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Ce sont à la fois des retrouvailles émouvantes et un épilogue un peu douloureux. Un quasi coup de maître autant qu'un aveu d'impuissance. Avec son sixième album, celui à qui l'on promettait il y a encore dix ans une carrière à la Tom Waits ou à la Elliott Smith propose ce que la presse, celle-là même qui l'a porté aux nues avant de l'abandonner à son triste sort (voir par ailleurs), lui réclamait depuis son (splendide) premier album (Here Be Monsters, en 2001). Un disque de mec assis au piano, croonant dans une atmosphère intimiste des ballades au lyrisme écorché et toujours poli. Bref : ce qu'il avait jusque là toujours plus ou moins explicitement refusé de faire, préférant noyer un auditoire de plus en plus mince dans des albums souvent pluriels, parfois à la limite du prog, qui durant toutes ces années ne récoltèrent que l'admiration de quelques uns - et la plus parfaite indifférence de la plupart.
Le résultat est sans le moindre doute l'une des plus belles surprises de ce début d'année : une œuvre simple, parfois franchement poignante ("The Man that Time Forgot", "Back into the Woods"), et dont le moindre titre suffit à rappeler que 90 % des singer-songwriters contemporains ne sont que des rigolos, des poseurs et des romantiques de supermarché du disque. Tout sur ce Back into the Woods suinte l'élégance, l'émotion brute, la pureté. De cette voix toujours improbablement juste même lorsque son auteur en perd le contrôle, à ces arrangements classieux, dans la plus pure tradition de ces albums en apparence dépouillés et robustes dont la production n'en est pas moins digne d'un mille-feuilles de maître pâtissier. Pas un hasard décidément si la référence absolue d'Ed Harcourt est Tom Waits - même si l'on songera ici plus volontiers à un Paul McCartney sans chichi ou un Alex Chilton reconverti en chanteur pour mariages. Ou enterrements, selon la conception que l'on a de ce genre musique, de chaleur et de tristesse, amoureuse et emphatique tout en demeurant toujours, même dans ses expressions de lyrisme les plus épiques, un peu désolée. Façon Burt Bacharach sans sucre ajouté, en quelque sorte. Et si certains resteront probablement éternellement insensibles à ce type de chansons réussissant la prouesse d'être ampoulées jusque dans leurs tentatives d'épure, difficile en revanche de nier qu'Ed Harcourt atteint sur des chansons comme "Wandering Eye" un niveau de perfection esthétique assez bluffant au sein d'un exercice de style dont d'autres beaucoup moins doués avaient presque fini par nous faire croire qu'il était périlleux. Si l'on était cruel - ce n'est heureusement pas le genre de la maison - on conclurait en qualifiant Back into the Woods de meilleur album que Coldplay et Rufus Wainwright ne parviendront jamais à publier, même en fusionnant.
Et pourtant, le tout laisse un goût un peu amer... d'une part parce que venant d'un artiste suffisamment protéiforme pour publier le baroque From Every Sphere, ce Back into the Woods dont le titre a le mérite d'annoncer ironiquement la couleur paraît presque trop facile par instants. Surtout, on n'est pas trop sûr qu'il ne soit pas déjà trop tard pour que Harcourt réussisse un comeback digne de ce nom. Publié il y a dix ans, cet album aurait enquillé les couvertures, les étoiles, et forniqué sans consentement avec tous les charts de fin d'année. Aujourd'hui, malgré sa beauté, on a du mal à lui prédire autre chose qu'un destin de grand disque méconnu. La réponse en 2014, on imagine.
Ce sont à la fois des retrouvailles émouvantes et un épilogue un peu douloureux. Un quasi coup de maître autant qu'un aveu d'impuissance. Avec son sixième album, celui à qui l'on promettait il y a encore dix ans une carrière à la Tom Waits ou à la Elliott Smith propose ce que la presse, celle-là même qui l'a porté aux nues avant de l'abandonner à son triste sort (voir par ailleurs), lui réclamait depuis son (splendide) premier album (Here Be Monsters, en 2001). Un disque de mec assis au piano, croonant dans une atmosphère intimiste des ballades au lyrisme écorché et toujours poli. Bref : ce qu'il avait jusque là toujours plus ou moins explicitement refusé de faire, préférant noyer un auditoire de plus en plus mince dans des albums souvent pluriels, parfois à la limite du prog, qui durant toutes ces années ne récoltèrent que l'admiration de quelques uns - et la plus parfaite indifférence de la plupart.
Le résultat est sans le moindre doute l'une des plus belles surprises de ce début d'année : une œuvre simple, parfois franchement poignante ("The Man that Time Forgot", "Back into the Woods"), et dont le moindre titre suffit à rappeler que 90 % des singer-songwriters contemporains ne sont que des rigolos, des poseurs et des romantiques de supermarché du disque. Tout sur ce Back into the Woods suinte l'élégance, l'émotion brute, la pureté. De cette voix toujours improbablement juste même lorsque son auteur en perd le contrôle, à ces arrangements classieux, dans la plus pure tradition de ces albums en apparence dépouillés et robustes dont la production n'en est pas moins digne d'un mille-feuilles de maître pâtissier. Pas un hasard décidément si la référence absolue d'Ed Harcourt est Tom Waits - même si l'on songera ici plus volontiers à un Paul McCartney sans chichi ou un Alex Chilton reconverti en chanteur pour mariages. Ou enterrements, selon la conception que l'on a de ce genre musique, de chaleur et de tristesse, amoureuse et emphatique tout en demeurant toujours, même dans ses expressions de lyrisme les plus épiques, un peu désolée. Façon Burt Bacharach sans sucre ajouté, en quelque sorte. Et si certains resteront probablement éternellement insensibles à ce type de chansons réussissant la prouesse d'être ampoulées jusque dans leurs tentatives d'épure, difficile en revanche de nier qu'Ed Harcourt atteint sur des chansons comme "Wandering Eye" un niveau de perfection esthétique assez bluffant au sein d'un exercice de style dont d'autres beaucoup moins doués avaient presque fini par nous faire croire qu'il était périlleux. Si l'on était cruel - ce n'est heureusement pas le genre de la maison - on conclurait en qualifiant Back into the Woods de meilleur album que Coldplay et Rufus Wainwright ne parviendront jamais à publier, même en fusionnant.
Et pourtant, le tout laisse un goût un peu amer... d'une part parce que venant d'un artiste suffisamment protéiforme pour publier le baroque From Every Sphere, ce Back into the Woods dont le titre a le mérite d'annoncer ironiquement la couleur paraît presque trop facile par instants. Surtout, on n'est pas trop sûr qu'il ne soit pas déjà trop tard pour que Harcourt réussisse un comeback digne de ce nom. Publié il y a dix ans, cet album aurait enquillé les couvertures, les étoiles, et forniqué sans consentement avec tous les charts de fin d'année. Aujourd'hui, malgré sa beauté, on a du mal à lui prédire autre chose qu'un destin de grand disque méconnu. La réponse en 2014, on imagine.
👍👍 Back into the Woods
Ed Harcourt | Real World, sortie le 25 fév. 2013
En même temps ça reste faiblard une fusion Coldplay/Wainwright :D
RépondreSupprimerEn plus la fusion c'est vachement surfait, y a que dans DBZ que ça marche :-)
SupprimerQuand j'ai vu que Ron Sexsmith et Ed Harcourt sortaient un album en même temps, je me suis demandée lequel de tes songwriters losers et grassouillets allait avoir le droit d'un article. Celui qui a perdu du poids, donc :)
RépondreSupprimerLe Ron est sympa aussi (il sera probablement dans la sélection golbissime du mois). Mais celui-ci est tout de même bien plus enthousiasmant.
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SupprimerTraiter Harcourt et Sexmith de losers est un aveu d'inculture
Pourquoi tout de suite taxer les gens d'inculture ? Nous ne sommes pas dans la cour de l'école. D'autant que mon commentaire se voulait taquin et ironique. Je possède tous les disques de ces artistes, que j'écoute sûrement depuis bien plus longtemps que vous, et je n'ai vraiment pas besoin de billets de trois lignes pour parfaire ma culture.
SupprimerBof, balancer des "que j'écoute sûrement depuis plus longtemps", ça ne fait pas beaucoup moins cour d'école (à mon avis).
SupprimerEt sinon, moi, je trouve que le qualificatif de "losers" n'est de toute façon pas totalement inapproprié. Tous deux sont des artistes qui auraient pu, à un moment M, connaître plus qu'un succès d'estime et qui pour une infinité de raisons n'ont pas su ou pu convertir le buzz de leurs débuts en franc succès. En 2013, ils sont tous les deux relativement confidentiels (Harcourt surtout, le dernier Sexsmith a bizarrement plutôt pas mal marché, j'ai même été assez étonné de la presse qu'il reçue, pour le moins inhabituelle après tant d'année de relatif anonymat... en plus avec un album loin d'être son meilleur) et ne déchaînent pas particulièrement les passions, ce qui contraste vraiment avec leurs débuts quand on est assez vieux pour se souvenir à quel point l'un et l'autre étaient les next big things quand ils publiaient leurs premiers disques. Des types qui au départ étaient présentés respectivement comme les nouveaux Macca et Tom Waits, et qui sont devenus depuis lors des archétypes de singer-songwriters dont le nouvel album aura toujours son petit entrefilet dans la presse spécialisée, mais ne sera jamais élu album du mois et n'aura jamais le privilège d'une couverture, fût-il l'album de l'année. Donc oui, de ce point de vue-là, ils ont un petit côté loser. Ce qui n'enlève strictement rien à la qualité de leurs musiques respectives. Et ne relève pas spécialement de l'inculture.
Pas de méchanceté dans mes propos, je préfère des losers mirifiques plutôt que des Coldplay stériles par exemple. Et puis ce qui compte c'est le chemin que l'on fait avec eux et la place qu'on leur donne sur notre étagère. Mon avis sur l'avant dernier album de Ron Sexmith est là : http://0z.fr/kMDoO
SupprimerCe qui est marrant, c'est que Sexsmith n'est parfois pas si éloigné de Coldplay et avait d'ailleurs fait un duo avec Chris Martin il y a quelques années :-)
SupprimerMerci pour le lien.
Une vraie petite douceur, ce morceau en écoute :)
RépondreSupprimerAlex Chilton en mode wedding singer, vous dis-je !
SupprimerJe t'en ficherai de l'aveu d'impuissance ;)
RépondreSupprimerC'est juste son meilleur album depuis 10 ans! Parce que les autres étaient peut-être plus ambitieux mais ils étaient surtout vachement moins bien...
Ils sont tous bons voire très bons voire très très bons ses albums. Je t'assure.
SupprimerJe n'ai pas dit que ses autres albums étaient mauvais mais "vachement moins bien".
SupprimerHere be monsters était un album très élégant et bien fait et je ne retrouvais pas ça sur les autres jusqu'ici, il y avait toujours trop de fioritures et des arrangements d'un goût on va dire "douteux".
Moui. On peut aussi considérer que Here Be Monsters - que j'adore - était un album relativement éparse et que les suivants sont plus cohérents. Non ?
SupprimerPlus cohérent dans les trucs pas intéressants, ok ;)
Supprimerhttp://www.longplayerlateblogger.com/m/article-115444338.html
RépondreSupprimerPour Lil http://www.longplayerlateblogger.com/m/article-114743040.html
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