samedi 23 novembre 2013

BBmix 2013 - DAY 2

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Vendredi ou la soirée de la mort. Celle où rien ne te dit franchement, et où il faut puiser au fin fond de ton subconscient ce que d’aucuns appellent conscience professionnelle mais que toi, tu préfères simplement nommer curiosité.

Et pourtant avant même que n’entre en scène (franchement en retard) le dénommé Pierre Bastien, dont tu ne sais à peu près rien (le nom, quelques collaborations passées de-ci de-là… bref : rien), il te suffit de contempler l’indescriptible dispositif scénique pour sentir le doute cogner dans tes tempes. Tout cela sent la musique expérimentalo-ambient chiantasse à plein nez, et ce ne sont pas les premières minutes du set (que tu imagines se nommer en vrai « performance ») qui vont venir te contredire.

Comme quoi ne faut-il jurer de rien, car alors que la prestation s’écoule doucement, on se laisse petit à petit embarquer par une musique à mille lieues des clichés expérimentaux habituels. Il est vrai qu’à en juger par l’enthousiasme de l’assistance, Pierre Bastien paraît plus que respecté dans sa partie ; il n’empêche qu’il n’aurait pas été le premier fan de John Cage à plonger dans la torpeur une fois sur scène, ce qui n’est absolument jamais le cas. S’il va sans dire qu’on préfèrera y revenir plus au calme, chez soi, et si l’on ne peut certes pas dire que les projos constituent ce qu’on a vu de plus captivant dans le genre (on n’est en fait jamais parfaitement sûr ce qu’on regarde), difficile de ne pas être séduit par ce set aux innombrables variations, mouvements et mutations subites (mention spéciale à l’excellent passage de jazz aquatique). Preuve s’il en était vraiment besoin que les petits descriptifs de programmes ne servent à rien, on était loin de s’attendre à quelque chose de si riche et, finalement, de si organique.


On ne pourra malheureusement pas en dire autant du projet Synoork, qui ressemble à peu près à tout ce que l’intitulé « orchestre d’ordinateurs » pouvait laisser craindre ; on s’éclipsera poliment après seulement quelques minutes, conscients de ne clairement pas faire partie du public auquel s’adresse l’expérience. Pas question de souffler pour autant : l’une des grandes qualités du BBmix, qui peut aussi paraître un défaut selon l’humeur et le caractère de chacun, est la grande brièveté des moments de latence entre les concerts. A peine s’est-on dit qu’on boirait bien une petite bière qu’Orchestra of Spheres entre en scène dans ses tenues bricolées-bariolées, pour une bonne heure de show survitaminé et tribal en diable. Impossible de ne pas penser à Akron/Family par instants, en sans doute moins varié et en indiscutablement moins barbu. Qu’importe : confortablement calé au premier rang, on en prend autant dans les mirettes que dans les oreilles, aisément embarqué par les longues plages psychés et les cassures stylistiques donnant parfois l’impression, une fois les yeux fermés, d’écouter un Sun Ra qui se mettrait à jouer du disco-funk.


Et si l’on utilise l’expression « confortablement calé », n’allez pas croire que l’envie nous manque de nous lever : c’est surtout qu’on n’ose pas trop, le public ne donnant pas franchement l’impression d’être prêt à sortir des clous ce soir. C’est malheureusement le lot des groupes à peu près inconnus lorsqu’ils se produisent dans des salles assises ; pas sûr qu’il faille en déduire quoi que ce soit d’autant que la foule réclamera un rappel qui faillit lui passer sous le nez suite à un cafouillage non-identifié1. La team Interlignage aura elle, en tout cas, fait une jolie découverte, tellement qu’elle préfèrera ne pas trop tarder malgré la présence d’un Felix Kubin visiblement attendu, guetté et espéré par une majeure partie de l’assemblée. Reconnaissons que nous sommes plus sensibles aux rythmiques africanisantes et aux couleurs chatoyantes d’Orchestra of Spheres qu’à l’électronique poisseuse et minimalisme de l’Allemand, avant d’avouer aussi sec que ce que nous en avons entendu était plutôt plaisant (quoique décidément trop robotique pour nos pauvres âmes esclaves de la chair).
La suite au prochain épisode, avec Magik Markers et Môssieur Lee Ranaldo, rien moins.

Crédit photo : Cri Photographie
 


1. Les lumières se sont rallumées semble-t-il trop tôt, le groupe lui-même s’attendant visiblement à revenir en scène.