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"... en ce printemps 2008, je sentais clairement le fossé s'élargir entre les générations et le débat s'appauvrir. Je pensais que le bouillonnement dû à l'arrivée massive de jeunes aurait un effet bénéfique pour l'équipe, et que le mélange des générations pourrait être explosif. Il l'a été, mais pas dans le sens souhaité. Pour que ce mélange soit plus positif, il aurait sans doute fallu que le terrain dégage une hiérarchie plus nette : si la frontière entre les meilleurs et les autres avait été clairement tracée, chacun serait probablement resté à sa place. Mais je disposais d'assez de bons joueurs pour former trois équipes de France, et contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est jamais une excellente nouvelle [...] Quand tout se vaut, tout devient discutable et tout est discuté."
Raymond et Le Golb, c'est une affaire qui dure. Et depuis longtemps. Les plus anciens lecteurs s'en souviennent, ses invraisemblables punchlines, ses coups de génie (ah ! Le Govou titulaire contre l'Italie en qualifs de l'Euro 2008 alors qu'il n'a pas joué de la saison !...), sa tête de con, aussi... ont fait les beaux jours de ce blog à l'époque du bac à sable, du Journal d'un dépressif, de Jean-Pierre Jean (coiffeur le jour et consultant Eurosport la nuit), d'over-blog, des caractères minuscules, de la mise en page pourrave et de la bannière orange toute dégueulasse. Une autre époque. Raymond Domenech était sur Le Golb avait la rubrique séries TV, avant les dessins d'Alf, avant les éditos, les articles sur Ernesto Violin, le CDG, le slogan "Comme un blog, mais en mieux". En fait, c'est assez difficile à établir puisque beaucoup de ces articles ne sont plus en ligne aujourd'hui, mais il est très possible que Raymond Domenech ait été le premier nom propre à avoir été gravé dans ces pages. Le reste n'a presque pas d'importance. Peut-être a-t-il été le pire fléau du foot français des dix dernières années. Peut-être n'a-t-il jamais rien gagné d'autre qu'un championnat de D2. Peut-être fut-il l'un des plus grands kamikazes de l'époque 2.0. Peut-être rien de tout cela ou éventuellement tout cela à la fois. Une seule chose est certaine : un livre de Raymond ne pouvait pas paraître sans être évoqué dans ses pages. L'époque où il racontait qu'il fouettait Claude Makelele, faisait sa demande en mariage ou "raclait les fonds de tiroirs" a beau être lointaine, on garde les bons souvenirs.
Selon le degré de sympathie (ou plus vraisemblablement d'antipathie) que l'on a pour le personnage, il existe bien des manières de présenter Tout seul, recueil de souvenirs au titre pour le moins trompeur puisque précisément, Raymond y passe beaucoup de temps à rappeler qu'il n'était justement pas tout seul, dans les victoires comme dans la tourmente. Son adjoint Pierre Mankowski, Bruno Martini, Momo le responsable de la sécurité de l’Équipe de France, le staff dans son ensemble... sont eux aussi les héros (quasi) muets de cette épopée un peu barbouzarde sur les bords, quand bien même la presse aura préféré ne retenir du livre, au moment de sa sortie, que les (finalement rares) punchlines de Raymond sur les stars des Bleus. Ces mêmes punchlines qu'elle lui reprochait à l'époque où il était sélectionneur, et dont elle a fait son miel ces derniers mois, quitte à dénaturer l'objet étrange que constitue Tout seul, qui se lit parfois presque comme un bon roman, son auteur ayant - ce n'est pas vraiment une surprise - un ton bien à lui, à défaut de style véritable.
En un peu moins de quatre cents pages, à peu près tout y passe, avec un certain recul et une honnêteté frôlant parfois l'auto-flagellation (mais pour rester sélectionneur de l’Équipe de France durant six ans et trois campagnes internationales, dont deux totalement foireuses, il faut de toute façon une certaine dose de masochisme). Relations souvent complexes avec des joueurs qu'il connaît pour la plupart depuis leur puberté, réflexions tantôt lucides tantôt de café du commerce1 sur le monde du sport professionnel d'aujourd'hui, réussites (rares) et échecs (nombreux, et pas forcément ceux que l'on imagine)... à peu près tout ce que l'on peut espérer y trouver s'y trouve, à commencer par la tristesse d'un type devenant peu à peu le plus détesté de son pays, ou la vie quotidienne d'un groupe de sportifs de haut niveau, parfois d'une drôlerie un peu sinistre lorsque Les Yeux dans les Bleus se métamorphose en La Tête dans le Cul. Le naturel revenant d'autant plus rapidement au galop que Raymond fait d'évidents efforts pour le chasser, on trouvera condensé dans Tout seul à peu près tout ce qui a pu - parfois injustement, mais pas toujours - horripiler chez Domenech durant ses six saisons en dents de scie, à enquiller les matches nuls tout pourris et à voir, toujours, encore, passionnément du mieux dans le dernier 0-0 du mois (mais si, mais si). Les amoureux du football tactique, qui aiment à regarder un match comme d'autres jouent échecs, peuvent aller se recoucher - mais ils savaient de toute façon déjà que ce livre n'était pas pour eux. Raymond ne parle finalement que très peu de jeu, sans doute en grande partie parce que le poste de sélectionneur doit autant sinon plus à la politique qu'au sport. Il raconte surtout la solitude, l'angoisse permanente, la relation perverse avec les médias et l'incompréhension qui grandit peu à peu face à (entre) des joueurs avec qui, dans le fond, il n'a quasiment rien en commun - ni ambitions ni références. C'est ce qui rend le livre digne d'intérêt : d'une certaine manière, Tout seul est plus fort que son sujet, et même plus fort que son auteur. Lorsque Domenech se perd, des années après, dans deux pages d'auto-justification pour expliquer que la presse n'a pas compris ce qu'il voulait dire et n'était pas juste avec lui (ce qui n'était pas forcément faux dans certains cas, d'ailleurs), il souligne surtout involontairement son hallucinant manque de recul d'alors. Un bon (un vrai) écrivain aurait pu faire de ces souvenirs un formidable roman sur la paranoïa, dont le héros, sans jamais se départir de sa part de certitudes, aurait perdu toute lucidité au fil des pages. Il y a une forme de poésie absurde à voir Domenech ainsi persévérer dans de ce qu'il sait quasiment dès le départ être des erreurs, pour aboutir au résultat que l'on sait : les mêmes convictions et les mêmes méthodes l'ayant porté à un pas de l'Olympe en 2006 l'amenèrent par la suite à sombrer un peu plus dans le ridicule et le pathétique à chaque saison. L'exemple le plus éloquent, sans doute, est ce qu'il raconte avec une certaine franchise (mieux vaut tard que jamais) à propos de la blessure de Vieira durant l'Euro 2008 : il sait pertinemment qu'emmener un joueur blessé, aussi bon soit-il, dans une compétition internationale, est une erreur quasi fatale. Il le sait d'autant mieux que c'est déjà ce qui a en partie coulé ses prédécesseurs durant les exercices de 2002 et de 2004. Il le sait, et fait même jurer à son staff de ne jamais le laisser faire ce genre de connerie. Et pourtant, il la fait quand même. Et personne ne lui dit rien. Et bien évidemment ce qui devait arriver arrive : la situation tourne au n'importe quoi, déteint sur le moral de l'équipe et fait les choux gras de la presse.
Cette capacité à s'enfoncer dans l'erreur et à ne jamais rétro-pédaler que dans le vide est l'un des aspects les plus étonnants, drôles et fascinants du bouquin. Involontaire, cela va sans dire. Mais tellement curieux, dans le fond. Personnage aussi plein de mauvaise foi que de contradictions, Raymond est à la fois dévoré par le doute et têtu comme une bourrique ; psychologiquement fragile mais incapable de ne pas chercher les coups, il regrette la moitié de ses faits et gestes tout en collant l'autre moitié sur le dos des autres, et témoigne au final, quasiment de bout en bout, non de son incompétence ou de son manque d'intelligence, mais plutôt de son incapacité à faire face. Imaginant toujours le pire, voyant des signes dans le moindre détail, il commence à angoisser quasiment à la seconde où il apprend sa nomination, se fait des ennemis en connaissance de cause pour des conneries tout en cédant sur des choses importantes, bref : se perd totalement. On le supposait intelligent et complexe ; on le découvre surtout totalement torturé, pas franchement serein et quasi esclave de ses émotions2. Pauvre Raymond, quand on y pense. Éternellement dépeint comme un individu calculateur sinon manipulateur (c'est souvent le lot des gens que leur intelligence place en décalage par rapport au milieu dans lequel ils évoluent), et qui semble incapable de comprendre ce qui lui arrive la moitié du temps, au sein de ce sempiternel "groupe" qui vit forcément bien, dont il se méfie de l'effet de meute sans jamais sembler en mesure de l'anticiper (encore moins de le maîtriser), et qui persiste à se voir comme le grand frère, le papa, la figure tutélaire... de joueurs qui à quelques rares exceptions près semblent n'en avoir rien à secouer de ce qu'il dit ou fait. Lui se rêvait en éducateur, (haute) idée de soi qui convenait sans doute bien mieux au poste qu'il occupa durant plus d'une décennie à la tête de l’Équipe de France espoirs. Arrivé dans le fauteuil du patron, le super éducateur passera surtout beaucoup de temps à se plaindre de l'immaturité des enfants qu'il a à sa charge, ce qui est pour le moins étonnant de la part d'un éducateur. Calculateur, Domenech ? Tellement pas, dans le fond, qu'en voulant avec ce livre redorer son image, il écrit au contraire le roman d'une improbable erreur d'orientation. L'épopée d'un type presque perpétuellement dépassé par sa charge, qui finira par lire un communiqué de presse inepte dans un quasi état second, porté par une pulsion suicidaire que lui-même ne parviendra sans doute jamais complètement à s'expliquer.
1. Difficile de ne pas hausser les sourcils lorsqu'il explique crânement que le problème, vous comprenez ma brav' dame, au départ hein, c'est l'arrêt Bosman. Non que son raisonnement soit absurde (comme souvent avec les réflexions de café du commerce, d'ailleurs), mais il entend à cet endroit du livre donner une explication à la soi-disant "crise morale du football français", sans jamais expliquer pourquoi cette crise - en admettant qu'elle existe ailleurs que dans l'esprit malade des médias mainstreams - ne touche que la France, et aucun autre pays européen, tous ayant pourtant été concernés par le fameux arrêt de CJCE au milieu des années quatre-vingt-dix.
2. La manière dont il finit par accepter d'emmener un Thierry Henry totalement hors de forme au Mondial 2010, les sanglots dans la gorge parce qu'il a - ou s'imagine avoir - une relation quasi filiale avec lui, est terriblement touchante tout en s'avérant un superbe cas d'école en matière de faillite manageriale.
"... en ce printemps 2008, je sentais clairement le fossé s'élargir entre les générations et le débat s'appauvrir. Je pensais que le bouillonnement dû à l'arrivée massive de jeunes aurait un effet bénéfique pour l'équipe, et que le mélange des générations pourrait être explosif. Il l'a été, mais pas dans le sens souhaité. Pour que ce mélange soit plus positif, il aurait sans doute fallu que le terrain dégage une hiérarchie plus nette : si la frontière entre les meilleurs et les autres avait été clairement tracée, chacun serait probablement resté à sa place. Mais je disposais d'assez de bons joueurs pour former trois équipes de France, et contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est jamais une excellente nouvelle [...] Quand tout se vaut, tout devient discutable et tout est discuté."
Raymond et Le Golb, c'est une affaire qui dure. Et depuis longtemps. Les plus anciens lecteurs s'en souviennent, ses invraisemblables punchlines, ses coups de génie (ah ! Le Govou titulaire contre l'Italie en qualifs de l'Euro 2008 alors qu'il n'a pas joué de la saison !...), sa tête de con, aussi... ont fait les beaux jours de ce blog à l'époque du bac à sable, du Journal d'un dépressif, de Jean-Pierre Jean (coiffeur le jour et consultant Eurosport la nuit), d'over-blog, des caractères minuscules, de la mise en page pourrave et de la bannière orange toute dégueulasse. Une autre époque. Raymond Domenech était sur Le Golb avait la rubrique séries TV, avant les dessins d'Alf, avant les éditos, les articles sur Ernesto Violin, le CDG, le slogan "Comme un blog, mais en mieux". En fait, c'est assez difficile à établir puisque beaucoup de ces articles ne sont plus en ligne aujourd'hui, mais il est très possible que Raymond Domenech ait été le premier nom propre à avoir été gravé dans ces pages. Le reste n'a presque pas d'importance. Peut-être a-t-il été le pire fléau du foot français des dix dernières années. Peut-être n'a-t-il jamais rien gagné d'autre qu'un championnat de D2. Peut-être fut-il l'un des plus grands kamikazes de l'époque 2.0. Peut-être rien de tout cela ou éventuellement tout cela à la fois. Une seule chose est certaine : un livre de Raymond ne pouvait pas paraître sans être évoqué dans ses pages. L'époque où il racontait qu'il fouettait Claude Makelele, faisait sa demande en mariage ou "raclait les fonds de tiroirs" a beau être lointaine, on garde les bons souvenirs.
Selon le degré de sympathie (ou plus vraisemblablement d'antipathie) que l'on a pour le personnage, il existe bien des manières de présenter Tout seul, recueil de souvenirs au titre pour le moins trompeur puisque précisément, Raymond y passe beaucoup de temps à rappeler qu'il n'était justement pas tout seul, dans les victoires comme dans la tourmente. Son adjoint Pierre Mankowski, Bruno Martini, Momo le responsable de la sécurité de l’Équipe de France, le staff dans son ensemble... sont eux aussi les héros (quasi) muets de cette épopée un peu barbouzarde sur les bords, quand bien même la presse aura préféré ne retenir du livre, au moment de sa sortie, que les (finalement rares) punchlines de Raymond sur les stars des Bleus. Ces mêmes punchlines qu'elle lui reprochait à l'époque où il était sélectionneur, et dont elle a fait son miel ces derniers mois, quitte à dénaturer l'objet étrange que constitue Tout seul, qui se lit parfois presque comme un bon roman, son auteur ayant - ce n'est pas vraiment une surprise - un ton bien à lui, à défaut de style véritable.
En un peu moins de quatre cents pages, à peu près tout y passe, avec un certain recul et une honnêteté frôlant parfois l'auto-flagellation (mais pour rester sélectionneur de l’Équipe de France durant six ans et trois campagnes internationales, dont deux totalement foireuses, il faut de toute façon une certaine dose de masochisme). Relations souvent complexes avec des joueurs qu'il connaît pour la plupart depuis leur puberté, réflexions tantôt lucides tantôt de café du commerce1 sur le monde du sport professionnel d'aujourd'hui, réussites (rares) et échecs (nombreux, et pas forcément ceux que l'on imagine)... à peu près tout ce que l'on peut espérer y trouver s'y trouve, à commencer par la tristesse d'un type devenant peu à peu le plus détesté de son pays, ou la vie quotidienne d'un groupe de sportifs de haut niveau, parfois d'une drôlerie un peu sinistre lorsque Les Yeux dans les Bleus se métamorphose en La Tête dans le Cul. Le naturel revenant d'autant plus rapidement au galop que Raymond fait d'évidents efforts pour le chasser, on trouvera condensé dans Tout seul à peu près tout ce qui a pu - parfois injustement, mais pas toujours - horripiler chez Domenech durant ses six saisons en dents de scie, à enquiller les matches nuls tout pourris et à voir, toujours, encore, passionnément du mieux dans le dernier 0-0 du mois (mais si, mais si). Les amoureux du football tactique, qui aiment à regarder un match comme d'autres jouent échecs, peuvent aller se recoucher - mais ils savaient de toute façon déjà que ce livre n'était pas pour eux. Raymond ne parle finalement que très peu de jeu, sans doute en grande partie parce que le poste de sélectionneur doit autant sinon plus à la politique qu'au sport. Il raconte surtout la solitude, l'angoisse permanente, la relation perverse avec les médias et l'incompréhension qui grandit peu à peu face à (entre) des joueurs avec qui, dans le fond, il n'a quasiment rien en commun - ni ambitions ni références. C'est ce qui rend le livre digne d'intérêt : d'une certaine manière, Tout seul est plus fort que son sujet, et même plus fort que son auteur. Lorsque Domenech se perd, des années après, dans deux pages d'auto-justification pour expliquer que la presse n'a pas compris ce qu'il voulait dire et n'était pas juste avec lui (ce qui n'était pas forcément faux dans certains cas, d'ailleurs), il souligne surtout involontairement son hallucinant manque de recul d'alors. Un bon (un vrai) écrivain aurait pu faire de ces souvenirs un formidable roman sur la paranoïa, dont le héros, sans jamais se départir de sa part de certitudes, aurait perdu toute lucidité au fil des pages. Il y a une forme de poésie absurde à voir Domenech ainsi persévérer dans de ce qu'il sait quasiment dès le départ être des erreurs, pour aboutir au résultat que l'on sait : les mêmes convictions et les mêmes méthodes l'ayant porté à un pas de l'Olympe en 2006 l'amenèrent par la suite à sombrer un peu plus dans le ridicule et le pathétique à chaque saison. L'exemple le plus éloquent, sans doute, est ce qu'il raconte avec une certaine franchise (mieux vaut tard que jamais) à propos de la blessure de Vieira durant l'Euro 2008 : il sait pertinemment qu'emmener un joueur blessé, aussi bon soit-il, dans une compétition internationale, est une erreur quasi fatale. Il le sait d'autant mieux que c'est déjà ce qui a en partie coulé ses prédécesseurs durant les exercices de 2002 et de 2004. Il le sait, et fait même jurer à son staff de ne jamais le laisser faire ce genre de connerie. Et pourtant, il la fait quand même. Et personne ne lui dit rien. Et bien évidemment ce qui devait arriver arrive : la situation tourne au n'importe quoi, déteint sur le moral de l'équipe et fait les choux gras de la presse.
Makelele, un des seuls joueurs à sortir totalement indemnes de ce livre. Ce qui est tout sauf une surprise.
👍 Tout seul
Raymond Domenech | Flammarion, 2012
1. Difficile de ne pas hausser les sourcils lorsqu'il explique crânement que le problème, vous comprenez ma brav' dame, au départ hein, c'est l'arrêt Bosman. Non que son raisonnement soit absurde (comme souvent avec les réflexions de café du commerce, d'ailleurs), mais il entend à cet endroit du livre donner une explication à la soi-disant "crise morale du football français", sans jamais expliquer pourquoi cette crise - en admettant qu'elle existe ailleurs que dans l'esprit malade des médias mainstreams - ne touche que la France, et aucun autre pays européen, tous ayant pourtant été concernés par le fameux arrêt de CJCE au milieu des années quatre-vingt-dix.
2. La manière dont il finit par accepter d'emmener un Thierry Henry totalement hors de forme au Mondial 2010, les sanglots dans la gorge parce qu'il a - ou s'imagine avoir - une relation quasi filiale avec lui, est terriblement touchante tout en s'avérant un superbe cas d'école en matière de faillite manageriale.
les beaux jours de ce blog à l'époque du bac à sable, du Journal d'un dépressif, de Jean-Pierre Jean (coiffeur le jour et consultant Eurosport la nuit), d'over-blog, des caractères minuscules, de la mise en page pourrave et de la bannière orange toute dégueulasse.
RépondreSupprimerJ'ai pleuré, emporté par un accès de nostalgie déchirante.
Et des années plus tard le Golb est toujours le seul endroit où je peux lire cinq pages sur le foot avec plaisir. *émotion*
SupprimerJ'avoue que j'ai été ému aussi. En lisant le bouquin, les passages où Raymond évoque le Mondial 2006 m'ont presque provoqué un retour de refoulé ;-)
SupprimerC'est le meilleur papier que j'ai lu sur ce livre, mais c'est aussi le seul qui l'analyse comme un vrai livre, logique.
RépondreSupprimerA propos de Domenech, je me demande dans quelle mesure il n'en rajoute après coup, sur le côté "je suis un éducateur", pour coller à l'air du temps qui dépeint les joueurs comme des "caïds". Il est assez malin pour cela. Il sait que la détestation de l'Edf par le grand public plaide en sa faveur.
J'y ai effectivement pensé, mais non, je ne crois pas. C'est plutôt sincère et ça prend trop de place, ce serait vraiment un gros travail de réécriture de l'histoire. Après qu'il appuie un peu là-dessus pour se dédouaner, pourquoi pas ? Sans doute inconsciemment. C'est certain que quand il évoque la fameuse "crise morale du football français", il raisonne clairement dans le vide, on ne voit pas bien ce qu'il veut dire et il ne définit jamais réellement cette crise dont il entend pourtant livrer son interprétation. D'ailleurs, on ne voit pas réellement d'illustration de cette crise dans le livre, même si lui a l'air de penser que c'est ce qu'il écrit. On voit juste des relations compliquées et tendues avec quelques connards qu'on identifiait déjà avant, mais aussi des relations relativement saines et normales avec de nombreux autres joueurs, voire la plupart (Sagnol, Cissé, Lloris, etc.) Son véritable problème en 2010, ce n'est pas tant les joueurs et leurs caractères que le fait qui ceux qui lui posent problème soient les supposés "leaders" de l'équipe. On peut d'ailleurs se demander - et il esquive habilement le sujet en affirmant de manière péremptoire que Laurent Blanc a connu les mêmes problèmes - dans quelle mesure avec un autre sélectionneur, les relations avec ces "connards" désignés n'auraient pas été différentes et meilleures. En cela, le livre manque sa cible car dans le même temps, Domenech oublie et l'universalité des situations et certaines singularités de la sienne (notamment le fait que dans les deux dernières années de son mandat il est sélectionneur totalement discrédité en premier lieu auprès de ses joueurs, qui sont peut-être de gros cons - pourquoi pas - mais qui ont peut-être aussi leurs raisons pour ne pas lui faire confiance).
SupprimerCela m'a choqué également qu'il dise que Laurent Blanc a connu les mêmes problèmes, c'est pourquoi j'émettais cette hypothèse. Blanc n'a jamais évoqué le sujet. Le joueur qui a le plus foutu la merde en 2010, Ribéry, a fait un Euro 2012 exemplaire. Et l'équipe de 2012 ne ressemblait vraiment pas à celle de 2010 puisque tous ceux qui Domenech "dénonce" dans son livre, n'étaient plus là.
SupprimerTu m'étonnes que Make sorte indemne du bouquin. Un super joueur avec en plus une mentalité de soldat, sûr que c'est pas lui qui devait foutre la merde dans le vestiaire :)
RépondreSupprimerSinon super papier comme d'hab.
Il a surtout manqué toutes les compétitions de la "grande époque". Forcément, il devait juste être content d'être là et ne pas avoir envie de faire des histoires ;)
SupprimerCe n'est pas moi qui vais contredire EL-JAM, Makelele a toujours été l'un des mes joueurs préférés.
Supprimerje retiens un mec horripilant et aussi egocentrique que ses joueurs (masi pas autant que mourihno, y'a des limites aux bornes),
RépondreSupprimeret un superbe mondial 2006, avec du vrai beau football (le match contre l'espagne, un des plus beaux jamais joués par l'équipe de France, un chef d'oeuvre) malgré la déconnade de zidane qui nous coûte le titre.
le reste... je trouve qu'on en a déjà bien trop parlé, non?
L'Espagne ne faisait pas vraiment le poids, d'un autre côté (ça fait bizarre d'écrire cette phrase en 2012 ^^). Pour moi le vrai chef-d’œuvre, c'est le match contre le Brésil. LE match qui prouve - enfin qui aurait dû prouver - que Domenech était un vrai tacticien, et pas juste un type arrivé à ce niveau par un simple concours de circonstances...
SupprimerCe titre ^_^
RépondreSupprimerJe n'ai pas eu beaucoup à me forcer, vu que lui-même écrit "j'ai toujours été très doué pour les suicides" (ou quelque chose ça...)
Supprimerquoique, joueur il était surtout connu pour suicider les tibias des joueurs adverses ;-)
SupprimerHaha, ça aussi il l'écrit, avec un sens de l'absurde que je trouve assez délectable (en gros il dit : on raconte ça mais il y avait aussi une majorité de matches où je ne suicidais aucun tibias ^^)(pour mémoire Domenech est - ou du moins était encore la dernière fois que j'ai regardé - le recordman de cartons rouges dans le championnat de France)
SupprimerThomas,
RépondreSupprimerVous écrivez : "sans doute en grande partie parce que le poste de sélectionneur doit autant sinon plus à la politique qu'au sport". Mais, Domenech EST UN POLITIQUE. C'est ce qui ressort le plus, de son récit. Il aime le pouvoir, il veut le pouvoir, il sait conquérir le pouvoir. Mais, une fois qu'il le possède, il ne sait quoi en faire. En revanche, si ce pouvoir est menacé, il réussit, chaque fois, à le conserver. C'est éloquent. Dommage qu'il n'ait pas été aussi bon coach.
BBB.
Domenech serait donc le Jacques Chirac du football?
Supprimer(Va falloir que je le lise ce bouquin, alors)
Pas vraiment d'accord avec votre analyse. Je vois un type qui connaît la politique, comprend son importance et sait occasionnellement s'en servir, mais qui n'est absolument pas taillé pour elle.
SupprimerEn discutant avec des lyonnais qui ne connaissent pas grand chose au foot mais connaissaient un peu le personnages, j'ai appris que Domenech avait un petit problème avec le monde du foot en général dans le sens où il le considère, et quelque fois à juste titre, comme un monde où il y a trop de personnes qui manquent de jugeote (et surtout d'un brin de culture et c'est vrai qu'hormis quelques exception comme un Sylvain Kastendeuch qui s'enfournait du livre à la pelle, on peut pas dire qu'ils brillent tous par une culture exceptionnelle). C'est évidemment un cliché mais qui se retrouve régulièrement à la une des journaux quand une équipe de foot va mal. D'où peut-être son égo surdimentionné par moment qui peut donner l'impression d'être plus un donneur de leçon qu'autre chose.
RépondreSupprimerAprès, on peut toujours retenir ses choix totalement hasardeux et son envie de mettre des joueurs sur le devant de la scène pour qu'ils assument leurs conneries. En clair, les responsabiliser. il a juste oublié qu'on a des joueurs de foot très maternés maintenant (et protegés, mais c'est d'une logique implacable tant le foot est devenu un enjeux éco hors du commun). C'est assez difficile de pouvoir faire comme dans les années 70/80. C'est juste pour ça que l'avoir pris était une erreur dans les années 2000. Impossible de gérer des égo lorsqu'on ne comprend pas que le monde a changé. Et mettre l’arrêt Bosman comme responsable de tout les maux d'une équipe est révélateur d'une incapacité à pouvoir comprendre des joueurs qui vivent dans une bulle aujourd'hui. Le foot a changé, sur tous les points. En bien ou en mal, d'ailleurs. Mais pas forcément qu'en mal.
Il évoque lui-même longuement cette évolution du foot, il consacre même un chapitre entier à ce sujet - le fameux chapitre où il parle de l'arrêt Bosman et explique (à raison, mais de ce point de vue je pense qu'il s'adresse plus au grand public qu'aux vrais connaisseurs de foot) que c'est à partir de ce moment que, dans le but de verrouiller les contrats et ne pas voir leurs effectifs saignés à blanc, les clubs se sont mis à surpayer les jeunes joueurs en se basant sur le potentiel plutôt que sur ce qu'ils avaient accompli ou accomplissaient à ce moment M. De ce point de vue, il ne semble pas ignorer comme les joueurs sont maternés, de même qu'il insiste à plusieurs reprise sur l'influence de leur entourage (en mal souvent, mais aussi parfois bien (il raconte par exemple qu'après la fameuse grève les joueurs ont été inondés de messages indignés de leurs familles et de leurs amis)). Ce que je lui reprochait dans la note de bas de page - mais je n'étais peut-être pas très clair - c'était de brandir l'arrêt Bosman comme une explication à une quelconque crise morale, alors que l'arrêt Bosman touchait tous les pays d'Europe, et pas uniquement la France, et que tous les salaires de tous les jeunes joueurs de grands championnats européens ont explosés au même moment. Il se garde bien d'ailleurs (sans doute afin d'esquiver les questions politiques, dont il doit avoir soupé après tout ça) d'expliquer les raisons (financières, fiscales, légales) pour lesquelles l'arrêt Bosman a saigné le championnat de France plus qu'aucun autre en Europe (mais c'est un autre débat).
SupprimerBref, pour revenir à ton commentaire, il semble avoir tout à fait conscience de tout cela. Est-ce qu'il l'analyse a posteriori, est-ce qu'il le savait déjà avant, est-ce qu'il le savait MAIS sous-estimait l'ampleur du problème... impossible à dire.
Oui, et pour le reste, ce que tu soulignes, c'est que le Raymond appartient au passé. Après lui et même par la suite, l'après Deschamps, il n'y aura plus d'entraineur qui veut jouer le role d'éducateur. L'affaire du bus a permis au moins et alors même que cela aurait pu être le cas avant d'ailleurs, que les choses devaient bouger, que la fédération et la DTN devait un peu muer. On est encore loin du compte mais ce qui est sur, c'est qu'on n'est plus pret de voir des entraineurs/selectionneurs qui vont chercher à encadrer des types qui s'en foutent un peu de tout ça.
SupprimerPour en revenir à l'arret et je ne sais pas s'il parle du reste, mais Bosman n'est vraiment qu'une conséquence pour moi. C'est plus les chaines de télé (à l'image de canal et surement les autres dans les pays voisins) qui ont créé ce modèle éco de sport spectacle assez incroyable. La ligue des champions avait déjà changé de formule. La coupe des coupe allait disparaître rapidement (alors que j'adorais cette coupe, rien que pour son aspect totalement folko avec des équipes de deuxième zone). Le monde du foot a quand même tout fait pour créer cette situation. Pourquoi la France a été plus touchée que les autres ? J'ai quand même envie de dire qu'on a une culture footballistique plus proche de l'amateur éclairé que du pur fan de malade. Hormis quelques clubs (et on les connais tous), ça se déplace que moyennement les soirs de matches, surtout comparé aux autres nations du foot (meme si depuis, il y a plus de monde). Dans ce contexte, très vite, t'as envie de partir. Sans compter et on l'oublie aussi, que le foot en France, c'était du Bez, du Tapie, qui venait flamber à grand coup de million pour acheter du joueur. Une vraie politique suicidaire qu'on perpetue encore dans certains clubs récemment (voir l'OM qui a enfin compris qu'il lui fallait un centre de formation).
Et Domenech ne pouvait pas être à sa place dans tout ça. Et il est impossible, parce que souligné aussi, qu'avec son égo assez surdimentionné (mais ça se voyait déjà quand il entraînait Lyon, moins bien sur avec les équipes de jeunes) il pensait tout prendre à sa charge.
Mais quand on voit déjà qu'il avait filé les clés de la boutique à Zidane, Thuram et Makelele juste avant la CM de 2006, on se rend bien compte, à ce moment là, qu'il ne révolutionnera jamais le jeu. Ces trois là parti, l'enfer pouvait commencer.
Et ça ne m’étonne pas que son livre, qui se veut une tentative de redorer son blason, soit tout l'inverse. Dur de constater qu'on est totalement hors du coup.
Et promis, j’arrête de faire des longs commentaires :)
Que Domenech soit d'un autre temps, c'est certain. C'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'entraîneurs français de haut-niveau, qui collent encore pas mal à cette mythologie du coach à l'ancienne, un tiers éducateur et un tiers prof d'EPS, fidèle au vraies valeur du vrai monde (toute la mythologie Jacquet, quoi (le sélectionneur, pas les brioches... je précise parce que dans le contexte de cette phrase il y avait ambiguïté ^^)) Dans la plupart des autres championnats européens, les entraîneurs sont des managers, ou de vrais stratèges, bref ils ne font tout simplement pas le même métier (on a d'ailleurs beaucoup reproché à un mec comme Blanc, du temps de Bordeaux, de ne pas être "un vrai entraîneur" parce qu'ils ne passait pas son temps à assister à aux exercices quotidiens). Et entre nous, qui n'a jamais laissé échappé un sourire en entendant un journaliste employer les mots de "tacticien" ou de "technicien" à propos d'un Guy Lacombe, d'un Jean Fernandez ou d'un Antonetti... "techniciens de surface", alors... ^^
SupprimerCet aspect s'inscrit d'ailleurs dans ce que tu dis sur la position d'amateur éclairé, avec quoi je suis d'accord (quand je demandais "pourquoi", c'était de manière rhétorique, on sait tous pourquoi, je crois, la France ne s'est pas adaptée aussi bien que d'autres aux conséquences de l'arrêt Bosman). Pour Domenech, on le voit bien, la référence absolue c'est Jacquet, c'est cette image de l'instituteur inflexible qui accompli sa mission de service public jusqu'au bout. Image dont on ne voit pas en quoi elle a été payante (c'est son coaching qui a fait gagner Jacquet, pas son image, au contraire son image est ce qui l'a fait être critiqué sans fin), mais qui associée à celle de la victoire n'a rien fait pour faire évoluer les mœurs des coaches français.
Domenech récuse l'idée selon à laquelle il aurait réellement laissé les clés de la boutique en 2006 ; il insiste d'ailleurs - et je veux bien le croire - sur le fait que la FFF s'est appropriée le "retour des anciens" alors qu'avec Vieira (à qui il avait demandé de les harceler de SMS durant toute la saison) ils bossaient en sous-main depuis des mois pour les faire revenir, et n'a pas arrêté de voyager à leur rencontre. Selon ce qu'il raconte, c'est même lui qui leur aurait suggéré d'annoncer eux-mêmes leur retour, chacun de son côté, ce qui était une fois de plus une affreuse erreur de communication puisque dès lors, on considéra qu'il n'était pour rien dans leur comeback. Ce qui s'est passé ensuite, c'est assez difficile de le savoir, d'autant qu'on peut douter que Zidane, Thuram ou Make écrivent un jour un bouquin pour raconter qu'en fait, c'étaient eux, les coaches occultes de France 2006. Ce sont des gens suffisamment intelligents pour savoir qu'on ne réécrit jamais les légendes. Ce que Domenech reconnaît volontiers, en revanche, c'est qu'il a effectivement laissé le groupe s'auto-gérer sur les aspects quotidiens, ce qu'il dit ne plus avoir pu faire par la suite, avec la "génération d'après".
Ils sont très biens tes longs commentaires, tu fais comme chez toi, hein :-)
Je n'ai aucun avis sur Domenech mais j'en ai un sur cet article et il est très positif. Merci, je l'ai dévoré!!
RépondreSupprimerMerci.
Supprimer"La manière dont il finit par accepter d'emmener un Thierry Henry totalement hors de forme au Mondial 2010,"
RépondreSupprimerC'est clair. C'est le moment le plus surréaliste du bouquin. Moins l'attitude de Domenech que celle d'Henry, qui a l'air d'un enfant triste et perdu.
Surréaliste, je ne sais pas. Touchant, en tout cas. On dira après ça que les joueurs viennent en sélection pour le pognon.
SupprimerTu auras réussi à me faire lire une page qui a trait au foot. Pas mal. En plus j'ai bien aimé.
RépondreSupprimerL'intelligence émotionnelle est ce qui fait le plus défaut à la plupart des gens, bien plus que l'intelligence pure (QI ect...) qui est bien moins décisive pour 95% des activités, à mon avis.
J'aurais tendance à dire que c'est plutôt le juste équilibre entre les deux, qui fait souvent défaut. Mais c'est une autre histoire.
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