samedi 22 octobre 2022

On était tous tellement Miossec


Nous sommes en 1997 + 25 ans et tandis que Dominique A publiait il y a quelques semaines un quinzième album ambitieux, inventif, parfois raté mais pétri d'idées et de talent, Miossec continue d'essorer son back-catalogue. La comparaison est cruelle ? Pas plus que la réalité. Quand on se rappelle ce que l'un et l'autre ont pu représenter dans les années 90, à quel point ils ont, chacun dans son registre, révolutionné la manière dont on jouait et chantait le rock en français... la mise en parallèle de leurs trajectoires ne peut qu'interpeller. À Dominique la postérité, la crédibilité, les titres ronflants de Nouveau Bashung et les critiques dithyrambiques même lorsqu'il y aurait à redire. À Christophe la dérive variétoche, les autoplagiats, les retours aux sources foirés et les fulgurances étouffées au sein d'albums oscillant entre le gentiment anecdotique et le fortement embarrassant. Ne fût-ce la lassitude implacable que provoque aujourd'hui la seule évocation d'un nouveau disque de Miossec, on pourrait passer des pages à filer la comparaison et expliquer pourquoi ce hiatus n'est même pas si surprenant. Restons-en au constat initial : Dominique A, qui n'était à ses débuts qu'une discrète promesse, continue de créer, d'étonner, quitte à parfois décevoir. Miossec, qui relevait plutôt de l'énorme coup de latte dans la fourmilière, s'est pris la totalité du château de cartes sur la gueule et réédite ses albums cultes (Boire hier, Baiser aujourd'hui) dans l'espoir (on suppose) de rappeler à ceux qui n'y étaient pas à quel point il fut important – ce qui ne fait bien entendu que souligner auprès des autres à quel point il ne l'est plus. Tout ou presque tient dans la déclaration d'intention accompagnant la sortie1 : « À l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de Baiser, nous allons rééditer ce disque fondateur, en version vinyle gatefold et CD digibook accompagnée d’un magnifique livret enrichi de photos inédites. Ce deuxième disque a incontestablement continué à faire bouger quelques lignes de l’histoire de la chanson. »2 

On ne sait si l'on doit se gausser de la grande humilité du propos, ou au contraire s'étonner de sa platitude. Ce ne serait donc que cela, Baiser ? Un album qui a fait bouger les lignes (et encore, juste quelques unes) ? La seule utilisation de cette hideuse expression BFM suffirait à justifier un article entier réclamant le licenciement de l'attaché(e) de presse. Mais la vérité est qu'avec Miossec, on n'est plus à cela près. On a juste envie de répondre Chut, arrête. Ta gueule. On y était. Baiser, tu l'as peut-être publié mais nous, on se l'est pris en plein cœur – en plein tout ce qu'il était possible de se le prendre. Et puis est-ce qu'il y a au moins un inédit sur ta réédition d'abord ? Non ? Alors vraiment arrête. Chut. Ta gueule. Laisse nos souvenirs tranquilles et retourne faire un album chiant dont tu iras roucouler des extraits live chez Trapenard ou un autre du même genre. Laisse Baiser tranquille – tu ne le mérites pas.
 

J'aimerais vous dire que je suis en train de caricaturer ma propre aversion pour l'essentiel de ce qu'a pu produire Miossec depuis (facile) quinze ans. Que je n'en suis pas arrivé à un tel niveau de rejet vis-à-vis d'un artiste ayant accompagné une très grande partie de ma vie, et dont je persiste à écouter religieusement chaque nouvelle sortie, plusieurs fois, avant de me rendre à une conclusion que j'aurais dans le fond pu énoncer au bout de trois minutes. J'ai moi-même du mal, alors que je réécoute Baiser, à me convaincre que je pense sincèrement ce que je suis en train d'écrire. N'est-ce pas d'ailleurs le but de ce type de rééditions (en dehors de ramasser un peu de pognon en passant, ce qui ne fait jamais de mal) ? Tout remettre au même niveau en espérant que l'auditeur, tout à sa nostalgie, n'entendra rien au subterfuge ? Rabaisser Baiser au rang de modeste album ayant fait bouger les lignes (eurk) : en voilà un bon moyen de ne pas accabler ses innombrables successeurs, rejetons laborieux régurgitant tellement d'arrangements douteux et de jeux de mots navrants qu'ils en piétinent sans remords le déjà maigre héritage. On dit souvent des grands albums, cultes, fédérateurs, qu'ils appartient à leur public plus qu'à leurs auteurs. S'agissant de Boire et Baiser, la figure de style s'intitule lapalissade. Ces deux chefs-d’œuvre bruts, flamboyants, parfaits jusque dans leurs imperfections... ne peuvent appartenir qu'à leur public puisque leur propre auteur les a abandonnés sur une ère d'autoroute. Rappelons que l'album ici honoré fut largement dénigré par Miossec lui-même durant les années qui suivirent, au point d'entraîner le licenciement de la quasi totalité du groupe jouant dessus.

Mais que trouve-t-on donc sur ce Baiser qui soit si extraordinaire que le freluquet du Golb veuille interdire à Miossec de le rééditer (qui plus est « en vinyle gatefold et CD digibook », ce qui n'est tout de même pas rien) ? S'il voulait être taquin, ledit freluquet répondrait « Guillaume Jouan », tant il est évident que c'est à partir du moment où son fidèle guitariste n'a plus été dans le coin que la discographie de Miossec a commencé à vriller. On l'aura noté au long des trois paragraphes précédents, la taquinerie n'est heureusement pas le genre de la maison. N'allez pas penser que ce soit par fascination pour la rade de Brest qu'on persiste vingt-cinq ans après à se farcir des albums comme Mammifères (au hasard). Faisons simple, puisque c'est sa principale qualité : Baiser est tout simplement le second meilleur album français de son époque, juste derrière Boire. Un petit précis de la désagrégation des couples sur le fond ; une grosse claque alt-country sur la forme. Il reprend une formule puissamment établie par son prédécesseur et la fait revenir dans l'électricité, tout en conservant ce qui rendait alors Miossec exceptionnel : une langue unique, viscérale, dont le sentiment de crudité ne découlait pas uniquement de l'usage de gros mots mais aussi (surtout) de sa manière de charcuter les pieds, d'éventrer les rimes, d'asséner la voix quand tous ses contemporains se contentaient de la poser. Miossec chante mieux sur ses deux (et même trois) premiers albums que sur tous les suivants, alors qu'il y chante paradoxalement moins. Il y a sur ces disques un art du phrasé, de l'éructation en faisant quelque chose de bien plus dur et rock'n'roll que ce que les arrangements eux-mêmes, plutôt apprêtés, parviennent à produire. Il en va de même, bien sûr, du vocabulaire.

 
On a souvent écrit que Miossec, plus encore que Renaud (dont il se réclamait alors, à juste titre), avait (r)amené le langage parlé dans la chanson française. C'est fort joliment dit et ferait du brave Christophe un genre de Céline de la pop, le problème, c'est que c'est doublement inexact : c'est précisément parce qu'il écrivait en s'affranchissant des contraintes littéraires franco-françaises que Miossec était révolutionnaire. Il introduisait dans la chanson francophone une approche typique de la musique anglo-saxone, directe, sans métaphores élaborées, sans images poétiques surfaites ni enluminures. La "chanson rock", au sens le plus strict d'un terme qui sera inventé bien plus tard, et utilisé à peu près n'importe comment pour désigner à peu près n'importe qui. Revenons un instant sur la comparaison inaugurale pour observer qu'à la fin des années 90, si le Nantais sonnait sans doute plus rock (il n'y a rien qui se rapproche d'albums comme La Fossette ou Remué dans la discographie Miossec), le Brestois, lui, se contentait de l'être. En 1997, vous entendiez « La Fidélité » à la radio et vous vous disiez Mais c'est quoi ce truc ? C'est qui ce mec ? Qu'est-ce qu'il raconte, là ? Qu'est-ce qu'il dit ? "Oh mon amour je crève de ne pouvoir te baiser" ? Il a vraiment chanté ça à la radio ?

Certes, pour tous ceux qui avaient entendu Boire auparavant, Baiser n'était déjà plus un électrochoc. Il enfonçait simplement le clou. Boire est meilleur, nettement. Il a cette pureté acoustique faisant que certains albums ne vieillissent jamais. Baiser ne fait pas ses vingt-cinq piges, mais quelques petites choses dans la prod sembleront un brin datées – en partie parce que ce disque, plus encore que son fameux prédécesseur, fut pompé à n'en plus finir par la suite. Sur le fond, Miossec pousse un peu trop les potards de la vulgarité par moments – si « La Fidélité » est un excellent exemple du choc esthétique que constitua son irruption dans le paysage musical de l'époque, c'est en revanche un titre assez peu représentatif de la richesse de cette langue, jamais si brillante que lorsqu'elle détourne la préciosité pour la confronter au réalisme le plus terre-à-terre (voir ces « lettres de repentir » sur lesquelles il convient de « tirer la chasse »). Qu'importe, puisque Baiser fait partie de ces albums dont mêmes les mauvaises chansons ont fini par devenir cultes. Les bonnes ? De « Ça sent le brûlé » à la reprise de Joe Dassin en passant par « Je plaisante », « L'Infidélité » ou la désespérément actuelle « On était tellement de gauche », ça pue tellement la sueur, la lose et la résignation que le seul terme qui vienne à l'esprit pour les désigner est bien entendu anglo-saxon : instant classic. Pas encore obsédé par la peur de devenir sa propre caricature3 et pas encore saturé de tous les tics de composition qu'on lui connaît aujourd'hui, le mec déboulait à chaque chanson comme un fou furieux, presque la bave au lèvres, pour nous raconter nos vies de merdes sans même les enjoliver un peu. C'était tout à la fois déplaisant et formidable, et la seule manière dont on pouvait imaginer se fâcher un jour avec ce nouveau super copain, c'était à la fin d'une soirée trop arrosée dont on aurait tout oublié le lendemain, bouderies incluses.

Bref (dit-il au bout de trois pages). Miossec réédite Baiser. Faites-vous plaisir si vous ne l'avez pas, rachetez-le d'occase à 5 balles, il se trouve facilement et les rayures ou le livret jauni lui vont parfaitement au teint. Vous n'aurez certes pas droit au super digibook, mais comme vous ne savez pas plus que moi ce qu'est un digibook, je pense que vous aussi pourrez vivre sans.


Baiser
Miossec | [PIAS], 1997


1. Quant à l'art et la manière d'écrire une bio d'artiste, profitions-en pour renvoyer à cet excellent papier paru sur Gonzaï pas plus tard qu'hier (amusant hasard de calendrier).
2. Notez que dans ma grande mansuétude, j'ai pris soin de corriger les fautes d'orthographe. Je n'ai pas le dossier de presse en main mais j'ai tout de même retrouvé les mêmes sur trois sites différents...
3. Car c'est bien là le triste fin mot de l'histoire : à partir de Brûle (2001), Miossec fait d'évidents efforts pour ne pas s'enfermer dans une formule ou un personnage. Or non seulement il ne parvient que rarement à l'éviter (rien ne ressemble plus à une chanson de Miossec qu'une autre chanson de Miossec), mais chaque fois qu'il y parvient, l'auditeur a plutôt tendance à le regretter...

19 commentaires:

  1. Je crois que cet article est absolument parfait. Dans l'éloge comme dans la cruauté.

    J'adore Miossec (je suis sûre que toi aussi, au fond) et, oui, ça fait longtemps que Miossec n'est plus Miossec... tout en étant beaucoup trop Miossec. Tu résumes parfaitement les choses.

    Tu as du courage d'accorder encore du temps aux nouveaux albums... Je les écoute par habitude, mais les oublie vite...

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    1. Hum, non, moi je les étale, les choses. C'est toi qui les résume parfaitement :-)

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  2. Office du Tourisme de Brest22 octobre 2022 à 14:19

    ***Un recommandé vous attend dans votre boite aux lettres***

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    1. Thomas,
      Sache que quoiqu'il arrive, la Normandie sera toujours prête à t'accueillir :-)

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    2. Je sais, la Normandie me réclame d'ailleurs très régulièrement (par la voix de ma mère, essentiellement). Mais moi, je ne veux pas retourner en Normandie, hein. Surtout en vacances. Et soyons clairs : ce n'est pas pour des raisons musicales (God Bless le Rock Normand!)

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  3. Ce texte est ta réponse à ceux qui t'avaient trouvé violent avec Weezer, c'est ça ? :)

    Enfin, Miossec ne mérite pas vraiment d'égard. La comparaison avec Dominique A est, en effet, aussi cruelle que juste (et je ne suis pourtant pas une grande fan de ce dernier...)

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    1. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de Dominique A, il y a des albums que je n'aime pas plus que ça, en revanche il ne m'a jamais fait m'étrangler ou m'exclamer "mais qu'est-ce que c'est que cette horreur ?!". Ses disques sont toujours très classes, très élégants... un peu trop parfois, d'ailleurs (c'est un autre débat). C'est vraiment un artiste pour lequel il me paraît très difficile de ne pas avoir un minimum de respect.

      Après, il est bien évident que le fait d'avoir été "à l'époque" bien plus fan de Miossec que de Dominique A joue dans le fait de vivre les déceptions de manière moins... brutales.

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  4. Je serais encore plus radicale que toi : pour moi Miossec, c'est Boire et le reste, c'est une chanson ici ou là. Ce registre lui allait parfaitement, il mettait en valeur ses qualités et faisait des forces de ses faiblesses. Mais depuis, il semble vouloir à tout prix faire de la pop, alors qu'il est très mauvais mélodiste. Peu importe le groupe, le producteur, l'arrangeur... Tant qu'il persistera dans cette direction, ça ne pourra pas fonctionner.

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    1. Tu y vas un peu fort quand même. Ce n'est pas un grand mélodiste, c'est certain, de là à dire qu'il est "très mauvais"...

      En revanche, tu as raison sur le fond. Miossec est un sans doute un artiste assez limité. C'est ce qui fait la force de ses premiers albums, mais c'est aussi ce qui fait qu'après presque trente ans de carrière il ait autant de mal à se réinventer. Quelle que soit la direction choisie, ce ne sera jamais la bonne. Mais ça c'est aussi une question de choix de collaborateurs (contrairement à ce que tu dis). J'ai la flemme de regarder dans tous les livrets, en plus je n'ai pas les derniers en éditions physiques, mais il me semble que Miossec travaille plutôt avec des arrangeurs qu'avec de vrais producteurs. Mets le entre les mains d'un John Parish ou de n'importe quel mec talentueux capable de lui dire Non, ce morceau-là c'est de la merde, celui-là tu l'as déjà fait quatre fois... à mon avis ce n'est pas la même limonade.

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  5. Un digibook c'est un CD dans un format livre relié. De rien :)

    Sinon moi j'ai toujours bien aimé Miossec. Je l'ai jamais autant aimé que d'autres donc du coup je le déteste moins que les mêmes aujourd'hui.

    Et tu vas gueuler mais je trouve ce texte un peu violent lol

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    1. Non car ce texte est bien violent, en un sens. Rien à voir avec la discussion d'il y a quelques semaines. Après bien entendu, je vais regretter qu'on ne semble pas avoir vu qu'il y avait aussi trois énormes paragraphes expliquant pourquoi Baiser était un album exceptionnel, mais ça fait partie du jeu.

      Très heureux d'apprendre ce qu'est un digibook. Je comprends mieux l'utilisation du terme, c'est vrai qu'écrire "au format livre" ou "avec couverture cartonnée", ça pourrait prêter à confusion ;-)

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    2. "je vais regretter qu'on ne semble pas avoir vu qu'il y avait aussi trois énormes paragraphes expliquant pourquoi Baiser était un album exceptionnel" -------> le problème est que, plus tu expliques pourquoi Baiser est un album "exceptionnel", plus tu expliques, en creux, pourquoi les 3/4 des autres, ne le sont pas. Mais c'est vrai, tu l'expliques très bien. Tout le passage sur l'écriture est très intéressant, et juste.

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    3. Oui, c'est pour ça que je concluais en disant que cela faisait partie du jeu ;-)

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  6. Mais arrête non, on aime bien Miossec! On l'écoutait tout le temps quand on était étudiants, on a même été le voir en concert!
    J'aime toujours Miossec moi, tu ne m'avais pas dit que c'était devenu ringard. Ses albums n'ont plus la même fougue ok, des fois les choix artistiques sont un peu étonnants je te l'accorde, de là à le détruire comme ça tu exagères un peu...

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    1. C'est toi qui exagères, je ne "détruis" personne. Je colle quelques petits taquets en passant mais en définitive, je rappelle (probablement mieux qu'il ne le ferait lui-même), à quel point Miossec fut un artiste important auteur de deux albums absolument essentiels. Il y a pire comme destruction, avoue-le. Tu me rappelles de très chouettes souvenir mais hé, c'était il y a vingt ans au moins. Nous n'en sommes plus là et Miossec lui-même n'en est plus là. Il n'a plus du tout le même statut qu'à l'époque. C'est un artiste établi dont chaque album est un vrai succès critique et public. Il se remettra de mes petits taquets, et toi tu ne t'en rappelleras même plus dans une semaine ;-)

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  7. Comme je bois ;) cet article!

    C’est marrant parce que j’ai réécouté "Baiser" il n’y a pas si longtemps. J’ai été déçu. Déjà parce que je l’étais ; ce deuxième album est la porte par laquelle je suis entré dans la musique de Miossec. Ensuite parce que, comme tu le dis, "Boire" est en soi inoxydable. Par sa forme, par son fond- tout le reste de sa disco n’est que redites. Entendons nous bien cela reste un bon album : mais tu l’as très bien résumé, « il enfonce le clou ». Il a le défaut majeur de passer après. Mais je me souviens de m’être amouraché du chanteur. Même si je n’étais pas totalement en âge de comprendre ce que racontaient ses chansons, Miossec ne se cachait derrière aucun effet de style. Il n’y avait rien à décoder, tout à prendre. Il parlait, on écoutait, on était conquis.

    Je me souviens d’avoir été triste en écoutant à leur sortie "A prendre" (qui contient tout de même encore quelques bonnes pistes) puis, surtout, "Brûler". Quelle déception que ce quatrième album qui donnait l’impression d’être sorti uniquement par obligation contractuelle. Je me souviens encore de l’écouter, et de l’écouter encore, en me disant « Non, tu dois être passé à côté du truc, ce n’est pas lui le problème, c’est toi ». Et de réaliser, en fait, que Miossec tournait en rond, tristement, comme l’on écouterait un vieux pochetron au fond d’un troquet ressasser ses mêmes rengaines. Je n’ai plus rien écouté après cela, et le peu que j’en ai entendu via les radios était assez pauvre. Pas digne du feu sacré qui irradiait Boire, son aspect râpeux, authentique, direct, blessé, splendide, magnifique, de ce feu qui nous avait tous consumé en notre for intérieur. Et clin d’œil appuyé pour ta mention à Guillaume Jouan qui, c’est certain, fut son meilleur binôme et maître d’œuvre...

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    1. C'est marrant parce que, comme souvent quand j'écris ce genre de long texte, j'ai tout réécouté ces derniers jours, et j'ai été très, très agréablement surpris par A prendre. Le souvenir que j'en gardais était que ça commençait déjà à décliner, que le disque avait été fait très vite après Baiser, que Miossec le détestait (il l'a dit cent fois au moins) et qu'en définitive, il n'avait pas complètement eu tort d'essayer de passer à autre chose après. Sauf que 25 ans plus tard... A prendre, a vachement bien vieilli et s'avère un album très solide, avec très peu de morceaux ne serait-ce que moyens. En revanche, c'est effectivement le dernier qui soit d'un tel niveau (et c'est aussi, ce n'est pas un hasard, le dernier avec Jouan). Là où Miossec a souvent dit y voir une autoparodie, je vois plutôt un genre d'album définitif, du genre après lequel tu as été au bout de quelque chose et tu dois soit tout arrêter, soit partir dans une direction complètement différente.

      J'imagine que Brûle était supposé être la seconde option mais effectivement, il inaugure surtout une période de trois/quatre disques où il y a autant de bon que de médiocre, avant que le médiocre ne prenne définitivement le dessus à partir de Chanson ordinaires en 2011 (qui pour le coup mérite vraiment le qualificatif d'autoparodie...)

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  8. Je suis peut-être le seul mais je préfère Baiser à Boire ( C’est bizarre à écrire comme phrase).
    Miossec perso je l’ai découvert, à l’époque, en vrac, parce que la politique de Ouï FM, semble-t-il, consistait à gérer tout son quota de diffusion de productions françaises les matins de Week-end, et du coup, du fond de ma torpeur adolescente matinale, j’entendais, en vrac, en ce début d’année 2000, plein de titres de baiser différents (la Fidélite, le Célibat, l’infidélité), qui ont fait que, des années plus tard, l’écoute de l’album dans son ensemble me donnait l’impression d’écouter un Best Of.(Je doute fort qu’autant de titres que ça soient sortis en single (digipack ou pas) à l’époque.
    (Et puis quand Brûle est sorti on avait droit à Brule tous les week end. C’était moins bien)
    Et puis redécouvrir l’album en 2008, dans un contexte émotionnel personnel adéquat… C’est un album dut mais tellement réussi. Une miroir cruel (parce que non déformant) sur la médiocrité dont on peut faire preuve. Une franchise absolu, une façon de parler de chose qu’on préfèrerait garder tues (le Mors au dents, la chanson qui te parle alors que tu aimerais que ce ne soit pas le cas). Et puis Miossec qui sait pas encore bien chanter mais qui du coup offre une sincère fêlure dans tout ce qu’il dit (des années plus tard, la facture d’Electricité sent autant le vécu qu’un film des frères Dardenne). Je ne suis pas un parangon de la sincérité à tout prix (j’ai plutôt tendance à considérer que l’apologie de la sincérité en musique est ce qui a tué le Rock), mais pour les thèmes abordés, c’est un indispensable.

    (Et puis - attention je vais parler de façon technique : côté arrangements, ils font des trucs bizarres avec leurs guitares qui donnent tellement corps au truc, et une unicité à chaque titre, que même à grands renforts de piano, de cordes ou de chœurs, on ne retrouve rien de si marquant sur les suivants)

    Pinaillage, mais réserve de ma part : passé « L’infidélité », j’ai comme l’impression de quitter un concept album ultra-cohérent et d’un coup j’ai trois titres que j’ai du mal à raccrocher au reste. Je peux même pas vraiment le justifier, mais bon. 5aussi, il lui a fait quoi le dernier couplet de Salut les amoureux à Miossec ? pourquoi le couper ? C’est lui qui donne son nom à la chanson !)

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    1. Rien que la superbe vanne sur "La Facture d'électricité", je surlike ce commentaire :-)

      (et pourtant je classe plutôt cette chanson parmi les réussites de sa disco post-années 90...)

      Si j'en crois Discogs (qui est la seule source à peu près fiable pour les artistes français) il y a eu trois singles extraits de Baiser, "La Fidélité", "Le Célibat" et "Salut les amoureux", mais si tu m'avais posé la question autrement et que je n'avais pas été vérifier, je t'aurais répondu qu'il n'y en avait eu qu'un seul, "La Fidélité". Trois est un chiffre qui me paraît énorme sachant que Baiser a eu une durée d'exploitation plutôt courte, A prendre étant sorti moins d'un an-et-demi après. Cela dit, si j'en crois cette fois-ci Wikipedia, Baiser a tout de même taper le Top 50, donc il n'est pas impossible que cet album ait eu beaucoup plus de succès à l'époque que le souvenir que j'en garde (pour moi, c'était plutôt à partir d'A prendre justement que Miossec dépassait le simple cadre du succès d'estime). C'est vrai que 1997, c'est à la fois le début de l'application de la loi Toubon et l'apogée du tristement célèbre "CD deux titres", les maisons de disques en chiaient des centaines chaque mois, donc en y réfléchissant ce n'est pas si improbable.

      Concernant "Salut les Amoureux", sachant qu'elle a à la base été enregistrée pour être le générique de fin d'un film dont le titre m'échappe présentement, sa durée a peut-être tout simplement été calée sur celle des crédits du film.

      Assez d'accord avec ton pinaillage, même si à mon sens ce sont surtout "La Guerre" et "Le Critérium" qui dénotent. A propos de cette dernière, d'ailleurs, on pourrait dire rétrospectivement qu'elle annonçait assez clairement la suite puisque dès son deuxième album, Miossec faisait déjà plus ou moins un remake d'une chanson du premier. Avec le recul ça paraît tout de même dingue que personne dans le groupe ne se soit dit "attends, on a pas déjà fait ça y a pas longtemps, la métaphore du sportif un peu loser ?..."

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