...
Chère Madame Fillon,
J'ai failli vous appeler Penelope mais je sais la misogynie rampante contenue dans ce genre de familiarité, et je crois savoir que François est assez tatillon sur le sujet. Si ce n'était pas une raison suffisante pour adopter une distance raisonnable, je sais aussi depuis peu que je m'adresse non pas à l'épouse d'un ancien Premier Ministre soupçonnée d'abus de bien social, mais rien moins qu'à la chargée de réflexion stratégique de la Revue des Deux Mondes – autant dire que vous pourriez presque être ma patronne. C'est un peu ça le problème, d'ailleurs.
Si je vous écris aujourd'hui ce n'est pas pour débattre de nos visions respectives du féminisme, ni de votre travail d'assistante parlementaire, sur lequel beaucoup ont déjà dégoisé sans connaître grand-chose de la question – à quoi bon savoir ce qu'est un(e) assistant(e) parlementaire pour un avoir un avis à ce sujet, n'est-ce pas ? Moi, je vous écris pour vous confier un secret, au risque sans doute de vous faire un peu rougir : vous m'avez fait pleurer. Vraiment pleurer. J'ai beau être connu pour avoir la larme facile, cela ne m'est pas arrivé souvent de pleurer en lisant des sites d'informations. Au contraire, j'ai plutôt tendance à les parcourir avec un regard froid, concentré, afin de ne pas me laisser aveugler par l'émotion. Pourtant, lorsque j'ai pris connaissance de vos fameuses notes de lecture... c'est parti d'un coup, avant même que je réalise ce qui était en train de se passer. Je ne vous le reproche pas, rassurez-vous : rien qu'à voir le montant de la rémunération, je savais que c'était une très mauvaise idée de cliquer sur le lien lorsque celui-ci a commencé à circuler. Dans le fond, même si vous aviez livré quarante-cinq pages d'analyses captivantes, il y avait largement de quoi menacer l'équilibre mental d'un pauvre hère dans mon genre.
Comprenez-moi, Madame Fillon : j'entends bien que pour vous, c'était une simple occupation à des journées interminables tandis que François sillonnait le pays, un peu comme d'autres femmes au foyer de votre âge se passionnent pour le tricot, le sudoku ou le scrapbooking (rassurez-moi, ce n'est pas encore misogyne de dire d'une femme au foyer qui se revendique comme telle qu'elle est une femme au foyer ? Je me croyais fervent féministe mais depuis quelques jours, j'ai l'impression de ne plus rien savoir). Honnêtement, personne n'ira vous reprocher de préférer lire des livres et en retirer des notes plutôt que de faire un truc aussi stupide et vain que du scrapbooking. Le hic c'est que moi, ce genre de notes, c'est un peu mon travail. À cette nuance près que je le fais mieux, et gratuitement. Et que ce n'est justement pas vraiment mon travail, à moi non plus (vous voyez, nous avons des points communs !)
Jusqu'à présent, je pensais que c'était parce que j'avais fait de mauvais choix de vie, beaucoup. Je me sentais responsable. Je n'ai jamais beaucoup soigné mon réseau, contrairement à vous, ni réellement su me mettre en valeur – me vendre, comme on dit. Voyant que, lorsque j'envoyais des C.V. ou des textes à des revues, on ne me répondait pas, j'en venais même à douter de ma qualité, à envisager sérieusement que c'était tout simplement parce que je n'étais pas compétent pour ce genre de travail (dont j'ignorais, je vous l'avoue, qu'il fût si généreusement rémunéré – je m'aperçois que j'avais sans le savoir des prétentions salariales très au-dessus de ce que j'estime mériter, my bad). J'apprends grâce à vous qu'en fait, mon problème est juste que je suis mal né et/ou mal marié. Qu'on peut tout à fait écrire des notes de lectures pour une revue aussi prestigieuse que La Revue des Mondes en n'ayant strictement aucune expérience ni compétence, juste sur sa bonne tête, parce qu'on a comme on dit "un nom" et que l'on lit beaucoup de livres (cette dernière proposition pouvant, me souffle-t-on, être optionnelle). Alors soit, ce n'est pas le scoop de l'année que, dans la presse française, tout spécialement culturelle, on embauche plus souvent au piston qu'à la compétence. C'est le genre de chose que l'on fait généralement mine de ne pas savoir (sans quoi nous ne lirions plus grand-chose), tout en le sachant parfaitement en notre for intérieur. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur l'interview de Michel Crépu à Europe 1, dans laquelle tout en vous enfonçant avec bien peu d'égards pour votre statut de Femme Ontologiquement Innocente, il ne semble voir aucun problème à votre embauche en elle-même : "Marc Ladreit de Lacharrière m'avait téléphoné [...] et demandé si je voulais bien prendre des notes de Penelope Fillon, qui avait un peu de temps et s'ennuyait un peu. J'ai dit à Marc oui, pourquoi pas." Le message est clair : dans l'absolu, ce n'était pas un problème de rendre service à une quinquagénaire au patrimoine bien garni n'ayant jamais travaillé de sa vie, dans un pays en crise (c'est pas moi qui l'ai dit, c'est votre mari) et dans un secteur où quasiment personne ne gagne d'argent. Personne à part vous, s'entend – ce doit tout de même être assez grisant de se dire qu'on est quasiment la seule personne à vivre de la littérature dans ce pays, non ? Je ne sais pas, je ne peux qu'imaginer, vous semblez une personne très humble, aussi n'est-il pas impossible que le fait de gagner infiniment plus pour trois paragraphes que les auteurs des dix derniers livres que vous avez lus pour l'intégralité de leurs œuvres cumulées... cela ne vous ait tout simplement pas effleurée. D'ailleurs, je suis persuadé que c'est exactement pour la même raison que personne ne se rappelle vous avoir vue à l'Assemblée Nationale : par excès de pudeur, parce que vous aviez bien conscience de gagner beaucoup plus que la plupart de vos collègues assistants parlementaires.
Si cette lettre était un article de mon blog, nul doute que je me ferais houspiller par la plupart de mes lecteurs. Je suis un garçon tellement gentil, tellement modéré que je vous cherche des excuses – à peine si je ne blâme pas les autres, tel un vulgaire élu Les Républicains. Poussez-moi encore un peu et vous verrez, j'accuserai les journalistes d'avoir tout inventé. C'est que voyez-vous, je ne suis pas un extrémiste. Ni un radical. Certes, je suis de gauche. Personne n'est parfait, vous m'en excuserez, d'autant que si je ne suis pas d'extrême gauche, je ne vais pas vous mentir : je suis certainement beaucoup trop de gauche pour vous. Mais malgré tout, je me considère comme quelqu'un de, oui, modéré. Au sens où je chéris les nuances. Je ne suis pas du genre à tirer à boulets rouge ou à taper comme un sourd sur les gens. Je suis le genre de personne qui essaie toujours de se mettre à la place des autres, même si c'est difficile. Je vais vous donner un exemple littéraire, puisque vous êtes de la partie vous aussi : je suis le genre de lecteur qui trouve que le quasi classique What a Carve Up!, de Jonathan Coe, est un livre très drôle mais tout de même très caricatural, en particulier dans son amusant-mais-grossier portrait de Hilary Winshaw, cette riche héritière capricieuse qui s'investit journaliste du jour au lendemain, et écrit des chroniques où elle insulte constamment les pauvres et les ouvriers alors qu'elle-même n'a jamais levé le petit doigt de toute sa vie de peur de se casser un ongle. Vous voyez ce que je veux dire : je suis de ces gens qui considèrent que ce genre de chose n'existe pas vraiment dans la vraie vie – que tout est toujours plus complexe, que rien n'est jamais si tranché. Je suis de gauche, oui, je l'ai avoué, mais je suis surtout un humaniste qui sait l'être même avec les gens de droite. Je n'ai jamais pensé que votre mari et ses compagnons de route, aussi libéraux que puissent paraître leurs programmes, étaient une bande de sales égoïstes prêts à fondre sur le pouvoir en mode Tout pour nos gueules. Je ne vais pas vous dire que je suis fan des riches, vous ne me croiriez de toute façon pas ; mais je suis capable d'éprouver un certain respect pour ceux d'entre eux qui parviennent à générer sinon la richesse, à tout le moins la leur. J'avoue en revanche avoir beaucoup plus de mal avec les parasites – je ne parle pas des chômeurs ou des immigrés, hein, ni même des fraudeurs : je parle de vous et de vos semblables, je parle de tous ceux qui profitent impunément d'un système aveugle et/ou complaisant, de ces gens à qui tout est tellement dû que même pris la main dans le sac, ils paraissent ne pas comprendre ce qu'on leur reproche. Je ne vous souhaite pas de mal, soyez-en assurée ; à vrai dire, je ne pense même pas que l'on devrait juger la candidature de François à l'aune de cette affaire – personne n'est parfait et personne n'a à l'être, pas même un (aspirant) Président de la République. Ce n'est pas l'affaire en soi qui disqualifie totalement votre époux à mes yeux, mais bien sa réaction, les justifications laborieuses qu'il a dû fournir, en nous faisant bien sentir qu'il s'y sentait obligé et que cela ne lui plaisait pas du tout. C'est le fait qu'il n'ait pas paru réaliser que, peu importe que la réalité de votre travail puisse être avérée, les sommes invoquées et le contexte dans lequel ce travail a pu vous échoir étaient totalement indécentes aux yeux de n'importe quel citoyen n'appartenant pas à votre monde. Quand bien même auriez-vous livré une passionnante réflexion stratégique à La Revue des Deux Mondes (je n'affirme pas que vous êtes coupable de ce dont on vous accuse), vous n'aviez aucune légitimité pour le faire, encore moins à ce niveau de rémunération. François et vous-même pourrez le prendre dans tous les sens, l'enrober de toutes les manières possibles, vous ne pourrez rien y changer.
Voilà, c'était un peu long et je m'en excuse. Je ne pensais pas avoir tant de choses à vous confier. Au départ, je voulais surtout vous charrier gentiment, en vous faisant remarquer qu'en général, la Marie-Antoinettisation se faisait seulement une fois arrivé(e) au pouvoir – décidément, tout va plus vite de nos jours. Je ne vous souhaite évidemment pas le même genre de destin (en plus d'être modéré, je ne suis pas violent – une vraie larve). Reste que dans un pays qui a construit une grande partie de sa mythologie nationale sur le reversement voire le massacre de ses puissants, j'ai énormément de mal à comprendre comment nous en sommes arrivés à tolérer cela. À vous tolérer, vous.
Chère Madame Fillon,
J'ai failli vous appeler Penelope mais je sais la misogynie rampante contenue dans ce genre de familiarité, et je crois savoir que François est assez tatillon sur le sujet. Si ce n'était pas une raison suffisante pour adopter une distance raisonnable, je sais aussi depuis peu que je m'adresse non pas à l'épouse d'un ancien Premier Ministre soupçonnée d'abus de bien social, mais rien moins qu'à la chargée de réflexion stratégique de la Revue des Deux Mondes – autant dire que vous pourriez presque être ma patronne. C'est un peu ça le problème, d'ailleurs.
Si je vous écris aujourd'hui ce n'est pas pour débattre de nos visions respectives du féminisme, ni de votre travail d'assistante parlementaire, sur lequel beaucoup ont déjà dégoisé sans connaître grand-chose de la question – à quoi bon savoir ce qu'est un(e) assistant(e) parlementaire pour un avoir un avis à ce sujet, n'est-ce pas ? Moi, je vous écris pour vous confier un secret, au risque sans doute de vous faire un peu rougir : vous m'avez fait pleurer. Vraiment pleurer. J'ai beau être connu pour avoir la larme facile, cela ne m'est pas arrivé souvent de pleurer en lisant des sites d'informations. Au contraire, j'ai plutôt tendance à les parcourir avec un regard froid, concentré, afin de ne pas me laisser aveugler par l'émotion. Pourtant, lorsque j'ai pris connaissance de vos fameuses notes de lecture... c'est parti d'un coup, avant même que je réalise ce qui était en train de se passer. Je ne vous le reproche pas, rassurez-vous : rien qu'à voir le montant de la rémunération, je savais que c'était une très mauvaise idée de cliquer sur le lien lorsque celui-ci a commencé à circuler. Dans le fond, même si vous aviez livré quarante-cinq pages d'analyses captivantes, il y avait largement de quoi menacer l'équilibre mental d'un pauvre hère dans mon genre.
"J'écrivais des notes de lecture avant que ce soit cool."
Comprenez-moi, Madame Fillon : j'entends bien que pour vous, c'était une simple occupation à des journées interminables tandis que François sillonnait le pays, un peu comme d'autres femmes au foyer de votre âge se passionnent pour le tricot, le sudoku ou le scrapbooking (rassurez-moi, ce n'est pas encore misogyne de dire d'une femme au foyer qui se revendique comme telle qu'elle est une femme au foyer ? Je me croyais fervent féministe mais depuis quelques jours, j'ai l'impression de ne plus rien savoir). Honnêtement, personne n'ira vous reprocher de préférer lire des livres et en retirer des notes plutôt que de faire un truc aussi stupide et vain que du scrapbooking. Le hic c'est que moi, ce genre de notes, c'est un peu mon travail. À cette nuance près que je le fais mieux, et gratuitement. Et que ce n'est justement pas vraiment mon travail, à moi non plus (vous voyez, nous avons des points communs !)
Jusqu'à présent, je pensais que c'était parce que j'avais fait de mauvais choix de vie, beaucoup. Je me sentais responsable. Je n'ai jamais beaucoup soigné mon réseau, contrairement à vous, ni réellement su me mettre en valeur – me vendre, comme on dit. Voyant que, lorsque j'envoyais des C.V. ou des textes à des revues, on ne me répondait pas, j'en venais même à douter de ma qualité, à envisager sérieusement que c'était tout simplement parce que je n'étais pas compétent pour ce genre de travail (dont j'ignorais, je vous l'avoue, qu'il fût si généreusement rémunéré – je m'aperçois que j'avais sans le savoir des prétentions salariales très au-dessus de ce que j'estime mériter, my bad). J'apprends grâce à vous qu'en fait, mon problème est juste que je suis mal né et/ou mal marié. Qu'on peut tout à fait écrire des notes de lectures pour une revue aussi prestigieuse que La Revue des Mondes en n'ayant strictement aucune expérience ni compétence, juste sur sa bonne tête, parce qu'on a comme on dit "un nom" et que l'on lit beaucoup de livres (cette dernière proposition pouvant, me souffle-t-on, être optionnelle). Alors soit, ce n'est pas le scoop de l'année que, dans la presse française, tout spécialement culturelle, on embauche plus souvent au piston qu'à la compétence. C'est le genre de chose que l'on fait généralement mine de ne pas savoir (sans quoi nous ne lirions plus grand-chose), tout en le sachant parfaitement en notre for intérieur. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur l'interview de Michel Crépu à Europe 1, dans laquelle tout en vous enfonçant avec bien peu d'égards pour votre statut de Femme Ontologiquement Innocente, il ne semble voir aucun problème à votre embauche en elle-même : "Marc Ladreit de Lacharrière m'avait téléphoné [...] et demandé si je voulais bien prendre des notes de Penelope Fillon, qui avait un peu de temps et s'ennuyait un peu. J'ai dit à Marc oui, pourquoi pas." Le message est clair : dans l'absolu, ce n'était pas un problème de rendre service à une quinquagénaire au patrimoine bien garni n'ayant jamais travaillé de sa vie, dans un pays en crise (c'est pas moi qui l'ai dit, c'est votre mari) et dans un secteur où quasiment personne ne gagne d'argent. Personne à part vous, s'entend – ce doit tout de même être assez grisant de se dire qu'on est quasiment la seule personne à vivre de la littérature dans ce pays, non ? Je ne sais pas, je ne peux qu'imaginer, vous semblez une personne très humble, aussi n'est-il pas impossible que le fait de gagner infiniment plus pour trois paragraphes que les auteurs des dix derniers livres que vous avez lus pour l'intégralité de leurs œuvres cumulées... cela ne vous ait tout simplement pas effleurée. D'ailleurs, je suis persuadé que c'est exactement pour la même raison que personne ne se rappelle vous avoir vue à l'Assemblée Nationale : par excès de pudeur, parce que vous aviez bien conscience de gagner beaucoup plus que la plupart de vos collègues assistants parlementaires.
Si cette lettre était un article de mon blog, nul doute que je me ferais houspiller par la plupart de mes lecteurs. Je suis un garçon tellement gentil, tellement modéré que je vous cherche des excuses – à peine si je ne blâme pas les autres, tel un vulgaire élu Les Républicains. Poussez-moi encore un peu et vous verrez, j'accuserai les journalistes d'avoir tout inventé. C'est que voyez-vous, je ne suis pas un extrémiste. Ni un radical. Certes, je suis de gauche. Personne n'est parfait, vous m'en excuserez, d'autant que si je ne suis pas d'extrême gauche, je ne vais pas vous mentir : je suis certainement beaucoup trop de gauche pour vous. Mais malgré tout, je me considère comme quelqu'un de, oui, modéré. Au sens où je chéris les nuances. Je ne suis pas du genre à tirer à boulets rouge ou à taper comme un sourd sur les gens. Je suis le genre de personne qui essaie toujours de se mettre à la place des autres, même si c'est difficile. Je vais vous donner un exemple littéraire, puisque vous êtes de la partie vous aussi : je suis le genre de lecteur qui trouve que le quasi classique What a Carve Up!, de Jonathan Coe, est un livre très drôle mais tout de même très caricatural, en particulier dans son amusant-mais-grossier portrait de Hilary Winshaw, cette riche héritière capricieuse qui s'investit journaliste du jour au lendemain, et écrit des chroniques où elle insulte constamment les pauvres et les ouvriers alors qu'elle-même n'a jamais levé le petit doigt de toute sa vie de peur de se casser un ongle. Vous voyez ce que je veux dire : je suis de ces gens qui considèrent que ce genre de chose n'existe pas vraiment dans la vraie vie – que tout est toujours plus complexe, que rien n'est jamais si tranché. Je suis de gauche, oui, je l'ai avoué, mais je suis surtout un humaniste qui sait l'être même avec les gens de droite. Je n'ai jamais pensé que votre mari et ses compagnons de route, aussi libéraux que puissent paraître leurs programmes, étaient une bande de sales égoïstes prêts à fondre sur le pouvoir en mode Tout pour nos gueules. Je ne vais pas vous dire que je suis fan des riches, vous ne me croiriez de toute façon pas ; mais je suis capable d'éprouver un certain respect pour ceux d'entre eux qui parviennent à générer sinon la richesse, à tout le moins la leur. J'avoue en revanche avoir beaucoup plus de mal avec les parasites – je ne parle pas des chômeurs ou des immigrés, hein, ni même des fraudeurs : je parle de vous et de vos semblables, je parle de tous ceux qui profitent impunément d'un système aveugle et/ou complaisant, de ces gens à qui tout est tellement dû que même pris la main dans le sac, ils paraissent ne pas comprendre ce qu'on leur reproche. Je ne vous souhaite pas de mal, soyez-en assurée ; à vrai dire, je ne pense même pas que l'on devrait juger la candidature de François à l'aune de cette affaire – personne n'est parfait et personne n'a à l'être, pas même un (aspirant) Président de la République. Ce n'est pas l'affaire en soi qui disqualifie totalement votre époux à mes yeux, mais bien sa réaction, les justifications laborieuses qu'il a dû fournir, en nous faisant bien sentir qu'il s'y sentait obligé et que cela ne lui plaisait pas du tout. C'est le fait qu'il n'ait pas paru réaliser que, peu importe que la réalité de votre travail puisse être avérée, les sommes invoquées et le contexte dans lequel ce travail a pu vous échoir étaient totalement indécentes aux yeux de n'importe quel citoyen n'appartenant pas à votre monde. Quand bien même auriez-vous livré une passionnante réflexion stratégique à La Revue des Deux Mondes (je n'affirme pas que vous êtes coupable de ce dont on vous accuse), vous n'aviez aucune légitimité pour le faire, encore moins à ce niveau de rémunération. François et vous-même pourrez le prendre dans tous les sens, l'enrober de toutes les manières possibles, vous ne pourrez rien y changer.
Voilà, c'était un peu long et je m'en excuse. Je ne pensais pas avoir tant de choses à vous confier. Au départ, je voulais surtout vous charrier gentiment, en vous faisant remarquer qu'en général, la Marie-Antoinettisation se faisait seulement une fois arrivé(e) au pouvoir – décidément, tout va plus vite de nos jours. Je ne vous souhaite évidemment pas le même genre de destin (en plus d'être modéré, je ne suis pas violent – une vraie larve). Reste que dans un pays qui a construit une grande partie de sa mythologie nationale sur le reversement voire le massacre de ses puissants, j'ai énormément de mal à comprendre comment nous en sommes arrivés à tolérer cela. À vous tolérer, vous.
Vous trouverez ci-joint mon C.V. ; je me tiens bien sûr à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire. Dans l'attente d'une réponse que j'espère positive de votre part, je vous prie de croire, Madame Fillon, à l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Thomas.
Formidable texte. Jusqu'au titre. Bravo et surtout merci de formaliser ce que je pense beaucoup de gens n'arrivant pas à vivre de leur plume ont pu ressentir.
RépondreSupprimerEh bien... merci à toi de le voir comme ça. Je n'ai fait que parler pour moi-même (comme toujours, en fait), mais en effet je doute d'être le seul à avoir eu cette impression de crachat à la gueule...
SupprimerC'est vrai que tu es gentil : tu ne précises même pas que les textes en question sont un tissu de banalités à peine dignes d'une étudiante en lettres licence 1 ;)
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerJe ne l'ai pas fait parce que le format impose une certaine concision, si ce n'est de la superficialité, ça n'aurait tout de même pas été très juste de préjuger de la vista littéraire de Madame Fillon sur la seule foi de ces deux textes.
Supprimer...
...
Putain, c'est vrai : je suis vraiment très gentil :-)
Enfin c'est de la fausse gentillesse et de la fausse naïveté, Lil. Le ton à moitié naïf est très cruel puisqu'il souligne à quel point les Fillon sont déconnectés de la réalité (= faut leur expliquer les choses gentiment pour qu'ils comprennent).
SupprimerJ'étais ironique. Bien sûr que ce texte n'est pas "gentil". Au contraire.
SupprimerFais attention SIXTINE, GUIC' va se fâcher si tu commences à faire l'exégèse de mes écrits à sa place ;-)
SupprimerCa passe pour cette fois ;-)
SupprimerTrès bon texte, et ça pfait plaisir de te voir en verve.
CEtte affaire m'a affligé toute la semaine, que ce soit à caue de leur réactions, des réactions des journalistes aussi... 'impression que personne dans ce monde ne voit que le problème n'est pas que ce soit illégal ou pas... C'est que justement, si c'est légal, c'est moralement plus scandaleux.(Et pour un chrétien revendiqué, c'est pas le sens moral et la repentance qui l'étouffent)
Tu as tout à fait raison d'ajouter les journalistes. Ce genre d'affaire vient souligner à quel point les Canard ou Mediapart font un job différent de tous nos incontournables "éditorialiste multicartes". Hier soir, chez Ardisson, c'était assez fascinant de voir Giesbert, Hondelatte et Ardisson lui-même expliquer en souriant que tout cela n'était pas bien grave, que ce serait vite oublié, que c'était un "coup dur" pour le pauvre François Fillon mais qu'il s'en remettrait. C'est absolument révoltant, tout comme la manière dont Fillon lui-même a annoncé hier, pile au moment où Mediapart dévoilait sa propre affaire de commissions occultes au sénat, qu'il ne s'exprimerait plus dans les médias - soit donc qu'il ne rendrait plus de comptes aux Français à moins que la justice ne l'y oblige. Une honte. Fallait entendre le discours : un total déni de réalité, du Trump franchouillard, ni plus ni moins.
Supprimer"les justifications laborieuses qu'il a dû fournir, en nous faisant bien sentir qu'il s'y sentait obligé et que cela ne lui plaisait pas du tout."
RépondreSupprimerMais tellement !!
Super article, bravo Thomas.
Merci ^^
SupprimerLe pire c'est le côté "tout pour ma gueule" en effet.
RépondreSupprimerDans l'absolu je ne trouve pas anormal de donner un coup de pouce professionnel à sa femme ou ses gamins si on le peut. J'ai trouvé un stage dans ma boite pour ma fille par exemple (il y avait un épisode de Black-ish assez sympa sur le sujet récemment).
Mais non, faut que ce soit du travail fictif évidemment. Les mecs veulent le beurre et l'argent du beurre et le cul de la crémière et après ils vont faire les offensés sur les plateaux télé. Une honte, et c'est quelqu'un qui pensait voter Fillon qui le dit.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerNon, en effet, ça n'a strictement rien d'anormal de vouloir mettre le pied à l'étrier à ses proches (encore qu'on puisse tout de même avoir des scrupules vis-à-vis de l'argent de l'état. Voire ne pas payer, par exemple, sa fille pour la relecture de son bouquin, faut pas déconner, si ma mère écrivait un livre et me demandait de relire et de corriger, je ne me ferais pas payer pour ça et certainement pas par son employeur).
SupprimerPour le reste, le pire à mon avis est que cela rouvre l'increvable débat sur les vilains députés qui font rien qu'à dépenser l'argent du contribuable, alors qu'une écrasante majorité de députés travaille de manière tout à fait sérieuse...
PUR ARTICLE :-)
RépondreSupprimerPur, carrément ? ^^
SupprimerNormalement je devrais dire ici qu'aux US le mec se serait retiré direct mais depuis Trump je sais seulement que je sais rien.
RépondreSupprimerC'est qd même pour moi du discrédit total, le Fillon joue les pères à la morale franchement ça le ridiculise au minimum. J'espère qu'il le paiera dans les urnes même si je pense qu'il est pas du tout le seul à avoir fait ce genre de trucs et qu'il paiera pour d'autres.
Je pense malheureusement qu'il ne le paiera ni dans les urnes, ni devant la justice - en admettant évidemment qu'il soit reconnu coupable de quoi que ce soit, nous n'en sommes qu'aux stades des présomptions.
SupprimerUn président n'a certes pas à être parfait, comme tu le notes, mais il y a tout de même un minimum. François Fillon, lui-même, semble partager cette opinion, à en croire ses nombreux discours.
RépondreSupprimerCe qui me révolte, dans cette histoire, c'est de savoir que la France pardonnera. Fillon ne va pas se retirer. Il sera peut-être, malgré cela, élu. En France, on excuse ce genre de comportement. Nous savons faire preuve d'une grande complaisance, vis-à-vis des tricheurs, ou des fraudeurs, tant que ceux-ci ne sont pas immigrés.
J'aimerais croire que les temps ont changé; je n'y crois pas un instant.
Je crains que tu aies raison, même si j'ai l'impression tout de même que le contexte actuel, cette défiance de plus en plus hurlante, pourrait entraîner plus de répercussions qu'à d'autres époques. Tout le problème étant qu'on ne va peut-être pas trop aimer l'apparence que prendront les dites répercussions...
SupprimerExcellent, quel retour !
RépondreSupprimerAlex a déjà dit dans le premier commentaire mon sentiment.
le coeur de l'article (et le fond du problème):
"ces gens à qui tout est tellement dû que même pris la main dans le sac, ils paraissent ne pas comprendre ce qu'on leur reproche"
et encore, tu n'a pas insisté sur le fait que ces gens sont les premiers à stigmatiser "l'assistanat". C'est vraiment insupportable !
Bien entendu.
SupprimerAprès je suis parti du principe que je m'adressais à Madame Fillon ; je ne voulais pas systématiquement lui plaquer tout ce que disait son mari, cette dame ne donne jamais d'interviews, on n'a donc aucune idée de ce qu'elle pense. Et d'ailleurs, j'aurais trouvé un peu plus élégant que ce soit elle qui se déplace devant les médias pour s'expliquer. Oh bien sûr, jamais les communicants de son mari n'auraient laisser faire un truc pareil de peur qu'elle ne se fasse coincer, mais au moins elle aurait eu l'air un peu courageuse, alors que là elle passe au mieux pour une demoiselle en détresse dont le preux chevalier vient laver l'honneur face aux gueux - ce qui envoie évidemment un message encore plus déplorable.
Super texte. J'apprécie que tu remettes les choses en place sur 2 points précis, un peu noyés dans l'excitement médiatique :
RépondreSupprimer1. que ces emplois ait été fictifs ou pas, c'est secondaire.
2. ce n'est pas parce que le volet Revue des Deux Mondes ne concerne pas des fonds publics que c'est moins scandaleux ; cela touche la société dans son entièreté comme tu le rappelles avec brio.
"Excitement", lol. L'énervement me fait écrire n'importe quoi :-)
SupprimerA quand la fonction "édit" sur Le Golb ? !
Malheureusement j'ai bien peur que ce ne soit pas d'actualité.
SupprimerMerci d'avoir noté les deux points en question. C'était effectivement important pour moi de ne pas écrire un énième texte démago pour se payer la tronche des assistés parlementaires (oups, mon clavier a fourché). Ce n'est que la partie la plus immédiatement choquante de l'affaire, or ce n'est pas à mon sens la plus grave.
Merci.
RépondreSupprimerAlf avec nous ! Alf avec nous !
RépondreSupprimerTu sais je ne suis pas sûr qu'AL vienne lire tous les commentaires de tous les articles du Golb... tu devrais peut-être plutôt aller le chercher sur son propre site ;-)
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