On a beau avoir souvent envie de se pendre à l'idée de regarder un biopic, il est des vies dont il faut bien admettre que le Grand Narrateur Ou Quel Que Soit Son Nom paraît les avoir écrites directement pour le cinéma. Celle du Docteur William Moulton Marston en fait partie : le créateur de Wonder Woman a accompli plus de choses entre son diplôme de psychologie en 1921 et sa mort précoce en 1947 que la plupart des gens vivant jusqu'à quatre-vingts ans. Autant dire qu'il était condamné à finir par se matérialiser dans un film tout lisse sous les traits d'un acteur lambda plissant laborieusement les yeux à chaque scène dramatique.
Le film s'intitule Professor Marston & The Wonder Women (ou My Wonder Women, en... VF ?), l'acteur se nomme Luke Evans (et il est bien la star du film en dépit de ce que le titre va tenter de vous faire croire). Il ne se passe pas plus de vingt minutes avant que l'on commence à bâiller devant ce triste spectacle. Circonstance atténuante : quiconque connaît un peu la vie de Marston et la genèse de Wonder Woman comprend qu'on se soit bousculé sur le projet. Circonstance aggravante : quiconque connaît un peu la vie de Marston et la genèse de Wonder Woman ne peut que se demander si ceci n'est pas une blague. Personnage compliqué et bourré de contradictions, Marston était à la fois un scientifique brillant et un artiste foutraque, un queutard invétéré et un féministe obsessionnel (ce avec toute la balourdise que pouvait revêtir le féminisme vu par les yeux d'un homme de sa génération – en gros, Marston passa sa vie à essayer de démontrer que les femmes étaient plus intelligentes que les hommes), un type aux idéaux indéniablement nobles mais à l'éthique professionnelle extrêmement douteuse, notoirement obsédé par la vérité sauf (évidemment) lorsqu'elle ne l'arrangeait pas. De cela et de la fantaisie qui habitait celui que le film présente (à tort) comme l'inventeur du détecteur de mensonges1, il ne reste à peu près rien.
Entièrement focalisé, ce n'est pas un abus de langage tant les personnages secondaires y sont inexistants, sur le ménage à trois unissant Marston, son épouse Elizabeth et son étudiante Olive Byrne, Professor Marston & The Wonder Women se révèle rapidement n'être qu'un gros mélo en costume ne s'intéressant quasiment pas à l'art, assez peu à la science et franchement pas assez au féminisme (même si un tout petit peu plus). On n'échappe pas en revanche aux scènes pseudo-érotique et aux réminiscences BDSM (très) soft, ce qui n'est que le minimum syndical vu la vie rocambolesque des protagonistes mais n'apporte pas grand-chose tant tout ce que le film a à dire sur l'amour et le désir relève du robinet d'eau tiède. Il est vrai que les deux stars féminines du film, Rebecca Hall et Bella Heathcote, sont à peu près aussi charismatiques qu'Evans lui-même, et qu'on peine à comprendre en les regardant en quoi elles ont pu inspirer un personnage aussi iconique que Diana Prince. Mais il est vrai qu'il arrive un moment où l'on se demande tout simplement qui sont ces gens tant le film prend de libertés avec la réalité (on ne comprend pas très bien2, par exemple, pourquoi Angela Robinson invente de toutes pièce une scène dans laquelle Marston fait l'article à un Max Gaines sceptique devant cet hurluberlu sorti de nulle part, alors que l'éditeur et le futur auteur de Wonder Woman – qui n'était pas tout à fait un débutant – se connaissaient depuis des années et travaillaient déjà ensemble au moment où a germé l'idée du comic-book). Laisser croire que la déchéance professionnelle de Marston découla de sa polygamie plutôt que de ses expériences de plus en plus farfelues au fil du temps pose déjà, en soi, un véritable problème.
Le plus gênant demeure toutefois que le film, tout en revendiquant un féminisme de circonstance, ne l'est au final pas tant que cela tant il minore l'apport d'Elizabeth Marston dans la création de la super-héroïne (alors qu'on sait à peu près avec certitude aujourd'hui que bien qu'elle ne fut jamais officiellement créditée, celui-ci ne fut pas moindre). On rappellera d'ailleurs qu'elle ne put jamais faire valoir ses droits après la mort de son mari et fut littéralement traitée comme une merde par l'industrie, choses qu'il eût pu être bon d'intégrer à un biopic... qui s'achève en queue de poisson sur un monologue emphatique du héros masculin, en prenant à peine le temps de préciser que ses femmes moururent dans une indifférence générale et un relatif dénuement, ce qui prouve combien la condition féminine était un sujet cher aux yeux de Robinson. De toute façon, en prenant le parti d'être un récit rétroactif lors de l'audition de Marston par Josette Frank (légendaire spécialiste de l'éducation et de la littérature que le film fait implicitement passer pour la présidente d'un quelconque comité de censure), le scénario se focalise volontairement sur l'aspect ultra-sexué du personnage plutôt que sur ce qu'elle représente et véhicule dans son époque ou la nôtre, ce qui est tout de même un peu ballot – pour ne pas dire complètement con. Possible que finalement, ce possessif ajouté au titre VF en dise plus long qu'il en a l'air sur le contenu du film...
1. L'invention de Marston, le test de pression systolique, est au détecteur mensonge moderne ce que le Minitel est à Internet... et n'était qu'une version améliorée de tests qui existaient déjà avant lui. Mais allez, à quoi bon s'embarrasser à être précis ?
2. Enfin si : on comprend que c'était beaucoup plus simple de raconter les choses de cette manière, c'est fatigant d'écrire sur des gens trop complexes, autant simplifier où l'on peut, faudrait pas non plus que le scénario sorte trop des clous du biopic moyen.
Le film s'intitule Professor Marston & The Wonder Women (ou My Wonder Women, en... VF ?), l'acteur se nomme Luke Evans (et il est bien la star du film en dépit de ce que le titre va tenter de vous faire croire). Il ne se passe pas plus de vingt minutes avant que l'on commence à bâiller devant ce triste spectacle. Circonstance atténuante : quiconque connaît un peu la vie de Marston et la genèse de Wonder Woman comprend qu'on se soit bousculé sur le projet. Circonstance aggravante : quiconque connaît un peu la vie de Marston et la genèse de Wonder Woman ne peut que se demander si ceci n'est pas une blague. Personnage compliqué et bourré de contradictions, Marston était à la fois un scientifique brillant et un artiste foutraque, un queutard invétéré et un féministe obsessionnel (ce avec toute la balourdise que pouvait revêtir le féminisme vu par les yeux d'un homme de sa génération – en gros, Marston passa sa vie à essayer de démontrer que les femmes étaient plus intelligentes que les hommes), un type aux idéaux indéniablement nobles mais à l'éthique professionnelle extrêmement douteuse, notoirement obsédé par la vérité sauf (évidemment) lorsqu'elle ne l'arrangeait pas. De cela et de la fantaisie qui habitait celui que le film présente (à tort) comme l'inventeur du détecteur de mensonges1, il ne reste à peu près rien.
Entièrement focalisé, ce n'est pas un abus de langage tant les personnages secondaires y sont inexistants, sur le ménage à trois unissant Marston, son épouse Elizabeth et son étudiante Olive Byrne, Professor Marston & The Wonder Women se révèle rapidement n'être qu'un gros mélo en costume ne s'intéressant quasiment pas à l'art, assez peu à la science et franchement pas assez au féminisme (même si un tout petit peu plus). On n'échappe pas en revanche aux scènes pseudo-érotique et aux réminiscences BDSM (très) soft, ce qui n'est que le minimum syndical vu la vie rocambolesque des protagonistes mais n'apporte pas grand-chose tant tout ce que le film a à dire sur l'amour et le désir relève du robinet d'eau tiède. Il est vrai que les deux stars féminines du film, Rebecca Hall et Bella Heathcote, sont à peu près aussi charismatiques qu'Evans lui-même, et qu'on peine à comprendre en les regardant en quoi elles ont pu inspirer un personnage aussi iconique que Diana Prince. Mais il est vrai qu'il arrive un moment où l'on se demande tout simplement qui sont ces gens tant le film prend de libertés avec la réalité (on ne comprend pas très bien2, par exemple, pourquoi Angela Robinson invente de toutes pièce une scène dans laquelle Marston fait l'article à un Max Gaines sceptique devant cet hurluberlu sorti de nulle part, alors que l'éditeur et le futur auteur de Wonder Woman – qui n'était pas tout à fait un débutant – se connaissaient depuis des années et travaillaient déjà ensemble au moment où a germé l'idée du comic-book). Laisser croire que la déchéance professionnelle de Marston découla de sa polygamie plutôt que de ses expériences de plus en plus farfelues au fil du temps pose déjà, en soi, un véritable problème.
Le plus gênant demeure toutefois que le film, tout en revendiquant un féminisme de circonstance, ne l'est au final pas tant que cela tant il minore l'apport d'Elizabeth Marston dans la création de la super-héroïne (alors qu'on sait à peu près avec certitude aujourd'hui que bien qu'elle ne fut jamais officiellement créditée, celui-ci ne fut pas moindre). On rappellera d'ailleurs qu'elle ne put jamais faire valoir ses droits après la mort de son mari et fut littéralement traitée comme une merde par l'industrie, choses qu'il eût pu être bon d'intégrer à un biopic... qui s'achève en queue de poisson sur un monologue emphatique du héros masculin, en prenant à peine le temps de préciser que ses femmes moururent dans une indifférence générale et un relatif dénuement, ce qui prouve combien la condition féminine était un sujet cher aux yeux de Robinson. De toute façon, en prenant le parti d'être un récit rétroactif lors de l'audition de Marston par Josette Frank (légendaire spécialiste de l'éducation et de la littérature que le film fait implicitement passer pour la présidente d'un quelconque comité de censure), le scénario se focalise volontairement sur l'aspect ultra-sexué du personnage plutôt que sur ce qu'elle représente et véhicule dans son époque ou la nôtre, ce qui est tout de même un peu ballot – pour ne pas dire complètement con. Possible que finalement, ce possessif ajouté au titre VF en dise plus long qu'il en a l'air sur le contenu du film...
👎👎 Professor Marston & The Wonder Women [My Wonder Women]
Angela Robinson | Boxspring Entertainment, sortie française le 18/04/2018
1. L'invention de Marston, le test de pression systolique, est au détecteur mensonge moderne ce que le Minitel est à Internet... et n'était qu'une version améliorée de tests qui existaient déjà avant lui. Mais allez, à quoi bon s'embarrasser à être précis ?
2. Enfin si : on comprend que c'était beaucoup plus simple de raconter les choses de cette manière, c'est fatigant d'écrire sur des gens trop complexes, autant simplifier où l'on peut, faudrait pas non plus que le scénario sorte trop des clous du biopic moyen.
Il était toujours pas sorti en France, ce film? J'ai l'impression de l'avoir vu il y a super longtemps...
RépondreSupprimerRien de mémorable en effet, en même temps de la part d'une réalisatrice dont le truc le plus marquant de son Cv est L Word...
Ouais mais j'aimais bien L Word, moi :-)
Supprimer(bon, pas pour ses qualités de réalisation, certes)
Il est tout fade et bidon ce film but il a eu le mérite de me faire découvrir une histoire assez dingue quand même. Cette famille Marston, c'était quelque chose et moi qui ne m'intéresse pas aux comics j'ignorais totalement le background de la création de Wonder Woman. J'en ai donc quand même retiré un truc (plus que du film Wonder Woman ah ah).
RépondreSupprimerCertes, mais Wikipedia t'en aurait appris plus en moins de temps ;-)
SupprimerEh bien, tu n'y vas pas de main morte.
RépondreSupprimerUn article ciné ET un Top of the Flops, c'est presque la fête sur le Golb ;)
Oui enfin je t'avoue que pour une fois que je trouvais le temps de voir un film au moment où il fait (vite fait) l'actu, j'aurais bien aimé avoir à en dire du bien ^^
SupprimerFilm des plus anecdotiques, nous sommes bien d'accord. Les critiques sont pourtant relativement bonnes mais je n'y croyais pas trop et évidemment, quand le sujet est abordé par quelqu'un qui le connaît autrement que via le dossier de presse, ça vire au carnage ;)
RépondreSupprimerJ'ose espérer quand même que je ne suis pas le seul dans ce cas...
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