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C'est la saison des amours, des jupes courtes, de la plage et bien évidemment : des concerts. Du moins en théorie. Pas de quoi en effet se taper le bidon sur la table à la vue des affiches parisiennes de l'été, d'un intérêt plus que limité, quand on avait pris depuis quelques années maintenant l'habitude de se faire des orgies de trucs plus ou moins cools et plus ou moins gratuits durant les grosses chaleurs. Même l'incontournable Plage du Glazart paraît pour le moins barbante en 2013, mais il faut reconnaître que la salle en elle-même a le mérite de proposer en contre-partie l'une-des-sinon-la-seule prog' intéressante de tout l'été (Jello Biafra, Mondo Generator et Orange Goblin s'y succéderont en l'espace de quelques jours en août, autant dire que pour les amateurs de décibels l'expression « Noël en été » ne sera – pour une fois – pas déplacée) (et autant dire qu'on essaiera de vous en recauser). A la décharge d'une concurrence en état de coma estival avancé, il faut reconnaître que « bonne prog' » est rarement synonyme d'« affluence », a fortiori passé la date - fatidique dans la capitale - du 14 juillet. Ça ne se bouscule pas au portillon ce soir, pour ne pas dire qu'il y a dans la salle à peine de quoi organiser une partie de balle au prisonnier. Dommage évidemment, d'autant que le dispositif de cette Stoned Gathering (un concert en terrasse, un autre au milieu de la fosse et deux derniers sur scène) est plutôt cool et indiscutablement convivial.
Ironiquement, c'est peut-être bien Sheriff Perkins, le seul qu'on attendait pas trop puisqu'on n'en avait jamais entendu parler, qui a le mieux profité du susmentionné dispositif. La terrasse, relativement remplie (faut dire qu'elle est petite, on ne pourrait même pas y jouer à la balle au prisonnier), semble toute indiquée pour accueillir son hillbilly-garage-punk surexcité. On dégouline rien que de mettre un pied dans ce saloon improvisé, et l'homme de loi n'y est pas tout à fait étranger. Peu importe dès lors que le répertoire ne soit pas suffocant d'originalité : ça tient la route, c'est l'apéro, c'est cool. Mais on ne secouera pas trop la tête quand même, de peur d'arroser notre voisine de notre sueur.
Narco Terror, c'est une autre paire de manche - on s'y sera attendu, connaissant un peu les deux excités via leurs exactions au sein de Narrow Terence. Les différences avec cet autre projet ne sautent d'ailleurs pas instantanément aux oreilles, mais il est vrai qu'on n'a jamais non plus eu l'occasion de voir ce que donnait Terence sur scène. Pour Narco Terror, en revanche, on valide sans la moindre hésitation. L'option "live dans la fosse" et la faible affluence ont beau donner l'impression d'assister à un concert de fin d'année au foyer du lycée, les deux frangins sont montés sur piles et n'auront aucun mal à convaincre les curieux. Au programme : de l'explosion, des accélérations, des enchaînements à toute berzingue et de la grosse voix rauque-qui-veut-faire. Soit donc un bon gros hard blues des familles basculant toutes les minutes trente dans le metal le plus chaotique, du genre bien jouissif même si un tantinet fatigant sur la longueur (mais c'est vrai aussi que la chaleur appelle la bière qui appelle la clope). Marrant tout de même que de telles bêtes de scène (enfin : de fosse) s'ébrouent dans un relatif anonymat. Toujours est-il qu'après un tel set, on a surtout envie de souhaiter « bon courage » à Don Cavalli. Pas facile de succéder à une telle débauche d'énergie ; Narco Terror a beau être un groupe de faux grands malades, la performance suffisait largement à justifier le prix (modique) des places.
On peut supposer cependant qu'être l'auteur d'un des meilleurs albums de l'année, acclamé à peu près partout (chose devenue rare de nos jours), confère tout de même un minimum de confiance. Sans surprise, Don Cavalli et ses deux sbires en affichent, peut-être même un poil trop, quitte à expédier de manière assez terne les premiers morceaux du show. Bien en place mais sans grande folie, le trio est sympathique sans jamais toutefois parvenir à enthousiasmer autant que sur disque. La voix est là, impressionnante, majestueuse... on ne peut pas enlever ça à l'interprète de 'Garden of Love' (entre autres pépites de l'excellent Temperamental), qu'on aurait presque envie par instants d'entendre a capella. Mais il manque un petit truc qu'on n'arrive pas bien à identifier. Le charisme, peut-être ? Peut-être. L'espace d'une seconde, on se dit que Don Cavalli, c'est un peu l'inverse de Narco Terror quelques minutes avant : des chansons pour la plupart exceptionnelles, mais une présence un peu limitée, quand les deux hurluberlus suschroniqués ont pour leur part plus de présence à offrir que de vrais grands morceaux. Ironique de noter comme les rapports s'inversent selon le format, car s'il faudra probablement des années à Narco Terror/Narrow Terence pour enregistrer un titre effleurant le niveau de la plus mauvaise chanson de Temperamental, on réalise de manière un peu duraille que Don Cavalli, hors studio et sans la super prod de ses disques, ce n'est jamais qu'un type beaucoup trop vieux et appliqué pour jamais ressembler à une rockstar. "Ironique", disions-nous... et un peu con aussi, d'une part parce que les artistes ne sont pas tellement comparables dans l'absolu, et ensuite parce qu'il ne faudrait pas que lecteur aille non plus s'imaginer que le set de Cavalli ne fut pas goûtu. Idéal pour la saison et gorgé de soul comme il faut, son blues sophistiqué demeure délectable, avec ou sans jeu de scène, avec ou sans apparat. Parce qu'une bonne chanson reste une bonne chanson quoiqu'il arrive, et que le répertoire du bonhomme ne compte à peu près que cela.
P.S. il y avait aussi Five Horse Johnson après mais comment dire ?...