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À chacun sa guerre, et à chacun sa manière de la livrer. Dans la vie, souvent, les gens prennent les armes, montent au front, donnent des coups de poings ou des coups de boules. Dans Justified, dont la quatrième saison démarre ce soir sur FX, ils ne font rien de tout cela. Ils sourient nonchalamment, serrent les dents d'un air dégagé, et s'envoient tout plein de vannes si sophistiquées que l'on jurerait qu'ils ont passé toute la nuit dernière à les écrire. C'est la marque d'Elmore Leonard dans chacun de ses romans, et dans le cadre de la série qui s'en inspire (de plus en plus lointainement quoique l'esprit en soit reproduit à la perfection), c'est la Givens' touch. Mais comme on a déjà beaucoup dit sur ce blog que Raylan Givens était le personnage de fiction le plus cool que la télé nous ait offert ces dernières années, soyons sports et notons que sa Némésis Boyd Crowder est lui aussi très, très cool. Avec sa mine renfrognée et sa voix d'outre-tombe, et ce regard d'une noirceur le rendant parfois impossible à soutenir. Qui a reçu le dernier Emmy, déjà ? Damian qui ?
Avec le placide Givens (Olyphant, toujours aussi classe), Crowder (Walton Goggins) forme plus que jamais la colonne vertébrale d'une série qui n'en finit plus de surprendre, de muter et d'afficher à chaque saison de nouvelles ambitions encore plus hautes que les précédentes. Le deuxième chapitre avait marqué un tournant dans la narration, accordant une place grandissante aux secondes rôles et s'attardant sur la peinture en pointillés d'une étrange communauté vivant comme figée dans le temps et les traditions. La dernière en date (jusqu'à, donc, ce soir), qui atteignait un degré de complexité scénaristique comme on en a rarement vu depuis The Shield, allait encore un peu plus loin, transformant progressivement Justified en véritable série chorale au sein de laquelle chaque voix trouve désormais sa place. Une évolution d'ailleurs logique si l'on considère que Raylan Givens n'a jamais été à proprement dire le héros des romans d'Elmore Leonard dans lesquels il apparaissait. Mais il reste étonnant de constater à quel point l'écriture de Justified a évolué depuis des débuts souvent critiqués pour leur manque de liant et leur aspect parfois fastidieux. À l'heure d'entamer un nouveau chapitre, elle n'est plus seulement - peut-être même : plus du tout - cette série cool, drôle et sexy, qu'on vantait il y a trois ans avant tout pour son ambiance et l'originalité de son univers. Elle n'est plus uniquement une série brillant par son atmosphère moite, la musicalité de ses accents, la finesse du jeu de ses acteurs ou le cisèlement de ses dialogues. Peu à peu, Justified est devenue une fresque. Dans laquelle chaque décision se répercute sur le long terme (plus encore que dans d'autres shows, il est au demeurant quasiment impossible d'entraver quoi que ce soit à la saison trois si l'on n'a pas un bon souvenir des précédentes), et où chaque personnage a sa propre partition à jouer.
Bien sûr, comme toutes les fresques, celle-ci ne raconte jamais que des histoires dont on connaît déjà fondamentalement les thèmes et les dénouements : querelles entre anciens et modernes, conflits familiaux exacerbés, hybris, renoncements, pouvoir et conséquences du pouvoir. Dans le fond et aussi bizarre que cela puisse sembler, Justified n'est pas si différente d'un Game of Thrones, qui elle-même n'est sans doute pas si éloignée d'un The Wire. Trop rurale et pas assez intello pour recueillir les mêmes suffrages que la seconde, elle n'est pas non plus assez glamour ni clinquante pour avoir l'aura branchée de la première. Et pourtant. C'est toujours la même chose. La même putain d'histoire. Les mêmes guerres, les mêmes tragédies qui se jouent sous les yeux du spectateur. Seul le style fait la différence, et celui de Justified, extrêmement fin et personnel, ne laisse de séduire. Avec ses réparties affûtées. Avec ses silences. Avec son sens inné du burlesque. Avec ses gueules et ses bottes crottées. La meilleure série en activité ? Peut-être pas. Pas loin.
À chacun sa guerre, et à chacun sa manière de la livrer. Dans la vie, souvent, les gens prennent les armes, montent au front, donnent des coups de poings ou des coups de boules. Dans Justified, dont la quatrième saison démarre ce soir sur FX, ils ne font rien de tout cela. Ils sourient nonchalamment, serrent les dents d'un air dégagé, et s'envoient tout plein de vannes si sophistiquées que l'on jurerait qu'ils ont passé toute la nuit dernière à les écrire. C'est la marque d'Elmore Leonard dans chacun de ses romans, et dans le cadre de la série qui s'en inspire (de plus en plus lointainement quoique l'esprit en soit reproduit à la perfection), c'est la Givens' touch. Mais comme on a déjà beaucoup dit sur ce blog que Raylan Givens était le personnage de fiction le plus cool que la télé nous ait offert ces dernières années, soyons sports et notons que sa Némésis Boyd Crowder est lui aussi très, très cool. Avec sa mine renfrognée et sa voix d'outre-tombe, et ce regard d'une noirceur le rendant parfois impossible à soutenir. Qui a reçu le dernier Emmy, déjà ? Damian qui ?
Avec le placide Givens (Olyphant, toujours aussi classe), Crowder (Walton Goggins) forme plus que jamais la colonne vertébrale d'une série qui n'en finit plus de surprendre, de muter et d'afficher à chaque saison de nouvelles ambitions encore plus hautes que les précédentes. Le deuxième chapitre avait marqué un tournant dans la narration, accordant une place grandissante aux secondes rôles et s'attardant sur la peinture en pointillés d'une étrange communauté vivant comme figée dans le temps et les traditions. La dernière en date (jusqu'à, donc, ce soir), qui atteignait un degré de complexité scénaristique comme on en a rarement vu depuis The Shield, allait encore un peu plus loin, transformant progressivement Justified en véritable série chorale au sein de laquelle chaque voix trouve désormais sa place. Une évolution d'ailleurs logique si l'on considère que Raylan Givens n'a jamais été à proprement dire le héros des romans d'Elmore Leonard dans lesquels il apparaissait. Mais il reste étonnant de constater à quel point l'écriture de Justified a évolué depuis des débuts souvent critiqués pour leur manque de liant et leur aspect parfois fastidieux. À l'heure d'entamer un nouveau chapitre, elle n'est plus seulement - peut-être même : plus du tout - cette série cool, drôle et sexy, qu'on vantait il y a trois ans avant tout pour son ambiance et l'originalité de son univers. Elle n'est plus uniquement une série brillant par son atmosphère moite, la musicalité de ses accents, la finesse du jeu de ses acteurs ou le cisèlement de ses dialogues. Peu à peu, Justified est devenue une fresque. Dans laquelle chaque décision se répercute sur le long terme (plus encore que dans d'autres shows, il est au demeurant quasiment impossible d'entraver quoi que ce soit à la saison trois si l'on n'a pas un bon souvenir des précédentes), et où chaque personnage a sa propre partition à jouer.
Bien sûr, comme toutes les fresques, celle-ci ne raconte jamais que des histoires dont on connaît déjà fondamentalement les thèmes et les dénouements : querelles entre anciens et modernes, conflits familiaux exacerbés, hybris, renoncements, pouvoir et conséquences du pouvoir. Dans le fond et aussi bizarre que cela puisse sembler, Justified n'est pas si différente d'un Game of Thrones, qui elle-même n'est sans doute pas si éloignée d'un The Wire. Trop rurale et pas assez intello pour recueillir les mêmes suffrages que la seconde, elle n'est pas non plus assez glamour ni clinquante pour avoir l'aura branchée de la première. Et pourtant. C'est toujours la même chose. La même putain d'histoire. Les mêmes guerres, les mêmes tragédies qui se jouent sous les yeux du spectateur. Seul le style fait la différence, et celui de Justified, extrêmement fin et personnel, ne laisse de séduire. Avec ses réparties affûtées. Avec ses silences. Avec son sens inné du burlesque. Avec ses gueules et ses bottes crottées. La meilleure série en activité ? Peut-être pas. Pas loin.
👑 Justified (saison 3)
créée par Graham Yost, d'après les romans d'Elmore Leonard
FX, 2012
Enorme saison 3 en effet. J'ai vraiment hâte de voir la nouvelle!
RépondreSupprimerC'est vrai que tu notes : c'est très difficile désormais de suivre la série si on ne se souvient pas bien des saisons précédentes. Cela m'a un peu ennuyé pour la 3, d'ailleurs je me demande si je ne vais pas le revoir, avant la 4.
RépondreSupprimerJ'ai pensé à faire pareil, à vrai dire.
SupprimerJe me souviens d'avoir été collé à mon écran toute la saison, mais en fait pas tellement de ce que ça racontait. Par contre, je me souviens vraiment du jeu incroyable de Walton Goggins, vraiment un des meilleurs acteurs de télé actuels. Il mériterait effectivement une récompense (et pas un Drawa ^_^)
RépondreSupprimerAh ça non, sûrement pas un Drawa. Enfin après, on peut toujours rêver : si les séries FX remportaient des awards, ça se saurait depuis longtemps. Alors une série FX sur des bouseux, où il n'y a quasiment jamais une scène de cul et où tout est à peu près l'inverse du mot branché, ça ne risque pas d'arriver. Quant à Walton, il n'était même nominé aux derniers Emmy, comme Justified (qui n'a été citée que dans la catégorie meilleure guest (qu'elle a d'ailleurs emportée))
SupprimerAmusante, votre conclusion.
RépondreSupprimerIl est vrai que les éléments tragiques habituels se retrouvent ici, comme dans d'autres séries (je n'ai pas vu Game of thrones mais, rien que son titre me laisse supposer que votre analogie n'est pas idiote, et celle de The Wire, marche) Mais cela est aussi parce que ce sont des éléments constitutifs du feuilleton. Justified a quelque chose de The Wire qu'elle a aussi, de Mad Men, de Breaking Bad (peut-être moins évident dans ce cas)
BBB.
Il y a un peu de cela dans Breaking Bad aussi, c'est vrai ; par contre je ne suis pas du tout d'accord concernant le rapprochement avec Mad Men. La série ne contient pas les éléments de tragédie antique nécessaire, à mon sens.
SupprimerJe viens de commencer la saison 1 et pour l'instant j'aime beaucoup. Merci!!
RépondreSupprimerIl vous en prie.
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