[CDG2012] 5... valeurs sûres

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La nouveauté c'est bien gentil, mais c'est à nos risques et périls. Alors après douze découvertes qu'on regrette d'avoir fait sitôt le disque retiré du lecteur, un label de qualité, ç'a souvent du bon.

Dominique A (Vers les lueurs ; mars) Il y a deux type de valeurs sûres. Les artistes qui publient toujours peu ou prou le même bon album, et dont sait qu'ils rempliront leur office même s'ils ne surprendront pas le moins du monde. Et puis il y a ceux, plus rares et d'autant plus chéris par leur public, qui n'ont de cesse de se réinventer, avec qui l'on ne se trouvera pas toujours en phase, mais chez qui l'on sait que la qualité sera toujours au rendez-vous, d'une manière ou d'une autre. Quand certains artistes cherchent désespérément la formule pour réussir un vrai grand disque, Dominique A semble pour sa part, vingt ans après La Fossette, chercher en vain comment en foirer un. Ce n'est pas encore avec Vers les lueurs, cet album étonnamment aéré et pop, qu'il risque d'approcher la réponse. Même pas de loin.

El-P (Cancer 4 Cure ; juin) Piégeux album que ce nouvel El-P. Un disque qu'on a beaucoup attendu, beaucoup espéré... et que dans le même temps, on n'aura pas vraiment vu venir. C'est que la première écoute est un brin décevante, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant compte-tenu du stratosphérique niveau atteint par Jaime Meline sur son précédent I'll Sleep When You're Dead. Au vrai, Cancer 4 Cure roule au diesel. L'air de rien, démarrant par deux morceaux presque quelconques, il monte petit à petit en puissance jusqu'à explosion des compteurs dans la seconde moitié, avec notamment un enchaînement de trois pistes fabuleuses (« True Story »/« The Jig Is up »/« Sign Here ») débouchant sur une quatrième démentielle (« For My Upstairs Neighbor (Mums the Word) », sans conteste l'un des très grands titres de cette année, tous genres confondus). Pas très écolo, sans doute. Mais diablement efficace.

Menomena (Moms ; septembre) Certains groupes ont le cul bordé de nouilles. Tout ce qu'ils touchent se change en or, au point qu'eux-mêmes en deviennent intouchables. N'importe qui à la place de Menomena aurait eu du mal à faire avaler Moms à son public. N'importe quel groupe se serait vu reprocher de virer trop pop (pour ne pas dire commercial), de s'être perdu en route – je ne vous fait pas le topo : on le connaît tous par cœur, pour l'avoir entendu un certain nombre de fois - et même occasionnellement entonné. Menomena, non. Peu importe que son nouvel album évoque parfois blur (« Skintercourse »), que son meilleur titre soit une vraie belle ballade lyrique (« Heavy Is as Heavy Does », dont le titre ne peut être qu'une plaisanterie) ou qu'une chose comme « Pique » soit d'un goût un peu douteux. Menomena est Menomena, et Menoma peut faire ce qu'il veut, quand il veut, sans que quiconque trouve à y redire. On appelle cela la classe, et ç'a une fâcheuse tendance à effacer tout le reste.

The Raveonettes (Observator ; septembre) Gamin, j'ai parcouru le Danemark en long en large et travers, et s'il y a bien un truc qui m'a frappé en draguant en discutant avec les autochtones, c'est à quel point les jeunes Danois(es) étaient plus calé(e)s que mes copains et moi en matière de rock indé. Ils n'avaient pas des masses de bons groupes à l'époque, mais presque deux décennies plus tard il n'y a dans le fond rien d'étonnant à ce que cette génération devenue adulte ait accouché d'un truc aussi efficace et excitant que les Raveonettes. Rien de bien neuf sur ce (déjà) sixième album : juste une enfilade de vraies, grandes chansons vaporeuses à souhaits – ce qui est déjà plus que sur 99 % des albums de pseudo-shoegaze entendus cette année. Une légende raconte que depuis sa reformation, My Bloody Valentine n'aurait jamais osé venir jouer au Danemark. On a envie d'y croire.

Sun Kil Moon (Among the Leaves ; juin ) Il y a des disques, comme ça... une seule écoute vous suffit pour savoir que vous allez en prendre pour dix ans. C'est ce qui m'est arrivé ce printemps avec Among the Leaves, alors même que je n'ai jamais été particulièrement fan de Mark Kozelek, dont j'ai toujours observé la (riche) carrière de loin, sans trouver vraiment le temps ni l'envie de m'y intéresser plus que cela. Et là, dès le deuxième titre (superbe « Sunshine in Chicago »), j'en étais déjà tombé amoureux. Mon petit cœur mélancolique dit merci à Mark. En 2012, cet énième album lui a permis de devenir pour moi ce qu'il était déjà pour beaucoup d'autres : une valeur sûre, une vraie.

 

Et aussi : And You Will Know Us By The Trail Of Dead (Lost Songs), Arno (Future Vintage), The Hives (Lex Hive), The Wallflowers (Glad All over), The Wave Pictures (Long Black Cars), Neil Young & Crazy Horse (Pyschedelic Pills)...