mercredi 27 janvier 2016

Golb My Games

Quand j’étais petit, j’étais un gamer. Un vrai. Un pur et dur. Un acharné. Le mot gamer n’existait même pas encore, du moins personne ne l’employait-il, que je savais déjà ce qu'il signifiait. Je jouais, je jouais. Je ne faisais presque que cela. Bien entendu, pour mon avenir, j’hésitais entre testeur de jeux vidéo et plus modestement concepteur. J’en inventais plein – et des révolutionnaires, encore. Sur des bristols. J’énumérais chaque niveau avec force détails et illustrations. Mais surtout : je jouais. Au grand désespoir de mes parents, qui se consolaient en se disant que certes, les jeux vidéo rendaient violents et épileptiques, mais qu’au moins ils me permettaient de développer mes réflexes. Ce genre de discussion avec ses parents a désormais quelque chose d’universel, c’est un cliché qui, alors, n’en était pas encore devenu un. C’était une autre époque, ni meilleure ni pire, juste différente. On découvrait les jeux vidéo de manière frontale, sans véritable esprit critique, presque empiriquement. On les finissait aussi, souvent, intuitivement – il n’y avait pas encore mille magazines et sites et il pouvait se passer des années avant qu’on ne tombe sur la soluce permettant de nous débloquer. En 2016, si j'abandonne un jeu, c'est juste qu'il m'ennuie.

Car je joue toujours, un peu ou beaucoup – selon les périodes. A des jeux plus ou moins récents, plus ou moins bons. J'ai quand même certaines lacunes. Je connaissais peut-être le mot gamer avant même d'avoir jamais tenu une manette, mais la première fois qu'un ami m'a traité retro-gamer, j'ai réellement appris une expression (ce qui ne m'arrive pas tous les jours, ni même tous les mois). J'ai aussi appris dans la foulée qu'il avait tort, puisque la vérité serait plutôt que je suis un timeless gamer. Je me fous un peu que le jeu date de 1988 ou de 2014, tant qu'il me divertit. Tant qu'il parvient à me faire oublier le monde qui m'entoure, j'estime la mission accomplie. C'est peut-être en cela que je suis retro. Si je n'ai jamais jusqu'ici éprouvé le besoin d'écrire sur une activité à laquelle je consacre tout de même un peu de temps chaque jour, et ce depuis tout gamin, c'est peut-être dans le fond parce qu'une part de moi considère qu'il ne devrait pas y avoir de grands discours à écrire sur un jeu vidéo. Je conserve en un sens la même approche que lorsque j'avais douze ou treize ans, simple et... ludique. Il y a une immense faille spatio-temporelle dans ma vie de joueur ; j'ai petit à petit arrêté de jouer après avoir commencé à coucher avec des filles (je n'irai pas jusqu'à affirmer qu'il y a un lien de cause à effet), et lorsque j'ai commencé à m'y remettre (aux jeux vidéo – je n'ai jamais réussi à arrêter les filles), à la fin des années 2000, j'ai été très étonné de voir que tout un nouveau langage avait remplacé le sacro-saint (de mon temps) player fun. Dans les tests que je lisais (qui s'appelaient désormais fort pompeusement des critiques), on parlait désormais de scénario (!) voire de mise en scène (!!!). On disait qu'un jeu était vraiment très beau "pour de la 3DS" (la première fois que j'ai eu un jeu 3DS en main j'ai failli m'évanouir tellement je trouvais ça sublime, vous imaginerez donc mon étonnement face à cette frilosité). Pis, on reprochait à un Zelda d'être "très léger en terme d'histoire" (WHAT????!!!!!!!!!!) et aux jeux de plateformes d'être "pour les enfants" (silence effaré). En somme, le monde des jeux vidéo semblait être devenu terriblement adulte, terriblement prétentieux et, par conséquent, terriblement chiant aux yeux de quelqu'un ayant caressé sa première manette en 1987 ou 88. Une époque où tout paraissait original, puisque tout restait à faire. A quoi bon écrire un scénario tortueux lorsqu’un petit bonhomme sautant de plateforme en plateforme et écrasant des champignons des deux pieds suffisait à enchanter la terre entière ? Je ne pouvais clairement pas être un rétro-gamer, puisque je ne venais pas simplement d'un autre temps : j'appartenais à un autre monde.


Même à l’époque, je ne me rappelle pas que quiconque se soit extasié devant la beauté de Super Mario Bros, et The Legend of Zelda me paraissait même dès le départ très pauvre visuellement. Sauf que cela n’avait à ce moment qu’une importance infime pour le joueur, qui était bien loin d’imaginer, alors qu'il jouait au déjà très beau Batman : The Video Game, qu’il verrait un jour des choses comme la série des Batman : Arkham. Ce qui comptait, c’était l’addiction réelle que pouvaient provoquer ces jeux, les crises de rires et parfois de nerfs lorsque Toad ne sautait pas assez haut ou que les piles de la Game Gear claquaient au moment d’affronter le Dr Robotnik (ce qui arrivait assez régulièrement, les heureux possesseurs de cette console uniquement créée pour enrichir les Duracell, Varta et autres Wonder s'en rappelleront). C’était de hurler (littéralement) de joie lorsque l’on découvrait une warp zone et de hurler (littéralement) d’effroi lorsque l’on perdait sa dernière vie à un cheveu de botter enfin l’arrière-train de ce gros tas de Bowser (ce qui ne devrait plus jamais arriver en 2016, mais on n'est jamais à l'abri d'un accident).


Alors voilà : puisque Le Golb va bientôt entrer dans sa onzième année (les célébrations approchent à grand pas, préparez-vous bien : vous allez bouffer des dix ans du Golb jusqu'à prier pour qu'il n'y ait jamais de vingtième anniversaire), j'ai décidé de m'offrir cette rubrique jeux vidéo sur laquelle je lorgne depuis un bon moment maintenant. Ce n'est pas une façon de parler : le premier paragraphe de cet article a été écrit début 2012. C'est vous dire si j'ai laissé mûrir, réfléchi à si oui ou non j'avais quelque chose d'intéressant à dire sur un sujet que je connais sans doute un peu moins à fond que ceux sur lesquels j'écris habituellement, et si j'ai des munitions en réserve. En me confrontant à la médiocrité parfois assez sidérante des sites de références sur le sujet, sans même parler de leur vide stylistique presque absolu (si vous en avez de bons à me recommander, d'ailleurs, je suis preneur), je me suis cependant dit qu'il y avait peut-être un petit espace pour un petit Golb tout humble. Bon ok : je ne vous aurais pas, vous me connaissez désormais beaucoup trop bien. Je me suis plutôt dit un truc du genre "Ah vous voulez de la Critique et de la Chronique, bandes de guignols ? Bougez pas, le Patron a quelque chose à vous dire." Mais ça reste entre nous (et je n'hésiterai pas à supprimer cette phrase – voire tout cet article – une fois que je me serai cassé les dents de devant).

Cependant, avant de passer à des textes plus spécifiques, petit récapitulatif rapide des 11 commandements de la golbitude vidéo-ludique :

1. Tous les bons jeux vidéo naissent égaux, sans distinction d'époque, de couleur, de machine ni d'éditeur.

2. Ceci étant dit, Mario, c'est mieux que Sonic. Ç’a l'a toujours été, et ça le sera toujours.

3. Le scénario ne compte pas, sauf dans les RPG (et encore, ça dépend lesquels).

4. Les jeux de bagnoles, c'est de la merde, sauf les Mario Kart (et encore, ça dépends lesquels). J'en profite d'ailleurs pour souligner que d'une manière générale, les bagnoles, c'est de la merde. Même si ça peut dépanner parfois.

5. Un bon jeu est un bon jeu, quel que soit son support. S'il est moins (ou plus) efficace avec un émulateur, voire sur un mobile, il y a de fortes chances que ce ne soit pas un si bon jeu que cela.

6. Un bon jeu repose sur plein de facteurs différents, mais il y a fort à parier que ses mécanismes en sont l'un des principaux. Ce n'est pas un hasard si Tetris, Bomberman ou Doom ont été adaptés sur tous les supports possibles et imaginables au long de trois voire quatre décennies, alors que le Tamagotchi, curieusement, un peu moins.

7. Un bon jeu n'est pas nécessairement un beau jeu (même si ça aide). Les prouesses techniques ne doivent pas être un cache-misère, mais servir une esthétique (comme pour n'importe quoi en ce bas monde).

8. Un bon jeu propose un challenge. Il est divertissant ET gratifiant. Conséquence de quoi, la phrase "ce jeu aurait pu être bien mais il est beaucoup trop dur" est absolument proscrite sur Le Golb, y compris des commentaires.

9. Ne pas confondre cependant niveau de difficulté et difficulté due aux limites techniques et autres mauvais choix. Mourir quand on tombe d'une passerelle, ce n'est pas un problème (c'est même plutôt logique, quand on y pense). Mourir parce que le personnage est ridiculement faible par rapport à tous les ennemis qu'il rencontre, c'est beaucoup moins excusable. Mettre deux mois à finir un jeu parce qu'à son époque, il n'y avait pas de sauvegarde, ça n'ajoute ni n'enlève rien à sa qualité.

10. Rétro si vous voulez, mais certainement pas fétichiste. La nostalgie excessive n'aura pas sa place ici. D'ailleurs, je préfèrerai toujours découvrir un vieux jeu auquel je n'ai pas joué à l'époque plutôt que ressortir un jeu qui a marqué mon enfance.

11. Ceci posé, je ne crache jamais sur une petite partie de Super Bomberman 2.


18 commentaires:

  1. Je vois qu'on a un peu le même rapport aux jeux vidéos, même si on n'est pas tout à fait de la même génération. Je le vois avec mon frère qui ne jure que par ce qu'il convient désormais d'appeler des "blockbusters" pour grosses machines, alors qu'il ne peut s'empêcher de me coller quand je reprends un vieux jeu de Game Boy Advance (c'est ma console de référence avec la Game Boy color). C'est vrai que c'est devenu très adulte aujourd'hui, et que certains se forcent un peu pour traiter l'industrie vidéoludique (attention on rigole déjà plus) comme les autres industries culturelles sur lesquelles on a déjà tendance à se palucher un peu trop. C'est pas ça le post-modernisme (je pose ça là, ça pourrait bien marcher) ?

    Sinon, sur tes commandements, une remarque sur les 8 et 9. Du coup, on a le droit de dire que c'est trop dur si c'est mal fait ou non ? Parce que des fois c'est vraiment trop dur (je pense à certains tests du youtubeur Joueur du grenier qui le montre bien).

    Je me permets de commander une chronique: Chrono trigger, à savoir le meilleur RPG de l'époque où les consoles dépassaient pas 16 bits.

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    1. Je suis d'accord, les commandements 8 et 9 ne sont pas très clairs. Tellement que je ne suis pas certains de ne pas les violer dès la chronique suivante ^^

      Le truc, c'est que je sais exactement ce que je veux dire à ce sujet, mais que je n'arrive absolument pas à la formuler :-| Je dirais que ce qui compte n'est pas tant la difficulté, mais son dosage et son utilisation, ce qu'elle apporte ou non au jeu. Les Mario ou les Sonic, par exemple, ne sont pas des jeux très difficiles pour la plupart, mais ils sont suffisamment riches pour que ça ne puisse pas être considéré comme un défaut.

      J'ai énormément de mal à supporter les jeux où la difficulté provient de ce que l'on est artificiellement "entravé" d'une manière ou d'une autre (lenteur du personnage, impossibilité de donner des coups en diagonale sur pas mal de jeux 8 bits... pour moi, ça, c'est de la "mauvaise" difficulté). Ou encore lorsque la difficulté est totalement décalée par rapport à la nature du jeu : j'ai abandonné le pourtant très bon Luigi's Mansion 2 à cause de ses pseudo-phases de plateformes totalement injouables, alors que tout le reste du jeu (orienté aventures et exploration) était très fluide... et pas bien difficile. J'ai trouvé que c'était une fausse difficulté un peu hypocrite. La "bonne" difficulté, si je puis dire, c'est celle qui d'une part est progressive, et qui d'autre part est un surmontable avec de la pratique ou de la réflexion. La référence absolue en la matière pour moi, dans les jeux récents, c'est Donkey Kong Country Returns. Un jeu qui peut sembler par moment prodigieusement difficile, mais où tout n'est question que de timing et d'adresse et où tu te sens vraiment très fier lorsque tu finis un niveau difficile, parce que tu as le sentiment que tu as vraiment "bien joué".

      C'est une forme de post-modernisme, oui :-)

      Concernant Chrono Trigger, c'est prévu (même si je ne considère pas que ce soit tout à fait LE meilleur RPG 16 bits - il faut dire qu'il y a une putain de concurrence sur cette période, rien que sur cette console).

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  2. Génial! en plus on a exactement le même rapport aux Jeux Videos (sauf que, une fois de plus, j'ai commencé beaucoup plus vieux que tout le monde)
    et t'as raison, les jeux de bagnole c'est de la merde ! (encore plus que les jeux de foot ;)

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    1. J'ai énormément de mal avec les jeux de foot récents, je trouve que dans leur envie d'aller toujours plus loin dans le réalismes, ils tuent tout plaisir de jeu. Mais je ne condamnerai pas toutes les simulations de sport de la même manière. Leur problème, c'est surtout que ce sont des jeux qui vieillissent extrêmement vite.

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  3. Alors ça c'est une bonne surprise! Je sens que je vais bien les aimer moi, ces 10 ans du Golb :-)

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  4. Yeah!!

    (Vivement l'article de 12 pages sur Zelda. ;-)
    (ET celui sur Ducktales et pourquoi les jeux des canards Disney sont toujours meilleurs que les jeux Mickey.)

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    1. Je ne sais pas s'il y aura un article de 12 pages sur Zelda, d'autant que j'ai découvert il y a quelques temps (je crois te l'avoir envoyé, d'ailleurs) un article mémorable qui résumait pas mal ma position (même si je ne suis pas d'accord avec tout) .

      J'aime bien ton idée sur les jeux de canards. Même si à tout prendre, j'aurais plus spontanément envie de carrément consacré un article aux musiques des jeux Capcom de 1987 à 95 ^^

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  5. Pourquoi pas tant qu'on est d'accord pour dire que Turrican est le meilleur jeu de tous les temps :-)

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    1. Turrican ? Je pense que je vais te renvoyer au commandement N°10 ;-)

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  6. Je vais peut-être venir plus souvent sur le Golb, du coup ;)

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    1. Tu avais besoin d'une raison supplémentaire ? Tu veux me vexer, c'est ça ? ^^

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  7. Je n'ai pas joué à un jeu vidéo depuis 1995 à peu près, mais je suis très content que tu te lances dans une nouvelle rubrique. Bon courage pour les chroniques à venir, que je lirai avec plaisir.

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  8. Quelle bonne idée !

    Je n'ai pas joué depuis les années 2000, mais j'étais comme vous un gamer compulsif. Quand j'entends le mot "enfance", la première chose qui me vient à l'esprit (c'est un peu ridicule) ce sont les jeux Lucas Art, je ne vous ferai pas l'affront de les nommer. J'ai dû les finir une dizaine de fois chacun, ça m'arrive encore de les relancer sur un émulateur, toujours avec le même plaisir.

    Une remarque : Mario est peut-être supérieur à Sonic, je n'en sais rien je n'y ai jamais joué, mais à l'époque, il y avait clairement deux camps. On n'appartenait pas au même monde selon qu'on possédait une S-NES ou une Megadrive. Je ne sais plus quel facteur m'a fait pencher pour Sega à l'époque (même si Landstalker a illuminé ma vie pendant un an), mais en tout cas, le continent Nintendo était plus lointain que la planète Mars. Il y avait des clans à l'école...
    Je pourrais enfin jouer à Zelda et Mario aujourd'hui mais à quoi bon ? Il y a une magie dans ces jeux qui reste liée à l'enfance, je n'ai pas envie de les découvrir "avec le recul" aujourd'hui.

    Hâte de lire vos articles !

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    1. C'est vrai, les deux consoles ciblaient d'ailleurs des publics assez différents, avec énormément d'exclus, ce qui s'est totalement perdu de nos jours où à quelques rares exceptions près tous les jeux sortent sur tous les supports. Elle était cool, cette guerre, et puis elle forçait aussi à se faire des amis (ceux qui avaient la 16 bits qu'on n'avait pas ^^) J'ai même été jusqu'à pratiquer l'échange de consoles après avoir longtemps échangé les jeux.

      Landstalker n'est pas le jeu qui risque de nous rapprocher ;-) Les Lucas Art, en revanche...

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    2. MANIAC MANSION!!!!!

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