...
Le moins peut le plus. Enfin ça, c'est ce que disent les autres. Ceux qui y arrivent les doigts dans le nez - ou qui n'ont pas réellement été confrontés au même problème que We Insist! : être un groupe de rock ultra-sophistiqué qui perd quasiment 50 % de son effectif en une poignée d'années, et se retrouve avec sur les bras un répertoire absolument exceptionnel... mais à peu près injouable en bon vieux power trio. Du moins est-ce ce qu'on est en droit de supposer après avoir lu les commentaires disséminés ici ou là. Ou tout simplement après une ou deux écoutes attentives du fabuleux The Babel Inside Was Terrible, il y a déjà presque cinq ans. De cela, certains groupes ne se relèvent jamais complètement, incapables de se remettre en question ou tout simplement de replacer le curseur dans la bonne direction. On avait confiance en We Insist!, bien sûr. Parce que c'est eux, et aussi pour avoir été littéralement fasciné par leur travail sur le Berlin, sinfonie einer großstadt de Walther Ruttmann, premier coup de maître à trois dont on n'aura de cesse de déplorer qu'il n'ait pu être gravé sur disque. Reste que passer le cap de l'écriture et de l'enregistrement d'un album était une toute autre tâche, dont on n'avouera n'avoir pas forcément été très pressé de voir comment Étienne, Julien et Eric allaient s'en acquitter.
C'est ainsi presque vierge du nouvel album éponyme - pourtant en écoute depuis quelques semaines ici ou là - qu'on débarque au Point Éphémère (que décidément nous ne quittons plus depuis quelques temps). De bonne heure et de bonne humeur, ajoutera-t-on histoire de continuer dans les adages pourris, puisque c'est I Love UFO qui régale en ouverture. Un groupe bien connu de nos services mais qu'on n'avait pas eu l'occasion de revoir sur scène depuis un bail, et qui n'a décidément rien perdu de sa superbe - même si on a le sentiment sur le coup que le toujours aussi revêche Butch McKoy a pris un sacré coup de vieux (mais peut-être est-ce la grosse barbe, hein). Du bruit, de la fureur, un troisième adage pas trop pourri puisque c'est quand même Faulkner, et on ressort les oreilles cassées, la tête à l'envers - et quelques regrets aussi en travers de la bouche. Oui, ces gens sont des bêtes de scène. Oui encore, c'est un régal d'assister - une fois n'est pas près de devenir coutume - à une première partie se hissant au même niveau d'excellence que la tête d'affiche (en live, tout au moins). Mais il est impossible de ne pas déplorer que le trio soit aussi peu prolifique et ne nous gratifie que d'un album tout les quatre ou cinq ans, au point de donner l'impression par instants d'être encore en train de bosser sur les chansons de Wish (2006 tout de même). Peu importe la raison (perfectionnisme ? paresse ? problèmes logistiques ?), difficile de ne pas être un peu frustré, quand bien même ce côté "chantier permanent" convient somme toute plutôt pas mal au bordel sensoriel organisé constituant chaque sortie des amateurs d'OVNI (engins bruyants s'il en est).
Grand classique des realease parties, le set de We Insist! s'ouvre de la même manière que le nouvel album, sur la vibrillonnante "While the West Is Falling". Pas le plus mauvais titre de ce cru 2014. Pas le plus dépaysant non plus. Un morceau assez typique du groupe, en fait : rapide, vif, chirurgical. Quatre minutes (sur disque) idéales pour mettre les retardataires, néophytes ou vierges-du-dernier-opus dans le ton. La suite ? Une démonstration de maîtrise autant que d'intelligence, particulièrement lorsqu'il s'agit pour le groupe de s'attaquer à - littéralement - l'adaptation de son propre répertoire (les morceaux d'Oh! Things Are so Corruptible passent franchement très bien à la moulinette trio), pour ensevelir le tout sous de nouvelles compos incisives et parfois franchement surprenantes (l'acoustique élégante de "Frist Draft" - qui rappelle certains des meilleurs moments de Berlin... ; les embardées nettement pop de "My Friend's Lonely Mate" ou "Elijah's Spell"...). Ce n'est pas la première fois qu'on se fait la réflexion à propos de We Insist!, mais cela paraît plus évident que jamais à présent qu'on les (re)découvre sous cette forme : ce groupe a fait des tonnes de trucs différents, absorbé des dizaines d'influences parfois totalement antagonistes, pourtant à la fin, il ne sonne jamais que comme lui-même et affiche un parcours d'une cohérence étonnante pour une entité ayant connu tant de tumultes et de changements de line-up. C'est évidemment un peu moins vrai lorsque l'on écoute les disques à la file (la ligne directrice invisible reliant ...Corruptible à ses deux successeurs est moins manifeste sur les premiers albums), mais dans le cadre d'une set-list ramassée, tout semble merveilleusement tenir debout - les rares ruptures de ton ou de son n'étant jamais que volontaires. Il est d'ailleurs assez étonnant - signifiant - de noter que contre toute attente, le nouvel opus, comme avant cela l'occupation de la scène, ne pâtit finalement pas tant que cela de la réduction drastique d'effectif depuis The Babel Inside... On s'aventurera même à observer que ces nouvelles compos ont gagné sinon en épure, du moins en immédiateté et en pan-dans-ta-gueule. Voir des choses comme "Folding Iron" ou la massive "Black Post White Ghost", déflagration délectable dont on ne saurait jurer de mémoire qu'elle a été jouée au Point Éphémère, mais dont on a en tout cas usé et abusé depuis lors pour se réveiller.
Tandis que l'article se projette dans le futur en évoquant un album qu'on n'a écouté qu'après le concert de jeudi dernier, celui-ci continue d'avancer tranquillement - façon de parler tant, passé un premier quart d'heure apéritif, chaque chanson sera un nouveau rush d'intensité. Quasi incontournable des concerts du groupe, "Beaten Black & Blue" a rarement parue si habitée, et fait regretter (comme à chaque fois, mais un peu plus encore) qu’Étienne Gaillochet ne délaisse pas un poil plus souvent sa batterie pour exercer ses talents de performer. Ailleurs, on se laisse souffler par certaines parties de basse (ça ne se fait pas d'écrire ce genre de chose, mais Julien Allanic sort vraiment gagnant de la disparition de la seconde guitare - c'est bien simple : par moment, on n'a d'oreilles que pour lui). S'il fallait absolument se montrer pointilleux, on ronchonnerait sans doute après le son sur les premiers titres (où la voix était assez difficilement discernable) ou sur quelques passages un peu en-deçà, mais on sera d'humeur d'autant moins chipotatoire que depuis lors, l'album est englué à la platine et révèle à chaque écoute de nouvelles surprises (ça ne se fait pas non plus d'écrire ce genre de chose - en tout cas pas si on veut conserver sa street-punk-rock cred' - mais il faut ABSOLUMENT l'écouter une fois au casque pour en prendre toute la mesure. Allez, s'il vous plaît. Au moins la seconde moitié, moins catchy mais particulièrement captivante).
Oh et sinon, oui, c'est bien un effet de manche à deux balles que de ne pas avoir précisé une seule fois qu'il s'agissait d'un album sans titre. Parce qu'au bout d'une demi-écoute, on a déjà compris à quel point ce choix était une évidence tant il est une quintessence de ce que We Insist! est susceptible de produire de meilleur, à la fois titulaire d'un son propre et immédiatement identifiable, et dans le même temps capable de prendre l'auditeur le plus blasé au dépourvu à n'importe quel moment de n'importe quel morceau. Même que pour une fois, on a envie de violer la langue française en disant qu'il est éponyme.
Nouvel album :
👍👍👍 We Insist!
We Insist! | Vicious Circle, 2014
Le moins peut le plus. Enfin ça, c'est ce que disent les autres. Ceux qui y arrivent les doigts dans le nez - ou qui n'ont pas réellement été confrontés au même problème que We Insist! : être un groupe de rock ultra-sophistiqué qui perd quasiment 50 % de son effectif en une poignée d'années, et se retrouve avec sur les bras un répertoire absolument exceptionnel... mais à peu près injouable en bon vieux power trio. Du moins est-ce ce qu'on est en droit de supposer après avoir lu les commentaires disséminés ici ou là. Ou tout simplement après une ou deux écoutes attentives du fabuleux The Babel Inside Was Terrible, il y a déjà presque cinq ans. De cela, certains groupes ne se relèvent jamais complètement, incapables de se remettre en question ou tout simplement de replacer le curseur dans la bonne direction. On avait confiance en We Insist!, bien sûr. Parce que c'est eux, et aussi pour avoir été littéralement fasciné par leur travail sur le Berlin, sinfonie einer großstadt de Walther Ruttmann, premier coup de maître à trois dont on n'aura de cesse de déplorer qu'il n'ait pu être gravé sur disque. Reste que passer le cap de l'écriture et de l'enregistrement d'un album était une toute autre tâche, dont on n'avouera n'avoir pas forcément été très pressé de voir comment Étienne, Julien et Eric allaient s'en acquitter.
C'est ainsi presque vierge du nouvel album éponyme - pourtant en écoute depuis quelques semaines ici ou là - qu'on débarque au Point Éphémère (que décidément nous ne quittons plus depuis quelques temps). De bonne heure et de bonne humeur, ajoutera-t-on histoire de continuer dans les adages pourris, puisque c'est I Love UFO qui régale en ouverture. Un groupe bien connu de nos services mais qu'on n'avait pas eu l'occasion de revoir sur scène depuis un bail, et qui n'a décidément rien perdu de sa superbe - même si on a le sentiment sur le coup que le toujours aussi revêche Butch McKoy a pris un sacré coup de vieux (mais peut-être est-ce la grosse barbe, hein). Du bruit, de la fureur, un troisième adage pas trop pourri puisque c'est quand même Faulkner, et on ressort les oreilles cassées, la tête à l'envers - et quelques regrets aussi en travers de la bouche. Oui, ces gens sont des bêtes de scène. Oui encore, c'est un régal d'assister - une fois n'est pas près de devenir coutume - à une première partie se hissant au même niveau d'excellence que la tête d'affiche (en live, tout au moins). Mais il est impossible de ne pas déplorer que le trio soit aussi peu prolifique et ne nous gratifie que d'un album tout les quatre ou cinq ans, au point de donner l'impression par instants d'être encore en train de bosser sur les chansons de Wish (2006 tout de même). Peu importe la raison (perfectionnisme ? paresse ? problèmes logistiques ?), difficile de ne pas être un peu frustré, quand bien même ce côté "chantier permanent" convient somme toute plutôt pas mal au bordel sensoriel organisé constituant chaque sortie des amateurs d'OVNI (engins bruyants s'il en est).
Grand classique des realease parties, le set de We Insist! s'ouvre de la même manière que le nouvel album, sur la vibrillonnante "While the West Is Falling". Pas le plus mauvais titre de ce cru 2014. Pas le plus dépaysant non plus. Un morceau assez typique du groupe, en fait : rapide, vif, chirurgical. Quatre minutes (sur disque) idéales pour mettre les retardataires, néophytes ou vierges-du-dernier-opus dans le ton. La suite ? Une démonstration de maîtrise autant que d'intelligence, particulièrement lorsqu'il s'agit pour le groupe de s'attaquer à - littéralement - l'adaptation de son propre répertoire (les morceaux d'Oh! Things Are so Corruptible passent franchement très bien à la moulinette trio), pour ensevelir le tout sous de nouvelles compos incisives et parfois franchement surprenantes (l'acoustique élégante de "Frist Draft" - qui rappelle certains des meilleurs moments de Berlin... ; les embardées nettement pop de "My Friend's Lonely Mate" ou "Elijah's Spell"...). Ce n'est pas la première fois qu'on se fait la réflexion à propos de We Insist!, mais cela paraît plus évident que jamais à présent qu'on les (re)découvre sous cette forme : ce groupe a fait des tonnes de trucs différents, absorbé des dizaines d'influences parfois totalement antagonistes, pourtant à la fin, il ne sonne jamais que comme lui-même et affiche un parcours d'une cohérence étonnante pour une entité ayant connu tant de tumultes et de changements de line-up. C'est évidemment un peu moins vrai lorsque l'on écoute les disques à la file (la ligne directrice invisible reliant ...Corruptible à ses deux successeurs est moins manifeste sur les premiers albums), mais dans le cadre d'une set-list ramassée, tout semble merveilleusement tenir debout - les rares ruptures de ton ou de son n'étant jamais que volontaires. Il est d'ailleurs assez étonnant - signifiant - de noter que contre toute attente, le nouvel opus, comme avant cela l'occupation de la scène, ne pâtit finalement pas tant que cela de la réduction drastique d'effectif depuis The Babel Inside... On s'aventurera même à observer que ces nouvelles compos ont gagné sinon en épure, du moins en immédiateté et en pan-dans-ta-gueule. Voir des choses comme "Folding Iron" ou la massive "Black Post White Ghost", déflagration délectable dont on ne saurait jurer de mémoire qu'elle a été jouée au Point Éphémère, mais dont on a en tout cas usé et abusé depuis lors pour se réveiller.
Tandis que l'article se projette dans le futur en évoquant un album qu'on n'a écouté qu'après le concert de jeudi dernier, celui-ci continue d'avancer tranquillement - façon de parler tant, passé un premier quart d'heure apéritif, chaque chanson sera un nouveau rush d'intensité. Quasi incontournable des concerts du groupe, "Beaten Black & Blue" a rarement parue si habitée, et fait regretter (comme à chaque fois, mais un peu plus encore) qu’Étienne Gaillochet ne délaisse pas un poil plus souvent sa batterie pour exercer ses talents de performer. Ailleurs, on se laisse souffler par certaines parties de basse (ça ne se fait pas d'écrire ce genre de chose, mais Julien Allanic sort vraiment gagnant de la disparition de la seconde guitare - c'est bien simple : par moment, on n'a d'oreilles que pour lui). S'il fallait absolument se montrer pointilleux, on ronchonnerait sans doute après le son sur les premiers titres (où la voix était assez difficilement discernable) ou sur quelques passages un peu en-deçà, mais on sera d'humeur d'autant moins chipotatoire que depuis lors, l'album est englué à la platine et révèle à chaque écoute de nouvelles surprises (ça ne se fait pas non plus d'écrire ce genre de chose - en tout cas pas si on veut conserver sa street-punk-rock cred' - mais il faut ABSOLUMENT l'écouter une fois au casque pour en prendre toute la mesure. Allez, s'il vous plaît. Au moins la seconde moitié, moins catchy mais particulièrement captivante).
Oh et sinon, oui, c'est bien un effet de manche à deux balles que de ne pas avoir précisé une seule fois qu'il s'agissait d'un album sans titre. Parce qu'au bout d'une demi-écoute, on a déjà compris à quel point ce choix était une évidence tant il est une quintessence de ce que We Insist! est susceptible de produire de meilleur, à la fois titulaire d'un son propre et immédiatement identifiable, et dans le même temps capable de prendre l'auditeur le plus blasé au dépourvu à n'importe quel moment de n'importe quel morceau. Même que pour une fois, on a envie de violer la langue française en disant qu'il est éponyme.
Nouvel album :
👍👍👍 We Insist!
We Insist! | Vicious Circle, 2014
Le bruit et la fureur, c'est Faulkner citant Shakespeare, faut rappeler, quand même.
RépondreSupprimerSinon j'y étais aussi, c'était tout comme dit le monsieur. Sauf que je connais pas les albums d'avant.
Exact ! Et fanatique de Faulkner (et dans une moindre mesure de Shakespeare, d'ailleurs) comme je suis, je suis d'autant moins excusable pour l'approximation :-)
SupprimerJe commence à être vexer que tu ailles aux mêmes concerts que moi sans me prévenir pour qu'on boive un coup :-)
RépondreSupprimerA part ça l'album est franchement SUPER, un de mes préférés de 'lannée pour le moment.
Oh l'autre ! J'ai pas souvenir que tu m'aies envoyé un message pour me dire que tu venais, ni que tu te sois inscrit à l'évènement sur Facebook. Je suis pas devin, non plus ^^
SupprimerPour info Bucth McKoy t'a "répondu" sur facebook et annoncé un album d'ILUFO pour 2014 ^^
RépondreSupprimerYep, je ne suis pas "ami" avec mais j'ai entrevu ça, que dire sinon que a) c'est cool, c'est rare les artistes qui ne prennent pas la mouche dès qu'on met un petit bémol et, b) c'est vraiment une excellente nouvelle qui a égayé ma journée (sans rire).
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