupportable.
(1) Et même plus, puisque la série continuera jusqu'aux années Clinton.
C'est le sitcom absolu. Ou allez : disons archétypal. Celui qu'il faudrait projeter dans les écoles de scénaristes pour que chacun puisse prendre la mesure du fascinant savoir-faire américain en la matière. Un peu ringard sans doute, aux yeux de certains, et il est vrai que la diffusion (et surtout le doublage !) en France l'ont considérablement abîmé par chez nous. On devrait tous revisionner les séries "merdiques" que diffusait la Six dans les années quatre-vingts. Il y aurait beaucoup à apprendre.
Married... with Children est donc une incarnation presque parfaite du genre sitcom, dont il sanctuarise les canons, pas très éloignés de ceux d'une bonne vieille pièce de boulevard (filmée). Lieu quasi unique (ici la maison des Bundy) pour caméras multiples, enregistrements publics avec rires remontés, personnages archétypaux parfaitement identifiables pour le spectateur moyen et, surtout, découpage narratif en forme de mouvement verbal perpétuel. Il y a biens des manières d'aborder Married... with Children, qui goba des parts de marchés monstrueuses durant ses meilleures années (dix millions de spectateurs chaque semaine entre, en gros, 1988 et 94) ; on peut la voir comme une satire souvent cruelle de la working class américaine et des white trashes. On peut la présenter comme un ancêtre putatif des Simpson, dont il est de notoriété publique que le Homer fut préfiguré par ce beauf fainéant et soupe-au-lait d'Al Bundy. Elle est surtout un implacable enchaînement de vannes qui, mises bout à bout, brossent une critique acerbe quoique mesurée de l'American Way of Life de la fin Reagan/début Bush Sr 1
Les héros sont délibérément - désespérément - médiocres mais ce qui frappe sur le long terme, c'est l'absence totale de morale régissant leurs comportements - et concluant leurs aventures (souvent désarmantes de banalité). A l'exact opposé la plupart des sitcoms américains de l'époque (Arnold & Willy, pour citer que lui, puisque Michael G. Moye en fut l'un des scénaristes), qui ne lésinaient que rarement sur les rappels conclusifs aux valeurs familiales et se noyaient souvent dans un politiquement correct paradoxalement presque rance (c'est également la pleine époque de Tipper Gore et du PMRC). Married... with Children présente des héros certes très conformistes dans leurs interactions sociales, mais extrêmement décalés et allergiques aux bienséances. Al Bundy restera toujours peu ou prou le même abruti machiste, de même que son épouse Peggy sera perpétuellement une housewife grande gueule et paresseuse, défendant l'idée que la place d'une femme est à la maison... avant tout car elle y voit un excellent prétexte pour glander toute la journée devant la télé. Même leurs enfants sont comme figés dans une épaisse couche de médiocrité. Bud, portrait craché de son père, est brillant mais si roué qu'il provoque sa malchance avec une belle régularité. Quant à Kelly, elle est plus salope que vraiment sexy et a le QI d'une moule, tout en étant paradoxalement le personnage le plus transgressif, puisque hyperactive sexuellement bien avant l'âge légal (une rareté dans ce genre de série). S'il fallait trouver un point commun au quatre membre de cette étrange famille, sans amour, plus gang que foyer, on voterait assurément pour l'absence de remords. Entre deux solutions, on peut toujours compter sur un Bundy pour choisir la plus égoïste, infâme et malhonnête qui soit, quitte à trahir son frère, extorquer de l'argent à son père ou voler ses propres enfants.
Le parti pris tranche d'autant plus avec l'approche contemporaine, très compassionnelle, parfaitement symbolisée par exemple par les productions Greg Garcia (My Name Is Earl, Raising Hope...) On ne saurait dire laquelle des deux options est la plus recommandable, ou démago ou amusante. Tout est question de curseur et dans le fond, l'une et l'autre se complètement plutôt pas mal, la première plus humanistes, la seconde plus piquante, quoique ne se répartissant jamais d'un côté bon-enfant.
Car si Married... with Children écorche (ou célèbre ? Le fil est parfois ténu...) une Amérique sûre d'elle-même, fière de son ignorance et auto-complaisante jusqu'à la nausée, elle n'en demeure pas moins un divertissement familial ne cherchant pas particulièrement à provoquer le spectateur. C'est de toute façon l'effet pervers de toute satire mainstream, et Seinfeld en fit quelques années plus tard les frais : même étant une charge violente, elle finissait par conforter le spectateur dans sa position, vis-à-vis de lui-même. Le mécanisme est encore plus fort dans le cas de Married... with Children , symbole de toute une époque... et pas nécessairement celle dont on sera plus nostalgique. Elle en porte d'ailleurs de nombreux stigmates formels : scenarii parfois répétitifs, gimmicks en tout genre (le nombre de vannes sur le peu d'attrait d'Al pour le devoir conjugal doit avoisiner le million), mémoire collective de personnages assez vacillante (il faudra attendre la toute fin de la saison un pour que Steve, voisin éternellement sadisé durant les quatre premières années de la série, semble subitement se rappeler de ce qu'Al lui a fait subir précédemment et commence à développer une relative rancune)... si d'autres programmes ont pu avoir une portée visionnaire Married... with Children possède à peu près tous les défauts que l'on peut instinctivement prêter à une série des années quatre-vingts. Ceux-ci sont heureusement largement compensés par une efficacité redoutable, un rythme millimétré et un sacré abattage de la part des comédiens. On citera bien sûr Ed O'Neil, qui porte la série sur ses épaules dans les moments les plus faibles et dont naturel (récompensé à l'époque par un Golden Globe mérité) fait beaucoup pour le charme de la série. Mais Katey Sagal, qui incarne son épouse, est tout aussi impeccable. Donc joyeusement insupportable.
👍 Married... with Children [Mariés, deux enfants] (saison 1 – 11)
créée par Michael G. Moye & Ron Leavitt
FOX, 1987-97
(1) Et même plus, puisque la série continuera jusqu'aux années Clinton.
tient, j'avais cru comprendre que c'était le genre de séries que tu n'aimais pas...
RépondreSupprimerj'ai jamais trop suivi mais à chaque fois que je suis tombé dessus, ca m'a bien fait marré... (et plus jeune je me demandais aussi où se planquaient les Kelly de mon quartier...)
Ca me rappelle ma jeunesse. A l'époque tout le monde regardait ça et cherchait Kelly (j'avais dans les 14 ans hein! les hormones tout ça tout ça). J'ai peur que ça ait carrément vieilli quand même.
RépondreSupprimerJe n'en retiens que le doublage affreux d'un môme de 25 ans, barbu, émancipé et à la voix de jeune puceau...
RépondreSupprimerFaudrait que je m'y replonge un de ces quatre. Bravo pour le flashback en tous cas!
Xavier >>> ah ? je me demande où tu as lu un truc comme ça ? J'avais même mis Al dans un WGTC...
RépondreSupprimerSerious >>> rassure-toi, on cherche tous des Kelly. Quelle que soit l'époque. Ou l'âge.
L'accro >>> Ah ah... oui, le doublage était vraiment dégueulasse (comme pour à peu près toutes les séries de l'époque), honnêtement si un ami américain ne m'avait pas conseillé d'y (re)jeter un oeil, je ne m'en serais même pas approché.
je ne l'ai pas lu, je l'ai supposé: personnage caricaturaux qui n'évoluent guère, histoire sans surprises et épisodes qui se suffisent à eux même, ce sont des caractéristiques que tu semblais associer à des séries au mieux "passables".
RépondreSupprimerEn 2010, indubitablement. Là on parle d'une autre époque, on ne peut pas la regarder avec le même regard (enfin, on peut, mais ce serait très con ^^). Ca reviendrait à critiquer les effets spéciaux pas assez réaliste d'un film des années 60. Ou pas loin.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si ça se fait de commenter un article de 2012 deux ans après, m'enfin, je le fais quand même. Moi j'aime beaucoup le doublage en français de cette série absolument transgressive. J'ai écouté la voix en VO de Al Bundy et je trouve que ça le fais pas du tout. De plus je ne me lasse pas des millions de vannes sur le peu d'attrait de Al vis à vis du devoir conjugal. Pour finir, je vous conseille un de mes épisodes préférés "vacances tous risques" ép.4 saison 3 :ça parle des menstruations. Dispo sur youtube
RépondreSupprimerSujet extrêmement peu traité et pourtant...
Oh si, bien sûr que ça se fait, pourquoi pas ? Bon, ça m'oblige à relire les articles incriminés et à voir toutes les fautes de frappes oubliées dans la bataille, certes :-)
SupprimerC'est assez difficile, en général, de repasser d'une langue à l'autre pour des personnages avec lesquels on est familiers. Il y a quelques séries (tous les Law & Order - New York District, Unité Spéciale, etc.) que j'ai tellement regardée en VF, durant tant d'années, que j'ai beaucoup de mal à les regarder VO. Quand je parle de la VF, je pense surtout aux erreurs de traduction qui étaient innombrables dans les séries VF à l'époque. J'avais fait le test sur quelques épisodes de MWC et de Roseanne, c'était assez effarant.
Je ne me rappelle pas cet épisode, je vais aller jeter un œil.
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