samedi 4 mai 2013

Pourquoi The Good Wife est la meilleure série en activité

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Parce que son casting. Tout le monde vous le dira, souvent avant même de vous avoir dit de quoi ça parle, et une fois n'est pas coutume tout le monde aura raison de vous le dire : The Good Wife, c'est le meilleur casting de la télévision américaine, ça fait quatre ans que ça dure et ça n'a pas l'air près de s'arrêter. Vieux briscards rescapés de la crème des nineties (Julianna Margulies, Chris Noth, Josh Charles), seconds couteaux increvables (ah ! Christine Baranski ! Oh ! Alan Cumming ! Hiiiiii ! Mary Beth Peil !), super trouvailles (Matt Czuchry, Archi Panjabi, les gamins)... et là, on ne parle que des rôles principaux. Car The Good Wife, c'est un réservoir de personnages impressionnant dans lequel tout le monde, de Michael J. Fox à Amanda Peet en passant par les trente que j'oublie, se bouscule pour gratter un rôle. Même les mauvais acteurs (Mike Colter ou - oui : T.R. Knight) se sentent pousser des ailes au contact de cette équipe qui, si l'Emmy award du meilleur ensemble cast existait, le remporterait sans se forcer chaque année.


Parce que ses personnages sont tous trop classes. Alicia Florrick est belle. Will Gardner est charismatique. Diane Lockhart est un rock. Kalinda Sharma est sexy à s'en faire exploser le cerveau. Cary Agos est délicieusement vicieux. David Lee est un hilarant connard. On pourrait continuer durant des heures ; bien malin celui qui arrivera à n'avoir qu'un seul personnage préféré dans une série qui en crée un nouveau et excellent tous les six ou sept épisodes en moyenne. Si la qualité d'une série se mesure au charisme et à l'aura de ses personnages, The Good Wife est assurément une très, très grande série.

Parce que ses dialogues. Si vous aimez les séries où des personnages très intelligents parlent très vite en réfléchissant encore plus vite, The Good Wife est pour vous. Osons le dire : depuis que Sorkin a trahi et s'est réfugié sur le câble, cela faisait un bail qu'on n'avait pas vu série de Network aux réparties aussi cinglantes, vives, incisives. Dans la plupart des séries, les personnages parlent. Dans The Good Wife, ils produisent cette petite musique entêtante dont on arrive jamais complètement à se débarrasser.


Parce qu'elle est d'une impeccable régularité. C'est un fait : même les mauvais épisodes de The Good Wife sont bons, et même les sous-intrigues ratées sont largement supportables. Sur l'exercice 2012-13, il n'y a quasiment rien à jeter. Mieux : la série semble réussir à se bonifier avec le temps. Les dossiers traités sont de plus en plus complexes, les rapports de force entre personnages de plus en plus captivants... les bougons argueront sans doute que l'intrigue entre Kalinda et son mari, en début de saison, n'était pas très palpitante, et un peu tirée par les cheveux. Elle a surtout un peu trop traîné en longueur, sans jamais répondre à la seule question qui, dans le fond, méritait qu'on s'y attarde : comment la belle Kalinda a-t-elle pu épouser un type aussi moche et peu sexy ?

Parce que c'est la meilleure série politique des dernières années. Oubliez House of Cards : il ne suffit pas de crier bouh ! je suis une série politique pour avoir quelque chose d'original à dire sur le sujet. Non que House of Cards soit la pire série du monde mais, tout comme Boss, elle chipe chez les grands auteurs classiques pour représenter la politique comme ce bon vieux drame shakespearien qu'on aime particulièrement voir joué chez nous, dans ce pays éternellement réfractaire au libéralisme et où la politique relève plus de la mythologie que de l'action publique. L'approche de The Good Wife, sous le masque du legal drama à l'ancienne, est bien plus subtile et généralement plus culottée. Car il ne faut pas croire tout ce qu'on vous dit : voilà bien longtemps (la fin de la saison un, environ) que The Good Wife n'est plus à proprement parler une série judiciaire. Son vrai sujet, son seul sujet peut-être, est le conflit d'intérêt. La confusion entre privé et public, la collusion entre intérêt général et particulier. Des thèmes qu'au fil des saisons elle a exploré en long en large et en travers, le plus souvent avec une nuance extrême et un véritable courage artistique. Soyons honnête, il y a tout de même plus de panache à prendre à bras-le-corps les thématiques politiques, sociales et économiques les plus complexes sur CBS (la chaîne des vieux) plutôt que sur le premier HBO venu.


Parce qu'elle est à l'aise dans tous les registres. Comme elle semble loin, l'époque où Alicia s'occupait de pro bono et défendait des innocents la main sur le cœur. Depuis une première saison que l'on qualifiera pudiquement d'hésitante, The Good Wife a sacrément musclé son jeu. Oubliée la série judiciaire à papa : le show de CBS est devenue au fil du temps une œuvre mutante, capable de basculer du polar à la pédagogie économico-judiciaire en l'espace de quatre scènes, puis de se métamorphoser en romance à la Capra le temps d'un épisode. Mieux : depuis environ un an, voilà que ses scénaristes s'essaient avec brio à l'art de la comédie, dernière corde qui manquait encore à leur arc. Désormais, on n'est jamais trop sûr de ce que l'on va voir lorsqu'on lance épisode, mais on sait qu'il y a de grande chances que l'on en ressorte soit charmé, soit hilare, soit troublé - soit tout ça à la fois.

Parce que la concurrence. Ce n'est pas vraiment un scoop : les séries mainstream font sacrément la gueule depuis quelques années. Si vous cherchez une série populaire parfaitement maîtrisée qui en plus s'adresse à l'intelligence du spectateur plutôt que de le racoler à tire-larigot, inutile de vous fatiguer plus longtemps : il n'y en a qu'une, et c'est The Good Wife. Comme plus haut à propos des dialogues, l'influence des productions d'Aaron Sorkin se fait particulièrement sentir sur ce point : peu de séries vous donnent le sentiment d'être plus intelligent, humain et fort une fois l'épisode terminé. En fait, à part celle-ci, aucune série mainstream contemporaine ne vous donnera le sentiment d'être intelligent, du moins volontairement (il va sans dire qu'on se sent régulièrement plus intelligent que les scénaristes de n'importe quelle série d'ABC). Pour autant, The Good Wife ne vous fera jamais mal au crâne. Elle n'oublie jamais sa condition de série grand public et le cahier des charges qui va avec. Elle se contente de repousser les limites de l'exercice le plus souvent possible, comme dans cet épisode hilarant où elle s'amuse à mettre en abyme l'auto-censure des grands Networks américains à travers un procès sur... l'auto-censure des grands Networks américains. Quand on y pense, voilà où nous en sommes réduit en 2013 : HBO ne sait plus quel cul montrer pour faire le buzz, et c'est sur CBS, la chaîne des Experts et de quarante séries ringardes du genre, que se trouve la seule série à ne jamais s'abaisser à la vulgarité et à privilégier l'esprit et les mots - même ses intrigues amoureuses sont une merveille de pudeur et de délicatesse.


Parce qu'Alicia Florrick. Je n'ai jamais été fan d'Urgences, ni d'ailleurs de Julianna Margulies, mais une chose est sûre : peu de personnages m'auront autant séduit que celui qu'incarne la comédienne dans The Good Wife. Une séduction lente, progressive, qui commence même avec un chouïa d'irritation. En plus de tout le reste, The Good Wife est aussi l'histoire d'une huître s'ouvrant petit à petit, d'une femme introvertie et prisonnière de son image qui apprend au fil du temps à fendre la cuirasse. Plein d'histoires, me direz-vous, racontent la même chose. Certes, mais rarement ce genre de personnage aura été aussi bien écrit et exploité. Alicia Florrick a ce sourire un peu figé des gens à qui l'on a trop imposé la politesse et cette voix tellement posée qu'on sait bien qu'elle masque une personne dévorée par le doute. Il faudra deux saisons pour la voir pleurer, trois pour la voir rire, et si cet aspect fait partie de ce qui irrite dans les premiers épisodes, la complexité et la relative inhibition de son héroïne sont devenues au fil du temps l'un des atouts d'une série qui, décidément, n'est pas du genre à verser dans l'écriture tapageuse et le cliff insoutenable. Ni mère courage ni victime, ni féministe ni conservatrice, Alicia Florrick est un personnage féminin singulier, toujours sur le fil, toujours à jouer dans les interstices. Un forme d'idéal féminin, sans doute, qui échapperait à toutes les catégorisations parce qu'elle saurait toutes les incarner selon la nécessité du moment. Mais un sacré personnage de fiction au final, qui parvient toujours à surprendre après quatre saisons (voir la chute du dernier épisode), et dont la trajectoire singulière et le rire irrésistible ont fini par devenir les éléments indispensables à tout lundi soir qui se respecte.


👑 The Good Wife (saison 4)
créée par Robert & Michelle King
CBS, 2012-13

25 commentaires:

  1. Parce que son casting. Parce que ses personnages sont tous trop classes. Parce que ses dialogues.
    Parce que ses juges !!!

    Et pardon, mais Marc Warren n'est pas toujours moche et peu sexy. Il a été ici particulièrement mal exploité. Peut-être la seule chose que je trouve à reprocher à cette série à ce jour.

    J'ai plein de rattrapage à faire, là, une demi-saison. Pourquoi j'ai arrêté ?

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    1. Il ne vieillit pas très bien, quand même, Marc...

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    2. Oui bah on ne peut pas gagner toutes les batailles non plus...

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    3. J'en sais quelque chose, crois-moi ^^

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  2. juste un petit commentaire technique en passant :

    rhaaaaaaaa

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    1. Tu parlais de l'article ou bien du commentaire d'ARBOBO ? ^^

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    2. De l'article, je n'avais pas vu le commentaire.

      Mais ça aurait pu ;)

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  4. Bonne synthèse.
    L'évolution de cette série dans la qualité est étonnante, surtout quand on se rappelle les premiers épisodes, un peu convenus. C'est tout à l'honneur de ses scénaristes de lui avoir donné une telle profondeur, avec le temps. Plutôt que d'en faire un procédural comme il y en a tant, ce qu'ils auraient pu choisir, le succès ayant été présent dès le départ.

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    1. Et en même temps la série ne s'est pas trahie. Elle s'est juste énormément affinée.

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  5. Et dire que c'est déjà fini pour cette année...

    Ce n'est pas forcément le genre de série qui m'attire normalement, mais celle-ci est vraiment brillante, comme le souligne très bien l'article. C'est vraiment très difficile de ne pas l'aimer, d'ailleurs je ne connais personne dans dans ce cas ^_^

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    1. J'en connais, figure-toi. Mais souvent des gens qui ont lâché durant la première saison, en fait.

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  6. Parce que Julianna Margulies, principalement. Mais au final c'est simple : la série excelle dans tellement de domaines qu'il est impossible de ne pas en être satisfait.

    Pas une seule erreur au cours de ses quatre premières saisons, si ce n'est l'intrigue Kalinda/Nick...

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    1. Je serai tout de même un peu moins dithyrambique concernant les saisons d'avant, notamment la première.

      Personnellement, l'intrigue Kalinda/Nick ne m'a pas tant dérangé que d'autres. Ce n'étaient jamais qu'une ou deux scène par semaine, tout le reste des épisodes de la première saison étant par ailleurs d'un très très haut niveau.

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    2. Justement. C'est parce que la série s'améliore chaque saison que je dis qu'elle n'a fait aucune erreur. La première saison est bonne, la suite l'est encore plus, preuve qu'aucune erreur majeure n'a été commise, et c'est en ça que The Good Wife surprend. Elle excelle dans tous les domaines, et s'est améliorée partout, chose extrêmement rare à la télévision américaine (et pas que).

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    3. Au temps pour moi, je comprends mieux ce que tu voulais dire. Effectivement la série est en progression constante, ce qui est une rareté. A voir si ça continuera en ce sens car elle ne compte après tout "que" quatre saisons...

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  7. Très joli résumé du personnage d'Alicia, en guise de conclusion.

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  8. Bon bon, je vais essayer de me trouver la saison 1 alors :-)

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    1. Ce serait un bon début :-)

      En plus je crois qu'en France, les deux premières saisons sont vendues pour le prix d'une ;-)

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  9. oui commencer par le début c'est un concept auquel je résiste souvent mais là je vais faire un effort :-)

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  10. Je crois bien que le season finale était tout simplement le meilleur épisode de la série ! L'entrecroisement de toutes les intrigues était magistral, je n'ai jamais autant ri, les guest stars (Martha Plimpton, Denis O'Hare, la juge "in my opinion") étaient géniales, l'intrigue judiciaire particulièrement intelligente et bien menée, et en plus une vraie prise de risque à la fin ! Donc : hip hip hip hourra pour TGW.

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    1. Oui, l'épisode était vraiment excellent. La série a encore gagné en qualité (si tant est qu'elle en ait eu besoin) cette saison au niveau des dossiers traités, qui sont de plus en plus originaux et décalés.

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