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La discrétion condamne à l'excellence. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait, qui constitue tout le paradoxe de cette époque où les réseaux sociaux nous permettent de suivre la vie de nos artistes favoris en temps réel, tout en nous faisant éprouver un besoin constant de nouveauté, de récurrence. De tout temps en dehors de celui-ci, Kula Shaker, c'est le moins qu'on puisse dire, ne souscrit pas franchement à cette règle 2.0. Dix ans après l'EP Return of the King, qui célébrait une reformation ayant elle-même eu lieu pas moins de vingt-quatre mois auparavant, le groupe londonien n'avait jusqu'ici publié que deux albums, séparés par une longue période de silence. On l'a peu vu sur scène, et certainement pas en France, où les places pour son concert du 20 février se sont écoulées à la vitesse de lumière. Un vrai groupe culte à l'ancienne, que tout le monde connaît, que peu écoutent, dont chaque manifestation est guettée avec fébrilité par cette poignée de fans fervents dont Le Golb, je ne vous apprendrai rien, fait partie. On en accueille chaque sortie avec un enthousiasme foufou, même lorsqu'il s'agit d'un simple single de Noël. Le revers de la médaille, c'est que la dite sortie, plus encore que pour d'autres artistes, n'a pas le droit de décevoir. C'est un contrat tacite : d'accord pour patienter cinq ans entre chaque opus, mais pas question de passer ces cinq prochaines années à se repasser en boucle un Kula Shaker moyen. Pensez donc qu'il s'est cette fois-ci écoulé plus de temps entre ce nouvel album et son prédécesseur qu'entre le split de la fin des années 90 et la reformation des années 2000.
K 2.0 vient donc conclure - ou relancer ? - un cycle quinquennal, non sans qu'on l'accueille avec une certaine appréhension, comme n'importe quoi frappé du sigle "2.0" (ce n'est pas ça qu'il avait dit, Lemmy ? "Si c'est 2.0 quelque chose..." ?) Hors du temps, vous dit-on. Et inimitable, ajoutera-t-on après quelques secondes d'écoute d'"Infinite Sun", premier single et titre d'ouverture au faux air de "Great Hosannah" (le meilleur morceau du groupe, faut-il le rappeler ?) On évolue en terrain familier - ce qui ne veut pas dire conquis. Celui d'une pop psychédélique élégante et racée, produite avec soin, bien loin des atermoiements garage que le revival de la dernière décennie nous a souvent imposés. Kula Shaker a beau ne jamais avoir été le ponte de la britpop que la presse anglaise a voulu voir à ses débuts, il n'en demeure pas moins champion du tube en devenir, mélodique mais puissant, à la dimension classique presque instantanée. Évocateur, équilibriste dans sa manière de pasticher sans jamais pomper, K 2.0 s'avale goulument à la première écoute, joyeusement à la seconde, et captive à la troisième. A l'instar de son prédécesseur, le formidable Pilgrims Progress (album de l'année golbienne 2010, faut-il le rappeler ?), en peut-être plus solide encore, il se révèle incroyablement cohérent tout en caressant des styles parfois contradictoires, et monte tranquillement en puissance. On croit un temps que le groupe ne fera pas mieux, sur ce cru 2016, que la splendide "Here Come My Demons", ballade sidérale qui explose en son milieu en heavy rock sidérant. On se trompe, et pas qu'un peu. Si la tension retombe effectivement sur les titres suivants, les quatre derniers morceaux sont une véritable orgie psyché, qui culmine avec l'exceptionnelle "Get Right Get Ready". Impressionnant tour de montagnes russes au groove impeccable, elle renoue avec des aspirations funkoïdes qu'on n'avaient plus entendues chez Kula Shaker depuis son tout premier album, genre de "Grateful When You're Dead" mieux produit, mieux construit et moins moucheté des taches post-grunge l'ayant fait un peu mal vieillir. C'était donc cela que voulait nous dire l'intitulé ?
Oui. Il arrive parfois que le titre d'un album signifie exactement ce qu'il semble signifier. Chaque écoute, et Dieu sait qu'il y en a eu ces dernières semaines, souligne cette évidence que l'on perçoit dès la première sans vraiment pouvoir trouver les mots : si K 2.0 sonne immédiatement familier, c'est tout simplement parce qu'il est un véritable condensé de Kula Shaker. Une œuvre-somme réunissant tout ce que le groupe sait faire de mieux dans un rutilant... shaker, allant chercher ici le romantique de Pilgrim, là le raffinement pop de Strangefolk, là encore les rythmiques obèses de Peasants, Pigs & Astronauts, sans oublier l'incandescence d'un premier album que le groupe donnait parfois l'impression de ne plus tout à fait assumer. Et ne sont-ce pas les Jeevas, attachant groupe de Mills durant les années de split, que l'on croit par instants entendre sur "Death of Democraty" ? Même les breaks hindouisants, portés disparus depuis des lustres, sont cette fois-ci de la partie - dès les premières secondes, de surcroît, comme pour annoncer la couleur chatoyante. Le genre de disque qui n'a aucune chance de convaincre les éternels réfractaires (ces fous) mais qui, dans le même temps, ne peut que faire tomber en pâmoison le fan moyen : tout ce qu'il aime chez Kula Shaker, tout ce qu'il n'aurait pas osé rêver entendre à l'annonce de ce nouvel album, est réuni dans K 2.0. On commence à le déflorer en se disant que ce ne sera pas leur meilleur, on finit par l'épouser en se demandant s'ils sauront un jour faire mieux. La seule mauvaise nouvelle, c'est que pour le prochain album, en 2024, Kula Shaker sera plus que jamais condamné à l'excellence.
La discrétion condamne à l'excellence. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait, qui constitue tout le paradoxe de cette époque où les réseaux sociaux nous permettent de suivre la vie de nos artistes favoris en temps réel, tout en nous faisant éprouver un besoin constant de nouveauté, de récurrence. De tout temps en dehors de celui-ci, Kula Shaker, c'est le moins qu'on puisse dire, ne souscrit pas franchement à cette règle 2.0. Dix ans après l'EP Return of the King, qui célébrait une reformation ayant elle-même eu lieu pas moins de vingt-quatre mois auparavant, le groupe londonien n'avait jusqu'ici publié que deux albums, séparés par une longue période de silence. On l'a peu vu sur scène, et certainement pas en France, où les places pour son concert du 20 février se sont écoulées à la vitesse de lumière. Un vrai groupe culte à l'ancienne, que tout le monde connaît, que peu écoutent, dont chaque manifestation est guettée avec fébrilité par cette poignée de fans fervents dont Le Golb, je ne vous apprendrai rien, fait partie. On en accueille chaque sortie avec un enthousiasme foufou, même lorsqu'il s'agit d'un simple single de Noël. Le revers de la médaille, c'est que la dite sortie, plus encore que pour d'autres artistes, n'a pas le droit de décevoir. C'est un contrat tacite : d'accord pour patienter cinq ans entre chaque opus, mais pas question de passer ces cinq prochaines années à se repasser en boucle un Kula Shaker moyen. Pensez donc qu'il s'est cette fois-ci écoulé plus de temps entre ce nouvel album et son prédécesseur qu'entre le split de la fin des années 90 et la reformation des années 2000.
K 2.0 vient donc conclure - ou relancer ? - un cycle quinquennal, non sans qu'on l'accueille avec une certaine appréhension, comme n'importe quoi frappé du sigle "2.0" (ce n'est pas ça qu'il avait dit, Lemmy ? "Si c'est 2.0 quelque chose..." ?) Hors du temps, vous dit-on. Et inimitable, ajoutera-t-on après quelques secondes d'écoute d'"Infinite Sun", premier single et titre d'ouverture au faux air de "Great Hosannah" (le meilleur morceau du groupe, faut-il le rappeler ?) On évolue en terrain familier - ce qui ne veut pas dire conquis. Celui d'une pop psychédélique élégante et racée, produite avec soin, bien loin des atermoiements garage que le revival de la dernière décennie nous a souvent imposés. Kula Shaker a beau ne jamais avoir été le ponte de la britpop que la presse anglaise a voulu voir à ses débuts, il n'en demeure pas moins champion du tube en devenir, mélodique mais puissant, à la dimension classique presque instantanée. Évocateur, équilibriste dans sa manière de pasticher sans jamais pomper, K 2.0 s'avale goulument à la première écoute, joyeusement à la seconde, et captive à la troisième. A l'instar de son prédécesseur, le formidable Pilgrims Progress (album de l'année golbienne 2010, faut-il le rappeler ?), en peut-être plus solide encore, il se révèle incroyablement cohérent tout en caressant des styles parfois contradictoires, et monte tranquillement en puissance. On croit un temps que le groupe ne fera pas mieux, sur ce cru 2016, que la splendide "Here Come My Demons", ballade sidérale qui explose en son milieu en heavy rock sidérant. On se trompe, et pas qu'un peu. Si la tension retombe effectivement sur les titres suivants, les quatre derniers morceaux sont une véritable orgie psyché, qui culmine avec l'exceptionnelle "Get Right Get Ready". Impressionnant tour de montagnes russes au groove impeccable, elle renoue avec des aspirations funkoïdes qu'on n'avaient plus entendues chez Kula Shaker depuis son tout premier album, genre de "Grateful When You're Dead" mieux produit, mieux construit et moins moucheté des taches post-grunge l'ayant fait un peu mal vieillir. C'était donc cela que voulait nous dire l'intitulé ?
Oui. Il arrive parfois que le titre d'un album signifie exactement ce qu'il semble signifier. Chaque écoute, et Dieu sait qu'il y en a eu ces dernières semaines, souligne cette évidence que l'on perçoit dès la première sans vraiment pouvoir trouver les mots : si K 2.0 sonne immédiatement familier, c'est tout simplement parce qu'il est un véritable condensé de Kula Shaker. Une œuvre-somme réunissant tout ce que le groupe sait faire de mieux dans un rutilant... shaker, allant chercher ici le romantique de Pilgrim, là le raffinement pop de Strangefolk, là encore les rythmiques obèses de Peasants, Pigs & Astronauts, sans oublier l'incandescence d'un premier album que le groupe donnait parfois l'impression de ne plus tout à fait assumer. Et ne sont-ce pas les Jeevas, attachant groupe de Mills durant les années de split, que l'on croit par instants entendre sur "Death of Democraty" ? Même les breaks hindouisants, portés disparus depuis des lustres, sont cette fois-ci de la partie - dès les premières secondes, de surcroît, comme pour annoncer la couleur chatoyante. Le genre de disque qui n'a aucune chance de convaincre les éternels réfractaires (ces fous) mais qui, dans le même temps, ne peut que faire tomber en pâmoison le fan moyen : tout ce qu'il aime chez Kula Shaker, tout ce qu'il n'aurait pas osé rêver entendre à l'annonce de ce nouvel album, est réuni dans K 2.0. On commence à le déflorer en se disant que ce ne sera pas leur meilleur, on finit par l'épouser en se demandant s'ils sauront un jour faire mieux. La seule mauvaise nouvelle, c'est que pour le prochain album, en 2024, Kula Shaker sera plus que jamais condamné à l'excellence.
👑 K 2.0
Kula Shaker | Strangefolk Records, 12/02/2016
En concert le 20 février prochain à la Maroquinerie (Paris)
Excellent album il est vrai :)
RépondreSupprimerDe là à sortir les six diodes je ne sais pas, surtout sachant que tu ne l'as jamais fait pour le groupe avant. Je mets ça sur le compte de la joie d'écrire sur une nouveauté :-)))
Ah là là, vous n'êtes jamais contents ^^
SupprimerEn plus, c'est faux : http://www.legolb.com/2007/09/kula-shaker-au-dessus-du-lot.html
SupprimerAh bah oui, tiens ;-)
SupprimerQu'il est bon, ce single ! Et ce n'est même pas le meilleur morceau, alors ? Eh beh...!
RépondreSupprimerAh non, ce n'est pas du tout le meilleur morceau :-)
SupprimerSuper article !
RépondreSupprimerQuel plaisir de te retrouver aussi en forme en ce début 2016 :)
Je fais partie des gens qui attendent ce nouveau Kula Shaker avec une grande impatience.
Je pense que tu ne seras pas déçue (comment ça "on avait compris" ? ^^)
Supprimercet article est pas mal, tu devrais écrire plus souvent sur la musique...
RépondreSupprimerHaha
SupprimerUn prochain 10 pour le classement des blogueurs ? :-)
RépondreSupprimerAh, ben, tu es là aussi. Tu fais la tournée des croulants ? ^_^
SupprimerPHILIPPE >>> pas sûr. Ce n'est absolument pas mathématique, mais il est plus facile d'arriver à 6/6 sur Le Golb qu'à 10/10 sur le CDB ^^
SupprimerTHIERRY >>> des croulants ? Parle pour toi, pépé ;-)
C'est pas moi qui ai mis 6 diodes à Kula Shaker :-D
SupprimerAh parce que c'était Kula Shaker, les croulants ? J'avais pas compris ^^
SupprimerMais tu sais, ils ne sont pas si vieux que ça. En fait, Crispian Mills a... exactement le même âge que toi :D
Bon, première fois depuis bien longtemps que j'écoute un Kula Shaker en entier. Tu n'y étais pas parvenu avec le précédent. Pour celui-ci, j'ai d'abord été vraiment été épaté, mais à partir de Here comes my demons, en dehors de 33 crowns, très Donovan, (et Hari Bol), j'ai trouvé que ça sombrait corps et âme dans le boursouflé ou au moins dans le pas très fin. Désolé :-(
RépondreSupprimerC'est sympa d'essayer malgré tout, personnellement je ne vais pas souvent écouter les nouveaux albums de groupes dont les précédents ne me parlaient pas plus que ça (bon, si en fait, maintenant que je le dis ^^)
SupprimerIl ne faut jamais dire jamais ;-)
SupprimerCe qui m'a vraiment surpris, dans ma réception du disque, c'est la cassure, soudaine. Un premier titre un peu moyen, plusieurs vraiment très bien, et paf..bing...pow. Un peu comme si j'avais subitement dépassé mon quota de ks pour l'année !
Je pense que ça doit être ça ^^
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