...
[Article précédemment paru sur Interlignage] C’est l’un des albums les plus attendus de l’année. Principalement sur ce site, certes, qui ne faisons même pas l’effort de cacher que nous sommes un bastion déjà largement conquis par les forces freaksvilloises. Mais sans doute aussi, plus généralement, par les rares détenteurs de la Vérité Majuscule : l’album Phantom featuring Marie France, il y a quatre ans, fut l’un des tous meilleurs disques de garage-rock de la décennie passée, et le meilleur disque du genre chanté en français depuis… on ne saurait même pas dire quand, mais longtemps. Avec son "J’arrête" et ses "Nanas", son "Ménage à trois" et son "Que sont-ils devenues ?"… on tenait là un album incroyablement racé, aussi avare en temps morts que riche en bons mots (Jacques Duvall y signait quelques un de ses meilleurs textes), riffu et tranchant comme devrait toujours l’être – comme l’est trop rarement – le rock francophone.
Quatre ans après le collectif – rebaptisé pour l’occasion Marie France & Les Fantômes – revient un second album, le premier sequel depuis l’initiation du projet Phantom, mais l’humeur a quelque peu changé. On s’en doutait un peu, pour avoir eu l’occasion d’entendre quelques titres en live au début de l’hiver. À vrai dire, on est même un peu déçu à la première écoute, même si quelques perles se devinent ici ou là. Kiss n’est pas tout à fait l’objet pop parfait qu’était son prédécesseur, pas le même implacable enchaînement de tubes. Plus posé, c’est aussi un disque un peu plus inégal où certains titres avec une vraie, une belle dimension classique en côtoient d’autres toujours sympathiques, toujours efficaces, mais qui lassent un peu sur la durée (au hasard : "Le Bon, la Brute et le Truand" ou "Sorcière", relecture sabbathienne amusante les cinq premières fois, à laquelle on ne reviendra cependant pas beaucoup les fois suivantes).
La déception liminaire s’atténue cependant au fur et à mesure que l’on se rend compte que Kiss est surtout un album moins évident, parce que moins pan-dans-ta-gueule. À l’image de sa pièce centrale et maîtresse, "Le Garçon qui pleure", anti-ballade sublime exécutée en duo avec Chrissie Hynde, qui émeut et amuse tout à la fois (qui "émuse", en somme), et dont la séduction est plus subtile et vicieuse que ce que l’on pouvait trouver sur Phantom featuring Marie France – commentaire qui vaut pour l’ensemble de l’album. Les ballades sont d’ailleurs d’une manière générale plus à l’honneur que sur l’essai de 2008, et aussi nettement plus convaincantes, qu’il s’agisse de la très rétro "Petite catin", moins anodine qu’elle en a l’air au premier bord, où de l’évanescente et raffinée "Elle ou Moi", qui conclut l’album sur une note plus tendre et sensuelle.
Car Marie France, c’est aussi une manière bien à elle de jouer dans les marges, et ses interprétations (comme les chansons que lui troussent Duvall et Miam Monster Miam) sont rarement plus excellentes que lorsqu’il s’agit de régler son compte à quelque connard d’amant, type décevant ou pétasse écervelée. Depuis plus de trente ans, on ne compte plus le nombre de ces spécimens à s’être faits foudroyer par une chanson de cette grande Dame, et les titres les plus imparables de nouvel opus s’inscrivent évidemment dans ce registre. Pas question de surjouer l’émotion ou de verser dans un romantisme bon teint. Sur le meilleur morceau de l’album, merveille pop altière, le destinataire fait « Trop de boucan pour une lady de [son] âge » . Peu avant, elle avait enclenché son "Détecteur de mensonges" ou avait encore rappelé que « Dieu pardonne mais [qu'elle n'est pas] Dieu » . Et encore ne parle-t-on pas du heavy blues "C’est un ordre". Qui pourra sincèrement s’étonner que le garçon pleure à la fin ? Ou que cela « remonte le moral » à Marie France ? Heureusement que ce très bon album s’appelle Kiss, on avait comme un doute, d’un coup.
En concert ce soir au Réservoir (entrée libre)
[Article précédemment paru sur Interlignage] C’est l’un des albums les plus attendus de l’année. Principalement sur ce site, certes, qui ne faisons même pas l’effort de cacher que nous sommes un bastion déjà largement conquis par les forces freaksvilloises. Mais sans doute aussi, plus généralement, par les rares détenteurs de la Vérité Majuscule : l’album Phantom featuring Marie France, il y a quatre ans, fut l’un des tous meilleurs disques de garage-rock de la décennie passée, et le meilleur disque du genre chanté en français depuis… on ne saurait même pas dire quand, mais longtemps. Avec son "J’arrête" et ses "Nanas", son "Ménage à trois" et son "Que sont-ils devenues ?"… on tenait là un album incroyablement racé, aussi avare en temps morts que riche en bons mots (Jacques Duvall y signait quelques un de ses meilleurs textes), riffu et tranchant comme devrait toujours l’être – comme l’est trop rarement – le rock francophone.
Quatre ans après le collectif – rebaptisé pour l’occasion Marie France & Les Fantômes – revient un second album, le premier sequel depuis l’initiation du projet Phantom, mais l’humeur a quelque peu changé. On s’en doutait un peu, pour avoir eu l’occasion d’entendre quelques titres en live au début de l’hiver. À vrai dire, on est même un peu déçu à la première écoute, même si quelques perles se devinent ici ou là. Kiss n’est pas tout à fait l’objet pop parfait qu’était son prédécesseur, pas le même implacable enchaînement de tubes. Plus posé, c’est aussi un disque un peu plus inégal où certains titres avec une vraie, une belle dimension classique en côtoient d’autres toujours sympathiques, toujours efficaces, mais qui lassent un peu sur la durée (au hasard : "Le Bon, la Brute et le Truand" ou "Sorcière", relecture sabbathienne amusante les cinq premières fois, à laquelle on ne reviendra cependant pas beaucoup les fois suivantes).
La déception liminaire s’atténue cependant au fur et à mesure que l’on se rend compte que Kiss est surtout un album moins évident, parce que moins pan-dans-ta-gueule. À l’image de sa pièce centrale et maîtresse, "Le Garçon qui pleure", anti-ballade sublime exécutée en duo avec Chrissie Hynde, qui émeut et amuse tout à la fois (qui "émuse", en somme), et dont la séduction est plus subtile et vicieuse que ce que l’on pouvait trouver sur Phantom featuring Marie France – commentaire qui vaut pour l’ensemble de l’album. Les ballades sont d’ailleurs d’une manière générale plus à l’honneur que sur l’essai de 2008, et aussi nettement plus convaincantes, qu’il s’agisse de la très rétro "Petite catin", moins anodine qu’elle en a l’air au premier bord, où de l’évanescente et raffinée "Elle ou Moi", qui conclut l’album sur une note plus tendre et sensuelle.
Car Marie France, c’est aussi une manière bien à elle de jouer dans les marges, et ses interprétations (comme les chansons que lui troussent Duvall et Miam Monster Miam) sont rarement plus excellentes que lorsqu’il s’agit de régler son compte à quelque connard d’amant, type décevant ou pétasse écervelée. Depuis plus de trente ans, on ne compte plus le nombre de ces spécimens à s’être faits foudroyer par une chanson de cette grande Dame, et les titres les plus imparables de nouvel opus s’inscrivent évidemment dans ce registre. Pas question de surjouer l’émotion ou de verser dans un romantisme bon teint. Sur le meilleur morceau de l’album, merveille pop altière, le destinataire fait « Trop de boucan pour une lady de [son] âge » . Peu avant, elle avait enclenché son "Détecteur de mensonges" ou avait encore rappelé que « Dieu pardonne mais [qu'elle n'est pas] Dieu » . Et encore ne parle-t-on pas du heavy blues "C’est un ordre". Qui pourra sincèrement s’étonner que le garçon pleure à la fin ? Ou que cela « remonte le moral » à Marie France ? Heureusement que ce très bon album s’appelle Kiss, on avait comme un doute, d’un coup.
En concert ce soir au Réservoir (entrée libre)
👍 Kiss
Marie France & Les Fantômes | Freaksville, 2012
Très bon album. Pas certain de comprendre votre scepticisme vu la variété, et la qualité des chansons.
RépondreSupprimerMon scepticisme est pourtant longuement expliqué ^^
Supprimer