samedi 3 février 2018

Kyle Craft - Glam sudiste


C'est avec une moue dubitative que l'on voit débarquer Full Circle Nightmare. Sceptique, même. Mais joyeuse. A une époque de musique dématérialisée, c'est toujours marrant de continuer de temps à autre à bloquer sur une pochette (qui en fait est un dessin sur un écran) et de se dire Oh la vache, c'est quoi cette tronche ? La réponse coule de source et l'on ne peut pas reprocher à Kyle Craft de ne pas annoncer la couleur : celle d'un mec qui aime vraiment très fort le glam-rock, et pas forcément celui du meilleur goût, pas forcément (ou pas toujours) celui des Dolls et autres croulants rock'n'rollement corrects qui continuent bon an mal an de remplir les salles et de décrocher de temps à autre un bon article là et même ici. Dès les premiers instants de Full Circle Nightmare, ça braillotte dans tous les sens. On sent que chez Kyle Craft, on connaît ses classiques mais qu'on ne crache pas non plus de temps à autres sur un petit Van Halen de la mauvaise période - voire, soyons gourmands, un bon vieux Michael Monroe. Le fait que personne ne le lui fasse remarquer dans les nombreuses reviews ayant salué son précédent album (Dolls of Highland, il y a deux ans, relativement buzzé mais pas assez pour qu'on ait entendu parler de lui) confirme simplement ce qu'on sait tous, à savoir que ces gens puent les pieds en raison de leurs looks plus que parce que ceux qui les conchient les ont écoutés. Autant dire que cela inspire immédiate une certaine sympathie pour le jeune homme, d'autant qu'originaire de Portland et signé chez Sub Pop, on se dit qu'il n'a pas dû avoir beaucoup d'amis durant son adolescence. Ceci explique sans doute cela.


Car se plonger dans Full Circle Nightmare, c'est assurément pénétrer dans un monde imaginaire pétri de références antithétiques, où l'on jette des ponts multicolores entre Dylan et Hanoi Rocks, Bowie et toute la scène alt-country des 90's (le gars a d'ailleurs tourné avec Drive-By Truckers), Big Star et le rock sudiste le plus racé. "Antithétiques", entendons-nous bien : pas tant que cela en réalité, mais énormément en terme d'image, d'aura, de réputation. Par tout un tas d'aspects, qu'il s'agisse de son écriture elle-même ou de la prod de l'album, Kyle Craft semble être le parfait concentré de son époque et de sa génération (il est né en 1989), piochant partout en se foutant pas mal des chapelles, et il a bien raison. Tirant toujours vers le refrain qui tue sans tomber dans le petit jeu de la citation, il réussit à évoquer plein de gens tout en proposant un ensemble parfaitement cohérent, à peine inégal, jamais hétéroclite. Un genre de glam sudiste qui, sur la durée, évoque un album des Black Crowes interprété par Ryan Adams (auquel sa voix fait nettement penser par endroits), avec une qualité de songwriting que les premiers n'ont jamais eue et que le second a perdue depuis des lustres. Plein de breaks voire carrément de twists (si si), les morceaux s'enchaînent à toute blinde, le gars se tortille de tout son être (Full Circle Nightmare est un album très visuel) et râpe chaque bout de lyric qui passe sous sa langue de chat. Compliqué à décrire mais captivant et écouté et tellement simple à aimer lorsqu'il vous offre une chanson à boire d'Elton John (le pompeux mais excellent final "Gold Calf Moan") ou dégénère un honky-tonk de pacotille en rock FM épique à la Jesse Malin ("Heart Break Junky"). C'est d'ailleurs immanquablement derrière ce dernier que finit par se ranger Craft, non pas tant pour des motifs musicaux (il est bien plus roots) ni même capillaires (hum) que par son goût du storytelling qui vient parachever l'ensemble (voir la splendide et indolente "The Rager"). Certes, au vu de ses références, il eût été dommage et peut-être même ennuyeux de ne pas assurer de ce côté, mais la hauteur du verbe est au-delà de tout le reste ce qui extrait Kyle Craft de la masse et en fait plus qu'un énième mec qui connaît a écouté les bons (et les mauvais) disques. Que ce soit dans l'écriture pure ou dans la diction par instants vertigineuse, le gamin (j'ai le droit de dire ça d'un quasi trentenaire, ça commence à faire mal) fait preuve d'un sacré panache. Du son, du style ? Ok, mais surtout : des putains de chansons. Dix. Pas une à jeter.




👍👍👍 Full Circle Nightmare
Kyle Craft | Sub Pop, 2018

14 commentaires:

  1. Je ne savais pas que l'album était sorti, ça fait des semaines que j'écoute The Rager, j'adore ce morceau :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est difficile d'en décrocher, pourtant il est assez différent du reste, tu verras...

      Supprimer
  2. Excellent extrait ! Je vais voir si je peux trouver le reste.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois l'avoir entre vu en intégralité sur la chaîne YouTube du label, si ça peut faciliter tes recherches.

      Supprimer
  3. "d'autant qu'originaire de Portland et signé chez Sub Pop, on se dit qu'il n'a pas dû avoir beaucoup d'amis durant son adolescence. "

    MOUAH HA HA HA HA HA

    C'est vrai que le pauvre devait pas une référence du cool avec de tels goûts!! :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Heureusement qu'il n'est "que" de 89, ç'aurait pu être pire, je préfère même savoir ce qu'on écoute dans les lycées de Portland en 2018 ^^

      Supprimer
  4. "ces gens puent les pieds en raison de leurs looks plus que parce que ceux qui les conchient les ont écoutés."

    ah, mais là je vais être obligé d'écouter. un article qui cite Hanoi Rocks, c'est tellement rare :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est tellement rare que j'ai failli chroniquer le double best of de Michael Monroe qui est sorti il y a quelques mois ^^ (mais bon, il me reste encore un peu de street cred', autant la préserver ;-))

      Bon, comme tu le verras (et comme le note ALEX en-dessous), ce n'est pas du tout du Hanoi Rocks, mais tu sens très bien en écoutant l'album que le mec est un gros fan de glam et qu'il ne s'est pas contenté d'écouter que les trucs qu'il fait bon de citer en société dans ce registre.

      Supprimer
    2. Mais faut pas te gêner bon sang (j'ai encore souvenir de ton dernier article sur Duff....)! A mon avis, tu as encore suffisamment de Street Cred' pour réhabiliter Michael Monroe ! (dont je ne connais d'ailleurs rien en dehors des Hanoi Rocks).

      tu cites aussi Ryan Adams, donc tout ca me rend bien curieux... on verra bien

      Supprimer
    3. J'y réfléchirai ^^

      Si c'est vraiment c'est cet aspect qui te parle le plus dans l'article, je ne peux que te recommander son premier album, qui est bien plus orienté glam-rock que celui-ci (mais un peu trop rétro à mon goût, pour le coup).

      Supprimer
    4. non non, c'est bien l'ensemble de l'article qui m'a attiré. et je retrouve bien ta description dans le disque. Sans être bouleversant, je l'ai trouvé attachant, avec d'excellents titres (surtout en deuxième partie d'album, à moins qu'il m'ai fallu du temps pour m'habituer ?). Ce serait sympa de le croiser à un festival...

      Supprimer
  5. La description me faisait un peu peur mais en fait, ce n'est pas du Hanoi Rock. Et c'est même très bien, ouf :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te renvoie à ma réponse à XAVIER juste au-dessus :-)

      Supprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).