Akron/Family - Space Ritual, on vous dit.

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Ferme les yeux et ouvre la bouche. Tu ne sais pas ce que je vais mettre dedans, mais ne t'inquiète pas ça ne fait pas mal - tu risques même d'aimer ça.

Il fallait au moins s'appeler Akron/Family pour faire d'une connerie de gosses une démarche artistique. Avec le trio de Portland, on sait qu'on va fermer les yeux mais on n'est jamais sûr des goûts bizarres qu'ils vont nous faire découvrir, parfois délicieux, de temps à autre un brin amer... jamais complètement déplaisants, en revanche. Depuis le chef-d’œuvre Set 'em Wild, Set 'em Free, un podium du CDG et des heures de bonheur d'auditeur à la clé, la fausse famille n'en finit plus de jouer le contrepied, d'alterner folk-rock splendide et embardées noise, creusant un sillon d'autant plus étroit que la métamorphose en Grateful Dead de l'ère digitale la guette un peu plus à chaque album. A la première écoute de Sub Verses, on est avant tout saisi par un son à décorner les bœufs, tellement dense et puissant qu'il a tendance à bouffer les compos.

Il faut dire que celles-ci ne sont pas commodes, moins encore que pas le passé. Il y a quatre ans, le groupe avait gagné ses galons d'orchestre majeur avec un morceau mille-feuille, "Everyone Is Guilty", tout de cassures et de dérapages faussement incontrôlés. Sur ce nouvel album et dans la droite ligne de l'intermédiaire (et plus que plaisant) The Cosmic Birth & Journey of Shinju TNT, le groupe a décidé de ne faire que cela, du début à la fin. Se fermant par définition une bonne partie de son public plutôt amatrice de ses lentes méditations néo-bab, mais conquérant le cœur de l'autre moitié - celle ne vibrant que pour son psychédélisme exacerbé et sa capacité à délaisser les mélodies pour verser dans l'obsession tribale. Plus trop dans le rock et plutôt dans la montagne russe intergalactique, Sub Verses est un bel album de camé : aucun temps mort (ne seraient-ce quelques vagues ballades en état d’apesanteur, telle l'hypnotique "Sometimes I" ou la faussement rétro "When I Was Young"), autant de montées en puissance que de descentes d'accords à quatre cents à l'heure, plus d'explosions bruitistes que de mélopées contemplatives, et au final le sentiment d'un groupe bloqué en plein orgasme créatif - donc plutôt égoïste si ce n'est onaniste. Une nouveauté et une bizarrerie de la part de gens ayant pris grand soin par le passé d'explorer - notamment sur scène - la musique folk dans ce qu'elle a de plus transversal, mais qui a le mérite de témoigner d'une démarche sans cesse remise en question. Akron/Family, on le savait déjà mais on ne s'en félicite qu'un peu plus à chaque album, ne sera jamais un groupe à formules, et tant pis si cela lui coûte quelques fans au passage. Love Is Simple, vieux de seulement six ans, semble avoir été enregistré il y a un siècle tant que le trio a depuis muté, quitte à laisser quelques traces un peu crados derrière lui (le slime, sans doute). Autant être réfractaire aux quasi classiques de 2007 et 2009 semblait aberrant, autant on ne pourra pas tellement en vouloir à ceux qui resteront sur le bord de la route après deux/trois écoutes de ce nouvel album épileptique ne jurant que par les cassures rythmiques, les stridences voire même une certaine forme de bourrinage (très) jouissif (quel titre, ce "Sand Time" !). On le réalise subitement à l'écoute de "The Whole World Is Watching" : parmi les milliers de genres invraisemblables à n'avoir pas encore été inventés se trouvait, nom d'une pipe andalouse, la noisy-country. Voilà qui est fait et bien fait. Alors oui, sans alcool, sans drogue, écouter cet album peut occasionner quelques migraines. Ce n'est pas sur Le Golb que vous apprendrez que les gens parfaitement sains n'ont pas grand-chose d'intéressant à nous dire. Akron/Family, dans le fond, c'est l'histoire de comment un groupe qui faisait consensus il y a cinq ans a fini par se changer en pomme(calva) de la discorde entre ce site et ses voisins. Sub Verses et les quatorze kilomètres de moquette fumés pour son enregistrement ne risquent pas de changer les choses. N'empêche que putain : ce disque est encore meilleur que les drogues qu'on a consommé en l'écoutant.

👍👍 Sub Verses 

Akron/Family | Dead Oceans, 2013