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Xavier Plumas ne sait pas publier d'album quelconque, et le ferait-il que je serais bien la dernière personne à m'en apercevoir. Telle est la double évidence que ce blog se plaît à rappeler tous les deux ou trois ans sans que quiconque lui en tienne rigueur – de la marotte à la petite faiblesse, on sait qu'il n'y a souvent qu'un pas. Même lorsque l'ouvrage incriminé se révèle un poil moins palpitant – et je suis tout prêt à reconnaître d'emblée que Le Cabinet vaudou des curiosités d'Adèle ne rejoindre pas mon Panthéon personnel – il se trouve toujours quelque chose (une chanson. Un ver. Une cloche) pour m'y renvoyer. En l'occurrence avec une certaine brutalité tant "Activité" la bien nommée m'a arraché à la somnolence lors de ma première écoute1, morceau – quasi – central d'un album posé où l'action se déroule surtout en arrière-plan, dans des arrangements veloutés que personne ou presque n'entendra mais qui font à peu près tout à l’atmosphère moite et hypnotique de l'ensemble.
Je somnolais donc, après une rude journée, lorsque Xavier est arrivé la bouche en cœur et le couteau entre les dents pour me retourner les tripes – je ne lui en garde pas grief : il me fait le coup assez régulièrement depuis que j'ai dix-sept/dix-huit ans. Toujours de la même manière, de surcroît : le même bougonnement rageur, la même mélodie tempétueuse, le même ver qui claque dans sa manière d'allier l'image poétique parfaite et la simplicité rugueuse.
"Ta carlingue chauffée telle la tôle à blanc,
Malléable sur l'ossature,
Résonne de son timbre sourd et cuivré..."
Ceux qui ne savent pas se laisser envahir par la musique et/ou les mots, qui écoutent des disques histoire de meubler le silence ou par boulimie sinistre née d'Internet, ne peuvent sans doute pas – plus ? – comprendre la réelle intensité d'une telle expérience2. Laisser défiler sur sa platine, sans rien faire d'autre que s'abandonner, un album apaisé et apaisant jusqu'à la torpeur. L'écouter et ne faire que cela, c'est-à-dire faire tout autre chose, mais intérieurement. Partir suffisamment loin pour ne plus savoir si l'on s'est perdu dans la musique ou simplement en soi-même. Partir tellement loin qu'à vrai dire, on ne se pose pas la question. Pour se faire soudainement agripper par un morceau, un seul, à l'énergie viscérale et à l'érotisme contagieux, porté par une voix susceptible de faire suinter la colère de la mélodie la plus délicate. Quelques minutes auparavant, à peine, on se laissait contaminer par la langueur de "10 000 vies". On était ailleurs. Tout était normal. On ne ressentait rien qui ne soit calme et diffus. Et voici que sans savoir pourquoi, on se retrouve dans tous ses états. Incapable de mettre des mots sur ce que l'on ressent, si ce n'est que c'est très fort, très soudain – presque violent.
Ce genre de... surprise (?) tend à se raréfier de nos jours, ce qui rend l'instant d'autant plus précieux. Il faut savoir écrire, d'une part, ce dont beaucoup se croient capables tant qu'il n'ont jamais entendu une note de Xavier Plumas3. Puis, encore, avoir une vague idée de ce qu'est un album. Car s'il n'y a pas qu'"Activité" sur Le Cabinet vaudou..., il n'y aurait probablement pas de Cabinet vaudou... sans ces mêmes pas quatre minutes d'escalade pré-orgasmique, où l'atmosphère s'épaissit comme le sang monte à la tête – avant de replonger aussisec moite dès le titre suivant ("Jasmin G."). Tout au plus une jolie collection de chansons comme sait en écrire leur auteur, soit donc poétiques, languides, vénéneuses – inutile ici de se lancer pour la soixantième fois dans le panégyrique de ses talents. Ceux-ci sont connus, reconnus, à tout le moins sur ce site, et entre la tomwaitsienne "Crazy Painter" ou l'élégante "L'Aube", qui ouvre l'album tout en délicatesse, ce second opus (pas tellement) solo renferme toutes les douceurs que l'on s'attend à trouver chez le leader de Tue-Loup. Pas plus, c'est vrai, et l'on pourra regretter que Plumas s'éloigne relativement peu des terres habituellement labourées par son groupe (moins, a priori, que sur son précédent disque). Mais pas moins non plus. Quant à "Activité", elle touche pour sa part à cet instant rare où la chanson devient quelque chose de physique, de suintant, de vital. Le genre de titre qui justifie à lui seul l'achat d'un disque, à une époque où ce genre de phrase n'a plus grand sens à propos de la plupart des artistes.
(1) Je vous arrête tout de suite : j'étais surtout très fatigué cet après-midi-là. N'allez pas vous imaginer autre chose.
(2) Je reconnais d'ailleurs ne même pas envisager de faire cela avec 90 % des disques qui me passent entre les oreilles. Surtout à la première écoute.
(3) On ne peut que se féliciter de sa faible notoriété : imaginez un monde où Xavier Plumas serait une star ; les trois quarts des gens arrêteraient d'écrire pour écouter ceux qui ont du talent – quelle horreur.
Xavier Plumas ne sait pas publier d'album quelconque, et le ferait-il que je serais bien la dernière personne à m'en apercevoir. Telle est la double évidence que ce blog se plaît à rappeler tous les deux ou trois ans sans que quiconque lui en tienne rigueur – de la marotte à la petite faiblesse, on sait qu'il n'y a souvent qu'un pas. Même lorsque l'ouvrage incriminé se révèle un poil moins palpitant – et je suis tout prêt à reconnaître d'emblée que Le Cabinet vaudou des curiosités d'Adèle ne rejoindre pas mon Panthéon personnel – il se trouve toujours quelque chose (une chanson. Un ver. Une cloche) pour m'y renvoyer. En l'occurrence avec une certaine brutalité tant "Activité" la bien nommée m'a arraché à la somnolence lors de ma première écoute1, morceau – quasi – central d'un album posé où l'action se déroule surtout en arrière-plan, dans des arrangements veloutés que personne ou presque n'entendra mais qui font à peu près tout à l’atmosphère moite et hypnotique de l'ensemble.
Je somnolais donc, après une rude journée, lorsque Xavier est arrivé la bouche en cœur et le couteau entre les dents pour me retourner les tripes – je ne lui en garde pas grief : il me fait le coup assez régulièrement depuis que j'ai dix-sept/dix-huit ans. Toujours de la même manière, de surcroît : le même bougonnement rageur, la même mélodie tempétueuse, le même ver qui claque dans sa manière d'allier l'image poétique parfaite et la simplicité rugueuse.
"Ta carlingue chauffée telle la tôle à blanc,
Malléable sur l'ossature,
Résonne de son timbre sourd et cuivré..."
Ceux qui ne savent pas se laisser envahir par la musique et/ou les mots, qui écoutent des disques histoire de meubler le silence ou par boulimie sinistre née d'Internet, ne peuvent sans doute pas – plus ? – comprendre la réelle intensité d'une telle expérience2. Laisser défiler sur sa platine, sans rien faire d'autre que s'abandonner, un album apaisé et apaisant jusqu'à la torpeur. L'écouter et ne faire que cela, c'est-à-dire faire tout autre chose, mais intérieurement. Partir suffisamment loin pour ne plus savoir si l'on s'est perdu dans la musique ou simplement en soi-même. Partir tellement loin qu'à vrai dire, on ne se pose pas la question. Pour se faire soudainement agripper par un morceau, un seul, à l'énergie viscérale et à l'érotisme contagieux, porté par une voix susceptible de faire suinter la colère de la mélodie la plus délicate. Quelques minutes auparavant, à peine, on se laissait contaminer par la langueur de "10 000 vies". On était ailleurs. Tout était normal. On ne ressentait rien qui ne soit calme et diffus. Et voici que sans savoir pourquoi, on se retrouve dans tous ses états. Incapable de mettre des mots sur ce que l'on ressent, si ce n'est que c'est très fort, très soudain – presque violent.
Ce genre de... surprise (?) tend à se raréfier de nos jours, ce qui rend l'instant d'autant plus précieux. Il faut savoir écrire, d'une part, ce dont beaucoup se croient capables tant qu'il n'ont jamais entendu une note de Xavier Plumas3. Puis, encore, avoir une vague idée de ce qu'est un album. Car s'il n'y a pas qu'"Activité" sur Le Cabinet vaudou..., il n'y aurait probablement pas de Cabinet vaudou... sans ces mêmes pas quatre minutes d'escalade pré-orgasmique, où l'atmosphère s'épaissit comme le sang monte à la tête – avant de replonger aussi
👍 Le Cabinet vaudou des curiosités d'Adèle
Xavier Plumas | L'Autre distribution, 2014
(1) Je vous arrête tout de suite : j'étais surtout très fatigué cet après-midi-là. N'allez pas vous imaginer autre chose.
(2) Je reconnais d'ailleurs ne même pas envisager de faire cela avec 90 % des disques qui me passent entre les oreilles. Surtout à la première écoute.
(3) On ne peut que se féliciter de sa faible notoriété : imaginez un monde où Xavier Plumas serait une star ; les trois quarts des gens arrêteraient d'écrire pour écouter ceux qui ont du talent – quelle horreur.
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai découvert votre blog par hasard en cherchant sur le net un article intéressant sur le nouvel opus de sieur Adams (Ryan, of course) et je n'y ai pas vu d'article de vous à son sujet ou alors j'ai parcouru trop vite et j'en aurais loupé un ?
Désolée pour le hors sujet mais que pensez-vous du dernier album du petit génie ?
Ryan Adams, je le connais depuis les années 2000 à peu près et depuis je suis restée fidèle. Là, en ce moment je refais une cure, je me paye tous les vieux titres de whisheytown sur youtube et ma foi, son talent est bien réel et ce depuis ses tout débuts! beaucoup lui ont reproché sa jolie petite gueule, prétendant que le bonhomme en faisait des tonnes et n'était donc pas authentique dans sa démarche artistique !
A-t-il donc déjà tout donné à son âge (encore jeune) ou saura-t-il se renouveler, devenu plus mature ?
Merci d'avance pour la réponse.
Bonne journée
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerBonjour,
SupprimerJe n'ai pas encore écouté le nouvel album éponyme, désolé. En revanche j'ai trouvé que ses deux derniers EPs (Jacksonville et 1984), dans des registres totalement différents, témoignaient plutôt d'un regain de forme. Le problème avec Adams, c'est qu'il a tellement de démos/inédits/faces B en réserve, qu'il réenregistre à loisir avec parfois dix ans d'écart, qu'il est assez difficile d'évaluer l'évolution réelle de son écriture. Mais je ne crois pas qu'il ait tout donné, non, il a quoi ? 40 ans ? En revanche qu'il soit un peu paresseux et n'en ait finalement pas grand-chose à foutre d'avoir une "carrière", ça me paraît plus plausible :-) Cette forme de détachement lui a d'ailleurs souvent été reprochée...
Bonne journée.
Bonjour,
SupprimerBien au contraire, je trouve que c'est tout à son avantage que de ne pas penser en terme de carrière à tout prix et donc de fric à profusion.
Voilà un véritable artiste qu'on juge à tort d'être prétentieux alors qu'au fond c'est peut être l'un des plus purs et moins intéressés d'entre tous les musicos (de talent) !
J'ai lu votre article par contre, plus avant où vous le soupçonniez d'avoir volontairement joué de la provoc avec son album "rock and roll", qui n'est effectivement pas le plus inoubliable et pour cause, vu votre explication que je pense tout à fait plausible !
En tant que nana, c'est surtout les ballades qui me chamboulent chez le gus, mais j'aime bien des titres plus remuants aussi mais bon sa voix exceptionnelle est davantage mise en valeur quand il chante des ballades !
Mais comment peut-on ne pas encore avoir écouté ce dernier album quand on tient un blog comme le vôtre ? suffit d'un clic sur youtube et vous l'avez à portée de main !
Je vous met en lien une version acoustique de "trouble" :
https://www.youtube.com/watch?v=OFGNM9vvvc4
Certes faut monter le son pour bien entendre mais ça vaut vraiment le coup !
Je le trouve excellent ce dernier opus, plus cohérent sur la totalité des morceaux, plus harmonieux ! J'adore aussi "let go"
Bonne écoute
Ah mais il traîne chez moi, rassurez-vous, c'est juste que je manque de temps :-)
SupprimerMerci !
J'espère alors que vous aurez l'occasion de l'écouter d'ici peu et que vous nous en ferez une superbe chronique très élogieuse et tout et tout (enfin peut être serez-vous plus critique que moi) !
SupprimerAllez encore un cadeau, un morceau en live version accoustique, qui date d'il y a une semaine à peine, de "Gimme something good" ! Je craque trop :)
https://www.youtube.com/watch?v=fHc6xCYKxu4
Et là, il y a l'interview qui va avec mais hélas pour moi, je ne maitrise pas assez l'anglais, tant pis pour moi (en tout cas, la bonne humeur est au rendez-vous) :
https://www.youtube.com/watch?v=RofOsDLm1S8
Bon dimanche (et j'attends votre chronique) :)
Xavier Plumas. Le Golb. What else ?!
RépondreSupprimerUn petit Nespresso, peut-être ?
Supprimer(naaaan, je blague, c'est dégueu)
Pas mal cet extrait. Puisque tu sembles dire que ce n'est pas son meilleur disque, par lequel vaut-il mieux commencer pour appréhender cet artiste ?
RépondreSupprimer(Sinon, je me suis reconnu dans ceux qui sont atteints d'une "boulimie sinistre née d'Internet". J'en suis pas fier).
En solo (enfin, sous son nom) il n'en a fait qu'un autre en 2009, donc le tour est vite fait. Avec Tue-Loup, il n'y a quasiment que de bons voire excellents disques, de surcroît assez différents les uns des autres. Je recommanderai plus volontiers Penya (2002), Rachel au rocher (2005) et le Goût du bonbon (2009), pour leur variété et la singularité de leur son, mais honnêtement, il n'y a pas de mauvais album du Tue-Loup :)
SupprimerMerci pour ces conseils, je vais explorer ça.
SupprimerOh ! Tu as filé une métaphore agricole dans un article sur XP ?! Mais ça mérite le bagne, ça !! :)
RépondreSupprimerSinon, concernant l'album, je le trouve pour ma part, justement, un petit peu, "quelconque". Mais quelconque dans le cas d'un artiste comme lui, cela reste très au-dessus de la moyenne ;)
Et j'avais fait une métaphore capillaire sur le dernier Cheveu il y a quelques mois.
SupprimerDécidément, 2014 aura été une mauvaise année ;-)