[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°89]
The Velvet Underground - The Velvet Underground (1969)
Pardonnez-moi mes frères parce que j'ai péché. Sacrément, même. I've fuckin' sinned, carrément.
En trois ans de blogging je n'ai écrit qu'un seul article sur un des mes groupes préférés de tous les temps, et c'était rien que des choses horribles, des choses dont je rougis encore rien que d'y penser. Non que je me sois livré à un grand exercice de gaudriole rock-critic en tabassant un classique, non non - je laisse ce genre d'exercice aux pervers comme Christophe ou G.T. Je n'enlèverai pas un mot de ce que j'ai écrit à propos de White Light / White Heat... sauf que j'ai quand même péché. En chroniquant un album qui ne m'avait jamais fait de mal - d'autant moins en fait que je ne l'écoute guère qu'une fois tous les deux ans (et seulement bourré les années impaires).
Alors aujourd'hui... il est temps de faire pénitence : oui, le Velvet Underground est le plus grand groupe de tous les temps. Juste avant ou juste après les Beatles, selon mon humeur du jour. Aujourd'hui bien sûr il est avant. Et The Velvet Underground est le meilleur album des années soixante, juste après Revolver. Ou des fois juste avant, ça dépend. Disons que c'est le meilleur chaque fois que je l'écoute. Un album qui s'inscrit dans une des sous-catégories les plus célèbres du MDAMERQAM : celle des albums que j'ai achetés par erreur. Car figurez-vous qu'en fait, j'étais persuadé ce jour-là d'avoir acheté le premier. Celui à la banane. Dont j'ignorais alors évidemment la particularité fruitesque le rendant (théoriquement) immédiatement reconnaissable (à ma décharge je ne devais guère avoir plus de quinze ans). C'est donc tout heureux que je rentrai chez moi avec sous le bras ce que je croyais être le mythique album du Velvet Underground... hein ? Qui ça ? John Cale ? C'est qui c'ui-là ?
Une anecdote adolescente comme il y en a des milliers mais qui a pourtant le mérite (comme je l'avais déjà souligné à propos d'une mésaventure similaire) de remettre les choses à niveau. Non, il n'est pas toujours nécessaire de connaitre l'histoire de la musique et le contexte pour l'apprécier. La comprendre, c'est autre chose. Mais l'apprécier... ça peut tout à fait se faire avec une paire d'oreilles et un peu de bonne volonté. Ce qui ne signifie évidemment pas qu'il suffit de piocher un disque au pif et de voir ce que ça donne - il est même chaudement recommandé de réfléchir avant d'acheter un disque (et pas uniquement à son prix)... acte auquel nos contemporains ne se livrent hélas que trop peu.
J'avais pour ma part mûrement réfléchi à mon envie de découvrir ce monument du rock... aussi ai-je été pour le moins surpris de tomber sur un disque particulièrement pop et chaleureux, loin de la noirceur sauvage qu'on m'avait vendue dans mon pack Velvet Underground + Stooges = tu seras un homme mon fils (façon de parler... mon père ne m'aurait jamais refilé un truc pareil - Dieu sait ce qu'il écoutait en 1969... peut-être rien d'ailleurs). Vicieux, le Velvet ? Quelle bonne blague. Faut dire qu'à l'époque, je ne comprenais pas les paroles (et je vous jure que "Some Kinda Love" sans les paroles... c'est pas du tout pareil !). Rock ? Tout au plus doo-wop (je déconne - je n'avais bien entendu pas la moindre idée de ce qu'était le doo-wop). Un truc de vieux, d'ailleurs sur la pochette les mecs étaient vautrés dans un canapé. CQFD.
Et pourtant... cékuhef que dalle. Parce qu'au bout d'une dizaines d'écoutes, j'étais littéralement en transe. Hypnotisé par la voix de Lou Reed, que je trouvais merveilleuse, surtout sur "Candy Says"... dont j'appris quelques années plus tard qu'elle était chantée par Doug Yule, ce gros naze qui eut le culot de sortir un album du Velvet sans aucun des membres du Velvet. Pas sûr que j'aurais aimé "Candy Says" comme je l'aime encore aujourd'hui si trente ans de préjugés rock avaient accompagné mon achat de l'album. Et sûr en tout cas que je n'aurais jamais investi plus tard dans Squeeze, et encore un peu plus sûr que je n'aurais pas écrit ce que je m'apprête à écrire : "Squeeze est un très bon disque pop, que je vous recommande."
Mais revenons à The Velvet Underground, album lumineux qui pourra sembler loin de la noirceur de ses prédécesseur. C'est là tout le vice de Lou Reed, son véritable génie même , peut-être, expérimenté par le passé avec "Sunday Morning" ou "There She Goes Again" et qui deviendra plus tard sa marque de fabrique : nous laisser croire que nous sommes en face d'une chanson pop inoffensive tandis que par derrière, le Cosney Island Baby distille son venin. Dégoût de soi et solitude à tous les étages ("Candy Says" en tête), confusion sexuelle permanente ("Candy Says" encore - Candy est un travelot, "Some Kinda Love")... hormis les deux ballades ("Pale Blue Eyes", plus tard magnifiée sur le Take No Prisoner de Reed ; et "Jesus", moment de dénuement poignant subitement jailli dont on ne sait où) l'ensemble reste sacrément torturé, quand bien même les sons ne le sont plus guère (la pièce montée "The Murder Mystery" pouvant être reçue comme une version light et audible d'un titre comme de "The Gift"). "Beginning to See the Light" et son titre trompeur peuvent bien être vus par quelques uns comme une ritournelle folk joyeuse - ça n'en restera pas moins un titre à la gloire d'un quelconque trip hallucinogène (dans le meilleur des cas - dans le pire c'est une agonie). Idem pour "I'm Set Free", qui en dépit d'une mélodie suave et d'une montée en puissance exsudant l'espoir s'achève sur l'ambigu "And now I'm set free to find a new illusion"...
... bien sûr je n'ignore plus rien, aujourd'hui, des innombrables reproches qu'on fait à cet album (mollesse, chansons très conventionnelles, blablabla). Après deux albums révolutionnaires voilà que Lou Reed se mettait à révéler un goût jusqu'ici insoupçonné pour les chansons au coin du feu, façon "That's the Story of My Life" ou "Pale Blue Eyes" (qu'on imagine volontiers interprétée par un cowboy en live de son rocking-chair). Et puis John Cale venait de partir (il s'apprêtait d'ailleurs à publier le monumental Vintage Violence)... The Velvet Underground, du coup, était un album des Beatles sans Lennon, en quelque sorte. Evidemment avec le recul tout cela semble très drôle - quoiqu'on ne puisse nier que The Velvet Underground marque effectivement un tournant "pop-rock" dans la carrière de Lou Reed (qui évoluera dans ce format basique durant les trois quarts de sa carrière solo). Parce qu'en réalité, quand on découvre ce disque aujourd'hui, on n'a pas spécialement l'impression que John Cale manque. Bien au contraire ! Il se dégage de The Velvet Underground une simplicité et une spontanéité qu'on ne retrouve jamais sur les deux classiques qui l'ont précédé. En fait... il sonne tout bêtement comme un debut-album, enregistré par des gosses plein d'entrain et motivés par la seule envie de jouer ensemble (avec un titre chanté par Yule, un par Tucker et un titre à quatre, The Velvet Underground est sûrement l'album le plus "collectif" du groupe... même si Lou continue de tout composer). Encore un coup du célèbre vice de Lou Reed ? On sait bien désormais qu'en coulisse il n'en était rien, que Moe et Sterling commençaient à ne plus pouvoir supporter la mégalomanie de leur leader, que Yule découvrait qu'il avait été recruté pour son manque de charisme et que Cale, quoiqu'officiellement parti depuis des mois, passait régulièrement dire bonjour (sans doute histoire d'être sûr que son ombre plane dans le coin).
Il est d'autant plus étonnant que le groupe ait réussi à extirper un album aussi parfait d'un tel contexte. On sent certes que l'équilibre est fragile... mais pour l'heure, il tient. Et il tiendra encore le temps d'un album, encore différent des trois autres, le racoleur et génial (!) Loaded. On en parle bientôt, juré.
Trois autres disques pour découvrir The Velvet Underground :
The Velvet Underground & Nico (1967)
Loaded (1970)
1969 : The Velvet Underground Live with Lou Reed (live / 1974)
...
ouais je suis encore premier!!!!
RépondreSupprimertiens cette histoire de banane ça me rappelle que j'ai toujours de la chantilly dans le frigo...
deuxième comm' où je renie ma nature premièreet mon premier comm'... snif
RépondreSupprimerAyant découvert le Velvet par l'achat simultané des 3 premiers albums, ma perception quant au troisième album éponyme est quelque peu différente.
Ah l'album "gris" du Velvet, un parfait contre pied après la fureur blanche du précédent LP (rapport au bruit blanc... car il me paraitrait assez curieux de trouver WL/WH comme un disque lumineux... quoique...). Un disque qui lui eu une influence dantesque par la suite, encore que marrant tout de même qu'on est dû attendre les 80's pour voir se poindre officiellement son importance (enfin avec le recul c'est l'impression que j'en ai... faudra de demander à KMS si ce disque a eu droit un coup de projecteur durant les 70's).
Bref un incontournable où pop ne rime pas forcément avec niaiserie... yeah rock'n'roll!
Je ne suis pas certain qu'il ait eu un retentissement particulier à l'époque (moins que Loaded, en tout cas)... d'ailleurs la plupart des gens que je connais qui étaient de simples "amateurs de rock / pop" à l'époque (et non des auditeurs pointus comme nous autres) n'ont entendu parler du Velvet que parce que Lou Reed est devenu célèbre en solo...
RépondreSupprimeroui c'est bien ce qu'il me semblait. Mais je préférais prendre mes précautions lol
RépondreSupprimerSinon l'album caché du Velvet sorti en 85 sous le nom de "VU" dont l'enregistrement coïncide entre la période "WL/WH" et l'album "gris", permet aussi un bel éclairage. :)
Que dire...
RépondreSupprimerMon préféré reste le premier - car celui avec lequel j'ai découvert le Velvet -, et celui que j'écoute le plus reste Loaded - car le plus... le moins "prise de tête" disons, très "classique" en fait.
Mais celui - ci... il est juste incroyablement beau. "Pale Blue eyes" est une chanson à chialer, et peut-être une des plus belles que j'aie jamais entendue. Complet, fascinant... un putain de grand album...
Sinon, pour des choses qui tiennent plus du "Détail" dans la chronique, tout à fait d'accord avec ce que tu dis sur "Squeeze"... (Caroline: premier titre du Velvet jamais entendu en connaissance de cause (sinon c'est Sunday Morning ... on précisera pas les circonstances, on les devine aisément)).
Et mention spéciale au " cékuhef que dalle , j'adore.
Guic >>> Une pub ?
RépondreSupprimerDoc >>> C'est vrai que VU est fabuleux, lui aussi très spontané, "She's My Best Friend", notamment, jamais entendu un truc sonnant autant "urgence rock'n'roll adolescente"...
On ne précisera pas les circonstances, ai-je dit! ;-)
RépondreSupprimer(Bon, en meme temps, mes premiers contacts avec Bowie...)
OH NON ! Quand même la pub Vittel !!!
RépondreSupprimerSi je ne suis pas totalement fana du Velvet (oui, je sais, c'est le genre de choses à ne pas dire, je ne respecte même pas les règles du guide du rockeur...) c'est parce que dès le départ, le Velvet m'a déçu... j'adore les musiques sombres, le "Velvet Underground" était un nom magique et génial, ce que j'entendais dire sur eux me fascinait... mais ces grandes promesses ont entraîné une grosse déception... déjà, il y avait cette pochette que je trouvais très vilaine et très loin de l'univers que j'imaginais (une banane... et pourquoi pas un poireau... ou une pastèque...)
RépondreSupprimeret le Velvet s'est avéré beaucoup moins sombre que je l'espérais... et même souvent trop "gentillet"(musicalement, s'entend... tu sais à quel point les paroles sont secondaires pour moi) Certes, il y a des titres plus sombres, comme Venus In Furs, une de mes chansons favorites de tous les temps... et quelques autres... mais beaucoup moins de noirceur que ce que j'attendais... tout ça, ce n'est pas juste pour parler du Velvet en général et éviter l'album dont il est question, mais pour expliquer pourquoi je suis encore moins fana de cet album-ci que du premier et de WL/WH...
Et pourtant, j'aime beaucoup cet album, comme j'aime beaucoup tous les albums du Velvet, et comme j'adore le groupe... mais voilà, il y aura toujours cette "déception de départ", ce petit quelque chose qui fait que j'ai de légères réserves sur le Velvet...
(et ne te laisse pas gagner par le côté obscur de la snobitude, le plus grand groupe, qu'on le veuille ou non, c'est les Beatles, et puis c'est tout...)
tant qu'à faire, autant les mettre tous, il n'y en a pas tant que ça :-)
RépondreSupprimerje les aime tous, et pour des raisons différentes,
chacun a un esprit différent,
depuis quelques temps ma tendresse va plus à "the velvet undeground" (celui se termine par la voix flutée de moe tucker sur "after hours"),
et à Loaded dont je suis tombé amoureux dès les premières secondes sans jamais lui être infidèle :-)
les autres, ça dépend (la compilation d'inédits, dont Mr Rain, vaut aussi le coup), mais voilà un groupe qui a eu le bon goût d'inventer et se renouveler puis splitter avant de se répéter, merci les gars :-)
G.T. >>> je comprends très bien ce que tu veux dire sur la déception, tu t'en doutes. Mais bon... tu es aussi assez grand pour savoir que c'était un rock extrêmement sombre et décadent... pour l'époque :-)
RépondreSupprimerArbobo >>> absolument d'accord avec toi. J'aurais en effet pu tous les mettre... mais ça m'intéressait moins d'écrire un énième truc sur le premier, je ne voyais pas quel angle je pourrais trouver qui me sois personnel. Après faire un article juste sur VU et Loaded, ç'avait quand même plus beaucoup de sens.
Bon alors je vais faire simple, ceci est un des trois plus grands disques de tous les temps (dois-je préciser que les deux autres sont VU+Nico et White light white heat). De toute manière le Velvet étant le plus grand groupe du monde de l'univers et au-delà...
RépondreSupprimerJe le connais pas coeur et il m'étonne toujours. Plus de la moitié des groupes indies depuis 20 ans et plus courent derrière cet album.
Et présision pour Squeeze, c'est un bon album pop de Doug Yule mais EN AUCUN CAS un album du Velvet même si le nom est marqué dessus.
suis trop jeune pour écouter ca... on verra dans 20 ans....
RépondreSupprimerKMS >>> tout à fait d'accord (évidemment). La discographie entière d'Iron & Wine tient dedans, en fait.
RépondreSupprimerXavier >>> si ç'avait été une blague je crois que ça m'aurait beaucoup fait rire :-/
Bon, il semblerait qu'on ait été victimes d'un phénomène télépathique, merci à Guic' de m'en avertir ce qui m'a permis de retrouver le Golb exilé (merde, mais où étais-je depuis toutes ces semaines???). Rien à ajouter, donc, vraiment... Mais c'est un plaisir de recommencer à te lire.
RépondreSupprimerC'est marrant, tu n'es pas le premier à me dire ça... alors que pourtant c'était marqué en gros sur Le Golb :-)
RépondreSupprimerj'adore cet album! D'ailleurs, vous avez écouté la reprise de Candy says par Antony (sur Animal Serenade?) brrr
RépondreSupprimerLe fait qu'Anthony Hegarty chante Candy says avec la bénédiction de Lou Reed (qui, étant un grand pervers, n'y ait pas pour rien) s'appelle une mise en abime puisque que la photo de la pochette du 2ème album d'Anthony représente Candy Darling dont il est question dans la chanson (la même que celle qui ne perd jamais la tête even when she was giving a head dans Walk on a the wild side du même Louis Raide) et que justement Anthony a quelques problèmes existentiel avec sa masculinité d'où la totale identification de l'Anthony sur cette chanson sur Animal Serenade et cette reprise est la seule raison valable d'acheter cet album.
RépondreSupprimerBref.
Merci de votre attention.
Merveilleuse reprise, indeed.
RépondreSupprimerBBB.
quelle érudition KMS!
RépondreSupprimerTiens en même temps "n'y EST pas pour rien" c'est tellement mieux pour les yeux.
RépondreSupprimerAttend Thom, faut pas déconner, y'en a meme un qui a une moustache!
RépondreSupprimerXavier >>> Nick Cave aussi ;-)
RépondreSupprimerKMS, BBB. & Boeb'is >>> en fait "Candy Says" fait partie des rares morceaux que je ne supporte pas t'entendre repris. Ca me hérisse ! La version d'Antony est jolie, mais ce n'est pas pareil. Celle de Beth Gibbons est franchement bof (pourtant c'est Beth Gibbons, hein, pas Patricia Kaas...). En fait même les reprises par Lou Reed, je ne les aimes pas trop (celle sur Berlin Live, mouais, bof, faudra quand même un jour qu'on m'explique pourquoi fait exprès de mal chanter en live... surtout que je l'ai vu sur cette tournée et qu'il chantait normalement ce soir-là...)
Vous l'avez dit, Thom : parce qu'il est tellement vicieux!
RépondreSupprimerBBB.
Super album, bien sur. au fait en parlant d'Antony, t'as écouté le dernier ?
RépondreSupprimerAh ah... réponse dans le CDG !
RépondreSupprimer?
RépondreSupprimerIl n'est pas dans le cdg !
Oups oui... en effet ! Tu me diras, c'est déjà une réponse :-)
RépondreSupprimerSuper rubrique et les articles sont excellents.Mais où sont les numéros avant le 89?
RépondreSupprimerC'est ICI
RépondreSupprimerIl y a un certain temps, j'ai lu l'autobiographie de John Cale, intéressante et les photos sont superbes, selon mon opinion.
RépondreSupprimerC'est un très bon bouquin, en effet.
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